724 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 juillet 1790.] lettres écrites à ce sujet, au ministre de la marine, sont restées sans réponse *, et leurs sollicitations réitérées auprès de lui n’ont produit aucun effet. Ainsi, quand le cri de liberté se fait entendre dans tout le royaume ; quand les bras de tous les Français sont armés pour la défendre, seuls étrangers à vos bienfaits, seuls privés des avantages de la Révolution, les citoyens de couleur sont arrêtés dans l’exercice du premier, du plus sacré de leurs droits, d’un droit que tout homme reçoit avec la vie, celui d’errer à sa volonté sur la surface du globe ! Et le gouvernement, instruit, témoin de ces attentats, les voit d’un œil indifférent 1 II refuse de protéger, de forcer l’exécution de la loi ! Il reste neutre entre le puissant qui opprime et l’infortuné qui réclame inutilement son secours et son autorité ! Les citoyens de couleur ne chercheront pas à pénétrer les motifs de cette inaction ; ce n'est plus sans doute le prétexte allégué par le ministre de la marine dans sa lettre du 1er janvier 1790. « Le pouvoir exécutif, disait-il alors, ne peut, « sur les sollicitations des citoyens de couleur, « enjoindre aux armateurs de leur donner pas-« sage, sans attenter aux droits et à la propriété « de ces derniers, qui sont absolument maîtres « de disposer à leur gré de leurs bâtiments et d’y « embarquer ou de n’y pas recevoir qui bon leur « semble. » Cette objection, si elle en fût une, dans aucun temps, sous le règne de la liberté, disparaît entièrement aujourd’hui. Ce n’est plus de la part des armateurs que les citoyens de couleur éprouvent de la résistance. Celui avec lequel ils ont traité s’est engagé à les passer à Saint-Domingue. Il les presse même d’exécuter leurs conventions; il réclame, par leur bouche, contre les actes arbitraires et mystérieux qui le retiennent au port. Ainsi, victimes d’un pouvoir qui craint évidemment de se montrer, repoussés par le gouvernement qui refuse d’écouter leurs plaintes, les citoyens de couleur ne peuvent que recourir à l’Assemblée législative; elle seule a le droit de juger tout à la fois, les infracteurs et les dépositaires de la loi. Oui, Messieurs, c’est à vous à prononcer; c’est à vous à déclarer si le pouvoir exécutif doit se taire et rester inactif, lorsque la loi est méconnue, lorsque ses agents se permettent de la violer ouvertement ; c’est à vous, c'est à votre justice à décider si les colons blancs qui, dans un temps, ont mis en problème : si les citoyens de couleur doivent être comptés au rang des hommes , ont encore le droit de les vexer impunément, de leur interdire ce que lâ loi leur permet, d’attenter à leurs personnes, à leurs propriétés, de les retenir dans le royaume, de régler à leur gré les actes les plus indifférents de leur vie ; ou plutôt, Messieurs, c’est à vous à prononcer s’il existera toujours une distinction humiliante et barbare entre les blancs et les citoyens de couleur ? Signé : Honoré, Aza Colomba, Colom, Baptiste Lanon, P. du Souchet, P. Poizat, Saint-Albert, Fleury, Roland Audio, F. du Souchet, P. Morcelle M. Defermon présente une adresse de la municipalité de Rennes, qui rappelle son attachement à la Constitution, son désir d’en assurer les effets, et que sa contribution patriotique s’élève à plus de 600,000 livres. Elle observe que, depuis longtemps, ou est convaincu de la nécessité d’avoir un établissement d’artillerie à portée des côtes de l’Océan; que différents motifs ont éloigné l’exécution de ce projetât qu’aujourd’hui ces motifs n’existent plus. Que la ville de Rennes, par sa situation, paraît réunir tout ce qui est à désirer pour former cet établissement dans son sein ; et elle espère que le grand avantage qui en résultera pour le service public, déterminera l’Assemblée à lui procurer cet établissement. M. de Folleville dit que cette affaire n’est pas du ressort de l’Assemblée, qui ne peut entrer dans tous ces détails, et que la réclamation de la ville de Rennes doit être renvoyée au pouvoir exécutif. Ce renvoi est prononcé. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angèly), secrétaire , lit une adresse des gardes nationaux de la ville d’Estoges, datée du 24 juin, l’an deuxième de la liberté ; cette adresse témoigne le désir qu’ils auraient de réunir dans leur ville tous les papiers incendiaires, opposés aux principes de la Constitution pour les réduire en cendres ; Une autre adresse de la société des amis de la Constitution de Châlons-sur-Marne, qui applaudissent à leur administration actuelle, et à la vente des biens du clergé; Une délibération d’un grand nombre de curés du diocèse de Lyon, archiprêtre de Courlieux, qui promettent d’observer et faire observer les décrets de l’Assemblée nationale, et de les faire respecter par leur exemple et leurs instructions ; Une soumission du district de Saint-Brieuc, d’acquérir pour deux millions de biens nationaux ; Une adresse de la société des amis de la Constitution de Charolles, qui blâment, dans les termes les plus forts, les signataires et colporteurs de libelles, déclarations ou protestations contre les décrets de l’Assemblée nationale ; Une adresse des ecclésiastiques du district de Valence, qui improuve toutes protestations contre les décrets de l’Assemblée nationale. Une adresse des amis de la Constitution de Nancy, ainsi conçue : « Messieurs, « Un des fruits heureux de la grande Révolution, l’ouvrage de votre héroïsme, est la formation des sociétés patriotiques , singulièrement dévouées à l’étude et au maintien de vos décrets immortels. « Dans le sein de ces sociétés nées de la liberté que votre sagesse a recréée, l’égalité que vous avez rendue aux hommes règne dans toute sa pureté. Le cœur s’embrase du feu céleste du patriotisme ; l’âme se livre tout entière à ces deux transports qu’inspirent à tout vrai citoyen les bienfaits inappréciables des législateurs de l’Univers. « Dans le sein des mêmes sociétés se nourrit l’amour des lois et la haine des abus, l’attachement inaltérable aux principes fondamentaux des sociétés et le mépris de tant de préjugés barbares qui désolèrent si longtemps l’espèce humaine. « La société des amis de la Constitution établie à Nancy s’est efforcée, jusqu'à présent, de remplir le but d’une institution si salutaire ; elle s’est fortement attachée à ces lois sublimes, dont la nation opprimée avait besoin depuis si longtemps. Que ne doit-elle pas à vos travaux dont la continuité pénible, faite pour épuiser les forces des [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 juillet 1790.] 725 hommes ordinaires, semble donner chaque jour aux vôtres une nouvelle énergie ! « Dans les premiers instants de sa naissance, notre société vous offrit l’hommage de son respect, de sa soumission, de son adhésion absolue à tous les décrets de l’auguste Assemblée nationale. « Tout ce que la reconnaissance et l’admiration peuvent exciter d’émotions vives, nous les éprouvions, Messieurs, sans qu’il nous fût donné d’en exprimer toute l’étendue. « Mais depuis cette, époque, Messieurs ; depuis le commencement de cette année mémorable à jamais, que de nouveaux prodiges votre sagesse a opérés ! Combien de préjugés, d’erreurs, d’abus immolés au salut de la patrie 1 Combien de triomphes ajoutés à de nouveaux triomphes, de bienfaits à de nouveaux bienfaits ! De combien d’hymnes, de remerciements et de concerts de louanges n’a pas retenti chaque jour la France entière. « C’est parmi nous, surtout, législateurs augustes, c’est dans nos assemblées qu’a été vivement senti le prix de vos travaux. « Nos cœurs ont été émus des mêmes impressions qui ont fait éclore tant d’adhésions missives, où l’éloquence déploie toutes ses richesses et le patriotisme toute sa chaleur. « Daignez, Messieurs, agréer les nouveaux hommages d’une société qui ne subsiste que par vous et dont le bonheur est de seconder, autant qu’il est en elle, tout ce que vous exécutez pour le bien de l’Empire. « Rien ne ralentira son zèle, ni les calomnies lâches, ni les menées sourdes pour décrier ses démarches, pour empoisonner ses actions les plus louables, ni tous les efforts des ennemis d’une Révolution, le salut de la France, l’étonnement de l’Europe, le désespoir des tyrans. « Daignez aussi, Messieurs, laisser tomber sur cette société un regard favorable et donner, par votre approbation de cet établissement et de ceux du même genre, des encouragements au patriotisme et un appui de plus "à cette Constitution sainte, à ces lois salutaires que tout bon Français soutiendra toujours au péril de sa vie. « Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très dévoués compatriotes. « La Société des amis de la Constitution à Nancy, Signé: filaise, président; Mathieu et Zangia-comi, secrétaires. » (L’Assemblée applaudit aux sentiments patriotiques exprimés dans toutes ces adresses et délibérations.) M. de Broglie, député d'Alsace, lit une adresse de l’Assemblée électorale du département du Haut-Rhin, qui témoigne sa reconnaissance et son adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale dans les termes les plus forts et les plus énergiques. L’Assemblée nationale, en applaudissant au patriotisme qui a dicté cette adresse, ordonne qu’il en sera fait mention honorable dans son procès-verbal. M. d’Elbecq lit une adresse de la commune de Bourgheile, district de Lille, département du Nord, qui adhère à tous les décrets de l’Assemblée, et jure de traiter comme ennemis du bien public tous ceux qui oseraient écrire ou parler contre eux. On introduit une députation de la commune de Ris , qui s’est empressée de venir rassurer l’Assemblée sur les suites des troubles élevés dans ce lieu, en lui apprenant leur cessation par les soins de la municipalité et des officiers de la garde nationale. M. le Président répond aux députés en ces termes : « Les désirs et les travaux de l’Assemblée na - tionale n’ont d’autre but que de procurer la paix et l’union entre les Français; faire tous ses efforts pour en assurer la durée dans l’Empire, c’est son unique soin. Elle voit avec satisfaction que vous vous êtes empressés de seconder ses vues, et que vos efforts ont été couronnés du succès : elle vous permet d’assister à sa séance. » Les sous-officiers et soldats du régiment de Forez, en garnison à Saint-Servan, ont offert à la patrie le don d’une somme de 500 livres. M. le Président lit une lettre des officiers municipaux de la ville du Havre, qui apprend l’arrivée de cent trente-trois hommes du régiment de la Guadeloupe, venus de Tabago en France, à bord du vaisseau de Patty-Wand Worth , et annonce que le navire le Lion , attendu d’un jour à l’autre, amène 124 hommes du même régiment. Ils ajoutent qu’ils se sont concertés avec le commandant de la place et l’intendant de la marine, pour tenir les troupes à bord sous garde citoyenne et militaire, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. L’Assemblée renvoie cette affaire au pouvoir exécutif, et décrète que son président écrira à la municipalité du Havre, pour lui témoigner sa satisfaction de la sagesse des mesures qu’elle a prises. M. Bouche, membre nouvellement adjoint au comité pour l'envoi des décrets, demande à proposer plusieurs articles sur cet objet. Messieurs, il est essentiel que les décrets ne soient pas présentés à la sanction sans avoir été collationnés. 11 est impossible de les emporter du bureau des procès-verbaux, attendu que dans le même moment où l’on en a besoin les commis les transcrivent, de manière qu’on les envoie aux archives sans avoir été comparés aux originaux ; pour accélérer la vérification et l’envoi, il est nécessaire de savoir quel jour on les porte à la sanction. Il importe également d’empêcher que les décrets restent à la sanction plus de temps qu’il n’est nécessaire au bien public. Quand vous relirez vos décrets vous serez surpris des changements considérables que vous y trouverez , je pourrais en citer plusieurs, et de même si vous vérifiiez les minutes de vos procès-verbaux, vous en trouveriez très peu qui fussent signés par les ex-secrétaires. Vous sentez les inconvénients qui résultent d’une pareille négligence. Je vais donner lecture d’un projet de décret. M. Malouet. Je suis membre du comité et je témoigne mon étonnement de n’avoir eu aucune connaissance du projet de décret qu’on vous propose. Les autres membres du comité seraient-ils dans le même cas ? c’est un fait à éclaircir. Je ne m’oppose pas à l’adoption du décret, mais je trouve que la forme en est mauvaise et surtout que les mots d'inspection de sanction sont inadmissibles. La sanction du roi doit être libre;