[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAÎBJES. (17 ami 1790.] 95 garde nationale parisienne, la division de la cavalerie, se présente devant vous par ses députés de tous les grades. « Elle suit la foule des bons citoyens qui accourent de toutes les parties de la domination française, et viennent apporter ici, sur l’autel de la liberté, leurs offrandes patriotiques. « A cet autel élevé par vos mains, Nosseigneurs, et sans cesse environné par la reconnaissance des peuples que vous avez affranchis, s’attacheront désormais les heureuses destinées de cet empire, comme on prétend qu’autrefois, à l’autel de la victoire, élevé dans le sénat de Rome, et sans cesse environné par la terreur des peuples vaincus, Rattachaient les destinées de l’empire romain. « Ce n’est point par un défaut de zèle, c’est, au contraire, par une suite de nos précédents efforts pour le succès de la cause commune, que notre corps, tout nombreux qu’il est, n’apporte ici que la modique offrande de 2509 livres. « Cette cavalerie volontaire, quoique soldée, s’est formée en peu de semaines, s’est armée et montée par un effort général et subit de presque tous les citoyens qui la composent, et qui tous, chacun dans leurs différents services, ont bien mérité de la patrie à l'époque de la Révolution ; tous se sont unis dans les mêmes sentiments de soumission à vos décrets, de fidélité à la loi et au roi, d’obéissance à votre illustre collègue, que le choix unanime de la commune de Pans, choix applaudi de toute la France, nous a donné pour général. « Et aujourd’hui, Nosseigneurs, notre véritable offrande est celle de notre vie; nous l’emplojrons tout entière et nous la sacrifierons, s’il le faut, au double devoir qui nous est imposé, celui de contenir ou de réprimer la licence, celui de maintenir OU de défendre la liberté. » M. le Président répond : « Messieurs, la garde nationale parisienne acquiert sans doute de nouveaux droits à la confiance des peuples, lorsqu’après avoir assuré, par son courage, la liberté publique, elle vient journellement, dans cette Assemblée, protester de son obéissance et de sa soumission à la loi. L’Assemblée nationale reçoit avec satisfaction les expressions et l’hommage de votre patriotisme; elle vous permet d’assister à sa séance. » Le maire de la commune de Neuf-Brissac, admis à la barre de l’Assemblée nationale, fait, au nom et en qualité de député de cette ville, le discours qui suit : « Nosseigneurs, la commune de Neuf-Brissac a l’honneur de vous députer son maire, nouvellement élu, pour vous porter l’expression de son respect et de son dévouement,, et pour déposer sur l’autel de la patrie, un don médiocre, il est vrai, mais analogue à ses moyens. « La même ville réclame de votre part un regard favorable; si tous les citoyens ont un droit égal à votre bienveillance, nous pouvons compter sur le succès d’une juste demande. « Un exposé clair et précis de notre situation a été remis entre les mains de la plupart des membres de cette auguste Assemblée; craignant d’abuser de vos moments, je me borne à vous prier de nous accorder une école nationale, en indemnité des pertes que nous faisons de nos privilèges par la nouvelle constitution : notre demande est d’autant plus fondée, qu’elle est appuyée de l’avis, non seulement des députés de la province, mais encore revêtue de la promesse du comité de constitution, de remettre sous les yeux de l’Assemblée nationale la justice de cette demande. « Je me félicite, Nosseigneurs, d’avoir été aujourd’hui l’organe des sentiments de mes compatriotes. » M. le Président répond : « Monsieur, toutes les parties de l’empire franr çais sont animées du même patriotisme, et toutes sont également chères aux représentants de la nation, L’Assemblée nationale reçoit avec satisfaction l’hommage que vous venez lui rendre au nom de la commune de Neuf-Brissac; Elle prendra en considération l’objet de votre demande; elle vous permet d’assister à sa séance. * Divers membres demandent que le discours de la division de la cavalerie de Paris et le discours du maire de Neuf-Brissac soient insérés dans le procèà-verbal ainsi que les réponses du président. Getle insertion est ordonnée. M. Rewbell se plaint de ce que la municipalité de Schlestadt, en Alsace, a fait emprisonner et a même condamné a mort quelques personnes pour avoir contesté la validité de l’élection des ofliciers municipaux. U demande que M, le président soit autorisé à se retirer par devers le roi pour le supplier d’ordonner qu’il soit sursis à toute procédure relative à cette affaire. (On demande à aller aux voix.) M. le vicomte de H|ipnbe«i«, H paraît que les séances du soir ressemblent aux audiences de sept heures du parlement. Nous allons juger sans entendre les parties : il doit y avoir des pièces probantes. Je demande que cette affaire soit ren-vpyée au comité des rapports. Le décret suivaot est rendu sur cette affaire : « L’Assemblée nationale a décrété que son président se retirera par devers le roi, pour supplier Sa Majesté de donner des ordres prompts, à l’effet de surseoir à toute instruction ultérieure et à toute exécution de sentence, s’il en avait été rendu, dans la procédure commencée à Schlestadt, par les ofliciers municipaux dudit lieu, contre les sieurs Streicher, Ambrusler, Fuchs et autres citoyens emprisonnés, et faire ordonner incessamment l’apport des pièces de ladite procédure, pour être remises au comité des rapports. » M. le marquis de Lancosne demande de s’absenter pendant quinze jours ou trois semaines, pour raison de sa santé et de ses affaires. L’Assemblée le lui permet. M. le Président se retire par devers le roi pour présenter à sa sanction le décret qui vient d’être rendu touchant la procédure qu’instruisent les officiers municipaux de Schlestadt et d’autres décrets antérieurs; il est remplacé an fauteuil par M. Rabaut de Saint-Etienne, ex-présideut, M. Goupilleau, membre du comité des rapports, commence à rendre compte d’une adresse du régiment colonel-général et d’une adresse du régiment chasseurs de Normandie, en garnison à Lille, à l’effet de réclamer l’élargissement de M. de Livarot, leur général, détenu dans Ja citadelle de cette ville, M Arthur Dillon observe que M, de Uvaj$jt* [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 avril 1790.] est élargi et qu’il est même en ce moment dans le bureau des procès-verbaux de l’Assemblée nationale. Cette observation met fin au rapport. M. Goupilleau fait un second rapport qui est relatif à l’affaire du sieur Riston, substitut du procureur général au parlement de Nancy. Le sieur Riston, condamné par le bailliage de cette ville, à payer au sieur deBulmont, conseiller au parlement de Nancy, la somme de 3,000 livres montant d’un billet qu’il lui avait consenti, est détenu prisonnier en vertu d’un décret de prise de corps, lancé contre lui par le tribunal des requêtes de l’hôtel. — Ce particulier est accusé d’avoir supposé un arrêt du conseil pour l’évocation au parlement de Metz et d’avoir falsifié le sceau. C’est d’après cette accusation qu’il a été décrété de prise de corps. — Le sieur Riston demande à être envoyé aux juges ordinaires; il se plaint, en outre, non seulement de ce que les nouvelles formes de la jurisprudence criminelle, décrétées par l’Assemblée nationale, ont été violées à son égard, mais même de ce que ces nouvelles lois n’ont pas encore été enregistrées de ce tribunal des requêtes de l’hôtel. Le rapporteur commence par établir que c’est à tort que le sieur Riston se plaint de la violation des nouvelles formes de la jurisprudence criminelle ; en effet, il est d’usage constant de ne pas exiger un enregistrement particulier dans le tribunal des requêtes de l’hôtel, parce qu’il fait partie du parlement de Paris et que les lois ont été enregistrées dans cette cour. — D’autre part, les lois attribuent aux requêtes de l’hôtel la connaissance de tous les délits qui ont rapport aux matières de chancellerie et aux falsifications du sceau. Tant que les lois existent, elles doivent être exécutées. Par tous ces motifs, le comité des rapports pense qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la demande du sieur Riston. M. Schmits combat les conclusions du rapporteur et pense que lorsqu’il existe des juges ordinaires, ce sont eux qui doivent d’abord connaître de toutes les causes, sauf appel. M. de Robespierre soutient que le tribunal des requêtes de i’hôlel n’est qu’une émanation du conseil, un simple tribunal d’attribution qui ne doit pas être connu de l’Assemblée nationale. Il propose de renvoyer au Châtelet la connaissance du délit imputé au sieur Riston. M. Carat l’aîné rappelle les lois anciennes qui donnent au tribunal des requêtes de l’hôtel la connaissance des falsifications du sceau; il pense, comme le rapporteur, que ces lois, n’étant pas rapportées, doivent être exécutées. M. Rœderer dit que le tribunal des requêtes de l’hôtel est incompétent parce qu’il est sans attribution et sans territoire et que d’ailleurs on ne peut priver un accusé de deux degrés de juridiction. M. Merlin démontre, en citant les textes des lois, la compétence du tribunal. Il pense que ces lois auront besoin d’être réformées, mais que l’Assemblée doit en maintenir l’exécution tant qu’elles ne sont pas abrogées; que, surtout, il est absolument contraire aux principes qui doivent conduire des législateurs, d’abroger une loi et d’en faire une nouvelle, en faveur d’un cas particulier. L’Assemblée ferme la discussion et décrète ensuite, conformément à l’avis de son comité des rapports, qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la demande du sieur Riston. M. Prieur, autre membre du comité des rapports, rend compte des persécutions qu’a éprouvées le sieur de La Borde, lieutenant général du bailliage de Grécy et de sa plainte contre la municipalité de cette ville. Dece rapport il résulte que la disette des grains qui eut lieu l’année dernière, excita de la fermentation, au mois de juillet, parmi le peuple de Grécy; qu’il s’en prit au sieur de La Borde et se porta vis-à-vis de lui à tous les excès, pilla sa maison, dévasta ses jardins, insulta alors et a insulté depuis sa femme et ses enfants ; que le sieur de La Borde aurait été victime des menées ourdies contre lui s’il n’avait pas disparu; que celui qui commandait alors la garde nationale et qui est aujourd’hui maire de la ville paraît avoir excité ces troubles et qu’il continue à les fomenter. Le sieur de La Borde demande à être réintégré dans ses fonctions. Le comité n’a trouvé aucun motif de plainte contre lui et il propose le projet de décret suivant: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, déclare que tout citoyen qui n’est prévenu d’aucun délit, doit jouir tranquillement de sa liberté et de son état, et être en sûreté sous la sauvegarde de la loi; en conséquence, que la municipalité de la ville de Grécy aurait dû et doit employer tous les moyens qui sont en son pouvoir pour faire jouir le sieur de La Borde, lieutenant général au baillage de cette ville, des droits appartenant à tous les citoyens. » M. Houdet. Le commandant de la garde nationale de Grécy qui vient d’être élu maire, étant l’auteur avéré des persécutions dont M. de La Borde a été et est encore victime, je demande que le décret contienne une improbation formelle de la conduite de la municipalité de Grécy. M. Carat l’alné. Une simple improbation n’est pas suffisante. Plus l’Assemblée doit donner aux municipalités des marques de confiance dans la nouvelle distribution des pouvoirs, plus elle doit être sévère à l’égard de celles qui sont accusées de-fomenter des troubles qu’elles sont expressément chargées d’apaiser. Je demande donc que la municipalité de Grécy soit mandée à la barre pour rendre compte de sa conduite. Plusieurs membres font remarquer qu’il est tard et que l’Assemblée n’est pas en nombre suffisant pour délibérer. Ils demandent l’ajournement. Cette affaire est ajournée à la prochaine séance du soir. La séance est levée à dix heures et demie du soir.