685 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 octobre 1790.] M. Chasset, rapporteur du 'comité ecclésiastique, présente une suite d’articles nouveaux, mais tous relatifs à divers articles renfermés dans le graüd décret sur la constitution civile du clergé. Les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 10 sont adoptés sans discussion. La discussion s’ouvre sur les articles 8, 9 et 11. M. Legrand combat la disposition de l’article 8 relatif aux bâtiments qui servaient dans les cures à des objets étrangers au logement du curé, tels que les granges, fénils et autres bâtiments d’exploitation. Il représente les inconvénients d’une mesure qui mettrait les assemblées administratives ou les fermiers des fonds ruraux, ci-devant dépendant desdites cures, dans l’impossibilité de les faire valoir, ou qui porterait même un grand préjudice à leur aliénation en mettant les acquéreurs dans la nécessité de faire construire d’autres bâtiments. (L’amendement de M. Legrand n’est pas adopté.) M. de Custine renouvelle, sur l’article 9, la proposition, combattue dans des séances antérieures, d’accorder aux curés de campagne le verger attenant à leur presbytère. M. de Murinais. Ce serait s’exposer à faire des injustices et à traiter inégalement les mêmes fonctionnaires. Qu’on accorde aux curés un arpent de terre, ils en disposeront à leur gré. (L’amendement de M. de Custine est rejeté.) L’article 11, proposé par M. Chasset, est mis en délibération : il concerne les jardins à donner aux curés qui n’en ont pas. M. Prieur demande la question préalable. M. l’abbé llathias soutient, au contraire, que l’article doit être adopté. M. le Président met aux voix l’ajournement proposé par divers membres. L’Assemblée prononce qu’il y a lieu à délibérer. M. Treilhard s’élève contre l’article. Il représente que c’est grever gratuitement la nation d’une charge que rien au monde ne peut lui imposer. Si l’on a conservé-le jardin au curé qui en avait un, c’était pour ne point l’affliger parla Privation d’un objet agréable dont il avait habitude de jouir ; mais quant à ceux qui n’en ont point possédé jusqu’à ce jour, on ne les frappe d’aucune , mortification. M. l’abbé Gibert parle en faveur de l’article. Il dit qu’un demi-arpent n’est pas grand chose, et que pourtant il est d’un grand secours à un presbytère. L’égalité qu’on a voulu établir entre les pasteurs oblige la nation à les traiter avec la même faveur. L’orateur fait remarquer qu’on gagne d’ailleurs sur les anciennes dotations des curés des fonds de terre considérables et qu’il y a très peu de cures sans jardin. M. Le Bois-Desguays renouvelle la demande de la question préalable sur l’article 11. M. Chantaire réclame la division et propose d’adjuger aux curés une portion de jardin dans les paroisses où il y a des biens nationaux. (Les divers amendements sont mis aux voix et écartés.) M. le Président met aux voix l’article 11. L’Assemblée le rejette en passant à l’ordre du jour. Suit la teneur des articles adoptés : « L’Assemblée nationale décrète : Art. 1er. « Les dispositions de l’article 23 du titre II du décret du 12 juillet dernier, concernant les curés actuellement établis en aucunes églises cathédrales, ainsi que ceux des paroisses qui seront supprimées pour être réunies à l’église cathédrale et en former le territoire, auront lieu pour les curés établis, soit dans les autres églises paroissiales des villes, soit dans celles des campagnes. En conséquence, tant les curés des villes dont les paroisses seront réunies à d’autres que celle de la cathédrale, que les curés des campagnes dont les paroisses seront aussi réunies à d’autres paroisses seront de plein droit, s’ils le demandent, les premiers vicaires des paroisses auxquelles les leurs seront unies, chacun suivant l’ordre de leur ancienneté dans les fonctions pastorales. Art. 2. « Tous les curés qui voudront user de la faculté ci-dessus et de celle accordée par l’article 22 du titre II dudit décret seront tenus d’en faire leur déclaration dans la forme et dans le temps ci-après fixés ; sinon, et ledit temps passé, il sera pourvu auxdites places de vicaires par qui de droit. Art. 3. « Ceux qui sont établis en aucunes cathédrales, et ceux dont les paroisses doivent être unies aux cathédrales actuellement formées feront leur déclaration à l’évêque dans la quinzaine, à compter de la publication du présent décret, par le ministère d’un notaire. Art. 4. « Ceux dont les paroisses doivent être unies à des cathédrales non formées, et dont l’évêque n’est pas nommé, feront leur déclaration de la même manière à l’évêque qui sera nommé une quinzaine après sa consécration. Art. 5. « Ceux dont les paroisses doivent être unies à des paroisses de villes ou de campagnes, dont la suppression et la réunion ne sont pas encore déterminées, feront leur déclaration aussi de la même manière au curé de la paroisse à laquelle les leurs seront unies, dans la quinzaine après que l’union aura été consommée. Art. 6. « Les curés des villes et des campagnes dont les paroisses seront supprimées et réunies, soit à des cathédrales, soit à d’autres paroisses, tant ceux actuellement pourvus, que ceux qui le seront d’ici à ce que la suppression de leurs paroisses soit effectuée, qui ne voudront pas user de la faculté ci-devant expliquée, jouiront d’une pension de retraite des deux tiers du traitement qu’ils auraient conservé s’ils n’eussent pas été supprimés, mais ladite pension ne pourra excéder la somme de 2,400 livres. 686 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {18 octobre 1790.] Art. 7. « Ceux qui voudront user de ladite faculté, jouiront de la totalité de leur traitement, ainsi que des logements et jardins dont ils auraient conservé la jouissance s’ils n’eussent pas été supprimés. Art. 8. « Dans les logements conservés aux curés, sont compris tous les bâtiments dont ils jouissaient six mois avant le décret du 2 novembre dernier, et qui étaient destinés, soit à leur habitation, soit au service d’un cheval, ainsi que tous les objets d’aisance qui en dépendaient, mais non ceux qui, destinés à l’exploitation des dîmes et autres récoltes, étaient séparés des bâtiments d’habitation et hors des clôtures du presbytère. Art. 9. « Par jardins, l’Assemblée entend les fonds qui dépendaient du presbytère, et dont le sol était en nature de jardins six mois avant le décret du 2 novembre dernier, en quelque endroit de la paroisse qu’ils soient situés, et de quelque étendue qu’elles soient, pourvu qu’elle n’excède pas celle qu’ils avaient avant ladite époque. Art. 10. « SI le sol n’était pas en nature de jardins avant ladite époque, et qu’il n’y en eût point, ou s’il y en avait qui ne fussent pas d’un demi-arpent d’étendue, mesure de roi, il sera pris sur ledit sol une quantité de terrain suffisante pour former un jardin d’un �demi-arpent d’étendue, mesure de roi. » M. le Président. L’Assemblée reprend la suite de la discussion du titre III sur a contribution foncière. M. de La Rochefoucauld, rapporteur. L’Assemblée avance dans 'son travail sur la contribution foncière ; pour ne point retarder sa marche, il est à propos que le comité des finances nous remette très incessamment l’état des dépenses publiques arrêtées. Un motif bien puissant et bien déterminant, c’est que la vente des biens nationaux se fera avec beaucoup plus de célérité quand on saura quelle masse d’impôts doit peser sur les terres. M. de Delley. Je propose que le comité des finances présente non seulement l’état qui lui est demandé, mais le plan général de toutes les impositions qu'il croit devoir être conservées ou créées. M. Anson. La demande du préopinant est prématurée, et le comité des finances, malgré toute sa bonne volonté, n’est pas en état de le satisfaire en ce moment. La proposition de M. de La Rochefoucauld est adoptée et consignée dans le décret ci-dessous : « L’Assemblée nationale décrète que le comité des finances remettra très mcessamment au comité de l’imposition l’état de toutes les dépenses dont la somme est déjà fixée par les décrets, et celui par aperçu des dépenses qui ne sont pas encore déterminées. » M. de La Rochefoucauld lit l’article 1Q du projet imprimé, destiné à devenir le 12e du décret : « Art. 10. L’évaluation des ateliers de fabriques et de manufactures et celle des forges, moulins et autres usines, ne seront faites que d’après la valeur de la partie servant au logement et d’après la superficie des terrains qu’ils enlèvent à la culture, lesquels seront évalués aux taux des meilleures terres de la commune, le surplus en revenu que procurent les établissements, devant être considéré comme purement industriel et soumis à la contribution personnelle. » M. Le Bois-Desgu ay s. Cet article n’a pas été rédigé par le comité d’imposition ; il est évidemment l’œuvre de MM. Des Forges, DesMoulins, Des Usines, Des Ateliers. (On rit beaucoup dans la salle. — On donne immédiatement ces noms aux membres du comité: M. Rœderer devient M. Des Moulins, M. de La Rochefoucauld, M. Des Usines, etc.) M. Mougins (ci-devant de Roquefort). Le mode d’imposition que vous propose votre comité est en partie posé sur les bases fixées dans la déclaration de 1715. Ces bases sont qu’il faut distinguer les subsè-ques et les moulins des autres objets, les moulins surtout n’ont d’autre valeur que par la balandise et cette balandise ne peut pas être calculée arbitrairement : ce serait donner lieu aux plus grands abus. Il ne faut pas confondre les moulins ci-devant banaux avec ceux qui appartiennent à des particuliers. Sans doute, l’on peut connaître la production d’un moulin banal, parce que les sujets baniers sont forcés d’y aller moudre leurs grains. Mais il n’en est pas de même des moulins appartenant à des particuliers ; rien n’est plus variable à cet égard. J’ajoute que les moulins, les fabriques, les manufactures exigent des réparations considérables. Il faut surtout encourager les facilités des fabriques, des manufactures. Il semble donc, Messieurs, que la justice a décidé ce que vous propose votre comité et je l’adopte. 11 faudrait au moins, dans le cas où l’avis contraire prévaudrait, déduire le tiers du revenu pour les réparations. M. Rewhell. Je propose cje rédiger l’article de la manière suivante : « Pour déterminer la cote des ateliers, des fabriques, des manufactures et celle des forges, moulins et autres usines, il sera déduit un tiers sur leur revenu, en considération du dépérissement et des frais d’entretien et de réparation. » M. Rœderer. Il faut distinguer les moulins et les manufactures. Le comité a pensé que l’impôt sur les moulins était un impôt sur le pain. M. de Lachèze. L’impôt sur les terres est de la même nature. M. Rœderer. C’est peut-être une erreur, mais nous avions espéré, en diminuant les impôts sur les moulins, que nous diminuerions les frais de mouture. A l’égard des manufactures, nous n’attachons pas le même prix qu’aux moulins, parce-que ceux-ci sont relatifs aux besoins de première nécessité et que les autres ne sont pas d’une utilité si marquée.