[26 janvier 1791 .J 499 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Plusieurs voix: L’ordre du jour! M. l'abbé Maury. J’appelle comme d’abus du refus qu’uu me fa U de m’accorder la parole. M. Chasset, rapporteur. J’étais chargé expressément de vous rendre compte de ces laits; vous les connaissez maintenant. Je vais vous donner lecture du projet de décret : « Art. 1er. Après l’expiration du délai accordé par le dfcretdu 18 décembre dernier, sanctionné le 22, il sera procédé au remplacement des fonctionnaires publics ecclésiastiques qui ne seront pas présents et résidants dans le royaume, et qui n’auront pas prêté leur serment civique. Quant aux autres ecclésiastiques fonctionnaires publics qui n’auront pas prêté le serment prescrit par le décret du 27 novembre, sanctionné le 26 du mois de décembre, il sera procédé à leur remplacement, après l’expiration des délais portés par ce dernier décret. Art. 2. Dans les départements où il y aura lieu de remplacer des fonctionnaires publics ecclésiastiques, soit par mort, démission, ou pour cause d’absence, de non-résidence dans le royaume, ou de non-prestation de serment, il sera d’abord, de préférence à toutes opérations, même commencées, procédé au choix de l’évêque; ensuite, après la confection de cette élection et des autres opérations, les électeurs de chaque district se retireront dans leurs chefs-lieux pour l’élection des curés. « Art. 3. Dans les départements où il ne sera besoin que de nommer des curés, les électeurs de district seront convoqués aussitôt après l’expiration des délais. « Art. 4. Aussitôt que le jour indiqué pour la première assemblée des électeurs sera arrivé, ceux des fonctionnaires publics ecclésiastiques qui n’auront p is prêté leur serment, ne seront plus admis à le faire; et lorsque le procureur général syndic du département, ou le procureur syndic du district leur aura fait notilier le jour où leurs successeurs entreront en fonctions, ils ne pourront plus en remplir aucune. « Art. 5. Les évêques qui ont été élus jusqu’à ce jour, et ceux qui le seront dans le courant de l’année 1791, ne seront pas tenus de se présenter pour obtenir la confirmation canonique, au métropolitain, ni aux évêques des arrondissements qui n’auraient pas prêté le serment prescrit par le décret du 27 novembre; et dans le cas où il n’y aurait dans l’arrondissement aucun évêque qui eût prêté le serment prescrit, ils se pourvoiront par-devant le directoire de département, pour leur être indiqué l’un des évêques de France qui aura prêté le serment, lequel pourra procéder à la confirmation canonique, sans être astreint à demander Ja permission à i’évêque du département. » M. de Cazalès. Une prévoyance inutile est le plus funeste présent que la nature ait fait aux hommes : je n’ai jamais senti cette vérité d’une manière plus cruelle, que quand je suis monté à cette tribune; car il m’est impossible de penser qu’on accueille l’opinion que je vais vous présenter, et de me dissimuler les malheurs qui nous menacent, si vous adoptez le projet qui vous est présenté par votre comité. {Murmures.) L’Assemblée nationale a cru devoir donner au clergé de France une Constitution appropiiée au nouvel ordre de choses qu’elle a établi; mais il n’est pas dans son pouvoir, ii n’a pas été dans son intention d’attenter à l’autorité spirituelle de l’Eglise, de prétendre sur elle une suprématie civile, nue l’Eglise, a réprouvée dans tous les temps; l’Assemblée n’avait pas ce droit, elle l’a reconnu par un grand nombre de décrets, par le titre même de la constitution civile du clergé. L’Assemblée nationale et l’Eglise de France sont d’accord sur les principes, et ne diffèrent plus que sur un point de fait. L’Assemblée a-t elle ou non attenté à l’autorité spirituelle? {Murmures.) Plusieurs voix : A l’ordre! à l’ordre l M. le Président. Monsieur, votre discussion ne doit porter que sur le projet de décret soumis à la délibération. M. de Cazalès. Je n’entreprendrai pas de traiter cette question. Les murmures que je viens d’entendre m’annoncent assez que l’Assemblée ne le souffrirait point; d’ailleurs, ma science théo logique se borne à savoir qu’en matière de dogme, nous devons nous soumettre à ceux qui ont reçu leur mission et leur autorité de l’Eglise et de Dieu même. (Pdres à gauche.) M. l’abbé Gouttes. Si l’on recommence les débats sur la discipline extérieure ou la discipline intérieure, il faudra répondre, et vous renouvellerez ainsi des contestations inutiles sur une chose reconnue et jugée. Je demande qu’on se borne à discuter le projet de décret, article par article. M. de Cazalès. Je n’entrerai pas dans la discussion que l’Assemblée paraît redouter. Je répète que ma science théologique se borne à savoir que nous devons soumission à ceux qui ont reçu de Dieu leur mission et leur autorité. Les évêques de l’Assemblée nationale ont pensé qu’il y avait dans vos décrets des objets qui portaient aiteiute à l’autorité de l’Eglise. Presque tous les évêques de France ont adhéré à cette doctrine, et la grande majorité du clergé du second ordre a suivi l’exemple que lui ont donné ses guides et ses chefs. {Murmures prolongés.) M. Bouttevilie-Dumctz. Je demande que M. de Cazalès soit rappelé à l’ordre. M. de Cazalès. Quand il s’agit de prendre un parti, il est bon de connaître l’état dans lequel on se trouve. Peut-être est-ce l'impatience de l’Assemblée qui l’a souvent empêchée de prendre le parti convenable, faute de s’être tracé à elle-même sa position. {Murmures.) M. ïe Président. Il y a un projet soumis à la délibération; vous devez le discuter. M. de Cazalès. Il faut bien, Monsieur le Président, faire connaître sa pensée pour discuter uue question. Quelque imposante que soit l’autorité de l’Eglise de France, je sais qu’elle n’est pas infaillible, qu’il n’est pas impossible qu’elle se trompe. Si cependant le chef de l’Eglise universelle, le Pape avait adhéré à celte doctrine.... {Murmures.) Plusieurs voix : A l’ordre! à l’ordre! M. Gaultier-Biauzat. Ce n’est pas là la question ; il s’agit de savoir de quelle manière on 500 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 126 janvier 1791.) agira pour remplacer les évêques refusant de prêter le serment. M. Boupilleau. Si on ne combat pas le projet de décret, i! faut le mettre aux voix. M. Martineau. Et vous, il faut vous rappeler à l’ordre; il n’est pas permis d’interrompre un opinant. M. de Cazalès. Pour terminer tous ces murmures, toutes ces interruptions, je déclare que mon avis particulier est que l’Assemblée nationale ne doit pas précipiter l’exécution du décret du 27 novembre; et c’est pour motiver mes conclusions, que je demande à l’Assemblée nationale la permission de tracer la position où elle se trouve. Si le chef de l’Eglise universelle adhérait, comme tout le fait présumer, à la doctrine des évêques de France, il est certain que cette adhésion fortifierait celle des évêques représentant provisoirement l’autorité de l’Eglise universelle. Il est de principe, et c’est sur ce principe que repose l’édifice entier de l’Eglise catholique, que quand l’Eglise universelle a parlé, il n’est plus permis ..... {Murmures.) Plusieurs voix : A l’ordre 1 à l’ordre 1 M. de Cazalès. Il est incroyable qu’on ne puisse pas se faire entendre. M. le Président. Je vous prie, Monsieur, de rentrer dans la question. M. de Cazalès. Je suis complètement dans la question et certainement dans l’ordre du jour; mon habitude u’est point de divaguer. Il est de principe incontestable, dans l’Eglise catholique, et c’est sur ce point que repose l’édifice entier de la religion, que quand l’Eglise universelle.... {Murmures.) M. Guillotin. Ce n’est pas là l’ordre du jour. M. de Montlosler. J’observe à M. le Président que , si un membre du côté droit interrompait un opinant, on demanderait qu’il fût envoyé à l’Abbaye ; c’est une tyrannie affreuse du côté gauche. M. de Cazalès. C’est un principe sur lequel repose l’édifice entier de l’Eglise, que quand l’Eglise universelle a parlé, le doute n’est plus permis à tout homme qui fait profession de suivre la foi catholique ; et c’est cette soumission qui caractérise la religion catholique, et qui la sépare des sectes protestantes distinguées par de monstrueuses opinions, variant an gré des intérêts et des passions de ceux qui les professent. [Rires à gauche.) M. Babey. Vous voyez bien, Monsieur le Président, qu’on veut nous faire perdre notre temps! M. de Cazalès. C’est à ce principe, c’est à cette soumission absolue aux décisions de l’Eglise que la religion catholique doit cet ensemble, caractère distinctif d’une autorité bien ordonnée ; cette unité de foi, caractère distinctif de la vérité. Or, si le pape, si le chef visible de l’Eglise, adhère à la doctrine d> s évêques de France, l’As.-emhlée nationale n’aura que deux partis à prendre : celui de renoncer à la foi catholique ou de se soumettre à la décision de l’Eglise, et ceci pour que l’Assemblée nationale....". ( Murmures .) M. «Saultier-BIauzat. C’est un fait exprès que cela. M. Favie. Nous demandons que monsieur se mette dans l’ordre de la question ou nous ne l’entendons pas davantage. Il est question du mede d’exécution d’une loi ; nous ne voulons point un catéchisme ici. M. de Cazalès. Je demande à être entendu. M. Bouteville-Dumetz. Vous prêchez la guerre civile, et c’est tout ; vous ne faites qu’appeler la discorde dans la France. C’est ainsi que les nations ont péri et que les religions sont déchues, et nous ne souffrirons pas que vous attaquiez la nôtre. M. de Cazalès. J’ai l'honneur de répéter pour la vingtième fois à l’Assemblée, et il est extraordinaire que son intelligence et son impartialité ne veuillent pas entendre ..... {Murmures.) M. ILavle. Il n’est pas permis de souffler la discorde dans le royaume et votre langage n’est que celui-là. Un membre : Nous respectons les dogmes de la foi, aussi bien que M. de Cazalès. Il né s’agit ici que de l’exécution des décrets. M. Buvat d’Epréiuesnil. Il s’agit d’un dogme. M. de Cazalès. Or, si le chef de l’Eglise ..... ( Une grande partie de V Assemblée murmure.) M. de Foucault de ILardimalie. Toute celte résistance n’est que pour arracher un décret et tromper le peuple. {Murmures.) St nos objections sont si aisées à combattre, qu’on écoute M. de Cazalès, qu’on lui réponde, et qu’on éclaire le peuple. ( Quelques instants se passent dans une très grande agitation.) (La partie gauche se lève et demande à aller aux voix.) M. de Cazalès. Mettez aux voix si l’Assemblée veut maintenir la liberté de la délibération ..... M. l’abbé üïaury. Messieurs, laissez-vous faire, ça ne sera pas long ; nous avons besoin de ce décret. M. d’Aubersjeon de Murinais. L’Assemblée nationale, qui a entendu hier avec patience les diatribes de M. Barnave, ne peut-elle pas écouter M. de Cazalès? M. de Cazalès. Pour faire finir les interruptions que j’essuie, je vais parler une langue, sans doute moins désagréable à l’Assemblée nationale. Je vais examiner sa situation sous des rapports politiques. ( Les murmures se renouvellent.) M. l’abbé llaury. Laissez rendre ce décret; nous en avons besoin ; encore deux ou trois comme cela, et tout sera fini ; descendez de la tribune. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 janvier 1791. | M. de Cazalès. Monsieur le Président, je demande s’il est possible de parler sur un décret, sans se mettre d’abord rdans la position où l’on est?... M. l'abbé Hlaury. La violence est constatée, descendez de la tribune. (On met aux voix la question de savoir si la discussion sera fermée.) M. le Président prononce la négative. M. Thibanld, curé de Souppes. Monsieur le Président, faites une nouvelle épreuve. Plusieurs voix à droite: Non ! non 1 il n’y a pas doute. Un membre : Monsieur le Président, vous n’avez pas le droit de recommencer l’épreuve ; toutes les fois qu’il y a doute, la discussion doit continuer. (La discussion continue.) M. de Cazalès. Je vais donc, pour me conformer aux ordres de l’Assemblée, considérer la question sous ses rapports purement politiques. l’Eglise est menacée d’une scission ; vous êtes certainement convaincus que, si l’universalité et une partie considérable du clergé du second ordre (Il s’élève des murmures.) et une portion considérable de curés, croyaient que les principes de la religion, qui se fortifiera par la persécution ..... ( Les murmures redoublent.) M. Cavie. Gomment est-il possible d’entendre cela ? M. Régnant! (de Saint-Jecm-d' Àngély). Je demande la parole pour la faire interdire à M. de Cazalès. (Murmures prolongés.) Nous ne devons pas souffrir qu’on prêche la guerre civile à la tribune ; M. de Cazalès la prêche. Plusieurs voix : Oui ! Oui ! (Applaudissements.) M. de Cazalès. Ceux qui craignent la guerre civile vous en parlent, vous en menacent, pour vous empêcher de rendre les décrets qui peuvent la causer; ceux qui la désirent, ceux qui ont soif du sang des Français, ne veulent pas qu’on vous effraye, mais ils Vous précipitent dans des mesures qui la rendront inévitable. M. Regnaud (de Saint -J ean-d' Angély .) Je la crains et vous la prêchez. Je suis autant qu’un autre ..... ( Murmures à droite.) Un membre : Vous n’avcz pas la parole. M. Ranltier-Riauzat. Je fais la motion que l’Assemblée décide que M. de Cazalès ne sera pas entendu. M. Regnand (de Saint-J ean-d’ Angély) . M. de Biauzat ayant fait une motion... (Murmures.) Une voix à droite : Vous n’avez pas la parole. M. de Cazalès. J’appuie la motion de M. de Biauzat ; que l’Assemblée m’ôte la parole ou qu’elle m’écoute. M. Regnaud (de Saint-J ean-d' Angély). C’est sur quoi je veux parler. L’Assemblée nationale peut-501 elle souffrir qu’un membre, soutenu de plusieurs autres, vienne à la tribune supposer des faits qui ne sont propres qu’à répandre de fausses terreurs ! (On applaudit.) C’est un des moyens dont les ennemis de la chose publique se sont toujours servis pour exciter des troubles. (On applaudit.) Quand l’effet et le but des discours d’un orateur est d’effrayer pour égarer, l’Assemblée ne doit pas lui conserver la parole. Il ne s’agit que de mesures relatives à l’exécution de vos précédents décrets... M. Routteville-Dumetz. Mettez aux voix la motion de M. de Biauzat, Monsieur le Président. M. de Montlosier. Je demande à répondre à M. Regnaud. M. Regnand (de Saint-Jean-d' Angély). Vous parlez depuis une heure contre votre conscience. M. de Cazalès. Je demande à répondre un mot à M. Regnaud. M. le Président. Le devoir du président est de rappeler à l’ordre l’opinant, quand il s’écarte de la question. J’ai cru que M. de Cazalès s’en écartait. M. l’abbé lllanry. Sur quoi? M. Ruval d’Cprémesnil. Je demande la parole pour répondre à M. Regnaud. M. l’abbé Maury. Si cela ne finit pas, je vais demander la parole; on fermera tout de suite la discussion et cela sera plus tôt fait... Vous n’osez pas seulement nous entendre. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély). Il ne s’agit que d’un projet de décret relatif à l’exécution de vos anciens décrets, et ce n’est que sur un mode d’exécution que la discussion s’est ouverte ; mais on a voulu par une méthode, dont on a trop souvent usé, et dont vous avez gémi pour l’intérêt de la nation et pour celui de l’Assemblée nationale; on a voulu, dis-je, vous ramener à une question si souvent dé 'idée, à des principes si solennellement reconnus.M.deCuzalès, toujours rappelé à l’ordre, a toujours été fidèle à cette méthode dangereuse ; il n’aurait pas dû conserver la parole. M. de Cazalès. J’ai sans doute agi de bonne foi, en disant d’avance que mes conclusions étaient de suspendre l’exécution du décret du 27 novembre. Il a bien fallu motiver mon opinion, en traçant notre position actuelle. Si l’Assemblée ne veut pas qu’on l’éclaire, si elle craint d’être éclairée, à cause que le public l’entend (Murmures), certes c’est une bien mauvaise institution que d’avoir appelé le public à votre audience, sans cela personne ne s’élèverait contre moi. (Les murmures augmentent.) Quant à moi.... M. le Président. Quand l’Assemblée naiionale a admis le public à ses séances, elle a cru devoir rendre le peuple présent à la discussion de ses grands intérêts; mais jamais cette mesure n’a mtlué sur ses délibérations. (Une très grande partie de l'Assemblée applaudit .) M. «le Cazalès. M. le président a parfaitement répondu à ce que je n’ai pas dit. Je voudrais que 502 [Assemblée nationale.] celle enceinte put s’agrandir à ma volonté, et contenir la nation individuellement assemblée ; elle m’entendrait et me jugerait. Je demande donc que la parole me soit conservée ou que l’Assemblée me l’ôte par une délibération; et pourn’être pas interrompu, je déclare d’avance que mon opinion est qu’il faut suspendre l’exécution du décret : cela n’est-il pas clair? M.deMenon.Je demande qu’on entende toutes les déclamations de M. deCazalès, car elles ne font que gagner des partisans à la Révolution. M. de Cazalès. Je dis qu’une scission se prépare ; je dis que quasi l’universalité des évêques de France et que les curés, en grande partie, croient que les principes de la religion leur défendent d’obéir à vos décrets; que cette persuasion se fortifie par la contradiction, et que ces principes sont d’un ordre supérieur à vos lois; que quand, en chassant les évêques de leurs sièges, et les curés de leurs presbytères, pour vaincre cette résistance , vous ne l’aurez pas vaincue, et vous serez au premier pas de la carrière de persécution qui s’ouvre devant vous. Doutez-vous que les évêques chassés de leurs sièges n’excommunient ceux.... qui ont été mis à leurs places?.... (Murmures.) Les clameurs ne sont pas des raisons.... Doutez-vous qu’une partie des fidèles ne demeure attachée à ses ancie >s pasteurs et aux principes éternels de l’Eglise? Alors le schisme est introduit, les querelles de religion commencent; alors les peuples douteront de la validité des sacrements, ils craindront de voir fuir devant eux cette religion sublime, qui, saisissant l’homme dès le berceau, et le suivant jusqu’à la mort, lui offre des consolations touchantes dans toutes les circonstances de la vie; alors les victimes de la Révolution se multiplieront, le royaume sera divisé. Plusieurs voix delà gauche : Vous le voudriez. M. de Cazalès. Vous verriez les catholiques errants sur la surface de l’Empire, suivre dans les cavernes, dans les déserts leurs ministres persécutés, afin de recevoir d’eux des sacrements valides; alors, dans tout le royaume, les catholiques seront réduits à cet étit de misère et de persécution dans lequel les protestants avaient été plongés par la révocation de l’édit de N. mies, de cet acte dont votre justice a été indignée, et dont votre humanité a gémi. ( Murmures prolongés.) Jusqu’ici êtes-vous insensibles à la résistance passive d’un clergé fidèle ? Mais si des factieux, prenant le masque de la religion, cherchaient à soulever les peuples, s’ils répandaient les brandons du fanatisme au milieu des hommes avides à les saisir, s’ils s’armaient de l’énergie que produit toujours l’alliance des choses religieuses, qui ne serait effrayé, qui ce condamnerait pas des législateurs cruels et impolitiques qui auraient produit tant de maux, pour le vain orgueil de ne pas revenir sur un de leurs décrets? Si vous êtes des législateurs sages et humains, si vous êtes les véritables pères du peuple, vous ne sacrifierez pas tant de victimes à votre fol orgueil ; alors la nation reconnaîtra des législateurs sages; alors elle sentira la sagesse du gouvernement de ses représentants... Et quand il serait démontré que l’Eglise de France se trompe, oseriez-vous balancer àretirer undécretque l’Eglise réprouve, et dont l’execution doit amener tant de malheurs? Il estdes lois qui, bonnes en elles-mêmes, peuvent être funestes par la circonstance où elles sont ren-[26 janvier 1791.] dues; si vos lois ne peuvent êfre exécutées sans violence, craignez des convulsions qui ensanglanteraient la France. M. Chasse!, rapporteur. Vous ne devez pas prêcher la désobéissance aux décrets. M. de Cazalès. Je dis à M. Ghasset, que si je n’étais pas dans cette Assemblée, je prêcherais l’obéissance aux décrets; mais ici, je dois vous montrer les inconvénients des mesures que vous ayez prises et de celles qu’on veut que vous préniez encore. Si vous vouliez sentir Rs malheurs incalcu labiés que vous attireriez sur notre patrie, si vous vouliez montrer votre amour pour le peuple, vous temporiseriez, vous attendriez l’adhésion de l’Eglise de France... La question qui nous divise est une vile question de forme et d’orgueil. (La partie gauche applaudit à plusieurs reprises.) Pourquoi craindriez-vous de dire que vous vous êtes trompés, quand l’exécution de la Constitution civile suivra sans résistance? pourquoi refuseriez-vous de revenir sur un décret, quand vous voyez qu’un fol orgueil vous perd, et que l’Eglise* de Franre vous a montré l’erreur dans laquelle vous êtes tombés? Avouez une soumis-ion digne de véritables catholiques, que l’Eglise vousaécl irés. .. L’Angleterre a reconnu le principe et suivi les conséquences; la France nie le principe et suit également les conséquences. Une telle conduite ne fait pas beaucoup d’honneur à sa bonne foi. Si donc vous aimez la paix, je demande que vous suspendiez l’exécution de votre décret; que vous priez le roi de prendre des formes canoniques, et que dans un préambule, vous appreniez au peuple que, c’est par amour pour lui que l’Assemblée est revenue sur son décret. (Murmures.) Aux murmures qui s’élèvent, je vois que je suis obligé de déclarer, en mon nom et eu celui de mes collègues, que nous Dévouions prendre aucune part àcette délibération, que nous n’abandonnerons jamais et que nous reconnaîtrons toujours pour nos dignes pasteurs ceux que l’Eglise a reconnus. M. de Mirabean. Je n’ai pas demandé la parole pour lutter, soit de chaleur, soit de déclamation, soit d’éloquence (je parle dans tous les systèmes), pour lutter, dis-je, avec le préopinant; car quelque talent qu’il ait montre dans ses nombreux épisodes, ils sont inutiles, soit à la chose publique, soit à la tranquillité, au nom de laquelle il a parlé, on n’a pas espéré sans doute qu’en montrant un seul aspect de la question, on vous ferait revenir sur un décret. Assurément, ce n’est pas sous un seul aspect qu’il faut envisager la situation du royaume. Il serait aisé de pruuver que l’affreux tableau, qu’on a pris plaisir à tracer, serait plutôt réalisé par une mesure rétrograde; car enfin, M. de Cazalès n’ignore pas que ses opinions ont aussi rarement la majorité dans la nation que dans l’Assemblée. (De nombreux applaudissements s'élèvent.) M. Dnval d’Eprémesnil. Assemblez vos vrais commettants par bailliages, vous en jugerez. M. de Mirabean. J’ai entendu de la bouche d’uu préopinant... M. fifcuval d’Eprémesnil. Je vais le répéter ; Rassemblez vos vrais commettants par bailliages, et faites-ies juges entre MM. Cazalès et Mirabeau. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M. de Mirabeau. Je vous demande pardon [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 janvier 1791.) 503 de vous avoir induit en erreur; car je ne pensais pas à vous. ( Les applaudissements se renouvellent.) Vous avez tous entendu une phrase que je vais répéter, mm pour en tirer des inductions défavorables, des conséquences désobligeantes; mais pour en faire le préambule du petit nombre d’observations que je dois vous communiquer. Un membre a dit tout à l’heure : Laissez rendre ce décret , nous en avons besoin. Ce mot est profond, peut-être aussi est-il indiscret; peut-être aussi l’indiscrétion est-elle dans le zèle qui, des deux parts, nous presse, et préside ànos débats. Les uns nous présentent des pronostics, très sinistres, et peut-être prennent-ils leurs vœux pour leurs espérances... ( Une très grande partie de l'Assemblée applaudit à plusieurs reprises.) M. de Cazalès.Je demandequeM.de Mirabeau ne juge pas de nos vœux ; mes vœux sont très purs ( Rires à gauche)... Mes vœux sont très purs. (Murmures et rires), je le répète, et pas un de ceux qui m’interrompent ne me prouvera le contraire. Certainement c’est la tranquillité publique que je désire. M. de JtVirabean. Je réponds à M. de Cazalès qu’il n’v a rien dans ma phrase qui lui soit personnel ; et que s’il était question ici de caution individuelle et respective, ]e cautionnerais sa loyauté. J’ai dit que, dans ceux qui tirent des pronostics sinistres, il y avait erreur, à notre avis, imprudence ou maladresse au leur; car ils nous ont donné de trop bruyants, de trop fréquents avertissements pour qu’ils aient quelque chose à se reprocher dans les malheurs qui nous menacent. Eh bien! qu’ils attendent leur sort aussi patiemment que nous attendons le nôtre. D’un autre côté, quand l’Assemblée souffre qu’on lui propose des mesures toujours confirmatives des premières, il semble qu’elle ne rend pas assez hommage à la fermeté, à la sagesse de la nation, et qu’elle oublie les témoignages de confiance qu’elle reçoit constamment de toutes les parties de l’Empire. Qu’avons-nous besoin de prendre de nouvelles mesures pour l’exécution des décrets, quand le mode de leur exécution est décrété? L’Assemblée doit penser que les électeurs seuls ont quelque chose à faire. Examinez le projet de décret, il contient des mesures neuves, adoptez-les : des mesures renouvelées, rejetez-les : elles seraient peu décentes. Il nous offre trois mesures nouvelles que je crois nécessaires. La première transporte aux fonctionnaires ecclésiastiques du royaume le délai accordé à ceux qui sont absents. Gtdte disposition est sage ; elle est douce; car il est doux de traiter des fonctionnaires publics réfractaires à la loi, comme s’ils étaient absents. La seconde mesure est relative à l’élection des évêques avant celle des curés. Rien n’est plus naturel. La troisième a pour objet le mode d’institution canonique. Je demande qu’on mette aux voix ces trois articles : les autres n’ajouteraient rien à des mesures dans lesquelles nous avons une pleine confiance. Toute hésitation serait impolitique et inconvenante. Si personne ne s’oppose à ma proposition, je demande qu’on finisse une séance qui, par des débats tumultueux, des déclamations éloquentes ou non éloquentes, aura fort peu avancé la chose publique. ( Une très grande partie de l'Assemblée applaudit et demande à aller aux voix.) M. Cliasset, rapporteur. Je consens à la radiation du 6® article du projet de décret. M. de Foncanltde Lardimalie. Chaque fois qu’on a traité cette matière, nous avons déclaré que nous n’entendions pas délibérer. Nous le déclarons encore, regardant le décret qu’on vous propose comme attentatoire à la religion. En conséquence, nous levons la séance. (La discussion est fermée.) M. de llontloster. Je demande la priorité pour la motion de M. de Cazalês. (La priorité est accordée au projet du comité.) Le projet de décret est mis aux voix et adopté dans les termes suivants : « L’Assamblée nationale, ouï le rapport qui lui a été fait au nom de son comité ecclésiastique, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Après l’expiration du délai accordé parle décret du 18 décembre dernier, sanctionné le 22, il sera procédé au remplacement des fonctionnaires publics ecclésiastiques qui ne seront pas présents et résidants dans le royaume, et qui n’auront pas prêté leur serment civique. « Quant aux autres ecclésiastiques fonctionnaires publics qui n’auraient pas prêté le serment prescrit par le décret du 27 novembre, sanctionné le 26 dudit mois de décembre, il sera procédé à leur remplacement, après l’expiration des délais portés par ce dernier décret. Art. 2. « Dans les départements où il y aura lieu de remplacer des fonctionnaires publics et ecclésiastiques, soit pour mort, démission ou pour cause d’absence, de non-résidence dans le royaume, ou de non-prestation de serment, il sera d’abord, de préférence à toutes opérations, même commencées, procédé au choix de l’évêque; ensuite, après la confection de cette élection, et des autres opérations commencées, et après l’installation de l’évêque, les électeurs de chaque district se rassembleront dans leurs chefs-lieux pour l’élection des curés. Art. 3. « Dans les départements où il ne sera besoin de nommer que des curés, les électeurs de district seront convoqués aussitôt après l’expiration des délais. Art. 4. « Les évêques qui ont été élus jusqu’à ce jour, et ceux qui le seront dans le courant de l’année 1791, De seront pas tenus de se présenter, pour obtenir la confirmation canonique, au métropolitain, ni aux évêques de l’arrondissement qui n'auraient pas prêté le serment pr scrit par le décret du 27 novembre : dans le cas où le métropolitain, ou aucun des évêques de l’arrondissement n’auraient pas prêté le serment, les évêques élus se pourvoiront par-devant le directoire du département, pour leur être indiqué l’un des évêques de France qui aura prêté le serment, lequel pourra procéder à la confirmation canonique, sans être astreint à demander la permission à l’évêque diocésain. » M. le Président lève la séance à 4 heures.