SÉANCE DU 17 BRUMAIRE AN III (7 NOVEMBRE 1794) - N° 1 495 Quel horrible métamorphosé ! Sous Robespierre la république étoit devenue une furie altérée de sang; elle immolloit sans pitié la vertu, l’innocence, elle abusoit de tous les principes, ou pour mieux dire, sous d’odieux prétextes, elle les tournoit tous au préjudice de l’espèce humaine ; c’étoit une mère dénaturée qui se plaisoit à voir égorger ses enfans. Sous Roberspierre le sang couloit de toutes parts ; les prisons régorgeoient de victimes ; l’humanité plaintive et malheureuse abandon-noit les sciences et les arts, l’agriculture même ; déjà les campagnes n’offroient à nos yeux que des champs incultes, hérissés de ronces et d’épines et les cités se changeoient en déserts ; l’homme devenoit sauvage par besoin ; il fuyoit ses semblables, il s’arrachoit en gémissant, aux plus douces affections de la nature, il n’etoit occupé que des moyens d’échapper au glaive des tirans ; mais où se cacher, où fuir, nul azile ne garantissoit l’innocent et la proscription frap-poit déjà sur tous les citoyens. O temps affreux! Epoque de douleurs et de larmes ; qu’il faudroit, s’il etoit possible, effacer de notre histoire, instant de déraison et de fureur où le ferment de toutes les passions viles sembloit corrompre la masse de tous les senti-mens vertueux, où la terreur cherchoit à étouffer la sensibilité, ou la vertu subissoit la peine que méritoit le crime ou la pitié pour les malheureux paroissoit un attentat contre la loy, où l’ami n’osoit ny regarder, ny deffendre l’ami qui gémissoit dans les fers, ou le père ne pouvoit plus embrasser ses enfans, et où les enfans trembloient pour les jours de leurs pères, jours de tristesse et de désolation! où tous les liens de la société sembloient etre dissous, où la nation francoise déchirée et avilie par ses propres enfans, alloit disparoitre aux yeux de l’univers pour ne présenter désormais aux regards des voyageurs surpris qu’un affligeant monceau de ruines et de cendres... Législateurs, le coeur se déchire au souvenir des horreurs dont nous fumes les témoins et les victimes, que la République, que la malveillance cherchoit à avilir et à détruire, réprenne entre vos mains son caractère bienfaisant et auguste, qu’elle soit à jamais pour le peuple qui l’adore et qui est toujours prêts à lui faire les plus grands sacrifices, une divinité tutélaire qui verse sur sa tête à pleines mains l’abondance et le bonheur ; quelle essuye les pleurs que répandent tant de veuves, tant d’horphelins, tant de malheureux que fit la tirannie, qu’elle nous rende autant qu’il est en elle, l’équivalent des biens qu’ils ont perdus et vous nos Législateurs, nos pères, nos amis, vous en qui nous avons mis toute notre confiance, empêchés que ces scènes d’horreur jamais ne se renouvellent, et sy le malheur vouloit qu’il s’élevât encore quelque ambitieux, quelque Pisistrate, quelque nouveau Cromvel, que la hache de la loy le punisse à l’instant ainsy que ses complices. Continuez, dignes représentans à confier à de véritables amis du peuple, à des hommes probes et incorruptibles, les pouvoirs dont vous êtes revêtus, Perrin et Goupilleau, viennent de porter dans les départements du Gard, de l’Hérault, de l’Aveiron, de Vaucluse, la vie et la consolation tandis qu’ailleurs Serres et Auguis dissipoient une conspiration qui ne ten-doit à rien moins qu’à mettre à feu et à sang tous les départemens du Midy. Que Tallien trouve ici l’expression des voeux que nous faisons pour le rétablissement de sa santé et que ce digne représentant agrée l’hommage de la reconnoissance que nous lui devons, pour avoir sauvé la patrie, en déjouant les perfides complots de Roberspierre. Législateurs, n’abandonnez le timon du vaisseau de l’Etat que lorsque vainqueur d’une mer orageuse, il aura surgi heureusement au port que la victoire toujours accompagne nos armées, que leurs triomphes nous préparent une paix honorable et solide, que tous nos ennemis, reconnoissent enfin la supériorité d’un peuple qui ne combat que pour sa liberté et qui voudrait que tous les peuples de l’univers fussent heureux et libres, pour nous, nous le jurons, tant qu’il nous restera une goûte de sang dans les veines, nous ne ferons qu’un avec la Convention nationale, nous vous ferons un rempart de nos corps, nous respecterons vos loix et nous soutiendrons de tout notre pouvoir, la République une et indivisible. Suivent 119 signatures. r [Les administrateurs du département de l’Isère à la Convention nationale, Grenoble, le 1er brumaire an III\ (39) Liberté, Egalité, fraternité ou la mort. Citoyens Répresentans, Il étoit temps que le peuple français repris, dans les justes bornes que comporte l’état actuel de sa révolution et son salut, l’exercice de ses droits civils si audacieusement violés par les triumvirs et qu’on arrettât cette hémorragie et cette compression violente qui alloient faire tomber le corps politique dans l’epuisement et dans le marasme. En otant aux dominateurs l’arme de la terreur, vous avés rattaché à la Révolution un grand nombre de citoyens qu’un arbitraire effrayant avoit plongés dans la stupeur. Votre adresse au peuple du 18 vendémiaire a été lue dans les sections, dans la société populaire et sur les places publiques de cette commune aux principes de sagesse et d’humanité qu’elle renferme le peuple a répondu par ces acclamations unanimes : A bas la terreur! Vive la justice et la Convention nationale ! Vous avez voulu détruire entièrement la terreur et non pas seulement qu’elle changeât de place, ni que le parti aristocratique s’armât de son glaive sanglant pour effrayer des patriotes purs qui ont secondé les vues de l’ancien gou-(39) C 324, pl. 1393, p. 12. 496 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE vernement parce qu’il paroissoit avoir l’approbation tacite du peuple et qui aujourd’huy, se rallient au nouveau, avec toute la confiance qui vous est si bien due. Une seule inquiétude pour-roit agiter encore les citoyens, c’est qu’on reveillât dans votre propre sein des discordes qu’il faut pour le salut du peuple et pour le votre, ensevelir dans la tombe des triumvirs. Nous n’avons jamais partagé dans ce département les egaremens criminels qui ont agité une portion du Midi; nous n’y reconnoissons d’autre point de rallîment que le peuple et ses Réprésentans. Suivent 6 signatures. k ’ [Les maire, officiers municipaux et membres du conseil général de la commune de Besançon à la Convention nationale, le 2 brumaire an IIT\ (40) Citoyens Représentants ! Les principes purs et vrais que vous venez de proclamer dans votre adresse au peuple français ont répandu la joye dans nos coeurs et inspiré la stupeur aux hommes de sang. Le masque dont ils se couvraient, est tombé, leurs figures sinistres est le miroir de la perversité de leurs âmes; nous saurons les reconnaitre et les distinguer des vrais républicains ; le régné de leurs manoeuvres est passé, l’ombre de Robespierre ne survivra point à son déshonneur. La terreur est bannie de nos contrées, la justice et la vertu ont repris leur empire, l’esprit public est fixé et nous saurons nous maintenir contre toute espèce d’intrigants et d’êtres dangereux. Oui, désormais, le vice et la vertu ne seront plus confondus ; la morale du peuple deviendra plus pure et l’homme seul, util à sa patrie, jouira de la tranquillité et du bonheur que vous lui aurez assuré. C’est à nos immortels travaux, c’est à votre énergie, citoyens Législateurs, que nous devons ces avantages; Recevés l’effusion de notre gratitude. Toujours nous ne reconnaitrons qu’un seul centre, la Convention nationale, nous n’aurons qu’une seule devise, liberté, égalité, fraternité. Restez fermes à votre poste, continués à gouverner le vaisseau de l’Etat ; c’est lorsqu’il sera rendu au port qu’il sera doux pour vous de jouir pleinement des bénédictions d’un peuple grand et magnanime dont vous aurés fait le bonheur ; c’est alors que les nations viendront au milieu de nous respirer l’air de la liberté et en porter le germe au pied des trônes de leurs rois. Vive la Convention, vive la République française une et indivisible. Les maire, officiers municipaux et membres du conseil général de la commune de Besançon. Revert, maire et 14 autres signatures. (40) C 324, pl. 1393, p. 11. V [Les administrateurs et le substitut de l’agent national du district d’Argenton à la Convention nationale, le 3 brumaire an III\ (41) Liberté, Egalité, Fraternité ou la Mort. Citoyens Législateurs. Votre proclamation au peuple français, dictée par des sentimens purs soutient les nôtres et ceux de nos administrés; c’est en la méditant que les coeurs vertueux y trouvent une parfaite tranquillité. Soustraits du glaive sanglant de l’infame Robespierre et de ses partisans, nous ne cessons de crier, vive la Convention. Nous vous déclarons que, toujours attentifs à surveiller l’exécution de vos loix, nous abjurons toute autorité qui chercheroit à vous rivaliser. Salut et fraternité. Suivent 3 signatures dont celle du substitut de l’agent national. m’ [La société régénérée des Amis de la République de Chambéry, séante au temple de la Montagne à la Convention nationale, s. d.] (42) Egalité, Liberté, Fraternité ou la mort. Législateurs Si le peuple français marche glorieusement à ses destinées, si la victoire est fidele à ses armes, si ses progrès et ses triomphes sont presque aussi rapides que la pensée, si le découragement, la terreur et la mort sont portés dans tous les camps ennemis par les armées de la République triomphantes au delà de toutes ses frontières, ce sont là les prodigieux effets du gouvernement révolutionnaire qui épouvante et frappe les conspirateurs et les traitres, comprime les malveillans de l’interieur, protège les patriotes et garantit aux Républicains vertueux qui répandent leur sang pour la patrie, que ce sang précieux ne sera pas versé par des généraux perfides et qu’à leur retour dans leurs foyers après la moisson des trônes coalisés ils receuilleront les fruits de leurs travaux en jouissant des bienfaits d’une constitution fondée sur la morale et les principes de la plus pure démocratie. Déjà la Révolution seroit consommée, si les débris epars de l’ancien régime, si les manoeuvres criminelles des individus qui (41) C 324, pl. 1393, p. 2. (42) C 325, pl. 1412, p. 24.