[Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes. ] 61 RAPPORT FAIT AU NOM DU COMITÉ D’AGRICULTURE ET DE COMMERCE SUR LES FOIRES ET MARCHÉS Par M. MOREAU-SAI1IT-SIÉR1, Député de la Colonie de la Martinique. (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Messieurs, C’est principalement chez un peuple libre que les institutions commerciales doivent prendre un caractère qui lui soit analogue, et être affranchies des gênes et des prohibitions qui ne rappelleraient que les ressources de la féodalité, ou des spéculations purement fiscales. Si la politique générale des nations, si des convenances ou des disparités de peuple à peuple, et la combinaison des besoins et des productions de chaque Empire, veulent que le commerce extérieur soit soumis à des lois et à des règles particulières , il ne doit y avoir pour le commerce intérieur qu’une loi commune, la liberté. Cette vérité n’a pas besoin d’être développée pour être saisie par des hommes qui ont voulu que les nombreux habitants de cet immense royaume ne formassent plus qu’une famille; par des hommes qui ont abattu ces barrières qui rendaient le commerçant en quelque sorte étranger dans sa propre patrie, et qui donnaient le droit d’enlever, pres-qu’à chaque pas, quelque chose à son industrie, quand on ne parvenait pas à la détruire à force de recherches et de vexations. En faisant disparaître ces divisions de provinces qui fortifiaient des jalousies ou des rivalités odieuses, la nouvelle organisation traite d’une manière uniforme tout citoyen, quel que soit le lieu du royaume qu’il habite, parce qu’on ne saurait être plus ou moins Français pour résider, par exemple, plutôt dans le nord que dans le midi de la France. Il ne peut donc plus être question, comme autrefois, d’interdire aux divers habitants de cette monarchie la libre communication entre eux, et de s’opposer, par des prohibitions et des droits, à ce que le superflu des uns viennent satisfaire les besoins des autres ; partout où il y aura un vendeur, il sera permis qu’il se trouve un acheteur, et réciproquement; la fécondité de ce royaume deviendra, sous ce rapport, un avantage commun à tous ses habitants, et la nature qui se plaît à le favoriser, ne trouvera plus ces calculateurs opulents, ces subalternes intraitables et ces satellites avides qui semblaient, ou affligés de ce qu'elle était si libérale, ou occupés d’empêcher qu5on ne jouît de tous ses bienfaits. 11 résulte naturellement de ce principe que les établissements destinés aux échanges dans l’intérieur du royaume, ne peuvent plus être dirigés par les principes auxquels on les avait assujettis. Ce n’était pas assez pour qu’il y eût un marché, une foire, qu’ils fussent utiles et même nécessaires; il fallait encore combiner l’influence qu’ils pourraient avoir sur certaines introductions qui auraient ou appelé la contrebande d’une province à une autre, ou favorisé des spéculations qu’un gouvernement craintif ou oppresseur craignait d’encourager dans certains lieux. D’autrefois ce qu’on avait accordé au crédit ou à d'autres motifs, empêchait que la justice ne l’obtînt pour un autre point plus ou moins éloigné, et l’intérêt général n’étant pas la base commune des décisions, les foires et marchés n’ont jamais procuré les avantages qui auraient pu en résulter, même après qu’on les avait gênés ou restreints par des impôts. Il n’est personne qui ne sache très bien qu’un marché diffère d’une foire, quoiqu’ils se ressemblent dans ce point qu’ils ont pour but commun de faciliter les approvisionnements; mais le marché n’a communément en vue qu’une étendue circonscrite et limitée, et que la vente des denrées, tandis que la foire appelle les commerçants éloignés, même les étrangers, et qu’elle admet les marchandises de presque toutes les espèces, ou du moins celles qu’il est avantageux d’y réunir pour l’intérêt commun des cultivateurs, des fabricants et des consommateurs. D’ailleurs, et c’est en ceci que consistait la principale différence, les foires jouissaient autrefois de privilèges et de franchises plus ou moins 62 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] étendus, et calculés de manière à y attirer les marchands par l’appât d’un profit plus considérable. Tout le monde sait quelle a été la célébrité des foires de Brie et de Champagne sous les comtes souverains de ces deux provinces ; et de nos jours, chacun connaît les foires de Lyon, de Beaucaire, de Guibraye, etc. On a déjà dit que les foires n’ont pas toujours rempli leur destination ; et, sans se livrer à l’examen des causes multipliées qui s’y sont opposées, il suffit, pour en être convaincu, de savoir que certaines foires ont beaucoup perdu de leur réputation, et qu’il en est d’autres qui ont cessé d’exister d’elles-mêmes. Aujourd’hui, la différence qu’établissaient entre les foires et les marchés certains privilèges ou franchises, ne peut plus subsister; une loi fondée sur l’utilité générale, sur les besoins du commerce intérieur et extérieur; a fixé les conditions de l’introduction et de la sortie des marchandises hors du royaume, et il ne saurait être question de rendre cette règle générale dépendante de prétendues localités, du moins pour l’établissement des foires et des marchés, surtout si l’on réfléchit que cette loi étant purement réglementaire, chaque législatuie pourra rectifier, d’après l’intérêt national, ce que le temps aura pu rendre défectueux. C’est donc à procurer des facilités, soit pour des échanges journaliers, soit pour des échanges périodiques, suivant la nature des lieux et des marchandises, que doit se borner désormais tout le système des foires et des marchés ; c’est par leur entremise qu’il faut chercher à établir le niveau entre les productions de la culture et de l’industrie, et la consommation, et à faire connaître vers quels objets il est plus lucratif de diriger des vues commerciales. Mais ce système veut lui-même des combinaisons dont votre comité a pensé, Messieurs, que dépendait le succès de cette espèce d’éta-bliseement. En effet, ce serait prendre une idée bien fausse de la nature d’un marché quelconque de croire que la liberté illimitée de vendre et d’acheter partout et à tous les instants, serait avantageuse au commerce; sans doute il est toujours licite que deux individus, dont l’un a à vendre et l’autre à acheter, fassent entre eux telle transaction qu’ils jugent convenable, parce que c’est une conséquence nécessaire du droit de propriété; mais ces actes particuliers ne peuvent jamais servir à faire connaître fi s besoins d’un pays et les ressources qui peuvent les satisfaire, et à équilibrer, si l’on peut s’exprimer ainsi, les deux plateaux de la balance commerciale. C’est même souvent loin du pays où le besoin existe que la ressource est produite ou préparée, et s’il n’est pas convenu entre les personnes qui tendent à les rapprocher qu’à une certaine époque, il y aura un point où elles établiront leurs ventes et leurs achats, il doit en résulter le double inconvénient que les vendeurs ou les acheteurs manquant alternativement au rendez-vous, ils auront des frais de déplacement et de transport à supporter sans aucun avantage, et que les vendeurs ou les acheteurs ne se montrant que partiellement, il ne se formera pas un véritable prix courant, d’après lequel les spéculations sont entretenues, parce qu’ils servent à calculer les bénéfices. Il résulterait de cette seule observation, fortifiée par le besoin de consulter la combinaison des travaux de l’agriculture dans chaque saison, que les jours de foire et de marchés doivent être fixes; mais, si on la pèse davantage, on en conclura encore qu’une foire ou un marché ne peut se former que par un concours plus ou moins nombreux, et par conséquent que d’après un calcul qui a pour base la situation du lieu où l’on veut l’établir, puisqu’il est tel lieu où il serait évidemment impossible d’espérer une réunion suffisante de personnes ou de choses pour que les vendeurs et les acheteurs pussent y venir avec l’espoir raisonnable de satisfaire leurs vues réciproques. Le premier objet à examiner, lorsqu’il s’agit d’établir un marché et une foire, est donc la situation du lieu où l’on veut les placer. Parmi les conditions qui doivent se réunir alors, il a semblé à votre comité, Messieurs, qu’il en existait de deux espèces, les unes générales, les autres particulières. Du nombre des premières sont la fécondité du sol, les productions industrielles ou celles des manufactures; et les secondes consistent dans la facilité des communications, dans une population portée à un certain point, parce qu’elle suppose des ressources et des commodités pour ceux qui se réunissent, et enfin dans un rapport avec les lieux environnants : rapport qui doit être tel que la foire ou le marché les appelle à une sorte de partage de l’utilité qui en doit résulter, soit en procurant des débouchés nouveaux, soit en attirant des objets utiles, dont les frais de transport, plus ou moins coûteux, deviennent néanmoins légers lorsqu’ils sont répartis sur un certain nombre de consommateurs. Or, on le répète, tous les lieux ne peuvent satisfaire à ces conditions, et n’y eût-il que cette unique disconvenance, il faudrait encore en conclure qu’une foire ou un marché ne peuvent être indifféremment fixés dans un endroit quelconque. Mais, si la préférence est naturellement due aux lieux qui présentent en eux-mêmes les ressources convenables, il est encore nécessaire de remarquer qu’on ne doit pas se borner à les exiger; loin même d’être un titre, ces moyens sont un véritable obstacle si, d’ailleurs, il existe déjà à une certaine distance des établissements semblables, puisqu’en les multipliant on produirait inévitablement la ruine des uns et des autres. Gette multiplicité tendrait à diviser les commerçants, et nuirait par conséquent au but principal; ou s’ils accordaient la préférence à un lieu sur un autre, il y en aurait un des deux pour lequel la concession d’une foire ou d’un marché ne serait qu’un avantage purement chimérique. A cette nécessité d’étudier les distances s’unit celle de combiner les jours de foire et de marché, afin qu’une autre concurrence ne vienne pas produire le même inconvénient, et il est facile de sentir que ces motifs doivent encore s’appliquer à la durée qu’on veut donner à une foire. Par ces diverses observations l’on est conduit à cette double vérité, qu’il faut des moyens de s’assurer qu’une foire et un marché sont réellement utiles, et un pouvoir qui en rende l’établissement légal. Dans l’ancienne administration, lorsqu’une communauté, un corps municipal, ou un seigneur demandait une foire ou un marché, c’était à l’intendant de la province qu’il appartenait d’examiner d’abord si la demande devait réussir, et un intendant du commerce prononçait ensuite au nom du ministre des finances. Lorsqu'on admettait la demande, on expédiait des lettres patentes, dont l’enregistrement n’avait lieu dans le parlement du ressort, qu’après un pro- 63 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] cès-verbal de commodo et incommodo, fait à la requête du procureur général . La nécessité de l’obtention de lettres patentes était fondée sur ce que les foires et marchés étant de véritables établissements de commerce, ils faisaient, à ce titre, partie de la police générale, alors exercée par le roi seul. Quant au procès-verbal requis par le ministère public, on voit qu’il avait pour cause le désir d’échapper aux inconvénients que votre comité vous a montrés, comme devant résulter du mauvais choix d’un lieu, soit par rapport à la situation, soit par rapport à l’intérêt de ses voisins. Votre comité a pensé, Messieurs, que l’ordre actuel des choses n’apportant aucun changement à la nature d’une foire et d’un marché, qui reste toujours une institution commerciale, il ne pouvait y avoir de doute que c’était au pouvoir législatif' à statuer dans cette matière. L’influence des foires et des marchés sur l’agriculture et l’industrie est trop sensible et trop directe, pour que cet objet important puisse être retranché de la compétence du pouvoir national. C’est un de ses plus beaux attributs que d’ouvrir de nouvelles sources à la prospérité publique ; nous avons donc regardé comme une base fondamentale, que nul établissement de foire ou de marché ne devait avoir lieu qu’en vertu d’un décret sanctionné. Mais, s’il n’est pas moins utile qu’autrefois d’être éclairé sur l’intérêt réel d’une demande de cette espèce, maintenant il faut employer d’autres moyens que ceux du passé, pour s’en assurer. Votre comité a trouvé, Messieurs, qu’ils s’offraient d’eux-mêmes, dans ces corps, résultats du vœu du peuple, auxquels l’administration des parties de l’Empire est contiée. Il lui a semblé nécessaire d’abord que la demande soit énoncée par le conseil général de la commune du lieu, afin qu’elle porte un caractère public, susceptible de la recommander, et surtout avec l’obligation de la motiver ; et le directoire de district, auquel elle sera adressée, sera tenu ensuite de la rendre publique, et de la faire connaître à chacune des communautés, formant le canton où sera situé le lieu pour lequel on demanderait encore la commune du chef-lieu de chacun des cantons limitrophes de ce premier, pour avoir leurs observations dans un délai suffisant. Ces formalités remplies, le directoire du district adressera la demande et les observations qu’elle aura pu produire, avec son avis motivé, au directoire du département. Celui-ci, à son tour, consultera les directoires des différents districts qui seront limitrophes du district dans lequel la demande aura été faite; et enfin, de plus, les directoires des divers départements contigus à celui dans l’étendue duquel on voudra avoir le marché ou la foire. Ces précautions épuisées, le directoire du département adressera alors à la législature toutes les pièces avec son avis détaillé. Cette marche qui semble compliquée au premier coup d’œil, est cependant la seule que trace la raison et la jus! ice. En effet, le conseil général ayant établi, dans sa demande, les motifs sur lesquels il la fonde, il n’en résulte encore rien, sinon qu’on désire des foires ou des marchés dans un tel lieu. Mais, comme un intérêt aussi circonscrit ne peut pas servir de mesure à l’intérêt général, il faut consulter dans les points environnants pour apprécier le mérite de la demande : si elle est juste, les communautés voisines doivent le sentir, le reconnaître, ou au moins l’avouer ; si elle est déraisonnable, elles le diront encore, et leurs raisons seront pesées. Dans le cas où des établissements du même genre, déjà formés, seraient menacés de quelques inconvénients par la nouvelle réclamation, l’intérêt de ces premiers établissements sera soutenu par ceux qu’il favorise, et cette contradiction empêchera qu’il ne se commette une injustice. S’il avait dû arriver qu’on ne réclamât des foires et des marchés que pour des objets purement locaux, et pour des endroits, en quelque sorte, au centre des cantons, et que leur influence dût être renfermée dans l’étendue du canton, celle-ci serait la mesure naturelle des bornes dans lesquelles il faudrait circonscrire la nécessité de consulter : mais, si la ville ou le bourg qui réclame est justement à l’extrémité de son canton, n’est-il pas possible que ce soit précisément un ou plusieurs lieux d’un ou de plusieurs cantons limitrophes, qui aient intérêt à s’élever contre sa prétention ? Ne se peut-il pas qu’on réclame, tout à la fois, de l’extrémité d’un canton et d’un district, et que les vrais contradicteurs soient dans les districts environnants? Enfin, la combinaison ne peut-elle pas être telle que l’on agite la question pour un point qui fait encore aux contins du département, et que la critique du projet doive être faite par les habitants d’un autre département ? Est-il donc un soin plus sage, que d’appeler toutes les lumières, et de recourir à la publicité, ce flambeau des opérations d’un peuple libre ? Par ce concours de moyens on écartera toutes les demandes indiscrètes, on intimidera les hommes qui croiraient pouvoir être plus complaisants que justes, et l’intérêt général restera la vraie comme la seule règle de la concession ou du refus des foires et des marchés. D’un autre côté, l’on a quelquefois, sans même qu’on s’en aperçoive, une sorte de propension pour les lieux qu’on administre ; et s’il arrivait qu’un directoire de district ou de département, se laissât entraîner par cette espèce de suggestion, il n’y aurait qu’à gagner de mettre d’autres corps administratifs plus désintéressés, à même de donner leur avis. Il est même d’autres raisons qui veulent que le Corps législatif s’assure qu’il ne sera qu’une chose utile. D’abord, comme l’établissement d’une foire ou d’un marché est réellement avantageux au lieu où on le place, il paraît juste qu’il en fasse les frais, et qu’il contribue ainsi à ce qui doit lui procurer, par une plus grande réunion d’individus, un bénéfice local, à cause de la plus grande consommation. Il faudra donc dire si l’on pourra supporter ces frais d’établissement, et expliquer de quelle manière on compte parvenir à en réaliser le montant. Il est encore nécessaire de calculer les mesures que la police de la foire ou du marché peut exiger, puisqu’un rassemblement plus ou moins considérable, des marchandises plus ou moins précieuses, des routes plus ou moins sûres, peu vent vouloir des combinaisons différentes dans les détachements de la gendarmerie nationale. Tout appelle donc les informations les plus détaillées, les avis les mieux motivés pour qu’en-core une fois le Corps législatif ne se trouve pas placé entre ces deux grands inconvénients, celui de refuser des foires et des marchés dont l’effet serait d’exercer l’industrie, d’encourager l’agriculture par l’emploi et la reproduction d’un plus grand nombre d’hommes, objets qui constituent essentiellement une bonne administration politique, et celui de les multiplier assez pour qu’ils 04 [Assemblée nationale*} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \AnnexesA puissent s’entre-nuire et devenir funestes au commerce et à l’agriculture en les décourageant. C’est même relativement au danger de cette multiplication irréfléchie que le comité croit devoir placer ici une observation qui, vous étant offerte, Messieurs, frappera davantage les différents administrateurs qui seront dans le cas d’être consultés sur des établissements de foires et de marchés. Depuis l’époque de la Révolution, les demandes pour en obtenir ont été extrêmement fréquentes ; on a même cru les circonstances favorables au rétablissement de ceux qui avaient absolument cessé d’eux-mêmes, et le comité a eu occasion de remarquer qu’on n’avait quelquefois gardé aucune modération à cet égard ; il lui a même paru que les directoires de district et de département avaient cru assez souvent qu’ils donnaient une marque d’attachement aux administrés en adoptant les mêmes vues qu’eux, sans se ressouvenir qu’ils sont plutôt des juges que des compétiteurs. Cette facilité serait cependant elle-même la source d’un véritable abus et même d’un désordre réel, si les corps administratifs ne sentaient pas le besoin d’y résister. En effet, indépendamment du danger du trop grand nombre des foires et des marchés, parce qu’ils cessent alors d’offrir des rendez-vous certains où doivent se réaliser des ventes et des achats, il en résulte encore qu’ils deviennent une occasion de détournement pour les habitants des campagnes, qui contractent ainsi le goût des déplacements, qui ne sont rien moins qu’utiles aux mœurs rurales. Il y a même une maladie morale d’autant plus dangereuse qu’elle tend à ôter à l’homme l’amour de la propriété, qui, dans le cultivateur surtout, est une des vertus domestiques et par conséquent une des sources du vrai civisme ; celui qui a contracté l’habitude d’aller trop fréquemment aux foires et aux marchés, ne sent plus le bonheur de la vie sédentaire; il est exposé à prendre l’esprit de brocantage, qui fait qu’on troque toujours, qu’on ne s’attache à rien de ce qu’on possède, et de cet état au désœuvrement, il y a si près qu’on est conduit au vice presque infailliblement. Cette considération d’un ordre supérieur et de la nature de celles qui doivent frapper des législateurs qui ont aussi songé à la régénération de l’Empire par les mœurs, s’est présentée à votre comité, Messieurs, comme un des motifs propres à rendre circonspect dans l’examen des demandes des foires et marchés, examen qu’il a cru important de soumettre aux règles contenues dans le projet de décret suivant, que j’ai l’honneur de vous proposer en son nom : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité d’agriculture et de commerce, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Lorsqu’une communauté quelconque désirera l’établissement d’un ou de plusieurs marchés, d’une ou de plusieurs foires, son vœu à cet égard sera manifesté par une délibération du conseil général de la commune. Art. 2. « La délibération contiendra les motifs de la demande, l’indication des époques et de la durée des foires et marchés, et celle des moyens de parvenir aux frais de leur établissement. Art. 3. « Cette délibération sera adressée, par le conseil général de la commune, au directoire du district, qui sera tenu de la faire connaître : 1° à chaque commune dépendant du même canton que la commune requérante, et 2° à la commune de chaque chef-lieu des cantons du même district, et qui seront limitrophes de la commune qui aura fait la demande. Art. 4. « S’il se trouve dans les communes du même canton, ou dans les autres cantons limitrophes ainsi prévenus, des lieux intéressés à discuter la demande formée pour obtenir des foires ou des marchés, leurs observations ou oppositions seront consignées dans une délibération du conseil général de leur commune. Art. 5. « Il sera loisible aux communes qui auront intérêt au succès de la demande, d’exprimer de la même manière l’adhésion qu’elles y donnent. Art. 6. « Toute délibération , soit approbative , soit désapprobative , prise par le conseil général d’une commune, sera envoyée par lui au directoire du district. Art. 7. « Six semaines après que le directoire du district aura communiqué la demande, conformément à l’article 3 ci-dessus, il donnera, tant sur cette demande que sur les observations, oppositions ou adhésions qu’elle aura produites, son avis motivé, et il adressera ensuite le tout au directoire du département. Art. 8. « Le département fera connaître aux directoires des districts limitrophes de celui dans l’étendue duquel on aura demandé des foires et marchés, et la demande, et tout ce qui l’aura suivie, pour avoir leur avis. Art. 9. « Les directoires de district ainsi consultés, prendront dans leur territoire les renseignements qu’ils croiront nécessaires, et les adresseront au directoire du département. Art. 10. « Un mois après la connaissance donnée aux districts, suivant l’article 8, le directoire du département fera parvenir aux directoires du département qui lui sont contigus la demande primitive et les différentes réclamations ou adhésions dont elle aura été suivie, pour avoir leur avis. Art. 11. « Un mois après cet envoi aux directoires des départements limitrophes, le directoire du département dont relèvera la commune qui aura emandé des foires ou marchés, donnera sur le