333 [États gên. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Perche.] La perception devait s’en faire dans la ville de Mortagne, a la charge de faire payer aux régisseurs la somme de 6,000 livres. Ces droits étaient établis suivant le tarif du conseil, annexé à la déclaration du Roi, du 3 janvier 1759, sur les boucheries, buissons, bois et foins. Les droits sur les boucheries ont été affermés dès le 5 avril 17o9. Le 18 avril suivant, il a été délibéré sur le point de savoir si ou laisserait subsister la totalité de ces droits, plus que suffisants pour remplir cette somme de 6,000 livres. Après différentes assemblées, il a été arrêté, conformément à l’article 3 de là déclaration du Roi susdatôe, que les droits sur les foins et bois seraient supprimés comme excédant la somme à fournir au Roi ; cette suppression a été approuvée ar une lettre des régisseurs du don gratuit, du 8 juin 1759, et par une lettre de M. l’intendant d’Alençon, du 9 juillet de la même année; en conséquence, la perception et les droits en ont été restreints sur les boucheries et boissons, et ont été affermés par différents baux, des 8 mai 1761, 3 octobre 1764 et 14 juin 1765 ; le Roi, depuis cette époque, s’est emparé de ce droit et en a ordonné la perception à son profit. Les régisseurs ont fait percevoir ce droit sur l’entrée des bois et foins, quoiqu’ils aient été supprimés en vertu des dispositions de l’article 3 de la déclaration de 1759 et des délibérations de la ville approuvées par le conseil ; ils se sont fondés sur des lettres patentes du 24 août 1769, qui ont ordonné l’exécution du tarif annexé à la déclaration du Roi de 1759, sans s’arrêter aux délibérations particulières des officiers municipaux qui n’avaient pas été dûment autorisées. La ville de Mortagne n’était pas dans le cas de cette exception. Ses délibérations avaient été approuvées par le conseil ; cela est constaté parles lettres ministérielles adressées à la ville ; l’intention n’a été que d’exiger 6,000 livres par chacun an, et lorsque le Roi a prorogé la perception, il n’a pas pu avoir intention de la surcharger au delà. La ville de Mortagne, dans cette position, demande non-seulement l’abrogation du droit principal qui lui est fort onéreux, mais même une indemnité résultant de la perception excessive faite depuis 1769, indemnité que ses besoins rendent nécessaire. Art. 44. Que les lois contre les banqueroutiers frauduleux soient observées plusexactement qu’elles ne l’ont été jusqu’à présent, où il est presque impossible d’obtenir justice contre eux. Art. 45. Que, pour parer aux frais considérables que nécessitent les expertises en justice réglée, qui ne se font qu’à grands frais pour les dommages les plus légers faits par des bestiaux, les municipalités de chaque paroisse soient autorisées à nommer deux et même jusqu’à trois experts de probité reconnue, lesquels constateront le dommage, et dont le procès-verbal ou le certificat qui contiendra l’estimation sera cru en justice. Art. 46. Que les seigneurs de la province du Perche seront priés de considérer que la déclaration du Roi du mois de septembre 1784, en déchargeant les terres hommagées du Perche du droit de franc-fief, les a déclarées roturières de leur nature; que la reconnaissance envers les seigneurs par la forme de l’aveu est le propre du fief, et qu’en considérant les biens hommagés comme une roture, il semblerait plus naturel d en desservir les seigneurs, par la voie de la simple reconnaissance, lors de la réception de laquelle se ferait la liquidation du payement du rachat et cheval de service dus pour raison de ladite baillie bursale ; que les seigueurs n’y perdraient rien, et que tous les propriétaires de terres hommagées se trouveraient déchargés d’un grand fardeau par le coût énorme des aveux pour 1 objet presque toujours le plus modique, et que ceux desdits deux premiers ordres qui ne sont pas seigneurs de fiefs veuillent bien considérer que cette mutation leur doit être commune comme aux tiers-état, et que ceux mêmes d’entre lesdits deux premiers ordres propriétaires de fiefs, et qui possèdent le plus souvent eux-mêmes des biens hommagés, ont le même intérêt à tarir cette source de frais inutiles, sans toutefois que cette forme de reconnaissance puisse rien changer dans l’ordre des successions, non plus qu’au droit de retrait et saisie féodale des seigneurs. Art. 47. Que la suppression des offices d’huissiers-priseurs , ensemble celle des 4 deniers pour livre à eux attribuée, tant à cause de la charge de l’impôt en lui-même, que parce qu’il en résulte une entrave à la liberté des citoyens, qui ne peuvent plus vendre leurs meubles volontairement comme ils le faisaient autrement, soit sollicitée. Art. 48. Qu’il soit accordé des prix d’encouragement au meilleur cultivateur de chaque arrondissement, et au meilleur manufacturier dans chaque manufacture de la province. Art. 49. Qu’il soit sollicité une loi par les États généraux par laquelle le souverain s’interdira la faculté de disposer de ses domaines par la voie d’échange, cette voie étant plus funeste aux intérêts de l’État que celle de l’aliénation, et qu’il soit procédé à la révision de tous les échangés qui se sont consommés depuis irenle ans par des commissaires indiqués par les Étals généraux. Art. 50. Que les ordonnances relatives à l’exercice du droit de chasse et à celui de la pêche soient remise en vigueur ; que l’usage du droit de chasse ne puisse être cédé et encore moins affermé par les seigneurs; que les gardes qui seront par eux préposés pour la conservation de leurs fiefs et bois ne puissent, comme ils le font, chasser journellement sur les héritages des particuliers, dans tous les temps, sans respect pour les productions de la terre qu’ils foulent aux pieds, et sans pouvoir sous aucun prétexte déclore leurs héritages ou y faire des brèches pour s’y introduire, ce qui occasionne l’évasion des bestiaux qui se trouvent dans ces héritages clos et qui vont faire du dommage sur les héritages voisins, ou facilite l’entrée des autres bestiaux dans les mêmes héritages ; et qu’au regard du droit de pêche, il ne puisse en être également usé dans le temps prohibé par l’ordonnance. Art. 51. Que l’usage des lettres de commissaires à terrier soit anéanti. CAHIER Du tiers-état de la paroisse de Loisail (1). Art. 1er. Les habitants de la paroisse de Loisail requièrent qu’il soit demandé aux Etats généraux que les trois ordres du clergé, de la noblesse et clu tiers-état contribuent également à la répartition et au payement de toutes les impositions, de quelque nature qu’elles soient, qui seront ou confirmées, ou autorisées, ou établies de (1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé • le Gouvernement de Normandie, par M. Hippeau. 334 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Perché.] nouveau; sans préjudicier toutefois aux rangs et distinctions dans chaque ordre, et que la délibération à prendre aux Etats généraux sur ces objets et sur toutes les autres affaires qui intéressent la nation en générai soient prises en commun par les trois ordres réunis, et les voix constatées par tête. Art. 2. Que les impôts et droits, de quelque nature qu’ils soient, qui ont été établis depuis les derniers Etats sans le concours de la nation assemblée, soient éteints et supprimés, et qu’il ne puisse en être accordé ni établi aucun que pour un temps limité qui ne pourra excéder celui de la tenue des prochains Etats généraux, et que l’époque du retour desdits Etats généraux soit déterminée et fixée. Art. 3. Que le droit de répartir les impôts soit rendu aux provinces, pour s’opérer d’abord entre les paroisses et communautés, sans pouvoir être confié ni à des commissaires du Roi ni à des pourvus d’offices ; que la répartition en soit aussi rendue à chaque paroisse, notamment celle de Loisail, pour s’opérer entre les divers habitants, propriétaires et contribuables. Art. 4. Qu’il soit accordé à la province du Perche des Etats particuliers pour régler et établir toute distinction d’impôts nécessaires au maintien du commerce, manufactures, chemins, travaux publics qui intéressent la province. Et, dans le cas où Sa Majesté ne jugerait pas à propos d’accorder des Etats particuliers à cette province, demander que la province du Perche, de laquelle cette paroisse fait partie, soit réunie à celle de Normandie, à laquelle elle a été jusqu’à cet instant liée sur tous ces objets. Art. 5. Se plaindre du fardeau des impôts de toute espèce dont cette paroisse est écrasée, de laquelle le sol est en partie inculte, le surplus d’une mauvaise nature. Art. 6. Qu’il soit procédé à la réformation de l’administration et l’abréviation de la justice; que les droits de formule, contrôle, greffe et autres de cette nature, qui la rendent infiniment coûteuse aux sujets du Roi, soient abrogés. Art. 7. Demander que le prix du sel soit diminué ou rendu marchand et égal dans tout le royaume, étant une denrée de première nécessité ainsi que le tabac. Art. 8. Demander que tous les impôts et droits du Roi soient abandonnés par province et par paroisse, en sorte qu’ils soient versés dans les coffres du Roi sans moyens intermédiaires qui en absorbent une partie. Art. 9. Demander la suppression des charges d’huissiers-priseurs créées depuis quelques années, comme onéreuses au public. CAHIER De la paroisse du Pas-Saint-Lomer (1). Les habitants de cette paroisse n’ont d’autres plaintes et doléances à faire que celles qui sont communes à des gens de leur état et condition, savoir qu’ils ne payaient déjà que trop d’impôts de différents genres ; qu’ils désiraient que le dérangement des finances ne fût pas la cause de nouvelles impositions sur eux, parce qu’ils n’étaient pas capables d’en supporter davantage, ayant bien de la peine à acquitter celles qui sont imposées, mais que c’était bien plutôt à ceux qui (1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : le Gouvernement de Normandie , par M. Hippeau. sont riches à contribuer à rétablir les affaires du royaume. Quant aux remontrances, ils n’avaient d’autres vœux et d’autres désirs que la paix et la tranquillité publiques ; qu’ils souhaitent que l’assemblée des Etats généraux rétablisse l’ordre des finances et amène en France la joie et la prospérité de l’Etat ; qu’ils ne sont point assez versés dans les choses qui doivent se traiter en ladite assemblée pour donner leur avis, et s’en rapportent aux lumières et aux bonnes intentions de ceux qui y seront députés. Enfin, qu’ils ne connaissent de moyens de pourvoir aux besoins de l’Etat, qu’une grande économie dans les dépenses et un amour réciproque entre le Roi et ses sujets. DOLÉANCES Plaintes et remontrances des habitants de la paroisse de Longpont , élection de Mortagne , adressées le 4 mars 1789 (1). La longue absence de leur seigneur leur cause plus de perte que la cherté du sel et leur taille, dont ils sont surchargés, en ce qu’étant sujets à son moulin de Longpont, banal des plus mal entretenus, manquant du plus nécessaire , de courbes entre autres, ce qui fait perdre en pure perte quantité de farine, malgré la vigilance du meunier actuel ; banalité qu’ils sont forcés de suivre, pour éviter la perte ruineuse des procès Cette même absence les prive encore d’édit de suppression du péage, qu’avait ce seigneur, pour entretenir les ponts dudit lieu, que le Roi se chargea d’entretenir par la suite : ponts aujourd’hui en bois, tout ruinés, qu’un chacun racom-mode pour passer , en risquant sa vie et voiture, sans pouvoir se plaindre à personne, faute de cet édit qui doit être au chartrier du seigneur. Si ledit seigneur eût été présent , lors de la dernière récolte, un homme de la paroisse de Saint-Aubin-d’Apnay, nommé Pierre Jarry, accompagné de onze associés décidés à se battre et tuer, n’aurait pas enlevé, avant maturité, en sept ou huit voitures, toute la récolte de blé, mars et filasse du nommé Claude Morel, habitant de cette paroisse, lequel eut recours (inutilement) au juge de police de la haute justice dudit Longpont et agent du seigneur, ce qui a réduit ce malheureux habitant à la dernière extrémité, sans pain, sans argent et exposé au désespoir ; et étant encore menacé de la même cérémonie par la suite, il a été nécessité de laisser son terrain inculte. Enfin, si le seigneur était présent, tant lesdits ponts que les deux bras de la rivière de Sarthe, qui devraient séparer les provinces, seraient réparés, l’eau n’ayant plus son cours libre , ce qui cause la perte entière des foins des belles prairies que ces rivières arrosent. Il aurait sûrement aussi continué de demander la réparation du grand pont de pierre , dont les voûtes tombées ont fait changer le lit de cette rivière : demande que poursuivait au conseil feu M. le marquis de la Coudrelle, son père, pour pouvoir profiter les uns et les autres des belles prairies qui sont presque chaque année vasées et ne donnant aucun profit, puisqu’on a peine à trouver qui veuille ôter gratis les foins de ces prés. Comment donc, d’après tout cela, ces habitants peuvent-ils vivre, subsister et payer? Y en a-t-il (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des A rchives de l’Empire.