724 | Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (3 février 1791.] M. Merlin. D’après la disposition de l'Assemblée nationale, je ne veux pas soumettre mon amendement à l’humiliation de la question préalable, et je le retire. M. Prieur. Nous les retirons tous. Plusieurs membres demandent la division de la question préalable sur les amendements. (La question préalable sur cette division est décrétée.) (Les amendements sont rejetés et l’article 26 est adopté.) M. Duport, rapporteur. L’article 27 est ainsi conçu : « Après chacune de ces déclarations, chaque juré, en témoignage de son opinion, déposera à cet effet une boule blanche ou noire; la boule blanche exprimera l’opinion favorable à l’accusé ; la noire, celle qui lui est contraire. » M. Prieur. Au lieu de cette formalité ridicule des boules noires et blanches, qu’on nous propose, je voudrais qu’on choisît entre celte alternative, ou que les juges et le commissaire du roi dressent un procès-verbal de la déclaration des jurés, ou bien que les jurés signent leur déclaration, atin qu’il en reste une trace. M. Biucot. Dans cet article, il y a deux choses essentielles : la première de s’assurer que la boule déposée dans le vase par le juré est absolument le témoignage de sa déclaration; la seconde, de rassurer le juge, quand il est dépositaire de ce vase ; je ne voudrais pas qu’on obligeât le juré de signer sa déclaration, par une raison toute simple, qui est que le juré ne saura pas toujours signer; il me semble qu’il serait aussi dangereux de faire dresser procès-verbal de la déclaration. Il est un moyen simple de concilier l’intérêt du juré, celui de l’accusé, et même celui du juge ; je voudrais que le juré, en faisant sa déclaration, tînt également la boule en témoignage de son opinion, et qu’en même temps il la déposât, non pas dans un vase seul, mais dans un des deux vases qui seraient sur une table, car il faut bien prendre garde que, quand il a fait sa déclaration, il peut, par distraction, prendre une boule pour une autre; il y a l’intérêt du juge, dont il faut aussi s’occuper ; car qui assurera le public que les boules que reçoit le juge n’ont point été échangées? Qui est-ce qui garantira surtout le juge de ce reproche? Je voudrais, pour mettre le juge à l’abri de tout soupçon, que ces deux vases fussent fermés à clef. Par là il serait certain que les boules sont véritablement le témoignage de la déclaration de chaque juré: ainsi, je voudrais qu’au moment où le juré fait sa déclaration, il montrât sa boule aux juges, et la déposât dans un des deux vases. Je voudrais, en outre, que ces deux vases fussent fermés à clef. Voilà les deux amendements que je propose. M. Chabroud. Messieurs, ce qu’on vous propose me paraît absolument effrayant; je crois que c’est réduire à une opération mécanique la démonstration du sentiment du juré, et je crois que des erreurs très dangereuses peuvent se glisser dans cette opération, soit en confondant les boules, soit en portant dans un vase ce qui doit être porté dans un autre; je n’ai absolument au-I cutie espèce de confiance dans une opération qui | me paraît beaucoup trop ressembler à l’établissement d’un escamoteur. M. Malouet. Je ne vois pas pourquoi M. le rapporteur insiste sur cet article, car il présente une forme très illégale de constater le jugement du juré. M. Duport, rapporteur. M. Malouet vous dit qu’il ne voit pas la nécessité de l’article, elle est déjà dans les articles décrétés. Quand les jurés auront donné leur opinion en présence des juges, en l’absence les uns des autres et à haute voix, il faut la constater, parce que sans cela ce serait à la mémoire du commissaire du roi et des juges qu’il faudrait s’en rapporter. Il n’y a que deux manières de la conserver, ou par écrit, ou de cette manière-ci. Par écrit, vous en sentez les inconvénients ; il vaudrait cent fois mieux faire opiner chaque juré devant le public ; au lieu que dans la manière que le comité propose il y a aussi des dangers, mais il y a de la moralité. Ainsi il me paraît démontré clairement que si on donne par écrit les opinions, il vaut mieux les donner devant le public. Ainsi nous pensons qu’il faut que ce suffrage, qui serait donné par écrit, et qui est pour ainsi dire écrit avec cette boule, soit donné en présence du chef du juré, en présence du commissaire du roi, et en présence des juges qui y seront. M. de Folleville. Croira-t-on jamais que la même Assemblée qui a infligé des peines si graves au contumax, positivement parce qu’il a manqué de confiance en la loi, donnera un moyen de subterfuge au juré, et ne lui dira pas qu’il doit être un homme juste et un homme ferme, parce que sans fermeté il n’y a pas de justice? Or, un homme ferme ne doit point cacher sa façon de penser. Je dis donc que tout moyen d’élusion à cet égard est véritablement un moyeu immoral; et je rappellerai au comité que ce qui doit servir de maxime à tous jurés, à tous fonctionnaires publics, c’est le mot d’Agésilas, qui disait, en parlant d’un homme faible : Comment sera-t-il juste aux bons , s'il nest pas terrible aux méchants ? Or, un homme qui est terrible aux méchants est un bon juge. ( Applaudissements .) M. L