[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 avril 1790.] 347 teurs. Tous leurs désordres sont maintenant sous nos yeux. Les moyens qui les ont favorisés, nous indiquent ceux qui doivent vous en garantir. On ne peut plus nous en imposer par de vains sophismes; elles ont disparu ces administrations compliquées, plus organisées pour servir de refuge aux abus que pour les prévenir. Ou nous périrons, ou les contributions de votre justice et de votre patriotisme seront constamment et fidèlement emplovées à leur destination. Les mêmes fonds que vous destinerez à l’extinction de la dette ne serviront qu’à éteindre la dette; ceux qui devront maintenir la force publique et les défenseurs de la patrie sur un pied respectable, n’auront pas d’autre destination. La religion, ses ministres, les pauvres, n’auront point à craindre qu’on dissipe à d’autres usages ce qui leur sera consacré. La majesté du trône, devenue plus imposante encore par ses augustes fonctions, celles d’exécuter les décrets d’un peuple libre, ne sera plus exposée à entendre les gémissements de tant de malheureux. Les criminelles extensions d’impôts, l’avidité des percepteurs qui les étendaient encore, ne flétriront plus le gouvernement du meilleur des rois. Partout l’ordre, la règle, et leur incorruptible gardien, la publicité loyale, deviendront les garants de l’obéissance et la sauvegarde de vos propriétés. Français, secondez l’Assemblée nationale par votre confiance; ses infatigables travaux le méritent. Un peu de temps encore, et les avantages de notre Constitution atteindront toutes les classes de la société. Un peu de temps encore, et nul peuple n’aura autant mérité les bénédictions du genre humain. M. le Président consulte l’Assemblée qui adopte cette adresse après lui avoir donné de grands applaudissements. Il est, en outre, décrété que l’adresse sera imprimée, annexée au procès-verbal, envoyée dans les provinces et lue au prône de toutes les paroisses. La séance est levée à deux heures et demie. ANNEXE au procès-verbal de la séance de V Assemblée nationale du 30 avril 1790. Opinion de M. le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre (1) sur les jurés (2). Messieurs, puisque vous avez repris le genre de discussion que j’avais proposé d’interrompre, il ne me reste plus qu’à me renfermer dans l'ordre de travail qui vous a paru préférable, et si, dans le cours de cette opinion, je réponds encore à quelques-uns des raisonnements que M. Thouret m'a opposés, ce ne sera que dans leurs rapports avec l’objet des jurés qui doit nous occuper unique-(1) Cette opinion n’a pas été insérée au Moniteur. (2) Appelé pour avoir la parole dans un moment où j’étais sorti de l’Assemblée, je n’ai pas pu prononcer cette opinion. Je l’imprime comme une preuve de mon attachement à un plan qu’une question préalable a rejeté sans discussion et qui seul, dans mon opinion, pouvait nous assurer, au civil et au criminel, l'institution bienfaisante du juré, que l’Assemblée n’a admise qu’au criminel, (Note de M. de Clermont-Tonnerre.) ment. Plus nous avançons dans la discussion sur les jurés, et plus les difficultés s’accumulent, et plus un grand nombre de bons esprits manifestent de répugnance et d’hésitation quand on insiste sur cet établissement si utile pour les individus et si nécessaire à la liberté; et plus on s’efforce de vous effrayer par l’impossibilité d’exécution dont on veut frapper tous les plans qui vous présentent des jurés. Par une fatalité nouvelle, les défenseurs de la doctrine du juré semblent vouloir s’affaiblir eux-mêmes en ne considérant et ne vous montrant, comme un véritable juré, que celui qu’environne le plus de difficultés d’exécution, et en rejetant, avec une sorte d’acharnement, celui que des modifications sages ont rendu plus praticable. Quand je n’aurais fait autre chose que de dissiper celte erreur, et de vous prouver que le jury de M. l’abbé Sieyès est un véritable juré, il me semble que j’aurais présenté aux partisans de ce genre d’ordre judiciaire un nouveau moyen de défense, et qu’en les plaçant dans une plus grande latitude, j’aurais affaibli les conséquences que l’on tire contre eux des difficultés nombreuses et peut-être insolubles dont on environne le plan de M. Duport. Après vous avoir dit que ma motion de priorité troublait l’ordre, tandis que peut-être elle n’était que cet ordre même rendu complet, car toute la série des questions adoptées se trouvait dans le plan, tandis qu’au lieu de considérer épars des rouages faits pour être ensemble, je vous invitais à les considérer rapprochés et agissants, afin de pouvoir décider s’ils étaient bons et s’ils alliaient deux conditions sans lesquelles on ne peut pas les admettre. Après vous avoir dit qu’un plan qui a obtenu la priorité est un plan accepté, parce qu’il est un ensemble ou qu’il n’est rien, tandis que vous pouvez vous rappeler vous-mêmes que la déclaration de droits du sixième bureau obtint Ja priorité, et que ses vingt-sept articles se trouvèrent réduits à deux dans le cours de la discussion (discussion qui est cependant une de celles où vous avez marché le plus vite et le plus méthodiquement), M. Thouret s’est attaché à la dissection du plan même, et voici, si je ne me trompe, les objections qu’il a faites contre l’article des jurés. Ce sont les seules auxquelles je veuille répondre aujourd’hui, les autres pouvant être discutées dans la suite de votre travail. — Il vous a dit d’abord que le jury de M. l’abbé Sieyès n’est pas le véritable jury, et le reproche, répété par M. Duport, nous mène sans doute à cette question qui, quoi qu’on en ait dit et qu’on en dise, sera encore la première à éclaircir dans la discussion qui nous occupe. « — Qu’est-ce que le véritable juré? qu’est-ce qu’un juré? — On me répond d’un côté: Les jurés sont des hommes pris parmi les pairs de l’accusé ou des parties, réduits, par des récusations successives, à un nombre donné, chargés de juger uniquement le fait, et rentrant ensuite dans l’ordre de la société. Si cette définition était la seule et la vraie, le juré de M. l’abbé Sieyès ne serait pas le véritable, car, selon lui, des jurés sont des hommes pris parmi les pairs d e l’accusé ou des parties, réduits à un nombre donné par des récusations successives, chargés, clans une ou plusieurs causes, de juger séparément et successivement toutes les questions dont une contestation se compose, et rentrant ensuite dans la société. Or, Messieurs, les deux définitions ont des parties communes et des parties distinctes; elles vous présentent deux espèces de jurés. Quelle est la véritable? C’est ce que vous seuls pouvez décider. C’est ce qu’au-