[Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intra rauros.] 297 sirène, soit supprimée, et qu’on ne fasse plus jouer au Roi le rôle d’un banquier qui s'avantage; . mais comme il doit être permis à chacun de laisser une porte ouverte à la fortune , et de dépenser son argent comme bon lui semble, qu’il en soit établi une moins onéreuse pour les pontes, et dont l’administration plus claire ne serve point à engraisser une douzaine de régisseurs, qui, sous des noms empruntés, tenant de petits bureaux clandestins à leur compte, pressurent, sous l’appât d’un gain illusoire, jusqu’au malheureux mendiant, et sont par là tout à la fois banquiers et commis. Art. 33. Abolir tout privilège exclusif pour fait de messageries, diligences, voitures de cour et de place; de manière qu’il soit libre à chacun de voiturer qui bon lui semble, et qu’on puisse donner un coup de fouet sans la permission du Roi. Art. 34. Que les jardins publics, qui ne sont ouverts au peuple que le jour de saint Louis, le soient toute l’année, pour qu’il dise : du Roi c’est tous les jours la fête. Art. 35. Défendre aux hommes les métiers de coiffeur et de tailleur pour femme, d’abord par décence, et ensuite pour ne pas ôter le pain à tant de malheureuses ouvrières, que le défaut d’occupation semble autoriser à tirer parti de leur jeunesse. Art. 36. Interdire l’usage de ces pages modernes, connus sous le nom de jockeys, aux demoiselles, et ce pour de bonnes raisons, et môme à quelques hommes, pour de meilleures encore. Art. 37. Qu’il soit créé un conseil de santé pour surveiller la nourriture du peuple, lequel conseil députera tous les jours quelques-uns de ses membres pour inspecter toutes les denrées qu’on étale dans les marchés et dans les boutiques. Art. 38. Etablir hors de Paris un hospice, où toute personne attaquée de la maladie anti-sociale puisse se présenter, et y être radicalement et gratuitement guérie, sans avoir besoin du billet du lieutenant général de police et d’aucun préalable quelconque ; qu’en attendant cet établissement, on ne borne pas au nombre de cent les individus des deux sexes reçus à Bicêtre, et qu’un infirmier vexateur, qui se masque du titre de gouverneur, n’exige plus un impôt de 2 livres 8 sous de chaque malade qui se présente, et sans lequel il lui ferme la porte. Art. 39. Demander une loi expresse qui déclare nulle de plein droit toute hypothèque donnée sur des biens à venir, afin d’ôter aux usuriers l’infernale facilité d’envahir d’avance la succession des fils de famille. Art. 40. Qu’il soit pris des moyens pour rendre moins fréquentes les banqueroutes, et qu’on ne voie plus un marchand qui a failli rue Saint-Honoré préparer un autre bilan au faubourg Saint-Germain. Art. 41. Que ces ventes simulées, faites par autorité de justice , et imaginées pour allécher les acheteurs, soient surveillées par la police ; et que ces petjts accapareurs qui y empêchent le public de se pmirvoir soient sévèrement punis. Art. 42. Supprimer ces officiers mesureurs , ces officiers de la vallée, de la marée , etc., qui, sous une dénomination ridicule, sont une charge onéreuse pour le citoyen, et désormais inutiles à l’administration mercantile. Art. 43. Que les riches consommateurs soient publiquement priés de diminuer la quantité de leurs cheminées à feu ; le bois que le riche brûle inutilement manque souvent au nécessaire du pauvre. Art. 44. Que dorénavant on ne soit plus obligé de payer sa place à l’église comme au spectacle, attendu qu’une pareille rétribution éloigne souvent de nos temples, surtout dans les fêtes solennelles, l’honnête citoyen qui calcule que pour assister à l’office divin, lui et sa famille, il lui en coûtera son revenu d’un jour. Art. 45. Que le Mont-de-Piété, dont l’administration n’est guère pieuse, soit changé dans son régime ; que l’intérêt de dix pour cent soit réduit à huit, attendu que les gains sont encore assez considérables par l’affluence des emprunteurs ; que les ventes publiques en apparence, et clandestines par le fait, soint surveillées avec la vigilance la plus sévère ; que les huissiers-priseurs ne se fassent pas adjuger, sous des prête-nom, les effets qui sont à leur convenance, au prix le plus modique et au détriment du public. Art. 46. Que les grands et petits égouts, dont l’odeur infecte occasionne souvent des maladies, soient beaucoup mieux soignés. Art. 47. Que le charroi au moellon, pavés, et autres pierres de bâtisse , ne soit fait que la nuit, ou au moins de grand matin, afin que les rues de Paris, déjà obstruées par la quantité innombrable de voitures, soient débarrassées de ces masses énormes, qui arrêtent la circulation et menacent sans cesse le malheureux piéton d’être écrasé du poids de leur chute, ou coupé en deux par leur essieu. Art. 48. Que le sublime projet de rendre la rivière navigable, et de restituer à la ville de Paris son ancien port, soit réalisé ; qu’on y établisse un commerce maritime, qui sera une nouvelle source de richesse pour la France et fournira à la marine un plus grand nombre de matelots. Le Roi et les Etats généraux seront suppliés d’assigner les fonds nécessaires à cette grande et utile entreprise, qui mettra le comble à la gloire de la nation. Art. 49. Le dernier vœu des citoyens de la ville de Paris est que les Etats généraux, constitutionnellement convoqués tous les trois ans, soient tenus dorénavant dans la capitale, où Sa Majesté peut, tout aussi bien qu’à Versailles, s’environner de l’amour de ses sujets. CAHIER De l'assemblée partielle du tiers-état de la ville de Paris , séante en l’église des Mathurins (1). Le premier sentiment de l’assemblée du tiers-état réuni aux Mathurins, a été un sentiment d’admiration pour un monarque qui a su se convaincre que la gloire la plus solide consistait à rétablir la nation dans 1 exercice de ses droits primitifs. 11 n’est qu’un moyen de lui témoigner une reconnaissance digne de ce bienfait : c’est de proposer ce qui peut consolider ce grand ouvrage. Liberté, propriété ; voilà ce qui constitue une véritable monarchie. La liberté ne peut se concilier avec les ordres arbitraires; la propriété ne peut exister, si la facul té d’imposer ne réside pas uniquement dans la nation assemblée. C’est à ces deux principes essentiels et fonda-(1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Corps législatif. 298 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [Paris, inlra muros. mentaux que se rapportent les principaux objets de demandes à faire. En conséquence, l’assemblée charge expressément ses représentants de demander qu’il soit inséré dans les cahiers généraux : 1° Que les Etats généraux du royaume seront assemblés au plus tard tous les trois ans, dans la forme qui sera jugée, par les prochains Etats généraux, la plus convenable pour représenter véritablement la nation ; 2° Qu’aucun acte public ne sera réputé loi* s’il n’a été consenti on demandé par les Etats généraux ; 3° Qu’il sera défendu d’attenter à la liberté individuelle du citoyen par lettre de cachet ou autres actes d’autorité; . 4° Que la Bastille sera démolie, et qu’il sera élevé sur son emplacement un monument avec la statue du Roi, et au bas cette inscription : A Louis XVI, roi d'un peuple libre ; 5° Que la presse sera absolument libre, à la charge par l’auteur de signer son ouvrage ; et à défaut de sa signature, l’imprimeur demeurera responsable de ce qui pourra être contraire à la religion, aux mœurs et au droit d’autrui ; 6° Il ne sera perçu aucun impôt, de quelque espèce qu’il puisse être, s’il n’a été librement et expressément octroyé par les Etats généraux, qui ne pourront consentir que pour trois ans au plus, et en proportion avec les besoins véritables; 7° En conséquence, les dépenses de chaque département seront fixées sur les états et pièces justificatives qui seront représentées, et chaque administrateur demeurera responsable de l’emploi des fonds assignés à son département ; 8° Les impôts seront également répartis sur toutes les classes de citoyens, sans aucune espèce de privilèges ni de distinctions, et tous les impôts distinctifs seront supprimés ; 9° La dette publique sera reconnue et consolidée, et à l’avenir il ne sera fait aucun emprunt, si ce n’est sur la demande des Etats généraux, et à la charge que les fonds seront employés à l’extinction des dettes plus anciennes ; 10° Qu’il sera nommé un ou plusieurs comités pour examiner, dans l’intervalle de la première à la seconde tenue des Etats généraux, ce qu’il convient de réformer dans la nature de l’impôt, et dans la manière de le lever ; 11° Faire prêter au militaire serment de refuser tout service : 1° pour tout ordre qui pourrait teudre à éluder la convocation périodique des Etats ; 2° pour tout ordre qui pourrait favoriser la levée d’un impôt non accordé par la nation, et demander une loi qui condamne à une mort infâme, comme coupable de lèse-nation, celui qui sera convaincu d’avoir violé ce serment; 12° Réformer l’éducation nationale; 13° Toutes les lois, usages et coutumes qui excluent les membres du ,tiers-état d’offices civils et militaires, seront et demeureront abrogées; 14° Que les lois civiles, criminelles, celles relatives aux bâtiments, à la voirie, au commerce ‘et particulièrement sur les banqueroutes et séparation de femmes de commerçants, seront réformées ; 15° Que le corps municipal actuel de la ville sera supprimé, et qu’il sera fait une nouvelle division des différents quartiers de Paris, pour être procédé tous les deux ans, dans chaque quartier, à la nomination de quarteniers, lesquels, pour former avec eux le corps municipal, nommeront les prévôt des marchands et échevins; 16° Qu’à l’avenir, le quartenier ancien de chaque quartier convoquera l’assemblée de son district, dont il sera le président, pour l’élection des représentants du quartier à rassemblée générale de la municipalité ; 17° Que les loteries seront supprimées, comme contraires aux bonnes mœurs, et funestes à la classe la plus indigente de la société ; 18° Qu’il sera pourvu à la réforme des abus dans l’administration du mont-de-piété et de la caisse de Poissy; 19° Que le secret des lettres confiées à la poste sera inviolable; 20° Qu’il ne sera désormais accordé aucun sauf-conduit, ni arrêt de surséance, pour quelque cause et prétexte que ce soit ; 21° Que toutes évocations générales et commissions extraordinaires seront supprimées ; 22° Qu’il ne sera accordé de privilèges exclusifs qu’aux auteurs et inventeurs ; 23° Que la direction des corps et communautés sera ôtée aux juges de police, pour être attribuée à une chambre de commerce, composée de dix anciens négociants, présidés , par le député du commerce de Paris. 24° Qu’il n’y aura plus désormais aucun lieu privilégié, ni pour les marchands, ni pour les banqueroutiers; 25° Qu’il sera pourvu à la réforme des inconvénients résultant de la manière dont a été fait le rétablissement des corps et communautés dans la ville de Paris, par l’édit de 1777; 26° Que les droits excessifs sur les cuirs et sur le papier, et autres matières premières, seront réduits aussitôt qu’il sera possible de le faire; 27° Qne les députés seront tenus de s’occuper des moyens de faire cesser à l’avenir les monopoles, accaparements et autres manœuvres tendantes au renchérissement excessifs des grains et denrées ; 28° Que les députés seront chargés de solliciter de la manière la plus pressante l’exécution la plus prompte des bâtiments projetés pour les hôpitaux, et la réforme de l’administration de ceux de la capitale, réforme qui intéresse si essentiellement la classe des habitants la plus pauvre, que les représentants du tiers s’empresseront toujours de défendre et de soulager. 29° Ils s’occuperont de même du moyen de supprimer l’agiotage, soit par la conversion en contrats de tous les effets au porteur, ou par toutes les autres voies qu’ils estimeront convenables. 30° Qu’ils prendront en considération le vœu qui a été porté par une grande quantité de bailliages, relativement à l’établissement des Etats proVinciaux dans toutes les provinces du royaume. 31° Qu’ilg seront invités d’insister fortement pour l’admission à l’Assemblée nationale, des députés qui ont été nommés et envoyés par les colonies. Le peu d’instants qu’on a eus, pour la rédaction des cahiers ne permet pas de faire mention d’une foule d’autres abus, dont la commune de Paris a droit de se plaindre; mais l’assemblée s’en rapporte aux autres cahiers qui seront fournis par les différents districts; et chaque corporation se réserve d’ailleurs de fournir aux Etats généraux, ainsi u’elles en ont le droit, des mémoires explicatifs e ces abus. Enfin, il est enjoint aux députés de ne pouvoir délibérer sur les impôts, avant d’en avoir obtenu la charte solennelle qui assurera la convocation périodique et régulière des Etats généraux, le droit de législation résidant dans la nation, celui [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. - [Paris, intra muros.l 299 de ne pouvoir être imposée que de son consentement, la répartition égale des impôts et la liberté individuelle des citoyens. Signé Treilhard, avocat au parlement; Blonde, avocat au parlement; Choron, notaire; Gérard de Melcy, procureur au parlement ; Mautard, imprimeur-libraire; Gafiin, marchand chapelier; Baudouin, imprimeur-libraire ; Bizet, marchand mercier ; Bureau du Colombier, avocat au parlement; Feval, avocat au parlement; de Maison-Neuve, ancien négociant; Boullanger, marchand papetier, commissaires pour la rédaction dudit cahier. M. Caillaü, président. M. ÂGIER, secrétaire. PROCÈS-VERBAL Del' assemblée partielle du tiers-état , tenue enV église des Mathurins , quartier de Sorbonne , premier district. L’an 1789, le mardi 21 avril, en vertu de la lettre du Roi pour la convocation des Etats généraux à Versailles le 27 du présent mois, et du mandement des prévôt des marchands et échevins de la ville de Paris, du 15 aussi présent mois, les habitants du tiers-état de la ville et faubourgs de Paris, quartier de la Sorbonne,' premier district, se sont assemblés et réunis en l’église des Mathurins, depuis sept heures jusqu’à neuf du matin, pour rédiger le cahier des instructions et pouvoirs à donner aux électeurs qui doivent être par eux députés, et nommer ensuite lesdits électeurs ; à laquelle heure de neuf heures M. Etienne, quartenier de ville, que lesdits habitants ont trouvé dans la nef des Mathurins, placé au milieu du bureau, et à la place du président de l’assemblée, assisté du sieur Guesneau, certificateur des criées du châtelet, qui tenait la place du greffier, et de MM. Delpêche, avocat; Choron, notaire, et Mongaluy, huissier-priseur, siégeant à ses côtés comme assesseurs après avoir fait fermer les portes, a pro-noncéà l’assemblée composéededeux cent soixante personnes , un discours analogue aux circonstances; après quoi ayant fait prêter serment audit sieur Guesneau, il lui a dit de faire lecture de la lettre du Roi et du règlement relatif à la convocation de la présente assemblée. Alors un membre de l’assemblée s’étant levé, a fait motion tendante à proposer à l’assemblée de se choisir elle-même, suivant son droit incontestable, un président, un secrétaire et les autres officiers nécessaires à son organisation, ce qui a été accepté par acclamation, et, sur la réquisition de M. Etienne, que l’on prît les voix sur cette motion, pour savoir si tel était le vœu général de l’assemblée, ayant été demandé si quelqu’un était d’avis contraire; après un silence de quelques minutes, il a été répété que c’était le vœu unanime ; et en conséquence, il a été résolu que sans s’arrêter aux articles 16, 17 et aux subséquents du règlement du 13 avril présent mois, contre lesquels l’assemblée a protesté de la manière la plus expresse, elle devait se choisir un président, quatre assistants ou scrutateurs, et un sécrétaire; et à l’instant M. Gailleau, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats, doyen d’âge de l’assemblée, a été par acclamation et provisoirement élu pour président, jusqu’à ce qu’il en eût été nommé un régulièrement par la voie du scrutin. Il a été de suite, par scrutin, procédé à l’élection d’un président; et à la grande pluralité, le même M. Gailleau a été nommé président et a pris place en cette qualité sur le même siège qu’avait occupé jusqu’à cet instant M. Etienne. Alors il a été, également par la voie du scrutin et séparément, procédé à la nomination d’un secrétaire et ensuite à celle de quatre assistants ou scrutateurs. M. Agier, avocat, a été nommé pou r secrétaire, et MM. Treilhard et Blonde, avocats; Choron, notaire, et Gérard de Melsy, procureur du parlement, ont été nommés pour assistants ou scrutateurs. Pendant la vérification des scrutins, pour la nomination des assistants, sont arrivées successivement différentes députations, tant de l’ordre de la noblesse que de celui du tiers-état, assemblés dans les divers départements de cette ville, savoir : une du troisième département, de la noblesse de Paris, assemblée le jour d’hier en l’église de l’oratoire Saint Honoré, et que MM. de La Cios et Le-Blond, députés, ont déclaré avoir été continuée cejourd’hui en la chambre du conseil du Châtelet ; lesquels députés ont fait lecture et ont laissé sur le bureau copie d’un arrêté, portant en substance que la noblesse de leur département a protesté, notamment contre la violation du droit de commune, comme contraire au vœu actuel de la noblesse; qu’elle a décidé de donner à cette protestation une nouvelle force, en communiquant aux soixante assemblées du tiers-état les instructions données par la noblesse à ses électeurs, relativement aux intérêts de la commune, aussitôt que ces instructions auront été entièrement rédigées. M. le président a témoigné à MM. les députés combien l’assemblée était sensible aux sentiments d’union dont ils avaient été chargés de lui faire part, et les a assurés qu’après que l’opération qui l’occupait serait finie, elle ne manquerait pas de prendre en considération l’objet important qu’ils venaient de lui communiquer. Après quoi MM. les députés de la noblesse ont été reconduits jusqu’à la porte par quatre membres de l’assemblée, ainsi qu’ils avaient été reçus. Ensuite a été annoncée une autre députation de l’assemblée partielle des citoyens nobles de Paris, convoquée dans la grande salle du Châtelet ; ladite députation, composée de M. le comte de Chabril-lant père, et de MM. André de La Prelle, d’Avène de Fontaines, et deCharton, lesquels, M. le comte de Chabrillant portant la parole, ont dit qu’ils étaient chargés de témoigner à l’assemblée les regrets de leur commettants de se voir séparés de l’ordre du tiers-état ; qu’ils déposaient dans le sein de l’assemblée leurs protestations unanimes à cet égard, se flattant que l’ordre du tiers-etat joindrait ses vœux aux leurs pour obtenir la réunion des deux ordres; et que les membres de leur assemblée les avaient chargés de déclarer qu’elle adhérait unanimement aux résolutions prises par la noblesse de renoncer expressément à toutes les exemptions pécuniaires. L’assemblée a généralement applaudi aux sentiments de justice qui avaient dicté à la noblesse la résolution généreuse qu’elle lui faisait annoncer ; et M. le président, en remerciant MM. les députés des vœux qu’ils lui témoignaient pour la réunion des deux ordres, les a assurés de la disposition de Rassemblée pour y concourir autant qu’il serait en son pouvoir. Après quoi, MM. les députés ont été reconduits ainsi qu’ils avaient été reçus, en la manière ci-dessus énoncée. Les députations du tiers-état arrivées dans cet intervalle ont été celles des assemblées convoquées aux églises de Saint-Etienne-du-Mont, Saint- 300 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intra muros.J Germain-des-Prés , et Saint-Severin, lesquelles ont rendu compte à l’assemblée de ce qui s’était passé dans les leurs, relativement à leur formation et à la nomination des officiers. M. le président les a remerciées de leur attention et leur a dit que la conduite de cette assemblée avait été conforme à la leur. MM. les assistants ayant pris place au bureau après leur nomination, il a été observé que l’assemblée ayant actuellement toute sa consistance, et s’agissant de s’occuper de la rédaction des cahiers, il ne devait rester dans le lieu de l’assemblée que les membres qui la composaient, et que néanmoins M. Etienne, le sieur Guesneau et autres personnes étrangères dont il était accompagné, étaient encore dans l’assemblée ; qu’il convenait de les inviter à se retirer. Sur quoi, la matière mise en délibération, àlaréquisitiondeM. Etienne, il a été arrêté, à la presque unanimité des voix , que lui et les personnes qui l’accompagnaient ne pouvaient rester. Eux retirés, il a été procédé à la nomination de huit commissaires, pour travailler à la rédaction du cahier conjointement avec MM. les assistants ci-dessus nommés, lors de laquelle nomination, à la réquisition de MM. les commerçants présents à l’assemblée, il en a été choisi quatre parmi eux, savoir : MM. Moutard, imprimeur; Caffin, chapelier; Baudouin, imprimeur; Bizet, marchand de soie; et les quatre autres nommés parM. le président ont été : MM. Bureau du Colombier et Fe-val, avocats ; M. de Maison-Neuve, ancien négociant; M. Boullanger, marchand papetier. Pendant le travail de MM. les commissaires, sont arrivées d’autres députations des assemblées du tiers-état, tenues dans les églises de Saint-André des Arts , des Prémontrés de la Croix-Rouge, de Saint-Roch, des Petits-Augustins, des Jacobins-Saint-Dominique, des Blancs-Manteaux, de Saint-Etienne-du-Mont, de Sainte-Elisabeth, de Notre-Dame, de Saint-Severin, des Feuillants, du Petit-Saint-Antoine, des Grands-Augustins, de Saint-Jean-en-Grève, et de Saint-Gervais. L’assemblée, de son côté, a député à tous les districts de son ordre, à l’exception seulement de ceux des Jacobins-Saint-Dominique, des Théatins, de Saint-Victor, de Saint-Nicolas-des-Champs, des Filles-Dieu, de Saint-Laurent, des Petits-Pères de la place des Victoires, des Filles Saint-Thomas, des Capucins de la chaussée d’Antin, vers lesquels le temps n’a pas permis de se rendre. Ces députations respectives avaient pour but de s’instruire réciproquement de ce que l’on avait fait, et de ce qu’il convenait de faire ; et il est résulté, tant des récits faits à l’assemblée par les députés des autres districts, que des rapports faits à la présente par les membres députés par icelle, que dans presque toutes les assemblées du tiers-état, le nombre des votants s’étant trouvé beaucoup moindre qu’il n’v avait lieu de s’attendre, on avait reconnu l’impossibilité de se réduire à ne nommer qu’un électeur par cent votants, suivant la proportion établie par le règlement, et qu’on s’était déterminé à en nommer un nombre plus considérable pour parvenir à compléter au moins celui de trois cents, que doivent former les électeurs du tiers-état. Pendant le même intervalle sont venues deux autres députations d’assemblées partielles de la noblesse, l’une séante aux Bernardins, l’autre en la maison de Sorbonne; la remière députation, composée de M. le comte de ally-Tollendal, président de ladite assemblée convoquée aux Bernardins, et de M. le chevalier d’Aubocide; la seconde, composée de M. le vicomte de La Grange et de M. le comte Malestroit, lesquels ont témoigné à l’assemblée, au nom de leurs commettants, les mêmes regrets quant à la séparation des ordres, et les mêmes dispositions quant à la renonciation aux privilèges pécuniaires, et ont laissé sur le bureau copie de leurs discours signé d’eux, lesquelles demeureront annexées à la minute du présent procès-verbal. Est arrivée pareillement une. autre députation de l’assemblée partielle de la noblesse, tenue aux Récollets, actuellement réunie chez M. le prévôt de Paris, ladite députation composée de M. Dartau de la Feuillade et de M. le chevalier de Perpignan, lesquels ont témoigné à l’assemblée le désir de leurs commettants de se réunir au tiers-état, de faire rétablir la commune, et de se tenir assemblés respectivement jusqu’à l’ouverture des Etats généraux, pour se communiquer réciproquement les résolutions qui seraient prises. M. le président, au nom de l’assemblée, a témoigné sa sensibilité aux dispositions de la noblesse; elle désire de concourir à ses vues, autant qu’il dépendra d’elle. Cependant l’assemblée avait, de son côté, député aux deux assemblées de la noblesse dont elle avait reçu les députations pendant la vérification des scrutins, et avoir chargé les membres envoyés vers elle de leur témoigner que l’assemblée était pénétrée de l’avantage de la réunion des forces ; qu’elle concevait que cette réunion si précieuse pouvait s’effectuer facilement et sans inconvénients, en nommant pour électeurs et pour députés aux Etats généraux un nombre de citoyens pris dans le tiers-état, égal au nombre des électeurs et des députés des deux premiers ordres réunis. Après le retour des députés envoyés dans les différents districts et assemblées, il a été procédé à la lecture des cahiers projetés par les commissaires ci-dessus nommés et à la réformation desdits cahiers article par article, d’après les observations qui ont été faites par aucun des membres de l’assemblée. Après quoi il a été mis en délibération quel nombre d’électeurs il convenait de nommer ; il a été résolu d’en nommer dix, dont les cinq premiers seront électeurs de droit, et les cinq autres, soit pour substituer les premiers en cas d’empêchement, soit pour servir à compléter le nombre des trois cents électeurs du tiers-étal, prescri par le règlement. Et sur-le-champ a été procédé aux scrutins, par l’événement desquels ont été nommés MM. Agier, Treilhard, Blonde, anciens avocats; M.Gauchez, dessinateur et graveur, et M. Caffin, marchand chapelier pour électeurs de droit ; et MM. Baudouin, Moutard, Clousier, tous trois imprimeurs; MM. Boulanger, marchand papetier, et Serpaud, avocat, pour électeurs adjoints; après quoi les cahiers ayant été signés, ont été réunis ès mains des cinq électeurs de droit. M. Baudouin, imprimeur, a fait à l’assemblée l’offre honnête d’imprimer le cahier ainsi que le présent procès-verbal, et d’en faire remettre des exemplaires à tous les membres de l’assemblée, même aux électeurs nommés dans les autres districts de l’assemblée du tiers-état ; ce qui a été accepté avec reconnaissance. Fait et clos en l’assemblée du tiers-état, tenue en l’église des Mathurins, sans désemparer, à Paris, ces 21 et 22 avril 1789. Signé CAlLLAU, président; ÀG1ER, secrétaire. Et à l’instant de la clôture du procès-verbal de l’assemblée du tiers-état de la ville de Paris, assem- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [Paris, in tra muros.] 301 blé en l’église des Mathurins,sur le bruit-gui s’est répandu que MM. les officiers de ville étaient disosés à ne point recevoir de dépôt dudit procès-ver-al, ni le cahier de l’assemblée, ladite assemblée a arrêté qu’elle continuerait de tenir, jusqu’à ce que les électeurs par elle nommés, et qui se transporteront ceiourd’hui à l’hôtel de ville, en exécution de l’article 22 du règlement du 13 du présent mois, soient venus lui rendre compte, ou l’aient informée de la manière dont ils auront été reçus. Arrêté, en outre, qu’il sera fait deux originaux, tant du procès-verbal que du cahier, dont l’un restera entre les mains du secrétaire. Fait en ladite assemblée tenante, le mercredi 22 avril 1789. Signé Gaillaü, président ; ÂGIER, secrétaire. Et ledit jour, 22 avril 1789, 10 heures du soir, MM. les électeurs, de retour de l’hôtel de ville, ayant annoncé à l’assemblée que leur procès-verbal avait été reçu, que l’on était occupé à former la liste générale des élections, et que demain jeudi, dès le grand matin, M. Agier devait recevoir la liste particulière des électeurs du présent district, le procès-verbal a été clos définitivement, et l’assemblée s’est séparée. Signé Agier, Treilhard, Blonde, anciens avocats au parlement ; GaüCHEZ, dessinateur et graveur ; CAFFIN, marchand chapelier ; Baudoin, MOUTARD, GloüSIER, imprimeur s-libraires-, Boul-LANGER, marchand papetier ; SERPAUD, avocat au parlement ; Choron, notaire ; GÉRARD DE MELCY, procureur au parlement. Gaillau, président ; Agier, secrétaire. Discours de MM. les députés de rassemblée de la noblesse convoquée aux Bernardins. Messieurs, L’assemblée, partielle de la noblesse séante aux Bernardins, nous a chargés de témoigner à nos concitoyens du tiers le regret que nous éprouvons dè la dissolution de cette commune, où tous les citoyens, sans distinction d’ordre, confondaient paternellement tous leurs nœuds dans l’intérêt public et général ; que si nous nous sommes soumis aujourd’hui à cette disposition pour ne pas nous rendre coupables d’avoir différé les Etats généraux, nous n’en espérons pas moins fermement de la justice du Roi et de celle des Etats généraux le rétablissement de cette commune si précieuse ; qu’en attendant, nous adhérons de tous nos cœurs à la résolution prise par la noblesse de toutes les provinces, de supporter toutes les contributions publiques, dans la plus parfaite égalité, avec nos concitoyens du tiers. Signé Le comte de Lally-Tollendal, président et député, et Bigeon, secrétaire. Le comte de Lally-Tollendal, président de l’assemblée partielle de la noblesse convoquée aux Bernardins, et député vers les assemblées de ce lieu. Le chevalier d’Aubocide, député. Discours de MM. les députés de l'assemblée de la noblesse convoquée en la maison de Sorbonne. Messieurs, L’assemblée de la noblesse du quatorzième département, assemblée dans la même maison de Sorbonne, où se tient celle des communes, a l’honneur de vous porter son vœu sur la confraternité des deux ordres, et sur la renonciation particulière à ses privilèges pécunaires, pour partager avec vous tous les impôts dans une proportion égale. Signé Le vicomte de La Grange ; le comte de Malestroist-Pontkalleck, membres des États de Bretagne. CAHIER De l'assemblée partielle du tiers-état de la ville de Paris , tenue dans l'église de Sorbonne, les 21 et 22 avril 1789 (1). L’assemblée proteste, avant toutes choses , contre le mode de convocation des assemblées de district, en ce que les intérêts de la capitale s’y trouvent blessés par la destruction de la commune, dont tous les habitants ont fait partie jusqu’à présent, sans distinction d’ordres; et encore en ce qu’on n’a pas laissé le temps de pouvoir rédiger avec soin les propositions particulières que chaque assemblée de district aurait pu faire, pour contribuer à la rédaction du cahier général : En conséquence, l’assembiée demande que, pour éviter de tels inconvénients, il soit avisé dans la prochaine tenue des Etats généraux au moyen de fixer une forme de convocation générale, et telle qu’en réunissant tous les citoyens de cette grande ville, elle procure à chacun d’eux le double avantage de faire connaître son vœu personnel, et de profiter des lumière de tous ; n’entendant néanmoins, ladite assemblée, que la présente protestation puisse retarder la tenue si désirée des Etats généraux, et priver le royaume des fruits qu’il doit se promettre de la réunion des connaissances, du zèle et des représentants de toute la nation. L’assemblée se bornera à présenter ici l’aperçu général des grands objets qui doivent occuper les députés aux Etats généraux, le temps ne lui permettant pas de donner à des matières aussi importantes, le développement qu’elles exigeraient, mais sur lequel il s’en rapporte avec confiance aux lumières et au zèle de ses représentants. Constitution. Art. 1er Aucune loi désormais ne pourra devenir obligatoire qu’elle n’ait été délibérée et consentie par les Etats généraux sous l’autorité du Roi. 1 . Il sera établi et reconnu comme maxime fondamentale, et qui seule peut assurer la tranquillité et la propriété des citoyens, que lés Etats généraux ont seuls le droit de consentir les emprunts et les impôts. 2. Les impôts ne pourront être accordés que pour un temps limité. 3. Les Etats généraux feront une loi constitutionnelle de leur retour périodique à des époques certaines. Il serait à désirer que ce terme ne pût jamais excéder trois ans. 4. 11 sera également reconnu et irrévocablement assuré, par une loi fondamentale, que tous les ordres doivent contribuer aux impôts, et dans la même proportion, sans qu’il puisse en être établi aucun qui frappe exclusivement sur le tiers-état ; qu’en conséquence, l’impôt de franc-fief, et tous autres personnels au tiers - état, seront et demeureront dès ce moment anéantis et remplacés, s’il est jugé nécessaire, par un autre impôt commun à tous les ordres. (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat.