[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j décembre 1793 401 Les forçats «ai sont an port de Toulon se sont montrés dignes d’être républicains, ont coupé les câbles et éteint le feu qui était près de se communiquer à quatre frégates. Un membre [Léonard Bourdon] (1) demande que la conduite de ces forçats soit renvoyée à l’examen des représentants du peuple qui sont sur les lieux. Cette proposition est renvoyée au comité de Salut public (2). Compte rendu du Bulletin de la Convention (3). Le citoyen Carnot, membre du comité de Salut public, a donné la lecture suivante : Saliceti, Ricord, Robespierre, Frêron, Barras, représentants du peuple, à leurs collègues composant le comité de Salut public. « Toulon, au quartier général, le 30 fri¬ maire, l’an II de la République, une et indivisible. « L’armée de la République, chers collègues, est entrée dans Toulon le 29 frimaire, à 7 heures du matin. Après 5 jours et 5 nuits de combats et de fatigues, elle brûlait d’impatience de donner l’assaut; 4,000 échelles étaient prêtes : mais la lâcheté des ennemis, qui avaient évacué la place après avoir encloué tous les canons de remparts, a rendu l’escalade inutile. Quand ils surent la prise de la redoute anglaise et de tout le promontoire, et que d’un autre côté, ils virent toutes les hauteurs de Faron occupées par la division du général La Poype, l’épouvante les saisit : ils étaient entrés ici en traîtres, ils s’y sont maintenus en lâches; ils en sont sortis en scélérats. « Ils ont fait sauter en l’air le Thémistocle qui servait de prison aux patriotes. Heureuse¬ ment ces derniers, à l’exception de 6, ont trouvé le moyen de se sauver pendant l’incendie. Ils nous ont brûlé 9 vaisseaux et en ont em¬ mené 3. 15 sont conservés à la République, parmi lesquels il faut remarquer le superbe Sans-Culottes, de 130 pièces de canon. Des canots s’en sont approchés jusque dans le port, tandis que nous étions dans Toulon. Deux pièces de canon de campagne, placées sur le quai, les ont écartés. Déjà deux fré¬ gates brûlaient quand les galériens, qui sont les plus honnêtes gens qu’ü y ait à Toulon, ont coupé les câhles et éteint le feu. La corderie et le magasin de bois ne sont point endom¬ magés. Les flammes menaçaient de dévorer le magasin général; nous avons commandé 500 travailleurs qui ont coupé la communica-(1) D’après les divers journaux de l’époque. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 131. (3) Bulletin de la Convention du 7 nivôse an II (vendredi 27 décembre 1793); Moniteur universel [n° 98 du 8 nivôse an II (samedi 28 décembre 1793), p. 39G, col. 2]; Journal des Débals et des Décrets (nivôse an II, n° 465, p. 104); Ministère de la guerre; Armée devant Toulon. Aulard, Recueil des acles el de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 557. lre SÉRIE, T. LXXXII. tion. Il nous reste encore des frégates : de ma¬ nière que la République a encore ici des forces navales respectables. « Nous avons trouvé des provisions de toute espèce. On travaille à en faire un état que nous vous enverrons. « La vengeance nationale se déploie. L’on fusille à force. Déjà tous les olficiers de la ma¬ rine sont exterminés. La République sera vengée d’une manière digne d’elle; les mânes des patriotes seront apaisées. « Comme quelques soldats, dans l’ivresse de la victoire, se portaient au pillage, nous avons fait proclamer dans toute la ville que le butin de tous les rebelles était la propriété de l’armée triomphante, mais qu’il fallait dé¬ poser tous les meubles et effets dans un vaste local, que nous avons indiqué, pour être esti¬ més et vendus sur-le-champ au profit de nos braves défenseurs; et nous avons promis en sus un million à l’armée. Cette proclamation a produit le plus heureux effet. « Beauvais a été délivré de son cachot; il est méconnaissable. Nous l’avons fait transférer dans une maison commode; il nous a embrassés avec attendrissement. Quand il passait à tra¬ vers les rangs, l’armée a fait en l’air un feu général en signe d’allégresse : le père de Pierre Baille est aussi délivré; une de nos batteries a coulé bas une frégate anglaise. « A demain d’autres détails. Vous concevez facilement nos occupations et nos fatigues. « Salut et fraternité. « Signé : Fréron, Saliceti, Ricord, Ro¬ bespierre et Paul Barras. » Fréron et Paul Barras, représentants du peuple près l’armée sous Toulon, à leurs collègues composant le comité de Salut public (1). « Au quartier général de Toulon, le 30 fri¬ maire, l’an II de la République, une et indivisible. « Nous avons lu avec indignation, citoyens collègues, la lettre fausse qui nous était attri¬ buée (2), et dont le comité n’a pas été la dupe. Ce trait part de Marseille, dans le même temps que cette ville a tenté de produire un mouve¬ ment contre-révolutionnaire que nous avons étouffé. « Remarquez que c’est au moment que nous allions nous réunir à Ollioules avec nos col¬ lègues pour frapper le grand coup, que l’on a voulu nous perdre; que nos calomniateurs, que nos dénonciateurs continuent à nous noircir, à nous prêter des crimes : nous avons contri¬ bué à prendre Toulon; nous avons répondu. « Salut et fraternité. « Signé : Paul Barras, Fréron. « P. S. Un patriote de Toulon, qui n’était sorti de prison que depuis quinze jours et qui (1) Bulletin de la Convention du 7 nivôse an II (vendredi 27 décembre 1793); Moniteur universel [n° 98 du 8 nivôse an II (samedi 28 décembre 1793), p. 396, col. 2]. Aulard, Recueil des acles et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 558. (2) Voy. Archives parlementaires, 1” série, t. LXXXI, séance du 19 frimaire an II (9 décem¬ bre 1793, p. 252, col. 2), la lettre à laquelle Barras et Fréron font allusion. 26