100 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Liberté, égalité, fraternité ou la mort. Représentans d’un peuple libre Nous ne vous dirons pas comme certaines sociétés que les patriotes sont opprimés dans notre département, que l’aristocratie lève une tête insolente et rebelle, que les contre révolutionnaires sont élargis, que le royalisme conspire, que la chose publique est en danger, que la liberté est poursuivie, que la terreur et la mort font le salut de la République. Ce langage ne seroit point celui de la vérité ; il répugne à notre justice, autant qu’à nos principes. Nous vous disons au contraire, et tous les bons citoyens le disent avec nous, que la liberté ne fut jamais et plus glorieuse et plus chérie que depuis que la foudre nationale a renversé le char du tyran Robespierre, que depuis l’instant heureux où vous avez proscrit ce sisteme effroiable, que des mains parricides et sanguinaires vouloient élever sur les ruines de la Démocratie et de la fraternité ; que depuis que votre sollicitude a porté ses regards sur les sources véritables de la prospérité publique, l’agriculture, le commerce, les sciences et les arts, que depuis que vous nous avez rendu la sécurité et la confiance que nous avions perdu depuis un an. Nous vous disons que depuis l’arrivée du représentant Berlier les citoyens de ces contrées, ne forment plus qu’une seule et même famille dont la Convention est le chef; que la loi, les moeurs et la vertu ont repris leur empire et qu’il n’est pour nous de jouissance plus précieuse que de celebrer le triomphe des armes de la République et de contempler le génie tutélaire de la France assis sur les débris des thrônes, des crimes et des factions. Nous vous disons encore que chez nous, il n’est plus de victimes souffrantes, que les maisons d’arret ont ouvertes leurs portes à l’innocence, au patriotisme pour les refermer ensuite sur les conspirateurs et les dilapidateurs de la fortune publique. Qu’ils sont coupables ces hommes fourbes et hipocrites qui prétendent ne trouver le salut de la patrie que derrière des monceaux de cadavres, que dans les arrêts de mort et les proscription de marrins et de filles, qui veuillent faire croire que la révolution est périclitante parce qu’ils voient la justice révolutionnaire au prise avec les méchants et les fripons. Et! qui mieux que nous, citoyens représentans, pourroit vous rendre compte des epreuves du sistheme pratique des terroristes? nous qui avons vu l’échafaud érigé en divinité? le sang de nos frères versé à grands flots, servir de libation aux fureurs sacrilèges des sicaires de Robespierre, les cachots et les cimetières ravalés sous le poids concentré des vivans et des morts. Nous enfin qui avons vu successivement dans la misère et l’opulence, dans la boue et les dignités, ces hommes corrompus et corrupteurs pour lesquels on implore votre sensibilité et votre générosité. Non, représentans du peuple, ils n’ont point notre confiance ces orateurs perfides qui s’élèvent sans cesse contre les droits du peuple, qu’ils outragent et qu’ils calomnient avec tant d’audace et d’impudence. Ce n’est point pour défendre la République qu’ils s’escriment avec tant de vehemence, c’est au contraire pour dérober la connoissance de leurs forfaits à l’oeuil clairvoyant du patriotisme et pour soustraire leur tête criminel à la justice nationale qui les cerne de toute part. Nous vous bénissons d’avoir mis la probité et la vertu à l’ordre du jour, d’avoir proclamé le régné de la liberté et de la justice, et d’avoir envoyé dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, un représentant dont les principes et les intentions, le zele et la conduite repondent si dignement à la mission dont vous l’avez chargé. Vive la République, vive la Convention nationale! A bas les traitres, les factieux et les dilapidateurs. Salut et fraternité. Sensuivent les signatures des sociétaires et des citoyens des tribunes. 168 signatures dont celle d’un imprimeur. 30 Le représentant du peuple Gauthier, envoyé dans les départemens de l’Isère et du Mont-Blanc, fait part à la Convention de l’esprit public qui règne dans ces départemens, dont les habitans réclament la justice et réprouvent la terreur détestant l’aristocratie et le fanatisme. Mention honorable, insertion au bulletin (78). \Le représentant du peuple Gauthier, envoyé dans les départements de l’Isère et du Mont-Blanc par décret du neuf fructidor, au président de la Convention nationale, La Tour du Pin, le 25 vendémiaire an IIT\ (79) Au président de la Convention nationale, Je parcours les départements de l’Isère et du Mont-Blanc, partout le peuple ne fait entendre que ces cris Vive la République, Vive la Convention, il déteste les tirans et veut rester soumis aux loix : il réclame justice ; il improuve la terreur, il déteste l’aristocratie et s’éloigne du fanatisme, il aime la liberté et l’égalité, les brillants succès des armées de la République lui font d’autant plus de plaisir qu’elles mènent à son affermissement. Les efforts de l’intrigue sont nuis, c’est une jouissance si douce pour le peuple de n’être plus sous le despotisme de quelques ambitieux qu’il en fait sans cesse éclater sa joye, elle forme un (78) P.V., XL VIII, 66. (79) C 323, pl. 1376, p. 18. Bull., 6 brum.; Moniteur, XXII, 358; M.U., XLV, 118. SÉANCE DU 5 BRUMAIRE AN III (26 OCTOBRE 1794) - N° 31 101 constrate singulier avec la douleur et le dépit de ces patriotes exclusifs qui aiment plus à satisfaire leurs passions que servir la République; je me fais gloire de les abandonner à leur nullité. La Convention agréera l’hommage respectueux que lui présentent les citoyens des deux départemens du Mont-Blanc et de l’Isère, dans toutes les occasions où le représentant du peuple leur parle au nom de la nation. Elle accueillera sans doute l’expression des sentiments de reconnoissance et de dévouement contenus dans une multitude d’adresses que les autorités constituées et les sociétés populaires lui présentent à l’envi. Vive la République, vive la Convention. Gauthier. 31 Les représentais du peuple près les armées des Pyrénées Orientales écrivent à la Convention nationale, qu’ils ont substitué au pavillon qui avoit été arboré sur les remparts de Sud-Libre [ci-devant Fort-Bellegarde] un autre beaucoup plus grand et plus apparent, afin que les Espagnols ne doutassent plus de la reddition de cette place; ils lui font part aussi de la cérémonie qui a eu lieu pour l’inauguration du drapeau que la Convention a envoyé à cette armée ; ils font passer en même temps une copie du discours prononcé lors de cette cérémonie par le citoyen Caudras, commandant le second bataillon des Côtes-Maritimes. Insertion au bulletin (80). [Les représentants du peuple près les armées des Pyrénées-Orientales à la Convention nationale, au quartier général du Boulou, le 21 vendémiaire an III] (81) Citoyens Collègues C’était hier un jour de fete et d’allegresse dans l’armée des Pyrénées-Orientales. Le pavillon qui avait été arboré sur les remparts de Sud-Libre [ci-devant Fort-Bellegarde] était trop petit pour être aperçu bien distinctement des camps espagnols. La reddition de cette place y était encore ignorée de la plupart des soldats. Pour qu’ils n’en doutassent plus, nous plaçâmes hier un pavillon beaucoup plus apparent et nous fîmes tirer quelques coups de canon pour fixer sur lui les regards des esclaves. Cette fete fut simple et majesteuse. Le citoyen Caudras, commandant du 2ème (80) P.-V., XLVIII, 66. (81) C 323, pl. 1376, p. 19. Bull., 6 brum.; Moniteur, XXII, 358; F. de la Républ., n° 36; J. Mont., n° 15; Rép., n° 36. Voir ci-dessous, Arch. Parlement., 5 brum., n° 51. bataillon des cotes maritimes y prononça un discours dont nous vous envoyons copie. Après cette première cérémonie, nous nous rendimes au camp pour y faire l’inauguration du drapeau que vous avez envoyé à l’armée des Pyrénées-Orientales au nom de la patrie recon-noissante. Là un autel de verdure avait été elevé à cette tendre mère par les mains de ces mêmes enfants qui chaque jour combattent pour elle. Des détachements de tous les corps étaient rangés autour. Au centre était un corps nombreux de musiciens. Bientôt parut le drapeau porté par les deux militaires blessés que vous aviez chargé de remettre à l’armée. A la vue de ce drapeau, à la vue des deux braves guerriers tous les coeurs furent émus ; qui pourrait rendre les douces et tendres sensations dont nous fumes tous agités. Amour sacré de la patrie qui pourrait exprimer tout ce que tu fais sentir! Enfin le drapeau fut déployé au milieu des plus vives acclamations et des serments mille fois répétés de mourir pour le défendre. La cérémonie se termine par des odes ou étaient célébrées avec énergie les triomphes de la République et par l’hymne à la liberté. Salut et fraternité Vidal, représentant du peuple, Delbrel. [ Discours du chef de bataillon Caudras, commandant le deuxième bataillon des Côtes-maritimes aux républicains composant l’armée des Pyrénées-Orientales.] (82) Braves camarades, Le jour qui nous vit entrer dans Bellegarde, fut sans doute un beau jour pour la République, puisqu’en éclairant notre triomphe, il vit dis-paraitre à jamais du sol de la liberté, le reste des esclaves qui le souillaient par leur présence ; Oui, mes camarades, notre victoire a délivré la patrie du fardeau honteux qui la fatiguait encore. Aujourd’hui la France entière appartient aux soldats de la liberté ; la bayonnette en a chassé tous les tyrans, le front de la patrie, est couvert de lauriers, et c’est vous mes braves frères d’armes, c’est vous qui lui avez offert le plus beau puisqu’il est le prix de cinq mois de constance, de travaux et de fatigues, et puis-qu’enfin il a complété la couronne civique qui pare le front de la patrie, et qui menace de sa foudre toutes les couronnes ephéméres dont le crime a couvert la tête des tyrans. Qu’il est glorieux pour nous d’avoir purifié ce fort des prisons qu’y avait laissé l’aristocratie espagnole, et d’y planter aujourd’hui l’arbre de notre liberté. Arbre immortel ! tu ne t’ébranleras jamais ; tes racines que nous arroserons, s’il le faut de notre sang, tes racines t’ouvriront un passage à travers les rochers et ta tête altière, nous montrera d’ici le chemin de la gloire. Tu verras tes enfants franchir le reste des Pyrénées (82) C 325, pl. 1404, p. 23.