432 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tier; François Toquet, de Cosqueville, car-reyeur; Philippe Lucas, de Cherbourg, scieur-de-long; Pierre-Marie Chartier, de Cherbourg, carreyeur; la veuve de Jacques Lamenant, de Cherbourg, carreyeur; la veuve de Robert Duval, id., Pierre Fichet, de Tour-laville, id.; Marie Laronche, de Cherbourg, veuve de Jean Né, dit Leterrier, journalier; Bonne Maze, de Cherbourg, veuve de Pierre-Michel Pinel; Bonne Lelièvre, de Cherbourg, veuve de Pierre Foussinant, carreyeur; Jean-Baptiste Launay, de Cherbourg, carreyeur (1). 91 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BEZARD, au nom de] son comité de législation, sur la pétition du citoyen Garnier, d’Orléans; Considérant que le pétitionnaire n’a point caché son fils à la recherche de la justice; que le fils vivoit publiquement chez son père; qu’il y étoit compris sur le rôle de la garde nationale, et qu’il a fait son service jusqu’au 25 messidor dernier; qu’ainsi il ne peut y avoir lieu à accusation contre lui comme recéleur; Considérant d’ailleurs, qu’il résulte des dispositions de la loi du 19 floréal dernier, que les prévenus de complicité avec les émigrés ou les ecclésiastiques sujets à la déportation ou à la réclusion doivent être jugés par le tribunal révolutionnaire à Paris, et non par les tribunaux criminels ordinaires, Déclare nulle et comme non avenue la procédure criminelle commencée contre Garnier à Orléans. Le présent décret ne sera pas imprimé; il sera inséré au bulletin de correspondance, et envoyé sur-le-champ manuscrit au tribunal criminel du département du Loiret (2). 92 Il est fait une seconde lecture de la loi sur l’organisation du tribunal révolutionnaire. Un membre demande le rapport de cette loi (3). MERLIN (de Douai) commence la lecture générale du projet et des amendemens adoptés dans les dernières séances sur l’organisation du tribunal révolutionnaire (4). (1) P.-V., XLIII, 158-160. Décret n° 10 346. Rapporteur: Martel. Reproduit dans BP, 28 therm. (2e suppl1). (2) P.-V., XLIII, 160. Décret n° 10 348. Minute de la main de Bezard, rapporteur. Ann. R.F., n° 252; J. Fr., n° 685. Reproduit dans BP, 28 therm. (26 suppl1). (3) P.-V., XLIII, 160-161. (4) J. Mont., n° 103. Voir les VII titres composant le projet au 21 thermidor (n° 26) et 22 thermidor (n° 34). CHARLIER demande qu’il soit fait un changement dans l’article qui fixe à trois jours la durée des débats, et qui laisse ensuite un terme indéterminé dans le cas où le juré déclareroit qu’il n’est pas suffisamment éclairé. Cette disposition, dit-il, peut éterniser une affaire; il dépend du juré de prolonger l’incertitude à son gré : il faut que la loi y mette un terme même assez court pour que l’action du tribunal ne soit pas longtems paralisée dans la poursuite des conspirateurs. [Cette proposition n’est pas appuyée ]. [Il s’élève des réclamations contre le décret dans une partie de la salle; plusieurs voix demandent qu’il soit rapporté], RUAMPS saisit cette occasion de réclamer contre le décret dont il demande le rapport; il craint que la vengeance nationale ne soit enchaînée par des formes trop longues et trop compliquées. Je ne suis pas, dit-il, effrayé des murmures que ma proposition excite; il convient peut-être à moi plus qu’à tout autre de dire avec franchise que le décret qui a été rendu n’a pas la vigueur que les circonstances commandent; je déteste les loix de sang, le l’ai prouvé devant la France entière au tyran féroce qui vous proposa le décret du 22 prairial; mais en voulant couvrir l’innocence de toutes les formes protectrices que la justice conseille dans les tems ordinaires, voulez-vous faire revivre cette haute-cour nationale d’Orléans qui n’arracha les conspirateurs à la vengeance du peuple que pour leur donner le tems d’attendre les événe-mens sous la sauvegarde de la loi ? Je ne connois pas bien le décret, j’étois malade lorsqu’il vous a été proposé, mais je vois que le modérantisme et l’aristocratie espèrent un peu plus de repos; ce thermomètre me suffit pour concevoir des alarmes. DUHEM appuyé la proposition de RUAMPS : ce n’est pas, dit-il, seulement à Paris qu’on observe la joie mal dissimulée des aristocrates et des modérés; j’arrive du Nord et j’ai vu partout les patriotes effrayés se défendre avec peine contre les attaques de leurs ennemis, devenus plus puissans par l’anéantissement des factions, qui se sont couverts du masque du patriotisme. Pourquoi, citoyens ? Parce que l’aristocratie triomphe, lors même que vous faites tomber le masque du patriotisme; elle veut en tirer avantage en faisant confondre dans l’opinion les vrais et les plus ardens patriotes avec les scélérats hypocrites que vous punissez. Quelle doit être votre conduite ? Punir toujours l’hypocrisie et les factions qu’elle arme secrettement contre la liberté, mais ne donner jamais aucun repos à l’aristocratie (1). Le décret a besoin d’être revu, et c’est dans ce sens que j’en demande le rapport (Murmures). Sans doute la loi du 22 prairial étoit infâme, et je ne prétends pas qu’elle doive être remise en vigueur; car, moi seul ici je l’ai combattue, (1) J. Paris, n° 589; C. Eg„ n° 722; Ann. pair., n° DLXXXVII; C. univ., n° 953. SÉANCE DU 23 THERMIDOR AN II (10 AOÛT 1794) - N° 92 433 lorsque le tyran l’a proposée. Mais, avant cette loi, le tribunal étoit la terreur des fripons, des intrigans et des aristocrates, je demande qu’il soit simplement rappelle à son organisation primitive, qu’on se contente de rétablir la loi du 10 mars, portée avec sagesse, après avoir été discutée pendant plusieurs jours. Parce que le dictateur a voulu nous faire outrepasser les mesures révolutionnaires, faut-il substituer aux bonnes loix un codicille énorme qui ne fera que faciliter l’évasion des traîtres ? Souvenez-vous que vous venez d’abattre des contre-révolutionnaires en bonnet rouge, et que l’aristocratie triomphe toujours, quand le masque même du patriotisme est coupable. Je me résume et je conclus à ce que la loi du 22 prairial soit rapportée, et que les loix antérieures soient remises en vigueur (1). BENTABOLE se plaint de ce qu’on s’élève avec une sorte de pétulance contre un décret préparé avec maturité, et discuté dans le sein de la Convention avec la solemnité la plus imposante; il demande que les membres qui se plaignent paroissent à la tribune, qu’ils y exposent leurs raisons avec liberté. Où sont, s’écrie RUAMPS, les pétulans que tu attaques ? Où étois-tu, lorsque je sonnois le tocsin contre la loi détestable du 22 prairial ? N’étois-tu pas aussi du nombre de ceux qui courboient la tête sous le despotisme de l’idole ? Eh bien c’est moi qui sonne encore le tocsin contre la loi du 22 thermidor : la première étoit le signal d’un carnage, et celle-ci, un codicille hérissé de chicane et de longueurs, imaginées pour laisser respirer l’aristocratie. [Il se manifeste quelque agitation dans le sein de l’assemblée. On traite BENTABOLE d’intrigant; les débats s’échauffent]. Le rapporteur oppose à RUAMPS et à DUHEM les longues discussions qui ont préparé dans les comités réunis la rédaction du décret, et les débats solemnels qui ont déterminé l’assentiment de l’assemblée (2). MERLIN (de Douai) : Assurément les membres qui réclament n’ont pas connaissance de la manière dont le décret a été rendu; il a été discuté par la Convention entière pendant deux séances, et il était le fruit des délibérations des trois comités réunis de salut public, de sûreté générale et de législation, pendant un jour et trois nuits entières. On ne peut pas dire que ce soit là une loi extorquée. De plus, je défie de citer dans cette nouvelle loi rien qui ne soit, ou tiré textuellement, ou calqué sur les lois du tribunal révolutionnaire, tel qu’il existait avant la loi du 22 prairial. Nous avons rappelé ces lois et nous les avons réunies en un code, afin de prévenir les abus qui s’introduisirent depuis. Il n’y a pas un mot dans le décret qui ne soit dans (1) J. S. -Culottes, n° 543 (cette gazette ne mentionne pas Ruamps et fait entamer la discussion par Duhem, de même que les journaux suivants : Moniteur (réimpr.), XXI, 447; Débats , n° 689, 395; Ann. R.F., n° 252; F.S.P., n° 402; M.U., XLII, 380; J. Perlet, n° 687; J. Sablier, n° 1 491; Rép., n° 234; J. Mont., n° 103). (2) J. Paris, n° 589. cet esprit. J’interpelle le témoignage de tous ceux qui ont assisté au tribunal révolutionnaire, il y a plus de 4 mois, dans un temps où il remplissait dans son entier le vœu de la justice nationale; alors il suivait les mêmes principes, la même marche que vous venez d’adopter dans son organisation nouvelle. [Tout ce que nous avons ajouté se borne aux dispositions des jurés]. Plusieurs voix demandent l’ordre du jour. CHARLIER reprend son observation précédente; il demande que l’assemblée y statue et détermine un temps au-delà duquel les débats ne peuvent être prolongés. DUHEM : Avant de prononcer sur cette proposition particulière, je demande que la proposition générale que j’ai faite soit mise aux voix. Merlin a dit que la loi nouvelle était tirée mot à mot, et que ses dispositions étaient calquées sur l’esprit de l’ancienne; en ce cas, qu’on rappelle cette loi elle-même. Mais ici on est venu entraver le mouvement révolutionnaire par une multitude de formalités qui tiennent à l’institution des jurés, et qui ne sont admissibles que dans les tribunaux criminels ordinaires. L’organisation de l’ancien tribunal révolutionnaire avait atteint ce point de perfection qui, sans dépasser ce qu’exigeait l’intérêt de l’innocence accusée, ne restait pas en-deça de l’énergie que nécessite la salut de la République. Je demande donc que la Convention, en rapportant le décret du 22 prairial, relatif au tribunal révolutionnaire, décrète que ce tribunal jugera conformément aux lois antérieures. Plusieurs membres : L’ordre du jour ! L’ordre du jour est écarté. Elie LACOSTE reproduit la proposition de DUHEM. Il demande que les nouveaux juges et jurés nommés par le tribunal révolutionnaire entrent en exercice sur-le-champ, et suivent les lois rendues pour ce tribunal antérieurement à celle du 22 prairial (1). Après discussion, la Convention décrète que le tribunal révolutionnaire entrera sans délai en activité, et jugera conformément aux lois révolutionnaires antérieures au décret du 22 prairial (2). BOURDON (de l’Oise) rappelle à la Convention que l’article inséré dans la loi du 22 thermidor sur la question intentionnelle ne se trouve dans aucune des loix antérieures à celle du 22 prairial, et demande que cet article soit conservé (3). Sur la proposition d’un membre [BOURDON (de l’Oise)], la Convention nationale décrète que les jurés au tribunal révolutionnaire, en déclarant les faits, seront tenus de déclarer l’intention dans laquelle ils ont été commis (4). (1) Moniteur ( réimpr.), XXI, 448.; Débats, n° 689, 395-396. (2) P.-V., XLIII, 161. Décret n° 10 336. Rapporteur: Duhem, selon C* II 20. La minute est de la main d’Elie Lacoste (C 311, pl. 1 227, p. 19). (3) J. Paris, n° 589; M.U., XLII, 380; J.S. -Culottes, n° 543. (4) P.-V., XLIII, 161. Décret n° 10 337. Minute de la main de Bourdon de l’Oise. 28 SÉANCE DU 23 THERMIDOR AN II (10 AOÛT 1794) - N° 92 433 lorsque le tyran l’a proposée. Mais, avant cette loi, le tribunal étoit la terreur des fripons, des intrigans et des aristocrates, je demande qu’il soit simplement rappelle à son organisation primitive, qu’on se contente de rétablir la loi du 10 mars, portée avec sagesse, après avoir été discutée pendant plusieurs jours. Parce que le dictateur a voulu nous faire outrepasser les mesures révolutionnaires, faut-il substituer aux bonnes loix un codicille énorme qui ne fera que faciliter l’évasion des traîtres ? Souvenez-vous que vous venez d’abattre des contre-révolutionnaires en bonnet rouge, et que l’aristocratie triomphe toujours, quand le masque même du patriotisme est coupable. Je me résume et je conclus à ce que la loi du 22 prairial soit rapportée, et que les loix antérieures soient remises en vigueur (1). BENTABOLE se plaint de ce qu’on s’élève avec une sorte de pétulance contre un décret préparé avec maturité, et discuté dans le sein de la Convention avec la solemnité la plus imposante; il demande que les membres qui se plaignent paroissent à la tribune, qu’ils y exposent leurs raisons avec liberté. Où sont, s’écrie RUAMPS, les pétulans que tu attaques ? Où étois-tu, lorsque je sonnois le tocsin contre la loi détestable du 22 prairial ? N’étois-tu pas aussi du nombre de ceux qui courboient la tête sous le despotisme de l’idole ? Eh bien c’est moi qui sonne encore le tocsin contre la loi du 22 thermidor : la première étoit le signal d’un carnage, et celle-ci, un codicille hérissé de chicane et de longueurs, imaginées pour laisser respirer l’aristocratie. [Il se manifeste quelque agitation dans le sein de l’assemblée. On traite BENTABOLE d’intrigant; les débats s’échauffent]. Le rapporteur oppose à RUAMPS et à DUHEM les longues discussions qui ont préparé dans les comités réunis la rédaction du décret, et les débats solemnels qui ont déterminé l’assentiment de l’assemblée (2). MERLIN (de Douai) : Assurément les membres qui réclament n’ont pas connaissance de la manière dont le décret a été rendu; il a été discuté par la Convention entière pendant deux séances, et il était le fruit des délibérations des trois comités réunis de salut public, de sûreté générale et de législation, pendant un jour et trois nuits entières. On ne peut pas dire que ce soit là une loi extorquée. De plus, je défie de citer dans cette nouvelle loi rien qui ne soit, ou tiré textuellement, ou calqué sur les lois du tribunal révolutionnaire, tel qu’il existait avant la loi du 22 prairial. Nous avons rappelé ces lois et nous les avons réunies en un code, afin de prévenir les abus qui s’introduisirent depuis. Il n’y a pas un mot dans le décret qui ne soit dans (1) J. S. -Culottes, n° 543 (cette gazette ne mentionne pas Ruamps et fait entamer la discussion par Duhem, de même que les journaux suivants : Moniteur (réimpr.), XXI, 447; Débats , n° 689, 395; Ann. R.F., n° 252; F.S.P., n° 402; M.U., XLII, 380; J. Perlet, n° 687; J. Sablier, n° 1 491; Rép., n° 234; J. Mont., n° 103). (2) J. Paris, n° 589. cet esprit. J’interpelle le témoignage de tous ceux qui ont assisté au tribunal révolutionnaire, il y a plus de 4 mois, dans un temps où il remplissait dans son entier le vœu de la justice nationale; alors il suivait les mêmes principes, la même marche que vous venez d’adopter dans son organisation nouvelle. [Tout ce que nous avons ajouté se borne aux dispositions des jurés]. Plusieurs voix demandent l’ordre du jour. CHARLIER reprend son observation précédente; il demande que l’assemblée y statue et détermine un temps au-delà duquel les débats ne peuvent être prolongés. DUHEM : Avant de prononcer sur cette proposition particulière, je demande que la proposition générale que j’ai faite soit mise aux voix. Merlin a dit que la loi nouvelle était tirée mot à mot, et que ses dispositions étaient calquées sur l’esprit de l’ancienne; en ce cas, qu’on rappelle cette loi elle-même. Mais ici on est venu entraver le mouvement révolutionnaire par une multitude de formalités qui tiennent à l’institution des jurés, et qui ne sont admissibles que dans les tribunaux criminels ordinaires. L’organisation de l’ancien tribunal révolutionnaire avait atteint ce point de perfection qui, sans dépasser ce qu’exigeait l’intérêt de l’innocence accusée, ne restait pas en-deça de l’énergie que nécessite la salut de la République. Je demande donc que la Convention, en rapportant le décret du 22 prairial, relatif au tribunal révolutionnaire, décrète que ce tribunal jugera conformément aux lois antérieures. Plusieurs membres : L’ordre du jour ! L’ordre du jour est écarté. Elie LACOSTE reproduit la proposition de DUHEM. Il demande que les nouveaux juges et jurés nommés par le tribunal révolutionnaire entrent en exercice sur-le-champ, et suivent les lois rendues pour ce tribunal antérieurement à celle du 22 prairial (1). Après discussion, la Convention décrète que le tribunal révolutionnaire entrera sans délai en activité, et jugera conformément aux lois révolutionnaires antérieures au décret du 22 prairial (2). BOURDON (de l’Oise) rappelle à la Convention que l’article inséré dans la loi du 22 thermidor sur la question intentionnelle ne se trouve dans aucune des loix antérieures à celle du 22 prairial, et demande que cet article soit conservé (3). Sur la proposition d’un membre [BOURDON (de l’Oise)], la Convention nationale décrète que les jurés au tribunal révolutionnaire, en déclarant les faits, seront tenus de déclarer l’intention dans laquelle ils ont été commis (4). (1) Moniteur ( réimpr.), XXI, 448.; Débats, n° 689, 395-396. (2) P.-V., XLIII, 161. Décret n° 10 336. Rapporteur: Duhem, selon C* II 20. La minute est de la main d’Elie Lacoste (C 311, pl. 1 227, p. 19). (3) J. Paris, n° 589; M.U., XLII, 380; J.S. -Culottes, n° 543. (4) P.-V., XLIII, 161. Décret n° 10 337. Minute de la main de Bourdon de l’Oise. 28