(Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (7 octobre 1790. J 499 Aussitôt que le bois coupé ne sera plus dans la forêt, les fermiers se hâteront de le vendre, parce que ne pouvant pas le serrer dans des magasins, il courrait le risque d’être volé. Ainsi, d’un côté, la loi prescrira dans tous les départements la coupe d’autant de bois que les besoins locaux l’exigeront. D’un autre côté, l’impossibilité de cacher ce bois, la crainte qu’il ne devienne la proie des voleurs, et l’intérêt du fermier d’en retirer des avantages, toutes ces circonstances non seulement empêcheront l’accaparement du bois, mais, au contraire, en détermineront promptement la vente. Et enfin, l’abondance du bois que l’administration des fermiers produira, en fera nécessairement diminuer le prix, de manière que le pauvre ait néanmoins des moyens suffisants pour acheter le bois nécessaire à ses besoins. Au surplus, toutes les forêts de la contrée ne seront pas dans la main delà compagnie : celles des communautés d’habitants et des particuliers sont assez considérables pour offrir de grandes ressources, et achever de dissiper les alarmes. Ajoutons enfin, en faveurdela ferme, une considération importante. Avec cette administration, la nation aura chaque année des résultats clairs et certains, tant en recette qu’en dépense. Elle saura très précisément et la somme qu’elle devra recevoir des compagnies de fermier-, et la somme qü’elle devra payer poiir les frais de f administration surveillante. Avec une régie, au contraire, la nation n’auiâit toutes les années que des résultats variables et obscurs ; toujours on ignorerait si le bois a été vendu sa juste valeur, et si les dépenses utiles et nécessaires ont été faites réellement et à propos. Passons maintenant à l’administration surveillante, dont l’indispensable nécessité est suffisamment prouvée d’après ce que nous en avons déjà dit, et d’après ce qu’en a dit l’auteur du Mémoire fait en vertu d’ordres du ministre des finances, à la page 39. Pour établir irrévocablement cette administration, il faudrait des bases que nous n’avons pas. Nous ignorons la quantité d’arpents de bois qui seront compris dans les baux à ferme, et l’espace de terrain qu’il faudra parcourir pour s’y rendre et les visiter. Nous ne pouvons donc pas fixer le nombre des départements, ni les émoluments qui devront être attachés à chaque commission d’inspecteur ; car tel inspecteur, pour remplir sa tâche, sera forcé d’être absent de chez lui pendant plus de quinze jours; tel au contraire n’aura besoin de s’en absenter que pendant huit, et peut-être moins. Il est juste et nécessaire que celui qui aura plus de chemin, et par conséquent plus de dépense à faire dans les auberges, ait des appointements plus considérables. Nous ne pouvons avoir ces bases, qu’après un arpentement général des forêts, et cet arpente-ment même ne doit être fait qu’en présence des préposés à l’administration de surveillance, et d'un membre des directoires du département et du district où les bois seront situés ; parce que, comme ce sera l’arpentement générai qui fixera le prix de chaque bail, il est important qu’il n’y ait point d’erreur ni d’équivoque à cet égard. Il faut donc provisoirement établir l’administration de surveillance, ainsi qu’il est expliqué dans le projet de décret qui suit. PROJET DE DÉCRET. Art. 1er. L’Assemblée nationale révoque les dispositions des articles 1, 2, 3 et 4 du titre XXVI de l’ordonnance de 1669, et toutes autres lois et arrêts du conseil que prohibent la pleine et libre jouissance des bois et forêts aux particuliers propriétaires; et à compter du 1er janvier 1791, elle autorise tous les particuliers propriétaires dés bois et forêts, à les régir, administrer, régler et couper, de la manière qu’ils Croirdnt la plus convenable à leurs intérêts, sans être ténus de faire aucune déclaration, ni de conserver d’autres réserves en baliveaux et futaies, que celles quPils trouveront à propos; desquelles réserves, ils auront la faculté de disposer à leur gré. Art. 2. Par l’article précédent, l’Assemblée nationale n’entend pas aùtoriser les coupes de futaies, baliveaux et autres réserves, qui, par les lois, coutumes et usages des lieux, sont réputées immeubles ; elle conserve à cet égard tous les droits des propriétaires privés de l’usufruit, àifisi que ceux des femmes en puissance de mari, des pupilles et mineurs, et ceux des cî-deVdàt seigneurs. Art. 3. L’Assemblée nationale abolit les droits de prendre dü bois de construction, du bois de chauffage, le bois mort, et le mort bois, ainsi que les droits de pâturage, panage, glandée et tous autres usages de quelque nature qu’ils soient, que les communautés laïques et les particuliers étaient en droit d’exercer dans lès forêts et bois nationaux, conformément aux dispositions des titres XIX et XX de l’ordonnance du mois d’août 1669, et autres lois et concessions. Art. 4. Il sera incessamment, et d’après l’avis des directoires de département et de district, pourvu au remplacement ou à l'indemnité* s’il y a lieu, de tous lesdits usages; et jusqu’à ce qu’il y soit entièrement satisfait, les communautés laïques et les particuliers, continueront de jduir desdits usages, comme ils en avaient le droit par le passé. Art. 5. Les droits de gruérie, grairié, ségfairie, tiers et danger, et tous les autres droits féodaux et seigneuriaux établis sur les bois et forêts, s’ils sont de la nature de ceux qui sont déclarés rache-tables, pourront être rachetés par les redevables, au prix et en la forme fixée par les décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par fe roi. La liquidation du prix, ainsi que celle des arrérages qui seront dus, sera faite par les directoires de département et de district, où fesdits droite auront leur assiette. Art. 6. Partout, le mois de décembre prochain, le marteau du roi, déposé en la chambre du conseil de chaque maîtrise, ceux des grands maîtres, juges gruyers et arpenteurs, ensemble les tableaux des aménagements, les procès-verbaux d’arpentage, les plans, les registres, titres et autres papiers qui sont aùx greffes des maîtrises et grueries, seront remis et déposés, par des officiers qui les ont en leur pouvoir, aux directoires de département et de district où lesdits officiers faisaient leur résidence, et où lesdits greffes étaient établis. Art. 7. Toutes les forêts et bois nationaux qui ne devront pas être aliénés, d’après le décret au 6 août dernier, sanctionné par le roi, seront affermés pour le temps de soixante années au moins, par cinq différents baux, et à cinq différentes compagnies, savoir : un bail pour les forêts et bois nationaux qui sont dans le departement de 500 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 octobre 1790. f la Corse; un autre pour les bois nationaux situés dans viDgt départements au levant; un troisième pour ceux situés dans vingt départements au couchant; un quatrième pour ceux situés dans vingt départements au nord; un cinquième enfin, pour les forêts et bois nationaux situés dans vingt-deux départements au midi. Art. 8. Cette ferme, en cinq différents baux, sera faite à la chaleur des enchères, après trois affiches et publications, dans les principales villes du royaume. Art. 9. Les principales conditions de celte ferme sont que chaque compagnie s’obligera : 1° de payer annuellement et d’avance, une somme fixe pour chaque arpent de bois qui sera compris dans son bail, soit que cet arpent soit peuplé d’arbres, soit qu’il ne le soit pas ; 2° D’augmenter le prix du bail d’un douzième au moins toutes les dix années, jusqu’à son expiration ; 3° D’entretenir à ses frais, pendant la durée du bail, une garde suffisante pour veiller à la conservation des forêts ; 4° De faire faire à ses frais, et dans le délai qui sera convenu avec les directoires de département et de district, les clôtures et repeuplements qui seront estimés nécessaires aux forêts ; 5° De fournir généralement à toutes les dépenses d’entretien, de régénération et d’exploitation des forêts, ainsi qu’à celle de son administration particulière, pendant la durée du bail, sans que l’Etat puisse être tenu à d’autres dépenses, qu’à celle d’une administration surveillante ; 6° De renoncer à prétendre aucune indemnité, ou diminution de prix du bail pendant sa durée, pour quelque cause ou prétexte que ce soit ; 7° D’intenter à ses frais toutes les actions qu’elle croira justes, sans que la nation puisse être tenue d'aucune garantie, ou dédommagement envers elle, à moins que la compagnie ne fût troublée et évincée de la jouissance d’aucuns des bois compris dans son bail, auquel cas elle ne pourrait réclamer d’autre indemnité qu’une diminution de prix du bail proportionnée au nombre d’arpents dont elle serait privée ; 8° De faire les coupes réglées suivant l’aména-geme'nt actuel, de ne point couper aucune futaie ni arbre de réserve que dans les cas prescrits; enfin, de se conformer rigoureusement à tout ce que les lois et règlements subsistants veulent qui soit observé pour l’aménagement et la police des forêts ; 9° De se conformer, à l’avenir, aux nouvelles lois et règlements qui seront faits par l’Assemblée nationale et sanctionnés par le roi, pour établir un aménagement plus utile et une police plus salutaire; 10° De soumettre généralement toutes les opérations forestières, pendant la durée du bail, à la surveillance et inspection, tant des assemblées de département et de district, que d’une administration spécialement établie à cet effet ; 11° Enfin, de faire procéder à l’époque qui sera tixée à l’arpentement général de toutes les forêts comprises dans son bail, et à la mesure fixée par l’article 14 du titre XXVII de l’ordonnance de 1669. Art. 10. Tous les bois et forêts qui seront compris dans chaque bail à ferme, seront provisoirement divisés en quatre départements, et chaque département en deux demi-départements. Art. 11. Dans chacun de ces quatre départements, il y aura un inspecteur et un arpenteur; et dans chaque demi-département, il v aura un sous-inspecteur. Tous ces inspecteurs et arpenteurs n’auront que des commissions. Art. 12. Nul ne pourra être inspecteur ni ar-penteur de département, s’il n’est âgé de vingt-cinq-ans accomplis; nul ne pourra être sous-inspecteur de département, s’il n’est âgé de vingt-cinq ans accomplis. Art. 13. L’inspecteur, l’arpenteur et les sous-inspecteurs de chaque département ne pourront être parents ni alliés, jusqu’au degré de cousin de cousin-germain inclusivement, ni avoir aucun autre état ou emploi, à peine de destitution. Art. 14. La surveillance de l’inspecteur s’étendra sur tout le département, dans lequel il sera lenu de résider constamment. La surveillance du sous-inspecteur ne s’étendra que dans le demi-département, dans lequel il sera aussi tenu de faire sa résidence continuelle. Art. 15. A commencer au mois de mars de l’année 1791, chaque inspecteur de département, accompagné de l’arpenteur, du sous-inspecteur du demi-département sur lequel il sera opéré, des fermiers ou de leurs préposés, de l’arpenteur des fermiers, et en présence d’un membre du directoire du département administratif, et d’un membre du directoire du district sur lesquels on devra opérer, se transporteront dans chaque bois et forêt du département, à l’effet de vérifier et de rapporter : Le nom exact du bois ou de la forêt ; Sa contenance précise, et en conséquence, que chaque forêt ou bois, sera arpenté à la mesure fixée par l’article 14 du titre XXVII de l’ordonnance de 1669 ; Dans quelle municipalité, district et département administratif il est situé; Sa distance d’aucune ville, bourg ou village ; S’il y a des borues et des clôtures, et si ce sont celles qui conviennent le mieux; S’il y a de la facilité ou des difficultés pour en retirer le bois après les coupes, et le temps qu’il convient d’accorder pour la vidange ; S’il est exposé à des délits de la part des hommes et des bestiaux; S’il est en taillis mêlé de futaie; et dans ce cas, quel est l’âge des tailles; l’âge, l’état et le nombre des baliveaux ; S’il est en futaie; et dans ce cas, s’il y a des vieilles réserves; l’âge et l’état de la futaie, l’âge, l’état et le nombre des vieilles réserves; S’il y a des places vaines et vagues, et leur contenance ; Quelle est la nature du sol ; S’il convient d’y semer ou d’y planter ; Si le sol est ou n’est pas propre à des pépinières ; L'âge qu’il peut nourrir les taillis, et l’époque à laquelle il convient de l’exploiter; La qualité de bois la plus propre à y prospérer ; Les besoins locaux, tant pour l’état que pour commerce et le public ; Si dans le pays delà situation de chaque forêt le bois est rare ou commun, et son prix ordinaire ; Si le sol est propre à des massifs de futaie, ou s’il est plus avantageux de n’v laisser venir que des baliveaux sur taillis ; Daus le premier cas, jusqu’à quel âge le sol pourra nourrir la futaie, et si on pourra y réserver des baliveaux ; Dans le second cas, quelle est la qualité, la nature et le nombre d’arbres qu’il conviendra de réserver par arpent, tant en baliveaux, parois, lisières, que pieds corniers; [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 octobre 1790.] SOI Jusqu’à quel âge ces arbres pourront prospérer; S’il convient de les distinguer par une peinture, ou par une marque, suivant l’ancien usage ; Et enfin, quelles sont les différentes distances qui séparent les bois et forêts. Art. 16. Il sera dressé un procès-verbal pour chaque bois ou forêt, contenant les renseignements sur tous les objets mentionnés en l’article précédent, et en outre des observations,' tant sur la police et aménagement qu’il est nécessaire d’établir pour la prospérité des forêts, que sur la fixation et le nombre des départements de surveillance à établir dans l’étendue de chaque bail à ferme. Le procès-verbal sera dressé par l’inspecteur de département, signé des personnes désignées par l’article précédent, et envoyé au commissaire du roi, du lieu même où il aura été dressé. Art. 17. Les inspecteurs et sous-inspecteurs de département feront ensemble ou séparément les visites prescrites par l’ordonnance du mois d’août 1669. A la visite de chaque bois ou forêt, ils dresseront un procès-verbal particulier, qu’ils enverront au commissaire du roi, du lieu môme où il aura été dressé. Art. 18. Les inspecteurs et sous-inspecteurs de département se serviront provisoirement du marteau du roi, pour marquer tous les arbres qui devront l’être, d’après les lois subsistantes ; auquel effet, ce marteau sera remis par le directoire du département ou du district, à l’inspecteur ou sous-inspecteur qui le demandera, sur son chargement; et dans le procès-verbal de martelage qui sera dressé et signé par l’inspecteur, ou sous-inspecteur , et ensuite visé par un des membres des directoires de département ou de district, il sera fait mention expresse du jour auquel le marteau aura été tiré du dépôt, et de celui auquel il sera rétabli. Ce procès-verbal sera aussi envoyé au commissaire du roi. Art. 19. Il sera nommé des inspecteurs généraux en nombre suffisant; on leur fixera à chacun un département, dont ils changeront tous les ans, ou lorsque le roi le croira convenable pour le bien de l’administration; ils visiteront les forêts et les bois circonscrits dans ce département, afin d’examiner et de rapporter si leur état est conforme aux lois et règlements, et à ce qui aura été rapporté dans les procès-verbaux des inspecteurs et sous-inspecteurs. Ces inspecteurs généraux résideront à Paris. Art. 20. Les inspecteurs généraux dresseront un procès-verbal particulier pour chaque forêt ou bois qu’ils auront visité. Ils le signeront et le feront viser par l’un des membres du directoire du district où la visite aura été faite. Art. 21. Les arpenteurs de département feront, en présence de l’inspecteur ou Sous-inspecteur, toutes les visites et arpentages prescrits par les lois subsistantes, dont il sera dressé procès-verbal, qui sera envoyé au commissaire du roi. Art. 22. Les inspecteurs généraux, les inspecteurs, sous-inspecteurs et arpenteurs de dépar-partement formant l’administration surveillante, seront nommés par le roi. Art. 23. Les directoires de département et de district, même les municipalités, sont autorisés à dénoncer au roi les contraventions aux lois et règlements forestiers, les abus, négligences et malversations, s’il en est commis, tant par les fermiers et leurs préposés, que par les inspecteurs généraux, inspecteurs, sous-inspecteurs et arpenteurs de département, à l'effet, par Sa Majesté, d’en poursuivre devant les juges ordinaires la punition et la condamnation, en tels dommages et intérêts qu’il appartiendra. Art. 24. Il sera établi à Paris un bureau composé : D’un commissaire du roi ; De cinq chefs avec la commission d’inspecteurs généraux, afin qu’ils puissent suppléer les autres ; De dix commis aux écritures ; De cinq garçons de bureau. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du vendredi 8 octobre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à 9 heures 1/2 du matin. M. l’abbé Bourdon, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille au soir. Ce procès-verbal est adopté. M. le Président fait donner lecture d’une lettre de M. l’abbé Fauchet, qui, en sa qualité de président du conseil général de la commune de Paris, se plaint de ce que, par un décret rendu la veille, l’Assemblée nationale a chargé le vice-président de la municipalité provisoire de recevoir le serment qui doit être prêté aujourd’hui par la nouvelle municipalité. Cette fonction honorable est naturellement dévolue au président du conseil général, et il pense qu’on ne doit pas lui faire éprouver la mortification de l’en priver. (L’Assemblée décide qu’il ne sera statué sur cette pétition qu’après avoir entendu le rapporteur du comité de Constitution.) M. Bouche fait lecture d’une lettre de la municipalité d’Aix, qui rend compte de ce qui s’est passé lors de l’apposition des scellés sur les archives du parlement de cette ville. Tout s’est passé dans le plus grand calme. La garde nationale a maintenu l’ordre partout. La municipalité présente la pétition de plusieurs citoyens, qui réclament l’expédition de différents arrêts déjà rendus, et celle des huissiers du ci-devant parlement, qui réclament la permission de les exécuter : elle attend les ordres de l’Assemblée nationale. (Cette affaire est renvoyée au comité de Gonsti tution.) M. Iicmercler présente à l’Assemblée l’hommage du directoire du département delà Charente-Inférieure et déclare qu’il est expressément chargé de présenter une modification à l’article 7 du décret du 2 septembre dernier qui exclut les membres des directoires des nouveaux tribunaux. Il représente que ces citoyens n’avaient accepté d’emplois dans l’administration que pour répondre à la confiance de leurs compatriotes et sur la foi d’un décret antérieur qui accordait aux magistrats la faculté d’être officiers municipaux et administrateurs, à condition de faire leur option dans le cas où ils seraient appelés aux places du nouvel ordre judiciaire. L’orateur ajoute que la ressource de cette option est durement enlevée (1) dette séance est incomplète au Moniteur.