ILE LE CORSE Nota . Les cahiers du clergé et de la noblesse de l’île de Corse nous manquent encore. Nous les demandons à Bastia et à Ajaccio. Nous les insérerons dans le Supplément qui terminera le recueil des cahiers. CAHIER De doléances , demandes et représentations de l’ordre du tiers-état de Pile de Corse, arrêté par rassemblée générale de cet ordre convoquée à Bastia le 18 mai 1789 (1). L’ordre du tiers-état, avant toute opération, se croit obligé de manifester les sentiments de la vive joie dont il est pénétré de voir cette île réunie à la nation française, devenir partie intégrante de cette monarchie. 11 déclare que rien ne pouvait être plus consolant pour lui, que la grâce que Sa Majesté daigne accorder à cette province en l’appelant à s’occuper, de concert avec les autres, du rétablissement de l’ordre dans toutes les parties de l’administration de l’Etat. Que ces dispositions lui font espérer avec fondement de parvenir au degré de régénération et de félicité qu’elle doit attendre sous un monarque puissant et chéri. Qu’il éprouve le plus vif regret de ne pouvoir concourir par des secours pécuniaires à la réparation du désordre qui s’est manifesté dans les finances de l’Etat. Que la Corse, désolée par quarante années de guerres consécutives, se voit malheureusement réduite à la dure nécessité de ne pouvoir plus supporter aucune augmentation d’impôts et de n’offrir dans les besoins actuels de l’Etat qu’un tribut de zèle et de fidélité. Qu’il viendra un temps où cette île, mise en valeur par la culture et par l’industrie, bien loin d’être à charge à la monarchie, lui sera d’une utilité réelle. Le tiers-état s’est donc borné à porter ses réflexions sur tout ce qui intéresse en Corse la législation civile et criminelle, l’administration de la justice, les Etats du pays, l’administration municipale, le clergé, l’agriculture, le commerce et les objets d’utilité publique. 11 autorise en conséquence ses députés à former les demandes, plaintes, doléances et remontrances suivantes : Etats généraux. Art. 1er. Retour périodique des Etats généraux de cinq en cinq ans. Art. 2. La Corse autorisée à y envoyer deux députations, eu égard à sa population. Art 3. Supplier Sa Majesté de ne point céder cette île ni aucune autre province du royaume, sans le consentement des Etats généraux et des Etats du pays. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. | Lêgislatiôn criminelle. Art. 1er. Publication d’un nouveau code criminel. Art. 2. Abolition du supplice de la roue, la peine de mort restreinte aux crimes de lèse-ma-jesté, parricide et assassinat prémédité. Art. 3. Nulle distinction de peines entre les nobles et le tiers-état. Art. 4. L’imfamie n’affectera que les coupables, sans rejaillir sur les familles. Art 5. Conversion de la peine des galères en un travail public au profit de la province. Art. 6. Abolition de la confiscation des biens des coupables qui auront subi la peine ; elle n’aura lieu que contre les contumax. Art. 7. Abolition du serment de l’accusé, de la sellette et de la question en quelque cas que ce soit. Art. 8. Permettre aux accusés un conseil ; ils ne pourront conférer avec lui qu’après avoir subi le premier interrogatoire ; la procédure ne lui sera communiquée qu’après le récolement. Art. 9. Les jugements criminels prononcés à l’audience, les gens du royaume et l’avocat de l’accusé admis. Art. 10. Réduction des nullités qui opèrent la cassation des procédures criminelles. Art. 11. Jugements criminels motivés, défense aux cours souveraines de prononcer aucune peine pour les cas résultant du procès. Art. 12. Assurer la salubrité des prisons. Art. 13. Abolition des lettres de cachet. Art. 14. Lettres de pardon à tous les fugitifs de Corse qui n’ont point commis de crimes capitaux; iis rentreront en possession de leurs biens. Législation civile. Art. 1er. Prompte publication du Code civil pour la Corse; son exécution n’aura lieu,qu’après avoir été communiquée aux Etats. Art. 2. Les lois publiées ne pourront être corrigées ni modifiées par des lettres ministérielles. Art. 3. Causes du domaine assujetties, tant pour la procédure que pour le jugement, aux mêmes règles que celles des particuliers. # i Art. 4. Les ordonnances portant réunion des propriétés particulières au domaine ne priveront pas les possesseurs de la jouissance en laquelle ils seront conservés jusqu’à l’arrêt définitif du conseil supérieur; ceux qui en ont ainsi été dépouillés y seront réintégrés. Art. 5.” La possession centenaire ou immémoriale, titre suffisant pour le possesseur contre toute réclamation du domaine. Art. 6. Aucune concession accordée par Sa Majesté n’aura son exécution qu’après l’avis des 42 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES Etats du pays, l’homologation du conseil supérieur, et que les parties intéressées auront été ouïes ; les lettres patentes seront enregistrées au greffe de la juridiction où les biens sont situés. Art. 7. Tout particulier qui aura obtenu des concessions sera tenu d’en présenter les titres , tant à l’assemblée de la province, où les biens de sa concession sont situés, qu’aux Etats du pays pour en délibérer, sauf ensuite aux particuliers ou aux communautés à faire valoir leurs droits par-devant les juges compétents. Art. 8. Les biens communaux ne pourront être concédés ni réunis aü domaine. Art. 9. Liberté de partage des biens substitués entre les cohéritiers, malgré les dispositions contraires du testateur; égale liberté d’échange contre des biens de la même valeur, du consentement des parties intéressées. Art. 10. Il sera fixé un délai convenable dans lequel quiconque aura des prétentions aux hypothèques sur les fonds qui seront acquis ou échangés à l’avenir, sera obligé de les faire valoir, sous peine d’en être déchu, à charge par les acquéreurs de faire les proclamations et affiches nécessaires. Art. 11. Tout droit de propriété sera inviolable, et nul ne pourra être privé, même pour raison d’utilité publique, qu’il n’en soit préalablement dédommagé. Art, 12. Les causes entre parents jugées par les parents ou amis communs, sauf l’appel au conseil supérieur. Art. 13. Les demandes principales et les réponses au fond déposées au greffe des juridictions royales, après avoir été signifiées. Art, 14. Aucun ne sera reçu notaire s’il n’a été clerc pendant-trois ans, et s’il ne possède en biens-fonds au moins 5,000 livres, ou qu’il ne fournisse caution valable à concurrence de ladite somme, il sera examiné par un avocat et un notaire, en présence du juge royal et du procureur du Roi , et il présentera un certificat de bonne vie et mœurs du juge de son district. Art. 15. Les notaires tenus d’inscrire en entier tous les actes qu’ils auront reçus dans un registre particulier, lequel sera déposé à la fin de chaque année au greffe de la juridiction; le greffier men donnera communication ni expédition, que du consentement du notaire ou de ses héritiers, Art* 16, A la fin de chaque année, deux contrôleurs ambulants Corse ou Français, établis en Corse, l’un en deçà et l’autre au delà des monts, seront chargés de faire leur tournée dans chaque juridiction pour y constater l’état desdits registres et des minutes ; ils en feront leur rapport aux juges, afin qu’en cas de malversation, le procureur du Roi puisse faire les poursuites nécessaires. Art. 17. Remédier aux inconvénients occasionnés par la négligence des notaires à faire passer les actes au contrôle, en déclarant valables tous ceux qui ont été passés jusqu’ici, et qui n’auraient pas été contrôlés. Art. 18. Publication d’un tarif pour les actes notariaux ainsi que pour les experts. Art. 19. Régler les honoraires des médecins et chirurgiens. Art. 20. Les causes sommaires jugées dans le délai de neuf mois continus, et les ordinaires dans celui de dix huit continus; les causes d’appel seront jugées dans le délai d’un an. Art. 21. Les juges, en prononçant les délibérés, feront déposer en même temps*les pièces sur les bureaux et seront tenus de les juger dans un mois; il en sera de même pour les causes appoin-' PARLEMENTAIRES. [Ile do Corse.] tées, à compter cependant du jour de la production des pièces, le tout sous peine de 300 livres au profit des parties. Art. 22. Les juges auront plus d’égard au fond qu’à la forme et seront tenus de condamner d’office les procureurs aux frais de la procédure envers les parties lorsqu’ils reconnaîtront des nullités essentielles occasionnées par leur négligence.'; Art. 23. Huissiers des communautés autorisés à signifier les arrêts du conseil souverain; ils pourront exercer leurs fonctions dans les communautés voisines lorsque l’huissier ordinaire en sera empêché, ce qui sera constaté par les officiers municipaux. Art. 24. Nouveau règlement pour les procédures civiles. Art. 25. Modérer l’édit du contrôle; cette formalité ne sera nécessaire que pour les actes publics portant hypothèque, ainsi que pour les emplois des demandes principales, sentences et arrêts définitifs ; les actes sous seing privé, ceux d’instruction et généralement tous ceux delà municipalité en seront exempts. Art. 26, Le conseil supérieur ne pourra suspendre l’exécution des sentences rendues par les juges royaux en matières sommaires, posses-soires et exécutives ; tout arrêt de défense accordé en ces cas sera nul de plein droit, et les sentences seront exécutées même pour les dépens. Art. 27. Le conseil supérieur ne pourra refuser de déclarer nobles les familles anciennes deCorse pourvues de titres suffisants et dans le cas de vivre noblement, quand même elles ne pourraient présenter quelque pièce égarée à cause de la guerre. Art. 28. Toute famille qui fournira preuve d’avoir vécu noblement pendant l’espace ae cent ans, sera reconnue noble, selon la coutume de plusieurs provinces du royaume ; la pièce primordiale provenant du prince ne sera pas nécessaire lorsque les parties présenteront des titres équivalents. Le délai de cent ans pourra commencer à quelque époque que ce soit. Art. 29. Tout noble qui ne sera pas en état de vivre noblemeut cessera de jouir des privilèges de noblesse jusqu’à ce qu’il soit en état de soutenir son rang, selon la coutume de Bretagne. Art. 30. Tout particulier qui aura une possession limitrophe à des fonds appartenant à des églises, chapitres, communautés religieuses, chapelles et bénéfices champêtres, pourra exiger l’abandon desdits terrains, en rendant aux mam-mortables propriétaires d’autres fonds, à dire d’experts, situés dans les territoires de la même communauté, ou piève. Parmi les limitrophes seront préférés ceux qui auront la plus grande propriété. Administration de la justice . Art. Ie'. Augmentation de la cour souveraine de Corse portée au nombre de vingt conseillers au moins, et que le premier président d’icelle soit président à mortier. Art. 2. Création d’un second assesseur dans chaque juridiction royale de l’île, ainsi que d’un avocat du Roi ; ces places ne pourront être, confiées qu’à des Corses. Art. 3. Suppression des deux tribunaux de l’amirauté ; leur juridiction attribuée aux justices royales. Art. 4. Les fonds provenant des suppressions seront affectés en partie au traitement des nouveaux assesseurs et avocats du Roi. Art. 5. Suppression des charges d’inspecteur et [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Ile de Corse.] 48 directeur des domaines, ainsi que des officiers de la conservation des bois et forêts ; les fonctions de ces derniers attribuées aux justices royales. Art. 6. Les charges de justices royales ne pourront être conférées qu’à des avocats qui auront suivi le barreau pendant cinq ans sans interrup tion. Art. 7, Celles du conseil supérieur aux officiers des justices royales en exercice depuis quatre ans, ou à des avocats qui auront suivi le barreau pendant huit ans. Art. 8. Le choix des officiers des justices royales et des magistrats du conseil supérieur sera fait par le Roi sur la présentation de trois sujets proposés par le conseil supérieur, lequel aura égard aux articles précédents et préférera les plus anciens et les plus méritants. Art. 9. Nulle différence de traitement entre les Français et Corses. Art. 10. Aucun ne pourra être reçu avocat, quoique muni de lettres patentes d’université, s’il n’a préalablement étudié la pratique pendant un an dans'le cabinet d’un avocat ; il sera examiné par quatre avocats, en présence de deux conseillers et des gens du Roi. Art. 11. Les greffiers des justices royales seront reconnus solvables pour la somme de 6,000 livres au moins, afin de pouvoir répondre des dépôts qui leur seront confiés ; autrement ils fourniront caution jusqu’à concurrence de cette somme. Art. 12. Conservation des juntes notables avec un changement dans la forme de leur établissement; défenses aux commissaires desdites juntes de punir aucun habitant par la privation de la liberté, et de connaître, sous tel prétexte que ce soit, des contestations en matière possessoire : diminution de leurs pouvoirs et modification dans leur juridiction. Art. 13. Deux conseillers de la cour souveraine seront chargés de faire de trois en trois ans une tournée dans les juridictions de l’île, pour constater l’état des greffes, et entendre les plaintes des habitants sur ce qui concerne l’administration de la justice. Art. 14. Transport du conseil supérieur à Corte (1), et en cas que cela ne soit pas accordé, établissement d’un présidial à Ajaccio, composé de sept membres, qui pourront juger en dernier ressort les causes qui n’ excéderont pas la somme de 3,000 livres. Art. 15. Indemnités et récompenses aux personnes employées dont on demande la suppression, tant dans la partie de l’amirauté, que des domaines et bois, surtout aux officiers de l’amirauté et à l’inspecteur des domaines, attendu leurs anciens services. Etats de Corse. Art. 1er. Convocation des Etats de Corse de trois en trois ans, au 1er avril, en ladite ville de Corte (2). Art. 2. Ils jouiront de la liberté, droits et privilèges de ceux de la province de Languedoc ; la forme de leur convocation sera établie par un règlement analogue à la constitution particulière de nie. Art. 3. Ils seront composés d’un quart de l’or-(1) Les juridictions de Bastia, Cap-Corse et Neblio demandent que l’on continue à les tenir dans la ville de Bastia. (2) Les provinces de Bastia, Neblio et Cap-Corse, �e sont opposées à cette demande. dre du clergé, un quart dé celui de la noblesse, et de la moitié de celui du tiers-état. Art. 4. Chaque ordre représenté par les individus de son ordre exclusivement. Art. 5. Tout membre du tiers-état pourra être député aux assemblées particulières et générales, quand même il n’aurait pas de charges municipales , et ne pourraêtre exclu de ces assemblées, à moins qu’il ne soit noté d’infamie. Art. 6. Etablissement d’une commission intermédiaire composée de douze membres, dont trois du clergé, trois de la noblesse et six du tiers-état; régler leurs fonctions et leur service de quatre en quatre mois, suivant cette proportion ; leur fixer des honoraires convenables. Art, 7. Les membres de cette commission chargés de l’inspection des routes et chemins. Art. 8. Aucune gratification, remise ou décharge, ne sera accordée par cette commission, ce droit réservé aux Etats du pays, après que les provinces en auront délibéré. Art. 9. Le greffier en chef des Etats pris indistinctement dans les deux ordres de lâ noblesse et du tiers-état. Art. 10. Administration des droits domaniaux confiée aux Etats ; tous les employés à la perception de ces droits nommés par eux ; la commission intermédiaire en aura la direction et surveillance. Art. 11. Le trésorier général et ceux des provinces seront Corses ; ils donneront caution suffisante sous l’approbation des Etats. Art. 12. Comptabilité du trésorier général par l’impression à chaque tenue des Etats. Art. 13. Supplier Sa Majesté de faire connaître l’étendue des pouvoirs attribués à ces commissaires, afin qu’il n’y ait rien d’arbitraire. Art. 14. A chaque tenue des Etats, il sera nommé un syndic et un secrétaire de la province qui résideront à Paris, à l’effet d’y traiter les intérêts de la Corse. L’assemblée générale leur fixera des honoraires convenables. Administration municipale. Art. 1er. Publication d’un nouveau règlement concernant la forme et l’élection des officiers municipaux. Art. 2. Tout notable d’une piève pourra être élu podestat-major, quand même il n’aurait pas été officier municipal. Art. 3. Ceux qui auront obtenu la pluralité des suffrages à haute voix ne pourront être exclus, à moins qu’ils ne soient notés d’infamie. Art. 4. Changement triennal des officiers municipaux et des podestats-majors, y compris ceux de la ville de Bastia. Art. 5. Les officiers municipaux, juges des causes personnelles, tant du clergé que de la noblesse et autres personnes privilégiées, jusqu'à concurrence de la somme de 100 livres. Art. 6. L’appel des sentences municipales porté par-devant les juges royaux, qui jugeront en dernier ressort avec l’assistance de leurs assesseurs ou de deux gradués. Art. 7. Les amendes ne seront payées par les appelants des sentences municipales qu'après le jugement définitif des juges royaux; il ne sera plus nécessaire de les déposer d’avance. Art. 8. Les officiers municipaux autorisés à poursuivre en justice les usurpateurs et détenteurs des biens communaux sur une délibération de la communauté, sans autre formalité. Art. 9. Donner la préférence aux communautés 44 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES pour les baux des terres domaniales situées dans leur territoire. Art. 10. L’amende pour objet de police pourra être portée jusqu’à 20 livres. Art. 11. Permission aux officiers municipaux de taxer le prix des denrées et comestibles. Art. 12. Attribution aux officiers municipaux de statuer sur les demandes en complaintes et réintégrande ; leur jugement provisoire pendant un mois pour empêcher les voies défait; dans ce délai les parties se pourvoiront à la justice ordinaire. Art. 13. Qu’il soit nommmé. incessamment des commissaires pour fixer définitivement les limites des communautés et pièves qui sont en contestation. Art. 14. Les officiers municipaux décorés d’une marque distinctive. Clergé. Art. 1er. Erection d’un archevêché en Corse, dont les autres diocèses de l’ile seront suffra-gants. Art. 2. Le clergé de Corse jouira de tous les droits, privilèges, prérogatives, et immunités de l’Eglise gallicane. Art. 3. Les évêques diocésains autorisés à accorder toutes dispenses de mariage et les provisions de bénéfices de quelque nature qu’ils soient; les droits pour les dispenses et provisions réduits de moitié au moins; les évêques tenus d’employer en œuvres pies la moitié de ce qu’ils en percevront ; nulle pénitence publique pour les dispenses de mariage. Art. 4. Les revenus des bénéfices champêtres, dont la nomination dépend â présent de la cour de Rome, appliqués à l’avenir, moitié à l’université à établir en Corse, et moitié aux paroisses dépourvues de la portion congrue, à l’effet (le diminuer les contributions pécuniaires que supportent les habitants. Art. 5. Supprimer la contribution appelée Sus-sido Caritativo, que les évêques sont dans l’usage d’exiger des curés lors de leur installation. Art. 6. Régler la portion congrue des curés; elle sera assurée par les évêques. Art. 7. L’arrondissement des diocèses de Corse de la manière la plus juste et la plus convenable. Art. 8. Portion congrue de l’archevêque portée à 20,000 livres, et celle des évêques à 12,000 livres, le surplus de ce qu’ils perçoivent actuellement appliqué au profit de quelque institution publique. Art. 9. Démembrement de la ville de Bonifacio du diocèse de Gênes ; elle sera agrégée à celui d’Aleria ou d’Ajaccio. Art. 10. Les fruits des biens appartenant aux églises tant paroissiales que cathédrales, perçus abusivement par les évêques et curés respectifs, seront perçus désormais et administrés par les procureurs desdites églises au profit d’icelles, à la charge d’en rendre compte. Art. 11. Les administrateurs des séminaires et hôpitaux tenus, à la fin de chaque année, de rendre compte de leur gestion, à la requête du procureur du Roi, en présence du juge royal et des officiers municipaux. Art. 12. Conserver aux pièves de Corse le droit d’envoyer des élèves dans chaque séminaire du diocèse pour y être entretenus et élevés gratis. Art. 13. Exécution du tarif du pape Innocent II, pour les droits des greffes des évêchés. Art. 14. Supplier Sa Majesté de ne point per-PARLEMENTAIRES. [Ile de Corse.] mettre qu’il soit imposé aucune pension sur les bénéfices du clergé de Corse. Agriculture. Art. 1er. Encouragements et primes aux particuliers qui se distingueront dans l’agriculture. Art. 2. Exemption de toute imposition pendant dix ans en faveur des étrangers qui s’établiront dans la province pour travailler dans la campagne. Art. 3. Les pères de famille qui auront dix enfants vivants, exempts de toute imposition. Art. 4. Les soldats-cultivateurs qui épouseront la fille d’un laboureur corse et qui s’établiront dans l’Ue, obtiendront leur congé en payant 100 livres seulement. Art. 5. Lettres patentes sur l’arrêt du conseil d’Etat de 1784 concernant les terrains défrichés ou desséchés ; prorogation du délai de cinq à vingt ans. Art. 6. Les vignes nouvellement plantées exemptées du vingtième pendant vingt ans. Art. 7. Prélé vati on de la semence et des frais de culture avant le payement du vingtième et de la dîme. Art. 8. Prompte publication du règlement sur les mésus champêtres arrêté par les derniers Etats ; ordonner en attendant l’exécution des articles 46, 47 et 48 du statut criminel de Corse. Art. 9. Sa Majesté sera suppliée de n’autoriser dorénavant aucune exécution de projets de dessèchements de marais ou étangs, et d’établissement de colonies et pépinières, sans que les Etats de la province n’aient délibéré sur les moyens d’en assurer le succès. Art. 10. Les communautés autorisées à fixer un droit de capture au profit des gardiens sur les bestiaux qu’ils arrêteront faisant du dégât. Commerce. Art. 1er. Abolition de tous privilèges exclusifs contraires à la liberté du commerce, et propres à détruire le germe de l’industrie. Art. 2. Liberté de la pêche dans la mer ainsi que dans les rivières et étangs domaniaux, les étrangers admis à y participer en se conformant aux lois du pays. Art. 3. Abolition de tout privilège de chasse et de pêche. Art. 4. Liberté aux marins corses de p#her le corail dans la Méditerranée, et notamment sur les côtes de Barbarie. Art. 5. Etablissement d’un port franc en Corse. Art. 6. Suppression de tout droit de sortie des ports de France pour la Corse sur les denrées et marchandises provenantes des manufactures nationales ; elles seront assujetties seulement à la formalité de l’acquit-à-caution. Art. 7. Pareille suppression des droits de sortie de Corse sur les marchandises et denrées destinées pour la France, sous la même formalité. Art. 8. Pareille suppression de tout droit d’entrée sur les farines et les comestibles introduits en Corse, provenant tant de l’étranger que des ports de France. Art. 9. Les exemptions ci-dessus n’auront lieu que pour les bâtiments naviguant sous pavillon français. Art. 10. Les marchandises et denrées exportées de Corse pour l’étranger sous pavillon français ne payeront que le 5 p. 0/0 et le 15 sous pavillon étranger. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES Art. 11. Diminution des droits de sortie et suppression de la traite foraine sur les huiles ; réduire les droits pour cette denrée au taux de l’article précédent. Art. 12. Imposer les marchandises qui viennent de l’étranger sous pavillon français à un droit de 15 p. 0/0, et sous pavillon étranger à celui de 25 p. 0/0. Art. 13. Suppression de tous les droits d’entrée pour les marchandises qui viennent en Corse des différentes provinces de la France. Art. 14. Défense expresse d’importer en Corse les cuirs fabriqués ou tannés chez l’étranger. Art. 15. Liberté d’exporter à l’étranger les bois de construction, la poix et le goudron, pour favoriser cette branche de commerce, à moins qu’il ne plaise à Sa Majesté de garder tous ces objets pour le service de sa marine. Art. 16. Les bâtiments faisant le petit commerce d’un port de File à l’autre, exempts de tout droit quelconque. Art. 17. Défense d’exporter en terre ferme aucune denrée, avant que la subsistance de File ne soit assurée. La commission intermédiaire en jugera , d’après l’avis des officiers municipaux. Art. 18. Révocation de l’ordonnance de M. l’intendant du 18 mai 1788, concernant les ouvrages d’orfèvrerie et bijouterie. Art. 19. Les capitaines ou patrons ne seront tenus de donner leur manifeste que vingt-quatre heures après leur arrivée, ainsique cela se pratique dans les ports de France. En cas de tempête, autorisés à tirer à terre leur bâtiment, en prévenant les employés du domaine. Art. 20. Visites des employés ou commis des domaines dans les maisons et boutiques de marchands absolument interdites. Art. 21. Les employés à la perception des droits domaniaux n’auront aucune remise sur les produits ni sur les amendes et confiscations, ces profits obscurs étant l’occasion d’une infinité de vexations. Art. 22. Passe-port de trois ans à tout capitaine marchand corse, qui voudra entreprendre le grand ou le petit commerce. Art. 23. Tout étranger établi en Corse depuis deux ans, ou qui aura pris une femme corse, autorisé à faire des expéditions sous pavillon français, sans autres formalités qu’un certificat des officiers municipaux qui constatera son établissement ou son mariage. Art. 24. Permission générale d’expédier dans tous les ports de l’île des bâtiments marchands pour les établissements français de l’Amérique, de la Guinée, des Indes orientales et pour la pêche de la morue, en se conformant aux règles du port de Marseille. Art. 25. Privilège aux villes maritimes et marchands de faire assigner devant leurs tribunaux tout particulier qui y contractera des dettes pour objet de commerce seulement. Art. 26. Etablissement de juridictions consulaires dans les principaux ports de l’île ; publication de l’ordonnance du commerce de 1673. Art. 27. Rétablissement des anciennes salines de Corse. Art. 28. Permission aux bâtiments corses de porter la tête de mance sur le pavillon blanc français, de même que plusieurs villes ou provinces du royaume y portent leurs armes. Art. 29. Uniformité des poids et mesures; établissement de livres-jurés dans toutes les places maritimes et villes de 111e, notamment à Corte. PARLEMENTAIRES. [Ile de Corse.] 45 Art. 30. Etablissement d’un lazaret pour faciliter le commerce du Levant. Art. 31. Etablissement d’un plus grand nombre de bureaux de santé, de distance en distance, autour de l’île ; les préposés ou leurs gardes tenus de faire leur séjour sur les plages, afin que les capitaines et patrons ne soient pas dans le cas d’attendre leur arrivée, cela occasionnant souvent des inconvénients. Art. 32. Conserver lesdits bateaux de poste, et les trois felouques gardes-côtes. Art. 33. Supplier Sa Majesté de donner une existence égale aux différents corps de métiers, et de leur assigner le rang qu’ils doivent occuper dans l’ordre civil et politique. Art. 34. Liberté à la province du Cap-Corse d’exporter en terre ferme ses vins en exemption de droits, sous pavillon français. Objets d'utilité publique. Art. 1er. Etablissement d’une université à Corte (1) ; les revenus des biens des camaldules, chartreux, jobins et olivetains qui seront supprimés, attribués à cet établissement. Art. 2. Suppression de la corvée. Art. 3. Entière liberté de la presse. Art. 4. Sûreté inviolable des lettres à la poste ; que les capitaines et autres puissent remettre à leur adresse les lettres dont ils seront chargés, sans les faire passer par le bureau de la poste. Art. 5. Diminution des couvents des religieux mendiants en Corse ; les Etats de l’ile en proposeront le nombre à supprimer. Art. 6. Ceux qui seront conservés tenus de prêcher gratis et de tenir dans leur couvent des écoles pour l’instruction des enfants des communautés où ils font la quête. Art. 7. Etablissement d’un collège dans chaque diocèse de File. Art. 8. Etablissement d’un collège de médecins et chirurgiens pour examiner les sujets qui voudront exercer cette profession ; pareil établissement d’une chaire de chirurgie démonstrative. Aj’t. 9. Nouvel examen de médecins exerçant actuellement, ainsi que des chirurgiens, attendu la facilité qu’ont eu des sujets peu instruits de se procurer des certificats des médecins commis à leur examen, par arrêt du conseil supérieur. Art. 10. Aucun ne sera reçu apothicaire en Corse sans avoir subi l’examen du collège de médecine. Art. 11. Visite annuelle des drogues de toutes les pharmacies par des membres dudit collège. Art. 12. Création de deux places de professeur d’hydrographie et d’architecture pour l’instruction des jeunes gens gui se destinent à la navigation et à la construction des maisons. Art. 13. Admission du tiers-état à tous les grades et dignités ecclésiastiques, civiles et militaires. Art. 14. Supplier Sa Majesté de donner pour les emplois la préférence aux Corses ou Français établis dans l’île, et de distribuer les emplois de manière qu’une même personne ne puisse être pourvue de plusieurs charges en Corse. Art. 15. Les provinces d’en delà des monts seront pour un tiers au moins dans la distribution desdites charges et emplois, ainsi que dans toutes les députations aux Etats généraux et particuliers. (1) Les juridictions de Bastia, Neblio et Cap-Corse, se sont opposées à cette demande que l’Université soit établie à Bastia. Ag [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Ile de Corse.] Art. 16. Les places et emplois ne pourront être I cédés de père eu fils, de quelque nature qu’ils soient. j Art. 17. Rétablissement sur Ranci eu pied des ! vivres, hôpitaux et autres parties du Service mi-! litaire, la régénération de Me ne pouvant s’opé-s rer que par les moyens qui tendent à favoriser la population, l’industrie, le commerce et l’agri-; culture. Art. 18. La garnison de Me augmentée de quatre régiments ; une partie sera détachée dans les pièves et communautés pour favoriser la cül-türe, le débit des denrées et le loyer des maisons. Art. 19. On tie pourra à l’avenir envoyer dans les communautés de Me aucun détachement du régiment provincial, sous prétexte d’y faire veiller la police, sans la réquisition des juges royaux, à moins qu’il ne s’agisse de poursuite de criminels. Art. 20. Interdiction à l’autorité militaire de prendre connaissance des contestations et querelles de quelque nature qu’elles soient, qui pourront s’élever entre les habitants, par la prison oü privation de port d’armes, hors le cas de flagrant délit ; les personnes ainsi arrêtées seront incessamment remises à la justice. Art. 21. Construction de grandes routes pour la communication de toutes les villes de Me, et pour conduire aux terrains de Fiuffiorbo, San Giorgio, et Vicio ; Sa Majesté suppliée de contribuer à la dépense de ces établissements qui pourront aussi servir aux soldats de la garnison, et d’entretenir un médecin pendant la saison. Art. 22. Prompte construction des ports nécessaires à la communication des chemins royaux et provinciaux. Art. 23. Etablissement de plusieurs magasins d’abondance dans les différentes provinces de l’ile, pour assurer la subsistance des habitants. Les Etats s’occuperont des moyens de faire ces établissements. Art. 24. Construction de casernes dans toutes les places de Me, excepté Bastia ; il sera pourvu incessamment au remboursement de tous les loyers militaires échus, et l’on assurera le payement des loyers à Venir, Art, 25, Sa Majesté sera suppliée de faire la remisé de toutes les avances qui ont été faites pour venir au secours des habitants dans les dernières années de la disette. Art. 26. Egale remise des arrérages de la subvention en deniers, et de l’imposition des deux vingtièmes des maisons louées au 1er octobre 1777, et de toutes les amendes prononcées au profit du Roi. Art. 27. Supplier également Sa Majesté de continuer l’abonnement de la subvention en nature à 120,000 livres, ainsi que le secours de 300,000 livres par an, qu’elle a bien voulu accorder jusqu’ici à la caisse civile, Le présent cahier de demandes, doléances et remontrances a été unanimement arrêté par Rassemblée générale de l’ordre du tiers-état de Me de Corse, pour être remis aux députés que cet ordre nommera pour les Etats généraux du royaume, lesquels seront chargés de les proposer et soutenir avec toutes les facultés et pouvoirs nécessaires, conformément au règlement de Sa Majesté du 22 mars dernier, Fait en l’église des Pères Doctrinaires, destinée pour Rassemblée des trois ordres de l’île de Corse, aujourd’hui deux juin mil sept cent qüatre-vingt-neuf, onze heures du matin, et tous les députés désignés au procès-verbal ont signé. Signés à la minute : SuZzoni, Bandiera, For-cioli, Dominique Forcioli, Fortdacit, Joseph-Antoine Nattei, Lepidi, Simon-Pierre Poli, Boche-ciampe , Foata , l’avocat Panatieri , Sébastien Valeri, Antoine Quchichino, Quchichini Poggia, Jean-Baptiste Bonetti, Dufaur, Lazzarini, Peraldi. Giorgi, Galeazzi, Soliceti, Vessini, Schouller, don Martin et Quinza, de Raynan. Paoli, Viale, Àdriani, Tartaroli, Biaggini, Raffaelli, Pietri Massci, Gaf-fori, Franceschetti, Yidan, Arena, da Quinza, comte Colonna de Cesari Rocca, Chiappe, Lasqua-lini, Belgodere, Massoni, Casablanca, Angeli. Vu, coté et paraphé par nous, président de l’ordre du tiers-état. Signé DE FrangèSCHI. VICOMTÉ DE COUZERANS. Nota. Les cahiers du clergé; dè la noblesse et du tiers-état de la vicomté de Couzerans manquent aux Archives de l'Empire. — Nous les avons demandés infructueusement dans diverses villes du Midi ét nous àtons reçu, à ce sujet, deux lettres de M. Orléao, archiviste en chef de l’Ariége, dont voici les passages principaux. H août 1867. « Monsieur, j’éprouve le regret de ne pouvoir « Vous adresser les Copies des cahiers des députés « du Couzerans aux États généraux de 1789, que « vous m’avez fait l’honneur de me demander ..... « Ces cahiers, ainsi que ceux des députés du comté « de Foix à la même assemblée, manquent tota-« lement dans nos archives. Un violent incendie « survenu en 1803 dans les bâtiments de la pré-« fecture détruisit tous les papiers des bureaux, « et le dépôt des archives qui était contigu aux « bureaux devint presque entièrement la proie « des flammes ..... » 3 octobre 1867. « Monsieur ..... . je ine suis mis à faire le dé-« pouillement d*un nombre considérable de « liasses appartenant au dix-huitième siècle et « provenant des justices royales du Saint-Géron-« nais (ancien pays du Couzerans). Ces liasses, qui « avaient été centralisées deptis longues années « aux archives du greffe du tribunal de Foix, « ont été Versées récemment aux archives de la « préfecture. « Parmi ces pièces, qui se rattachent toutes à « des affaires judiciaires, se sont trouvés, par « hasard, les procès-verbaux des assemblées des « trois ordres ..... Mais les cahiers où devaient « être consignés les vœux et doléances, ne se « sont pas trouvés joints à la liasse. Il paraît même « qu’ils n’y ont jamais été réunis, car il résulte « d’un inventaire des papiers et minutes qui « avaient été déposés et mis sous le scellé chez le « greffier de la juridiction royale du Couzerans, « au siège de Gastillon, dressé le 6 septembre 1791, « à la réquisition du procureur de la commune, « en présence des maire et officiers municipaux, « que les pièces composant ladite liasse consis-« tent seulement en quatre procès-verbaux et en « ceux de toutes les communautés du pays con-« voquées pour l’élection de leurs représentants « à l’assemblée des trois ordres ..... » (Au surplus nous renvoyons âui pages 2!, 24 et 26 ( Comté de Comminges), où doivent se trouver compris, au moins en partie, les détails qui concernent le pays de Couzerans.)