52 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE envoyé sur-le-champ manuscrit au tribunal militaire près les armées des Côtes de Brest et des Côtes de Cherbourg (85). 40 Après un rapport fait au nom du comité des Finances, la Convention nationale rend les deux décrets suivants. CAMBON : La loi du 23 floréal ordonne que les certificats de vie des personnes habitant en pays hors de la République doivent être délivrés par l’agent de la République. Mais dans ce moment la République n’a aucun agent dans les pays avec lesquels on est en guerre. Nous ne pouvons ni ne devons avoir confiance dans les certificats qui seraient délivrés par des magistrats sous la dépendance des coalisés qui ne négligent aucun moyen pour détruire l’existence de notre gouvernement. Ceux qui cherchent à nous faire mourir de faim, saisiraient avec empressement de nous faire payer ce que nous ne devrions pas. D’ailleurs les magistrats sous la dépendance des coalisés ne se feraient aucune peine de certifier l’existence de ces transfuges français qui ne cherchent qu’à détruire leur patrie, ils accueilleraient avec empressement de pouvoir être uliles au prince errant de la famille des Capet (Plusieurs membres : Il fallait faire arrêter cet homme là). Ce sont ces considérations qui ont déterminé votre comité des Finances de vous proposer les mesures de prudence que vous avez adoptées le 23 floréal. Cependant en veillant aux intérêts de la République et en prenant des mesures contre les ennemis de la Révolution vous voulez être justes. Votre comité des Finances a reçu diverses pétitions de plusieurs citoyens français qui ont placé leurs fonds sur des têtes de personnes non françaises qui habitent les pays qui sont en guerre avec la République. Ces citoyens qui n’ont rien de commun avec les émigrés se trouvent exposés à perdre leur propriété si vous ne leurs fournissez les moyens de fournir le certificat de vie nécessaire pour constater leur créance. Votre comité des Finances a pensé que vous deviez leur accorder la faculté de se le faire délivrer par les agens des deux puissances neutres, et je suis chargé de vous proposer le décret suivant (86). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité des Finances, décrète: Article premier. Les certificats de vie des personnes non-françaises habitant les pays qui sont en guerre avec la République, qui seront délivrés et signés par les agens de deux puissances neutres, seront admis par la Trésorerie nationale. (85) P.V., XLIV, 199-200; C 317. pl. 1280, p. 47; Débats, n° 709. Décret n° 10 602. Rapporteur : Bezard. (86) C 317, pl. 1280, p. 48, minute signée de Cambon fils aîné; Débats, n° 707. Art. II. Ces certificats devront être rédigés conformément au modèle Numéro 2, joint au décret du 23 floréal dernier (87). 41 CAMBON : Je viens vous proposer au nom du comité des Finances, un projet de décret qui a pour but de régler et accélérer le payement de quarante mille citoyens. La célérité avec laquelle s’est exécuté votre décret sur les rentes viagères; le dépôt de cent mille contrats possédés par environ quarante mille personnes, qui a été fait à la Trésorerie dans moins de trois mois; le payement effectué de 30 millions d’arrérages de trente-six mille rentiers; enfin, les trois quarts des créanciers qui se sont présentés prouvent assez que les mesures adoptées par la Convention nationale ne sont pas d’une exécution difficile, et que l’ordre peut s’établir, malgré qu’on ait voulu l’écarter sous le prétexte de contre-révolution. Nous n’aurions plus à vous entretenir de cette matière, si les opérations astucieusement combinées de l’agiotage ne nous forçaient d’y revenir pour détruire ses derniers retranchements. L’avidité et la perfidie ont tenté de calomnier votre décret; les intéressés à l’opération genevoise, les seuls qui eussent à s’en plaindre, parcequ’il réduisait leurs bénéfices usuraires, s’étaient rangés en bataille derrière Robespierre, et combattaient avec lui, tantôt pour suspendre l’effet du décret et paralyser la volonté de la Convention nationale, tantôt pour l’attaquer ouvertement. L’examen des papiers du tyran démontrera sans doute qu’il y avait quelques liaisons entre lui et les agioteurs de Genève; les nombreuses lettres qu’il recevait d’eux doivent prouver qu’il s’en était déclaré le protecteur. Mais leur dernière ressource leur est enlevée, et la loi aura son entière exécution. Nous allons nous occuper seulement des citoyens que les agioteurs avaient rendus leurs tributaires, c’est-à-dire des propriétaires de rentes viagères par délégation, ou qui sont propriétaires d’effets au porteur. Des agioteurs ont placé dans les emprunts des fonds considérables, sur diverses têtes, et ont été reconnus propriétaires des rentes viagères qui en provenaient. Ils ont ensuite vendu leur propriété, par délégation, à des particuliers qui, désirant placer leurs fonds en viager, ne pouvaient les placer directement sur l’Etat. Les délégations étaient de deux espèces: Ou par des actes authentiques, inconnus au gouvernement, qui constataient la cession et les transports successifs des portions de rentes viagères déléguées, et qu’on négociait sans aucune notification aux payeurs de rentes. (87) P.-V., XLIV, 201, Décret n° 10 605. Rapporteur: Cambon. Débats, n° 707; mention dans J. Perlet, n° 705; M.U., XLIII, p. 202; F. de la Républ., n° 421; J. Fr., n° 704. SÉANCE DU 11 FRUCTIDOR AN II (28 AOÛT 1794) - N° 41 53 Ou la délivrance d’effets au porteur, qui, passant de main en main, sans formalité, étaient devenus le principal aliment du jeu de l’agiotage qui se faisait à la bourse. Le contrat primitif de la rente, déposé chez un notaire, était le gage de ces délégations. Les agioteurs recevaient des caisses publiques les rentes constituées en leur nom, à mesure de leur échéance, et payaient ensuite, en détail, aux délégataires ou porteurs d’effets, les sommes qui leur revenaient, en retenant un droit de commission plus ou moins fort. Cet agiotage n’est plus une hypothèse; les titres déposés à la Trésorerie prouvent qu’il existait pour 22 millions de rentes provenant de ces opérations. On eût pu, pour accélérer la liquidation, ne reconnaître que les propriétaires connus de la République, et laisser aux délégataires et porteurs d’effets le soin d’exercer leurs droits contre leurs vendeurs. Mais alors l’opération de l’agioteur subsistait, les titres de délégation, les effets au porteur n’étaient pas connus du gouvernement. Les agioteurs continuaient à mettre à contribution la classe peu fortunée, en percevant des droits de commission et autres retenues. Ils profitaient des portions de rentes appartenant à des émigrés ou condamnés qui ne sont pas connus. Enfin, tenant entre leurs mains la fortune d’un grand nombre de citoyens, ils pouvaient tenter d’exciter des mécontentements utiles à l’aristocratie. D’un autre côté, il entrait dans les vues de bienfaisance de la Convention nationale de rassurer les citoyens sur leur médiocre fortune dont le gage se trouvait dénaturé, et qui perdaient une garantie, et de leur fournir la faculté de conserver du viager; faculté dont ils eussent été privés s’ils fussent restés créanciers d’un rentier qui ne peut avoir lui-même que le maximum de viager fixé pour son âge. Toutes ces considérations nous ont déterminés à reconnaître comme créanciers directs de la nation les propriétaires de rentes viagères par délégation ou au moyen des effets au porteur. Mais la nation, en allant au secours des fortunes particulières, ne doit pas s’exposer à payer plus qu’elle ne doit. Il est des précautions à prendre pour constater les délégations, écarter celles faites par des émigrés, reconnaître la propriété, et empêcher qu’il ne soit liquidé, en faveur des propriétaires partiels, un capital plus fort que celui qui est dû par la nation au créancier primitif. Le projet de décret que je suis chargé de vous proposer règle les formes à suivre pour hâter la liquidation de ces créanciers, qui ont été reconnus par les précédentes lois, et veiller à ce que les intérêts de la République ne soient pas compromis. Nous n’aurions rempli qu’une partie du devoir qui nous est imposé, si nous nous bornions aux moyens de liquidation. Il faut faciliter et accélérer le payement des arrérages qui sont dus aux délégataires et aux propriétaires des effets au porteur; il faut s’occuper du sort des rentiers qui attendent le produit de leur revenu pour vivre; et en général, dans toutes les opérations du gouvernement, il faut s’occuper de la prompte exécution; car un citoyen qui attend ne se contente pas de promesses, il lui faut de la réalité : c’est ce principe que votre comité des Finances ne perdra jamais de vue, et qui forme la base de toutes les opérations qu’il vous propose. Rien n’eût été si simple que d’acquitter les arrérages échus aux agioteurs titulaires des rentes, qui en auraient fait la répartition, comme d’usage, aux délégataires et propriétaires d’effets au porteur; mais les mêmes motifs qui nous ont déterminé à reconnaître ces derniers pour la liquidation du capital des portions déléguées nous engagent à les appeler directement au payement des arrérages. A quoi servirait, en effet, de laisser tourner au profit des agioteurs les parties non réclamées qui auraient appartenu à des émigrés ou condamnés non connus, ou dont ils pourraient feindre d’ignorer le sort, et de leur conserver les profits peu légitimes qu’ils retiraient sur la répartition des rentes ? Nous vous proposons, en conséquence, des mesures pour constater les arrérages dus par la nation, les parties non réclamées chez les agioteurs, et pour obliger ceux-ci à en déposer le montant à la Trésorerie. C’est là que les délégataires seront payés, comme les autres propriétaires de rentes viagères. Enfin, nous aurons encore à vous parler de rentes viagères; je veux dire de celles dues à des compagnies de finances qui ont émis des actions au porteur. Vous y verrez de nouvelles combinaisons de l’agiotage; mais les questions qui se présentent tiennent au parti qui sera adopté pour la Compagnie des Indes, et il ne peut y être statué qu’après le décret à rendre par la Convention nationale sur cette affaire. Nous pouvons, en finissant, annoncer à la Convention que la liquidation du viager est déjà en activité, et que, malgré toutes les entraves et tous les retards, les payements du 1er vendémiaire seront faits avec exactitude et célérité. et la liquidation sera avancée. Votre comité des Finances veille sans cesse sur toutes les parties dont il est chargé; s’il se présentait de nouveaux obstacles dans l’exécution du décret sur le viager, il s’empresserait de vous en faire le rapport, l’exactitude et la célérité devant être les bases de tous les systèmes de finances. (Cambon termine son rapport par un projet de décret qui est adopté en ces termes :) La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Finances, décrète: TITRE PREMIER Article premier. Les particuliers qui ont transporté ou délégué individuellement ou collectivement, par acte public et authentique non-notifié aux ci-devant payeurs des rentes, plusieurs portions de rentes viagères