SÉANCE DU 10 VENDÉMIAIRE AN III (1er OCTOBRE 1794) - Nos 8-10 193 cent vingt-cinq livres; par conséquent, quatre-vingt deux mille neuf cent sept livres au dessus de l’estimation. Insertion au bulletin, et renvoi au comité des Finances (14). 8 Les citoyens de la commune de Cerdon, département de l’Ain, écrivent à la Convention nationale : Pendant que les vertus, les mœurs, la probité servoient de base à vos profondes discussions sur le salut de la patrie; pendant que vous opposiez aux efforts de l’Europe étonnée un peuple de héros représenté par des hommes de génie, le département de l’Ain étoit agité par de vils intrigans dont l’immoralité étoit autant dépravée que l’ignorance étoit profonde : tandis que le peuple, dans le calme de la vertu, dans le sang-froid de la tempérance, souffroit tout, se soumettoit à tous les sacrifices, des monstres qui se roulent dans la fange de la corruption, se livroient à tous les vices et le délire de l’ivresse, méditoient les plus noirs forfaits. Il étoit temps de mettre fin à la tyrannie dans ce département; un jour plus tard, peut-être même deux heures plus tard, le sang auroit coulé à grand flots. Boisset a paru, et son arrivée a fait renaître la confiance; il a rendu les pères à leurs enfans, les maris à leurs femmes; il a terrassé le crime et démasqué l’hypocrisie : achevez, législateurs, achevez vos sublimes destinées; nous vous tracerons de notre sang la route de l’immortalité. Insertion au bulletin, renvoi au comité de Sûreté générale (15). Les citoyens de la commune de Cerdon, département de l’Ain, exposent à la Convention nationale que ce département étoit agité par de vils intrigans qui joignoient à l’immoralité l’ignorance la plus profonde; que ces monstres qui se rouloient dans la fange de la corruption et du vice, méditoient dans le délire de leurs débauches les plus noirs forfaits ; tandis que le peuple, dans le calme de la vertu, dans le sang-froid de la tempérance, souffroit tout, se soumettoit à tous les sacrifices; qu’ils avoient fait entasser dans les cachots des pères de famille, des patriotes qui étoient privés, dans leur captivité, des secours les plus nécessaires et de toute consolation; mais que le représentant du peuple Boisset a fait renaître la confiance ; qu’il a démasqué l’hypocrisie, terrassé le crime, rendu à la liberté les patriotes opprimés, et prouvé par sa conduite que la Convention a réellement mis à l’ordre du jour la justice et la vertu. Ils assurent la Convention de leur dévoue-(14) P.V., XLVI, 201. Bull., 16 vend, (suppl.). (15) P.V., XLVI, 202. ment, l’invitent à rester à son poste et à continuer de déployer son énergie pour étouffer tous les monstres conjurés contre la liberté (16). 9 La société populaire de Gémenos, département des Bouches-du-Rhône, écrit à la Convention nationale qu’elle voit avec douleur qu’on attaque à chaque instant l’honneur de ses membres; que la nation paroît outragée dans ces différens assauts qui n’ont le plus souvent pour base que la témérité et l’injustice ; que tous les représentai sont exposés à être tour-à-tour en but à la calomnie : et alors que deviendrait la Convention nationale? Elle l’invite à rechercher les auteurs de ces trames criminelles, à punir rigoureusement les méchans et les calomniateurs, et à maintenir le gouvernement révolutionnaire. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au comité de Sûreté générale (17). 10 La société populaire de Bourg, chef-lieu du département de l’Ain, écrit à la Convention nationale : En mil sept cent quatre-vingt huit, le Français vit l’abyme qui s’ouvrait sous ses pas, la tyrannie l’avoit creusé; l’état touchoit à sa désorganisation, et le remède n’étoit que dans une autre forme de gouvernement. Le peuple demanda-t-il alors à Capet et à ses suppôts la permission d’user de la liberté de la presse? Non : le peuple connut le droit naturel, et il s’en servit pour éviter les maux de l’anarchie. Les armées se battent avec courage et triomphent par-tout ; les enfans mêmes qui ont perdu sur l’échafaud, père, parens et amis, adoptent la patrie pour mère, veulent vaincre ou s’ensevelir avec elle. Mais, pendant ces victoires, Hébert, Robespierre et leurs partisans déclaraient la guerre à l’humanité, fondoient leur puissance, sup-posoient des conspirations qu’ils savoient adroitement préparer, prêchoient une morale destructive de toute société politique, entassoient victimes sur victimes, et jouis-soient des délices de Néron, en faisant égorger les Français. D’où peut venir un contraste si frappant de félicité et de malheurs? Il a eu pour principe la défense ou le danger de dire la vérité par le moyen de la presse. L’homme libre ne connoit dans la faculté d'énoncer sa pensée, (16) Bull., 10 vend. (17) P.-V., XLVI, 202-203. Bull., 15 vend.; C. Eg., n° 780. 194 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE d’autres bornes que celles que prescrit le maintien du gouvernement révolutionnaire et des lois sociales. Représentans, il est temps que la France ne soit plus dominée que par le règne des lois, et, pour l’assurer, elle doit être libre de dire la vérité : ainsi décréter la liberté de la presse, c’est la loi la plus sage que vous puissiez rendre pour le salut du peuple. Mention honorable, insertion au bulletin (18). [La société populaire et républicaine de Bourg à la Convention nationale, le 5 vendémiaire an III] (19) Citoyens représentans, En 1788, le français vit l’abime qui s’ouvrait sous ses pas, la tirannie l’avait creusé, l’état touchait à sa désorganisation, et le remède était dans une autre forme de gouvernement. Le peuple demanda-t-il alors à Capet et à ses suppôts la permission d’user de la liberté de la presse? non : le peuple connut le droit naturel, il s’en servit pour éviter les maux de l’anarchie. Quel est l’état actuel de la République. Et quelle a été sa position pendant deux ans. Les armées se battent avec courage et triomphent partout, les enfans même qui ont perdu sur l’échaffaut père, parans et amis, adoptent la patrie pour mère, veulent vaincre ou s’ensevelir avec elle : la liberté seule peut prescrire les efforts généreux. Pendant ces victoires, quelle était la situation de l’intérieur? Hébert, Robespierre et leurs partisans déclaraient la guerre à l’humanité, fondaient leur puissance en abbattant d’autres factions, supposaient des conspirations qu’ils savaient adroitement préparer, prêchaient une morale destructive de toute société politique, entassaient victimes sur victimes et jouissaient des délices de Néron en faisant égorger les français. D’où peut venir un contraste si frappant de félicité et de malheur, il a été créé par Hébert et Robespierre, les seuls monstres dignes de surpasser ceux de l’antiquité, mais il a eu pour principe la déffense ou le danger de dire la vérité par le moyen de la presse. S’il est réservé à une portion du peuple d’émettre sa pensée, si la grande partie n’en a pas le droit, si des ennemis de la patrie veulent rivaliser les autoritées légitimes, les mêmes meaux que nous avons souffert sont prêts à reparaître, le factieux habile projette d’usurper le pouvoir, il médite le crime, prêche la vertu, agit dans l’ombre et parvient bientôt à son but. L’homme libre ne connaît dans la faculté d’énoncer sa pensée d’autres bornes, que celles que le maintient du gouvernement révolution-(18) P.-V., XL VI, 203-204. Bull., 15 vend.; Mess. Soir, n 774. (19) C 321, pl. 1350, p. 19. naire et des loix sociales prescrit, pourquoi donc serait-il privé d’écrire ce qu’il pense, ce qu’il dit et lequel peut être utile à sa patrie. Le principe de toute société n’est-il pas dans la volonté, dans l’expression et dans le contrat de bonne foi qui unit les hommes. Il est donc du droit naturel, du droit politique de décréter la liberté de la presse, aussi la Constitution française en a consacré le principe, il n’appartient plus qu’à la Convention d’en assurer l’exécution, et c’est la loi la plus sage qu’elle puisse prendre pour le salut du peuple. Salut et fraternité. Les membres composant le comité de correspondance, Chambre, Brangier, Charramin, Bergier. 11 La société populaire de Saint-Sympho-rien, département de la Haute-Vienne, félicite la Convention nationale sur la punition du traître Robespierre et de ses complices; l’invite à rester à son poste, et lui annonce qu’elle a établi un atelier de salpêtre qui est en pleine activité, qu’elle a fait don à la patrie de vingt paires de bas, un habit uniforme, un fusil, trois sabres et tout l’équipage d’un cavalier; que neuf citoyennes ont fait l’offrande de chacune une croix, dont huit sont d’argent et une d’or : elle termine par demander que la commune soit autorisée à changer le nom de Saint-Symphorien en celui de Marat. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi pour le changement de nom au comité de Division (20). 12 La société populaire de Pont-d’Ain, département de l’Ain, informe la Convention nationale de l’oppression sous laquelle des scélérats, qui se disoient patriotes et qui s’étoient érigés en tyrans, ont fait gémir ce département. Elle annonce que le représentant du peuple Boisset a frappé les intrigans, et rendu la sécurité aux bons citoyens. Insertion au bulletin, renvoi aux comités de Salut public et de Sûreté générale (21). La société populaire de Pont-d’Ain, département de l’Ain, écrit à la Convention nationale (20) P.-V., XLVT, 204. Bull., 17 vend, (suppl.); Bull., 24 vend, (suppl.). (21) P.-V., XLVI, 204. Ann. R. F., n” 11; J. Fr., n" 736; M. U., XLIV, 153.