4 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 août 1791. J ment à l’administration du royaume. Je demande que l’Assemblée veuille bien en ordonner l’impri s-sion, mais que le comité des finances soit chargé de prendre, avec l’imprimeur de l’Assemblée, des arrangements, pour que cette impression ne soit point dispendieuse. (L’Assemblée, consultée, ordonne l’impression des deux ouvrages deM. de Gernon et décrète que les noms de MM. Muzer et Campestrye, commis de l’Assemblée, qui ont concouru à ce travail, seront consignés dans le procès-verbal.) M. Chabroud, au nom du comité militaire. Messieurs, yous avez renvoyé à votre comité militaire les dénonciations que le ministre de la guerre vous a faites, de l'état d'insubordination , de révolte dans lequel se trouvent quelques-uns des corps de l’armée. Vous avez chargé votre comité de vous proposer ses vues pour le rétablissement du bon ordre et de la discipline. Je suis chargé par le comité de vous apporter le fruit de son travail. L’un des objets qui, dans un Empire, mérite le plus d’attention, est, sans contredit, l’armée. L’armée soumise, ou l’armée insubordonnée, influe extraordinairement sur le sort de l’Empire, sur le sort de la liberté. Vous aviez déjà, Messieurs, été instruits que l’insubordination s'était introduite dans l’armée. L’état de crise dans lequel avait été l’Empire, les mouvements inséparables d’une grande Révolution, les mouvements divers dans lesquels s’agitaient les différents partis qui se sont élevés dans le royaume, vous avaient paru en avoir été la cause; et, en conséquence, vous avez pensé qu’il ne fallait pas regarder comme ries délits, delà part des troupes, ceux qui avaient été commis jusqu’à l’époque du 25 mai dernier. A l’époque du 25 juillet, vous avez rendu un décret portant amnistie générale ; cette mesure qui devait, Messieurs, produire le rétablissement de la paix, n’a pas eu tout l’effet que l’Assemblée devait en attendre; plusieurs corps, soit par une suite d’insubordination déjà commencée, soit par desmouvements postérieurs, sont, depuis, dans l’état d’insubordination le plus fâcheux, dans l’état de révolte le plus dangereux pour la chose publique. Tel est d’abord le 17e régiment, ci-devant d’Auvergne; ce régiment a chassé ses officiers, s’est réuni en société particulière et ne connaît plus de lois que sa volonté. Un autre régiment, c’est le 38e, ci-devant Dauphiné, a tenu la même conduite vis-à-vis de ses officiers; après cet acte scandaleux d’insubordination, il a, dans la suite, franchi toutes les bornes. Enfin le 2e bataillon du 68e régiment, ci-devant Beauce, après avoir donné, dans une traversée aux colonies, des preuves d’une insubordination déjà ouverte, de retour en France, l’a portée aux derniers excès. Ailleurs, la révolte n’a pas été portée au même point, mais on ne peut pas se dissimuler que, dans quelques corps, il en existe au moins le principe et que l’exemple des trois corps dont je viens de vous parler pourrait être contagieux. C’est dans cet état que votre comité a examiné ce qu’il convenait de faire. Le comité a pensé qu’il ne devait pas être quesiion de prendre des mesures particulières relativement à chacun de ces corps ; votre comité a cru qu’il convenait à la dignité de l’Assemblée de marcher toujours avec des mesures générales, avec des lois, et que c’était par l’application de ces lois qu’on devait s'appliquer à produire le bon ordre, lorsqu’on s’en était écarté. Il est un premier terme d’insubordination, d’indiscipline, auquel on peut apporter différents degrés de remède, à mesure que le degré d’indiscipline et d’insubordination s’augmente. Votre comité n’a pas cru devoir donner son attention à ce premier degré d’insubordination. Il vous sera rapporté bientôt une loi générale sur les délits militaires, où ces dispositions trouveront leur place; mais votre comité a cru qu’il était important de devancer la marche de cette loi, relativement aux derniers degrés d’indiscipline et de révolte, et c’est à ce point que votre comité s’est attaché. Il a pensé que, lorsque la révolte est parvenue à ce dernier degré, il n’y avait plus d’autre remède que l’emploi de la force. Cependant votre comité a pensé qu’avant de déployer cette force et avant d’en faire l’emploi, il fallait la faire précéder d’un appareil salutaire, propre à rappeler le patriotisme, et le remords, et l’obéissance. D’anrès ces considérations, voici le projet de décret que votre comité militaire m’a chargé de vous présenter : « Art. 1er. Lorqu’une troupe sera en état de révolte, les moyens donnés par la loi seront incessamment mis "en usage pour la faire cesser et parvenir au jugement des coupables. « Art. 2. Il sera tiré, par l’ordre du commandant en chef, un coup de canon, pour avertir que l’ordre est troublé; et si, dans le lieu, il n’y a pas de canon, il sera fait une salve de mousqueterie, et ce signal sera répété de quart d’heure en quart d’heure, jusqu’à ce que l’ordre soit rétabli. « Art. 3. Les troupes réglées qui se trouveront dans le lieu où la révolte est déclarée seront mises sous les armes, et, en cas d’insuffisance, les commandants des divisions feront marcher de proche en proche d’autres troupes réglées. « Art. 4. Les officiers municipaux du lieu seront incontinent avertis, et ils seront tenus aussitôt, à peine de forfaiture, de requérir la gendarmerie et les gardes nationales, lesquelles, de même, seront réunies et armées ; et, en cas d’insuffisance, d’appeler en aide les municipalités voisines. » Arl. 5. La force suffisante étant rassemblée, il sera fait au-devant des casernes, s’il y en a, ou devant l’hôtel commun de ville, et" sur la place d’armes, une proclamation en ces termes : « Avis est donné que la force publique va être « déployée pour le soutien de la loi miiitairé ; « il est enjoint aux soldats révoltés de déposer « leurs armes, et de rentrer dans l’obéissance, à « peine d’être traités comme ennemis publics. ;> « Et le lieu où ils doivent se rendre sans armes, s’ils rentrent par la proclamation dans l’obéissance, leur sera indiqué. « Art. 6. Cette proclamation sera annoncée au bruit des tambours et autres instruments militaires; elle sera faite par un commissaire des guerres, s’il y en a dans le lieu, ou par un officier que le commandant en chef commettra; elle aura lieu trois fois de quart d’heure en quart d’heure sur la place d’armes. « Art. 7. Si la troupe révoltée était réunie en pleine campagne, la proclamation serait faite, seulement en présence, trois fois de quart d’heure en quart d’heure; si elle était renfermée dans une ville ou dans une citadelle, et en possession des portes, la proclamation serait faite à chaque porte, et trois fois de quart d’heure en quart d’heure à la dernière porte; et elle contiendrait l’invitation aux citoyens de se retirer dans leurs maisons. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 août 1791.] 5 « Art. 8. Ceux qui, avant la seconde proclamation, rentreront dans l’obéissance et se rendront sans armes au lieu qui leur aura été indiqué, subiront telle punition de discipline que les supérieurs trouveront bon d’ordonner; ceux qui, après la seconde proclamation, mais avant l’emploi de la force, rentreront dans l’obéissance et se rendront sans armes dans l’endroit indiqué, seront condamnés, les simples soldats en un an d’arrestaüon ; les officiers et sous-officiers à 2 ans, à moins qu’ils ne soient convaincus d’avoir suscité, conseillé ou provoqué la révolte, auquel cas ils seront condamnés, les simples soldats à 5 ans de chaîne, et les officiers et sous-officiers à 10 ans. « Art. 9. Après la dernière proclamation, et même plus tôt, si quelque agression est commise de la part des révoltés, le commandant disposera de la force rassemblée, ordonnera de faire feu, et prendra toutes les mesures qu’il jugera nécessaires pour soumettre la troupe révoltée. « Art. 10. Ceux qui auraient attendu l’emploi de la force et n’y auront pas succombé, seront punis, savoir : les officiers et sous-officiers, de mort; les simples soldats, de 20 ans de chaîne. « Art. 11. Le commissaire des guerres, s’il y en a, ou l’officier commis par le commandant, l’un ou l’autre assisté de 2 officiers de même commis, dressera procès-verbal successivement et à mesure de tout ce qui se passera. « Art. 12. La troupe révoltée étant soumise, la cour martiale sera incontinent formée, le procès-verbal énoncé dans l’article précédent tiendra lieu de toute déclaration du fait, sans l’intervention du juré, à l’égard de ceux qui auront été saisis par l’emploi de la force, et leur jugement sera prononcé et exécuté sans plus amples formes. <* Art. 13. A l’égard de ceux qui, étant rentrés dans l’obéissance, et ayant déposé leurs armes, avant l’emploi de la force, auront néanmoins encouru la peine portée en l’article 8, il sera procédé contre eux dans les formes ordinaires ; mais, pour former le juré, le nombre d’hommes nécessaire sera pris dans les autres corps de troupes réglées et, à défaut, parmi les simples citoyens non soldats. « Art. 14. Dès que la cour martiale sera formée, il sera fait une proclamation solennelle en ces termes : « Avis est donné que la force est restée à la loi et que tout est rentré dans l’ordre accoutumé; « Le commandant en chef ordonnera aux gardes nationales de se retirer, et les troupes réglées seront renvoyées à leurs postes. » M. Plson du Galand. Gomme l’objet du décret dont il vient de nous être donné lecture est trèsimportant,jedemande que l’Assemblée veuille bien en décréter l’impression; on pourrait alors en prendre la discussion demain. M. Alexandre de Lameth. Vous avez demain, à l’ordre du jour, une discussion très importante; d’un autre côté, l’objet que nous vous proposons est instant pour le rétablissement de l’ordre dans l’armée. En conséquence, je demande que la discussion s’ouvre immédiatement sur le projet de décret. M. Pétion. C’est une loi martiale qu’on veut vous faire décréter; il est impossible que vous décidiez sans réflexion sur un objet de cette importance. M. Alexandre de Lameth. Dans la situation où se trouvent quelques régiments, il est impossible que cette loi puisse être retardée. M. Pétion. La loi qu’on vous présente peut, sans doute, être très urgente ; mais rien n’est plus urgent que de l’examiner; et il y a des dispositions qui demandent un examen extrêmement sérieux, car il ne s’agit de rien moins que de mettre en opposition, dans un des articles, les gardes nationales avec les troupes de ligne. {Applaudissements.) J’ignore si cette [mesure est sage, mais il faut au moins l’examiner, et c’est dans cette intention que je réclame le renvoi. J’ai à vous parler également d’une formule d’engagement qui mérite de fixer votre attention et je suis étonné que M. le ministre de la guerre l’envoie de sa propre autorité dans tous les régiments. Voici cette formule : « je soussigné, m’engage, de ma propre volonté et sans contrainte, à servir le roi. . . ; je déclare n’avoir aucune infirmité cachée qui puisse m’empêcher de servir le roi et d’être engagé dans aucune de ses troupes, soit de terre, soit de mer, etc. . . » Voilà comme on continue à faire les engagements! Vous le voyez, Messieurs, les troupes sont au roi ; elles ne sont point à la nation; il n’y est pas question d’elle; c’est toujours au service du roi qu’on les engage. ( Murmures et applaudissements.) J’aborde un troisième ordre d’idée. Ou vous parle toujours de l’insubordination des soldats : il est nécessaire sans doute de réprimer leur indiscipline; mais vous n’avez jamais entendu, dans votre tribune, parler des officiers qui tiennent une conduiie bien peu répréhensible. {Applaudissements à l’extrême gauche.) Or, ce sont les officiers qui sont cause de l’insurrection qui règne parmi les soldats. {Nouveaux applaudissements.) Il serait nécessaire que le comué militaire vous présentât un code pénal pour les officiers qui désertent leur corps. Je demande donc l’impression du projet de décret, car ce ne sont pas 24 heures de délai qui peuvent nuire au bien public, tandis qu’elles peuvent suffire à nous empêcher de prendre des mesures inconsidérées; je demande de plus qu’on nous présente une disposition pénale sur les officiers qui abandonnent leur corps sans ordre et sans permission, et enfin que la forme de l’engagement soit changée. M. Alexandre de Lameth. Messieurs, avant de parler du fond de la question, qui mérite de fixer votre attention d’une manière toute particu lière, je commencerai par répondre aux derniers mots de l’opinion de M. Pétion. Le préopinant a raison quand il dit qu’il faut trouver une autre formule d’engagement et je dirai, à cet égard, que le comité militaire a annoncé, — et moi-même j’ai sur ce point rassuré M. Lanjuinais il y a 8 jours, — que le comité militaire, dis-je“, a annoncé qu’il s’occupait de cet objet et qu’il présenterait incessamment une formule constitutionnelle sur les engagements et sur les brevets des officiers. Ce serait donc inutilement qu’on voudrait aujourd’hui changer le but de la délibération et le porter sur ce point; le véritable objet de la discussion est la situation actuelle de l'armée et la nécessité d’y établir, d’une manière ferme et solide, l’obéissance aux lois et aux autorités légitimes. D’ailleurs, Messieurs, on s’étend beaucoup en conjectures, pour trouver la cause de l’insubor-