210 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 janvier 1790. En conséquence, la ville de la Charité fera partie du département du Nivernais. M. Gossin fait ensuite un rapport concernant la ville de Montauban. Messieurs, la ville de Mon-tauban, importante par son commerce et ses manufactures, se trouve située à l’extrême frontière du Quercy, du côté de Toulouse. L’esprit de rivalité qui a régné depuis longtemps entre Cahors et Montauban a porté les députés extraordinaires de cette ville à demander qu’elle soit détachée du Quercy pour être unie à Toulouse. L’affaire paraissait arrêtée lorsque la ville de Montauban, dans une assemblée générale du 26 décembre dernier, a désapprouvé la désunion du Quercy et enjoint à ses députés de rompre tout traité contraire. Toutes les convenances morales et naturelles donnent Montaubau à Toulouse, et cette considération était entrée pour beaucoup dans les motifs du comité pour proposer la formation de sept départements dans la province du Languedoc. Le comité pense que, malgré la fraternité qui anime les villes de Montauban et de Toulouse, il faut attendre du temps le calme dans les opinions ou dans les délibérations ; dans ce moment de secousses, les véritables intérêts ne sont pas sentis; les opinions opposées s’exagèrent ou s’exaltent ; les municipalités vont se former ; des corps représentatifs bien organisés sauront faire connaître le véritable vœu de Montauban et cette ville aura le temps de mieux combiner ses intérêts et de délibérer sagement sur son sort. Le comité propose en conséquence de décréter que la ville de Montauban sera provisoirement du département du Quercy, sauf, à la prochaine convocation pour la formation des assemblées municipales, de juger, à la pluralité des électeurs, si Montauban et son territoire au-dessous de l’Aveyron doivent s’unir au département de Toulouse. M. figuier. 11 serait injuste qu’une ville placée à une petite distance de Toulouse et qui a toutes ses relations avec elle n’y fût pas réunie et qu’elle fût rattachée à une ville moins importante et plus éloignée. Ce sont les procureurs et gens d’affaires de Montauban qui ont formé tous ces obstacles. Dans le moment présent le ressort de la sénéchaussée de Toulouse s’étend jusqu’aux portes de Montauban et celui de cette ville s’étend dans le Quercy ; ainsi la réunion fera perdre aux procureurs leur ancienne clien telle. Les députés extraordinaires de la ville étaient des négociants considérables et connaissaient les véritables intérêts de leur localité. M. Poncet d’Elpech. La délibération de Montauban est revêtue de la signature de trois procureurs-consuls, mais elle est signée également par tous les habitants de la ville. Il n’est pas naturel que Montauban qui avait une intendance et des cours supérieures, perde tous ses avantages. La province du Quercy n’entend pas d’ailleurs que sa capitale se détache d’elle. M. Hegel*. Je dois faire remarquer à l’Assemblée nationale qu’un projet a été concerté entre les villes de Toulouse et de Montauban dans lequel cette dernière devait faire partie du département de Toulouse ; c’est sur la foi de ce traité et pour conserver ses relations avec Montauban que les pays de Comminges et de Nébouzan ont consenti à s’unir au département de Toulouse. Je réclame donc l’exécution des conventions primitivement arrêtées de part et d’autre. Plusieurs membres réclament l’ajournement. L’ajournement mis aux voix est rejeté. Le projet du comité de Constitution est ensuite adopté. M. le Président. L’Assemblée reprend la suite de la discussion de L'affaire de Toulon. M. de Liancourt a la parole. M. le duc de Liancourt. Dans les circonstances actuelles, on ne peut trop répéter qu’une aussi grande révolution que celle qui change les lois, les usages, les habitudes de tant de siècles, ne peut s’opérer sans de grandes secousses ; que les malheurs passagers qu’entraînent ces grandes commotions, effets d’actions souvent répréhensibles, sont souvent aussi l’effet d’intentions pures, qu’une politique saine et éclairée ne doit pas condamner sans les examiner dans le rapport des circonstances qui les ont fait naître. M. d’Albert a toujours eu le désir constant de préserver le port et l’arsenal de Toulon des désordres qui auraient entraîné une perte irréparable pour la France. C’est dans cet esprit que M. d’Albert s’est constamment concerté avec les magistrats de la ville pour en prévenir le désordre ; qu'il a le premier manifesté le désir de voir lever à Toulon une milice nationale, composée de citoyens intéressés à maintenir l’ordre public, ainsi quesa correspondance en fait foi; que c’est dans cet esprit que, craignant des troubles peut-être malicieusement annoncés par les ennemis du bien, on a cherché à prévenir les événements qu’on lui faisait redouter, et préparer les moyens d’opposer une forte résistance aux entreprises qu’on lui disait être machinées contre le précieux dépôt qu’il devait conserver. On ne peut, avec l’envie d’être juste, donner à la conduite de M. d’Albert une autre interprétation. Si l’habitude d’un commandement sans opposition, d’une autorité sans bornes, tel que le service de la mer rend nécessaire, lui a paru quelquefois faire oublier, en 1789, que la révolution, désirée par toute la nation, et dont chaque jour augmentait l’influence, exigeait d’autres formes; si quelques expressions peu modérées pour les circonstances, fruit de l’impatience et d’un amour ardent du bien, sont sorties de sa bouche, paroles qu'il a eu le lendemain la prudence et le courage de détruire par des paroles contraires, ce tort léger esL le seul dont l’envie puisse le charger, et dont peu de personnes peut-être pourraient se flatter de n’être pas coupables. Je ne vois, dans la conduite du comité permanent de la ville de Toulon, que cette méfiance si naturelle, inhérente même à des temps de révolution, et qui, quoique injuste quelquefois dans son application, est cependant, dans certaines circonstances, le moyen le plus certain de prévenir une révolution contraire. Quant à l’espèce de préférence donnée par le comité de Toulon aune simple proclamation pour inviter les citoyens à la paix sur la loi martiale, ce n’est que la crainte de l’inexécution de cette loi et la possibilité de ne plus maintenir l’ordre. Dans l’espèce de silence du comité et de la milice nationale, après l’emprisonnement des officiers de la marine, on ne doit voir que l’impossi-