{Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 avril 1790.] 541 Les manufacturiers et les lileurs de coton désireraient pouvoir se flatter que la compagnie des Indes envisageât leur commerce sous un véritable point de vue, qui est celui de la prospérité nationale. Ils espèrent que cette grande compagnie, et le corps respectable qui dirige ses opérations, considéreront avec impartialité, et avec l’attention due aux intérêts généraux du royaume, la crise où se trouvent lès manufacturiers, et que l’importance de leur commerce les excitera à s’ouvrir de nouvelles ressources qui puissent à la fois les enrichir, et devenir avantageuses à la nation. Ils espèrent qu’au moins on en fera l’essai, que des difficultés idéales ne nuiront point à un système qui peut produire tant d’avantages aux deux pays, et qu’ils pourront avoir le secours du ministère dans cette crise importante. 11 est encore possible d'établir, dans la Grande-Bretagne, le commerce du coton sur un pied qui doit lui assurer la préférence sur tout le reste de l’Europe, dans tous les marchés, pour des siècles à venir : toutes les considérations du revenu à prélever sur les marchandises des Indes ne sont donc rien, en comparaison d’un système qui doit en produire un bien plus considérable. 11 y a environ un siècle que les manufactures de soie furent regardées comme assez importantes pour occasionner des règlements qui les protégeaient contre la concurrence des manufactures de l’Inde de la même espèce. Les manufactures de coton sont si fort au-dessus de toutes les autres, eu égard à leur étendue et à l’importance de la main-d’œuvre, qu'on ne peut nier qu’elles n’aient au moins aussi bon droit à la protection du gouvernement, que les autres manufactures qui ont des règlements en leur faveur. On est convaincu que la prohibition des manufactures de soie de l’Inde n’a fait aucun tort à la compagnie, ni aux Indiens. Le peuple a continué de travailler, et s’est procuré d’autres ressources. La même chose arriverait probablement à l’égard des calicots et des mousselines. Les manufactures de coton de Bengale, et des autres territoires de l’Inde, sont trop étendues pour se ressentir de l’effet d’aucune restriction qui pourrait avoir lieu pour assurer à la Grande-Bretagne la consommation de ses propres manufactures (1). Il est donc possible que les conséquences les plus salutaires soient le résultat d’un changement de système de la part de la éompagnie, si l’on fait des règlements qui tournent l’industrie des Indiens et des autres natifs de l’Inde vers des ouvrages mieux adaptés au commerce de l’Angleterre. Les manufacturiers anglais, une fois persuadés qu’ils ne seraient pas contrariés dans leurs spéculations par une inondation subite des marchandises des Indes, travailleraient avec beaucoup de confiance, et les acheteurs se présenteraient en bien plus grand nombre. A présent l’esprit de spéculation, si nécessaire pour donner de l’énergie au commerce, est restreint de toutes parts par la crainte qu’ont les acheteurs d’être assujettis à éprouver de grandes du Lacashire, il existe la plus grande misère parmi les fileurs sur jennys ou rouets, et l’on a envoyé des représentations aux ministres pour réclamer la protection du gouvernement contre les marchandises de l’Inde. (1) On assure que les contrées septentrionales de l’Afrique prendraient une très grande quantité de coton, si l’on se servait de bons moyens pour y commercer. pertes, en conséquence de l’incertitude des ventes et d’une baisse considérable dans les prix. Les marchands craignent donc d’acheter, et les manufacturiers, d’après les ventes fréquentes et extraordinaires qui se font par la compagnie, ne peuvent plus se défaire de leurs marchandises. Si l’on pouvait abolir cette mauvaise impression, et donner aux marchands quelque espèce de sûreté qu’aucun événement ne pût avoir lieu, qui puisse diminuer subitement la valeur de leurs marchandises, soit en bornant la quantité de marchandises des Indes qui pourraitêtreimportée, soit en fixant le prix auquel ces marchandises doivent être mises en vente, alors on pourrait espérer que de grands capitaux seraient employés à l’achat des mousselines et calicots anglais, et l’on donnerait une énergie à ce commerce qui serait très avantageux. Les intermédiaires entre les manufacturiers et les débitants en détail (qui ont de gros capitaux qu’ils emploieraient à l’achat des manufactures anglaises, au grand avantage de ceux qui ont intérêt de vendre bien vite), sont à présent découragés, parce que le système de vendre les marchandises des Indes au-dessous du prix d’achat, est contraire à tout principe de commerce. Ainsi, les manufacturiers anglais ont deux ennemis à combattre, la concurrence réelle des marchandises des Indes , et l’impression que ces circonstances créent dans l'esprit des acheteurs. Tous ceux qui ont la moindre idée du commerce verront que si l’on tdonne aux manufacturiers quelque sûreté relative à la concurrence à laquelle ils doivent s’attendre, leur bénéfice augmenterait, dans leur proportion, bien au-delà du très petit inconvénient qui résulterait, pour la compagnie, de mettre des bornes à l’importation de ses marchandises de coton; elle n’y perdrait rien dans ses ventes chez l’étranger. Personne ne peut calculer le désavantage qui résulte de l’ignorance où se trouvent les acheteurs de la quantité déterminée de marchandises qui doivent être mises en vente. En combinant les avantages qui doivent nécessairement résulter de l’importation du coton en nature, avec le nouveau système proposé pour les ventes de la compagnie, il y a tout lieu de croire qu’on peut former un plan par lequel les possessions anglaises en Europe et aux Indes-urientales pourront devenir mutuellement utiles au commerce, à la force, à la sûreté du gouver-dement anglais dans toutes les parties du monde. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE MENOU. Séance du lundi 5 avril 1790 (1). M. le Président ouvre la séance à onze heures du matin. M. le marquis de Bonnay, secrétaire , fait lëcture du procès-verbal de la séance du samedi 3 avril. Ce procès-verbal est adopté. M. le marquis de Bonuay donne ensuite (1) Celle séanee est incomplète au Moniteur.