[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 décembre 1789.] m l’ordre public et de la sûreté de l’administration; je propose le décret suivant : PROJET DE DÉCRET I Le pouvoir exécutif suprême étant, par la constitution, déposé entre les mains du Roi, ceuxaux-quels Sa Majesté confie son autorité, n’en sont responsables qu’au Corps législatif et au monarque. II Il est défendu à toutes les municipalités, et aux différents corps de citoyens armés, d’intervenir dans aucun cas, autrement que par une requête o» pétition au Roi et au Corps législatif, dans les actes de l’administration royale qu’ils ne peuvent ni suspendre, ni troubler, sous peine, contre les infracteurs, d’être punis comme perturbateurs du repos public. III Toute insurrection à main armée contre les officiers, commandants ou administrateurs préposés par le Roi, sera punie suivant la rigueur des ordonnances. IV Il est enjoint auxdits commandants et administrateurs, de maintenir, de la part de leurs subordonnés, l’obéissance qui leur est due, et de faire exécuter les ordonnances militaires et règlements d’administration concernant la discipline et la police des corps et des individus soumis à leur autorité. M. le baron de Menou. On vous a dit qu’il y avait à Toulon une insurrection véritable. Il s’agit de savoir quel en est le caractère et s’il ne s’agit pas d’une résistance légitime à l’oppression. J’appuie donc l’ajournement qui vous a été proposé. M. Emmery. Je pense que toutes les opinions peuvent être conciliées et que l’Assemblée peut prononcer l’ajournement en ordonnant l’élargissement provisoire. M. le marquis de Vaudreuil. Si l’Assemblée adopte cette motion, je demande que le mot provisoire en soit supprimé et qu'après le mot détenus, on ajoute celui d'illégalement. M. le vicomte de Mirabeau. La motion de M. Malouet doit avoir la priorité et je demande à l’appuyer. ( Voy . annexée h la séance, l'opinion de M. le vicomte de Mirabeau.) Plusieurs voix : L’heure est avancée, aux voix, aux voix ! M. le Président consulte l’Assemblée qui ferme la discussion. Les amendements sont successivement mis aux voix et écartés par la question préalable. Plusieurs membres veulent encore parler, mais l’Assemblée demande à aller aux voix avec tant d’instance et de vivacité que toute difficulté cesse et le projet suivant est ratifié. « L’Assemblée nationale charge le comité des rapports de prendre les instructions les plus précises sur tous les événements qui ont eu lieu dans la ville de Toulon et ajourne la délibération jusqu’au moment où les instructions seront acquises ; et cependant son président se retirera vers le Roi pour demander à Sa Majesté qu’elle donne les ordres nécessaires pour que les officiers détenus soient mis en liberté sous la sauvegarde de la loi ». M. le Président lève fa séance, et l’ajourne à demain matin neuf heures. ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 7 décembre 1789. M. le vicomte de Mirabeau (1). J’ai dit, Messieurs, que je regardais, non-seulement les auteurs et les instigateurs de l’émeute populaire qui a eu lieu à Toulon le 30 novembre, mais encore ceux qui, pouvant s’y opposer, ne l’ont pas fait, comme perturbateurs de l’ordre public et criminel à la fois, de lèse-nation et de lèse-majesté ; j’ai offert d’en administrer les preuves, et je les tirerai du procès-verbal même qu’ils ont rédigé et dont on nous a fait la lecture ; j’ai dit que le mémoire fait par les trois députés de Toulon, qui sert de commentaire aux pièces justificatives, et qu’on vient de vous présenter, était un libelle, e il suffît, pour s’en convaincre, de le comparer avec les lettres et procès-verbaux, la manière dont il altère et dénature les faits qui paraissent aux auteurs contraires à leur objet ; les qualifications qu’il donne aux expressions simples et mesurées des lettres de M. d’Albert, le rapprochement de deux événements absolument distincts et étrangers l’un à l’autre, l’espèce de diatribe indécente qu’on s’y est permis contre l’honneur et l’esprit militaire; tout a dû vous convaincre de la justesse de la qualification que je donne à cette étrange production. Je n’ajouterai rien à ce que les préopinants ont dit des services éclatants, des vertus et du mérite (1) J’avais demandé et obtenu la parole dans la séance du soir du 7 de ce mois, lorsqu’on a rapporté l’événement incroyable qui a eu lieu dans la ville de Toulon ; mais l’Assemblée a jugé à propos de fermer la discussion et d’ajourner le jugement de cette affaire, avant que mon tour de parler fût venu ; je n’étais assurément pas de l’avis de l’ajournement ; mais je sais que dans toute assemblée délibérante la minorité est liée par le vœu de la majorité, et je n’ai pas l’intention de réclamer contre le décret, cependant plusieurs de mes collègues qui veulent bien prendre quelque intérêt à moi, et dont je prise l’estime, m’ont reproché d’avoir mis trop de chaleur dans cette occasion, et j’avoue que ma seule réponse a été que je ne pouvais qu’être surpris de n’avoir pas vu l’indignation que j’avais éprouvée, devenir un sentiment général; je crois leur devoir, je dois à l’Assemblée, dont j’ai l’honneur d'être membre, je me dois à moi-même de motiver ce sentiment qui a pu paraître exagéré, et pour remplir cet objet, je ne ferai que donner à ce que je me promettais de dire en cette occasion, toute la publicité possible. Personne ne croit plus que moi à la liberté d’opinions, et je vais tâche de le prouver de mon mieux.