SÉANCE DU 25 VENDÉMIAIRE AN III (16 OCTOBRE 1794) - N° 13 185 Qu’elle est basse l’intrigue ; auprès de la probité; qu’elle est vile l’ambition auprès de la vertu ! qu’elles sont méprisables les passions auprès de l’amour de la Patrie, auprès du bonheur de tout un peuple de frères! Armés vous, citoyens représentans, de la massue nationale. Portés partout les redoutables effets de sa volonté suprême, frappés sur tout les vices et les crimes ! Proclamés patriotes tous ceux qui chérissent avec ardeur la liberté, l’égalité, l’humanité, les moeurs et toutes les vertus qu’a enfantés la République. Que ce soit les seuls signes distinctifs auxquels on doive les reconnoitre ! Ils ne le sont pas patriotes ceux qui ne se respectent pas assés eux-mêmes pour refuser d’honorer la représentation nationale ; ils ne le sont pas ceux qui tâchent d’ébranler cette colonne sur laquelle la félicité publique est assise. Combien de fois l’hypocrisie ne prit-elle pas autrefois le masque de la religion, qu’on pratiquoit alors pour se faire honorer comme elle? ne souffrés pas que marchant sur ces traces effacées, le faux patriotisme étouffe la sublime morale de la raison et de la nature. Faittes rentrer dans la poussière ces êtres dangereux qui ont l’audace de penser et de publier, que la révolution ne s’est faite que par eux et pour eux. Montrés que c’est par le peuple et pour le peuple que ce sont opérés ces grands et admirables changemens qu’il a voulus et qu’il veut toujours établir sur les bases inébranlables de la justice et de la fraternité. Tels sont les voeux que viennent déposer dans votre sein les citoyens composans la société populaire de Villejuif. Vive à jamais la République une et indivisible et la représentation nationale. Vivent les amis de la liberté, des vertus et de l’humanité. Breton, Vissec, président, Cillandiere , secrétaire. d [La société des Amis de la Liberté et de l’Egalité de Passy-les-Paris, département de Paris, à la Convention nationale, du 24 vendémiaire an HT] (29) Citoyens représentans, Après avoir triomphé de nos ennemis, vous assurez notre bonheur par votre dernière adresse aux Français. Nous étions assaillis de toutes les tempêtes accumulées ou successives ; quels orages ne nous ont pas désolés? Quels malheurs n’avons nous pas ressentis ou redoutés ? Quelles passions ne se sont pas décharnées autour et au milieu de nous ? Quels crimes n’ont pas été tentés ou commis? Eh bien! vous avez conjuré les passions, et dissipé les douleurs et les crimes; vous nous avez rendu le calme et la sérénité; vous faites luire sur nous l’astre (29) C 322, pl. 1354, p. 30. Bull., 26 vend. bienfaisant du bonheur. Vous avez développé un courage précieux et rare, lorsqu’au milieu de tant d’erreurs et d’intentions perverses, vous avez osé proclamer les principes qui caractérisent votre adresse. Nous jurons que nous aurons un courage égal pour les suivre et les défendre. Pleins d’admiration et de reconnoissance, nous venons publier au milieu de vous, que si notre dévouement est tout entier à la Patrie, notre confiance est toute en vous, et que nous n’aurons jamais d’autre point de ralliement, que le corps de nos législateurs ; nous venons répéter le cri si cher à nos coeurs et si mérité, vive la Convention nationale. Mais comment avez vous mis la victoire en permanence dans toutes nos armées, et comment ensuite associez-vous le bonheur des français à la gloire? Vous avez mis la victoire en permanence en portant dans nos armées au plus haut point l’énergie, le genre de courage qui convient le mieux à des républicains et à des Français, celui qu’inspirent la nature, la liberté et la vertu. Vous avez dit à nos défenseurs : « Vous êtes les enfans de la Patrie, vengez votre mère » ; et ils ont saisi l’arme redoutable; ils se sont élancés sur nos ennemis; ils en ont purgé le sol de la France ; ils les ont poursuivis jusques dans leurs repaires les plus éloignés ; ils ont été invincibles et infatigables. Vous associez le bonheur des Français à leur gloire; en rappellant au sein de la Patrie, les deux principes de toutes les vertus civiques, la justice et la fraternité. Vous avez créé dans nos camps l’esprit public qui seul pouvoit nous convenir : vous créez dans nos villes et dans nos hameaux l’esprit public qui seul peut consolider la République au sein de l’égalité et de la vérité. Vous avez créé un nouvel art de la guerre, de nouvelles armes, une nouvelle tactique, un nouveau genre de bravoure; et ce même génie inventeur, qui sert si admirablement nos armées, et qui du haut des airs, éclaire, épouvante, et dissipe nos ennemis coalisés, vous le reportez également dans les arts paisibles et jusques dans l’exercice des premiers éléments de l’ordre public. Vous avez compris que jamais le bonheur n’existeroit pour un peuple, si tout ce peuple n’étoit dirigé par le même principe, et n’avoit une même âme. C’est cette âme que vous donnez à la France par votre dernière adresse ; âme pleine d’activité et de force, âme féconde en grandes vertus, qui produit et perpétue le bonheur; âme qui consiste dans l’esprit public épuré. Une nation dont l’esprit public n’existe pas, est apathique et nulle; elle someille au sein de l’indifférence et de la foiblesse : une nation dont l’esprit public n’a que des éléments discordans, se déchire elle-même, et n’a pas besoin d’ennemis étrangers. Ne donnez des loix ni à l’une ni à l’autre : vos loix ne seroient ni applicables, ni entendues, ni suivies ; donnez à celle là un esprit public; concentrez en celle-ci l’esprit public sur un seul point ; et alors toutes les vertus se développeront ; les moeurs auront un caractère déterminé, et les loix une force invincible. Ce n’est qu’alors que l’on verra la bon- 186 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE heur luire, s’accroître, et se perpétuer, et voilà la tâche que vous venez de remplir par cette adresse dont nous adoptons avec transport toutes les vues pour les suivre toujours, et toutes les vérités pour les conserver, comme le feu sacré qui seul peut vivifier la France. Vous avez senti que le premier et principal caractère de l’esprit public qui nous convient, devoit consister dans la confiance; sentiment généreux, qui appartient si spécialement et à tant d’égards, à une nation vive, franche, expansive, et sensible. C’est en effet ce sentiment qui fait notre premier besoin; confiance en soi même, qui seule peut élever l’âme; confiance en ses frères, qui seule donne la force ; confiance en ceux qui sont investis de pouvoirs, qui seule donne la sécurité; confiance en nos représen-tans qui seule assure la prospérité et le bonheur de tous; confiance en la loi, qui seule établit et affermit l’ordre social. Le génie qui vous dirige, ce génie qui ne convient qu’à des nations libres, a porté ce sentiment de confiance dans l’âme de nos défenseurs; chacun d’eux s’est dit : « Je combats avec mes frères et pour mes frères; ils combattent avec moi et pour moi »; voilà ce qui embrâse les coeurs, et fait autant de héros que nous avons de soldats. Grâce à l’adresse que le même génie vous a dictée, chacun de nous se dira désormais, « je vis, je travaille, je me repose au milieu de mes frères ; ils veillent pour moi, je veille pour eux » et voilà ce qui pénètre l’âme de toutes les délices qui peuvent être le partage des mortels. L’âme d’un français se complait, se dilate dans ce sentiment : la confiance, mère du bonheur, des talens, et des vertus, sera désormais notre trésor, et notre caractère distinctif entre les peuples libres. Nous l’entourerons cependant de sentinelles qui ne someilleront jamais. Nous réunirons à la bienveillance la plus loyale, le zèle le plus ardent, la vigilance la plus active, et la justice la plus inflexible. Bonheur invariable pour les bons citoyens; punition prompte et inévitable pour tous ceux qui feront le mal : tels sont les hautes, heureuses, et brillantes destinées que vous nous aurez préparées, et que nous léguerons à nos descendans, avec le sentiment de notre éternelle reconnaissance. Vive la République, vive la Convention nationale, périssent les conspirateurs, les perturbateurs et les fripons. Les commissaires de la société, Grandin, Thiebault, Verrier, Husson. e [Le comité révolutionnaire du premier arrondissement de Paris à la Convention nationale, du 24 vendémiaire au III] (30) (30) C 321, pl. 1347, p. 13. Bull., 7 brum. (suppl.). Représentants du Peuple français, Tout entier à nos devoirs, nous nous refusons la douce consolation d’émettre aussi notre voeu dans le sein de la Convention nationale; mais nous n’en brûlons pas moins de le manifester. Nous avons lu avec l’attention la plus soutenue cette adresse qui, comme baume salutaire, vient de calmer les angoisses dont étoient dévorés les vrais patriotes, les amis sincères du Peuple françois. Avec quelle joye nous avons vu consacrés dans cette éloquente adresse, les principes qui sont gravés dans tous les coeurs purs en caractères inefaçables. Oui, citoyens législateurs, nous prouverons dans l’exercice de nos fonctions (témoignage de notre confiance), que la justice, la probité et l’humanité sont réellement à l’ordre du jour; et nous déclarons hautement que nous ne balancerons jamais entre mourir à notre poste, ou manquer à ces vertus, à l’unité au centre commun, qui est la Convention, enfin à l’amour et au respect des loix. Vive la République. Petit, président, Maubert, secrétaire et dix autres signatures. 14 Les administrateurs du district de Saint-Fargeau [Yonne] invitent la Convention à ne pas souffrir qu’une faction s’élève contre elle, et à dégager les sociétés populaires de tous les factieux qui veulent régner par la terreur ; ils lui rendent grâces des sages décrets qu’elle a rendus depuis le 9 thermidor. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité de Sûreté générale (31). 15 La société populaire d’Excideuil, département de la Dordogne, adhère à l’adresse de celle de Dijon; et celle de Nantes [Loire-Inférieure] déclare que, dans un premier mouvement, elle avoit aussi adopté les principes qui y sont énoncés, mais qu’elle ignoroit alors que les factions pourroient s’en servir pour perpétuer les troubles qui n’ont que trop pesé sur la France ; elle jure un attachement sans réserve et une soumission constante à la représentation nationale. Mention honorable et insertion au bulletin (32). (31) P.-V., XL VII, 193. (32) P.-V., XLVII, 193.