[14 septembre 1791.] 632 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « L’Assemblée nationale décrète que le roi sera prié de nommer des commissaires qui se rendront incessamment à Avignon et dans le Gomtat Venaissin, pour faciliter l'incorporation de ces deux pays à l’Empire français. « L’Assemblée nationale décrète que dès ce mo-menttoutes voies défait, tous actes d’hostilité sont expressément défendus aux différents partis qui peuvent exister dans ces deux pays. Les commissaires, envoyés par le roi, veilleront à l’exécution la plus exacte des lois; ils pourront requérir, avec les formes accoutumées, les troupes de ligne et gardes nationales pour le rétablissement et le maintien de l’ordre public et de la paix. « L'Assemblée nationale décrète que le roi sera prié de faire ouvrir des négociations avec la cour de Rome pour traiter des indemnités et dédommagements qui pourraient lui être dus. « L’Assemblée nationale charge ses comités de Constitution, diplomatique et a’ Avignon, de lui présenter incessamment un projet de décret sur l’établissement provisoire des autorités civiles, judiciaires et administratives, qui régiront les deux pays réunis d’Avignon et du Comtat Venaissin, jusqu’à leur origanisation définitive. » (Ce décret est adopté au milieu des applaudissements d’une grande partie de l’Assemblée et des tribunes.) M. Briois-Keanmet*, au nom des comités de Constitution et de jurisprudence criminelle , fait, en exécution du décret rendu hier par l’Assemblée (1), le rapport d’un projet de décret relatif à l'abolition de toutes procédures commencées , et de tous jugements rendus sur des faits relatifs à la Révolution , et portant amnistie de tous délits militaires commis depuis le 1er juin 1789, ainsique la suppression de Vusage des passeports. Ce projet de décret est mis aux voix, sans discussion ni changement, dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, considérant que l’objet de la Révolution française a été de donner une Constitution à l’Empire, et qu’ainsi la Révolution doit prendre fin au moment où la Constitution est achevée et acceptée par le roi; « Considérant qu’autant il serait désormais coupable de résister aux autorités constituées et aux lois, autant il est digne de la nation française d’oublier les marques d’opposition dirigées contre la volonté nationale, lorsqu'elle n’était pas encore généralement reconnue, ni solennellement proclamée; qu’enfin le temps est venu d’éteindre toutes les dissensions dans un sentiment commun de patriotisme, de fraternité et d’affection pour le monarque, qui a donné l’exemple de cet oubli généreux, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Toutes procédures instruites sur des faits relatifs à la Révolution, quel qu’en puisse être l’objet, et tous jugements intervenus sur sem-bables procédures, sont irrévocablement abolis. Art. 2. « Il est défendu à tous officiers de police ou juges, de commencer aucune procédure pour les faits mentionnés en l’article précédent, ni de donner continuation à celles qui seraient commencées. (1) Voy. ci-dessus, séance du 13 septembre 1791, page 626. Art. 3. « Le roi sera prié de donner des ordres au ministre de la justice de faire dresser par les juges de chaque tribunal l’état, visé par le commissaire du roi, des procédures et jugements compris dans la présente abolition ; le ministre certifiera le Gorps législatif de la remise desdits états. Art. 4. « L’Assemblée nationale décrète une amnistie générale en faveur de tout homme de guerre prévenu, accusé ou convaincu de délit militaire, à compter du Ier juin 1789; en conséquence, toute plainte portée, poursuites exercées, ou jugements rendus à l’occasion de semblables délits, seront regardés comme non avenus; et le8 personnes qui en étaient l’objet seront mises immédiatement en liberté, si elles sont détenues, sans néanmoins qu’on puisse induire du présent article que ces personnes conservent aucun droit sur les places qu’elles auraient abandonnées. Art. 5. « L’Assemblée nationale décrète qu’il ne sera plus exigé aucune permission ou passeport dont l’usage avait été momentanément établi. Le décret du 1er août dernier, relatif aux émigrants est révoqué; et, conformément à la Constitution, il ne sera plus apporté aucun obstacle au droit de tout citoyen français de voyager librement dans le royaume, et d’en sortir à volonté. -» (Ce décret est adopté.) M. Féraud, Je demande que l’Assemblée décrète un pardon général pour tous les émigrants du royaume. M. Troncliet. Je demande la parole pour un article additionnel. Vous venez de prononcer avec grande justice la révocation du décret contre les émigrants ; mais j’ai l’honneur de vous observer que, par suite de ce décret, il en a été rendu en particulier, sur la motion de M. Camus, qui n’en est qu’une conséquence : C’est celui qui exige pour recevoir le payement de ses rentes ou de son traitement sur l’Etat un certificat de domicile. {Murmures à gauche.) Mon article additionnel tend à la révocation de cette partie du décret. M. Camus. Je demande l’ajournement de cet article et le renvoi au comité central de liquidation qui se propose de présenter des mesures relatives à cet objet. M. Tronchet. Je suis loin de m’opposer à l’ajournement; mais j’ai cru devoir à J’Assemblée le tribut de mes observations sur un décret que la générosité a dicté, mais que la justice doit peser. (L’ajournement et le renvoi sont décrétés.) M. Lanjuinats. Je crois qu’il entre dans les intentions de l’Assemblée de faire cesser les exils, ces déportations illégales d’ecclésiastiques non assermentés, décrétés par l’Assemblée nationale et exécutés par les directoires de département qui n’en sont pas les juges. Je demande que M. le rapporteur soit autorisé à insérer dans son décret une disposition à cet égard. {Applaudissements.)