88 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 août 1791.] Art. 4. « Au jour qui aura été fixé par la commission, tous les concurrents se rendront à l’atelier du graveur général; ils y seront examinés chacun séparément par le graveur général, en présence de 2 membres de la commission sur la théorie de leur art, sur la manière de former les carrés, sur la nature et les proportions des différentes espèces d’acier qui doivent y être employé-; enfin, sur le procédé de la trempe. Après cet examen, le graveur général indiquera à tous les aspirants, en présence de 2 membres de la commission, les jours et heures auxquels ils devront se trouver dans son atelier pour y travailler, sans que le graveur général puisse accorder aucun rendez-vous particulier à quelqu’un des concurrents, à l’exclusion des autres. » {Adopté.) Art. 3. « Les 2 membres de la commission qui auront assisté à l’examen des aspirants, pourront se transporter dans l’atelier du graveur général pendant les heures destinées au travail des concurrents. » {Adopté.) Art. 6. « Chacun des concurrents dressera ses carrés, et les travaillera par lui-même, et sans aucun secours étranger, jusqu’à ce qu’ils soient en état de servir au monnayage ; et il ne sera permis à aucun concurrent de travailler hors la présence et ailleurs que dans l’atelier du graveur général. j» {Adopté.) Art. 7. « Lorsque les carrés seront entièrement achevés, chacun des concurrents les remettra sous son cachet, et celui du graveur général, en garde des dépôts de la commission; et chaque carré sera marqué d’un numéro qui correspondra à celui sous lequel l’aspirant se sera inscrit sur le registre de concours. » {Adopté.) Art. 8. « La commission indiquera le jour pour l’épreuve de-carrés. Cette épreuve se fera en présence des 2 membres de la commission, du graveur général, et de tous les aspirants, par le monnayage d’une ou plusieurs pièces. Chaque aspirant reconnaîtra préalablement, ainsi que le graveur général, les cachets apposés sur l’enveloppe de ses carrés ; et après le monnayage, les carrés de chaque aspirant, et les pièces provenues du monnayage, seront remises séparément sous les cachets des membres de la commission et du graveur général. » {Adopté.) Art. 9. « Après que cette épreuve aura été faite, la commission nommera 5 graveurs pour juges du concours, y compris le graveur général, et elle indiquera le jour où ils devront être entendus, et donner leur rapport. » {Adopté.) Art. 10. « Il ne sera donné aux aspirants aucune connaissance des noms des juges du concours. Les juges devront pareillement ignorer les noms des concurrents. >» {Adopté.) Art. 11. « Les juges du concours examineront, chacun séparément, les ouvrages des aspirants, et ils donneront leur avis séparément et par écrit. Ces avis seront remis au graveur général, qui les remettra dans les 24 heures au secrétaire général de la commission, et y joindra par écrit les observations dont il les croira susceptibles. » {Adopté.) Art. 12. « La place sera accordée à celui des concurrents qui aura obtenu la pluralité des suffrages des juges du concours. » {Adopté.) M. l’abbé Longpré, au nom du comité des finances. Messieurs , la veuve Erambert a été incendiée au mois de janvier 1790; parmi les objets brûlés ou volés dans son secrétaire, se trouvent 7 quittances de finance de l’< mprunt de 1782, montant à 46,000 livres et plusieurs billets de loterie des mois d’avril et d’octobre, montant à la somme de 26,000 livres. Les coupons attachés à ces effets et les numéros cortespondants sont produits, parce qu’ils étaient heureusement entre les mains de son receveur pour en toucher l’intérêt qui se payait alors. Tous ces faits sont constatés par un procès-verbal dressé le jour même de l’incendie par un commissaire. La dame Erambert s’est présentée pour toucher le montant de ces effets: mais, ne produisant pas les originaux, elle n’a pu être payée ; elle trouve dans l’ordonnance de 1673 une disposition qui est favorable à la malheureuse position dans laquelle elle se trouve et elle réclame de la justice de l’Assemblée de lui faire expédier des duplicata de ces titres. L’Assemblée a renvoyé au comité des finances l’examen de cette pétition ; voici les dispositions que ce comité a cru nécessaire de vous proposer pour allier la justice à la prudence. « L’Assemblée nationale décrète que les commissaires de la trésorerie nationale feront expédier par duplicata à la veuve Erambert des coupons de quittances de finance de l’emprunt de 1782, ensemble les billets de loterie marqués des mêmes numéros que ceux qui sont relatés dans le procès-verbal du 24 janvier 1790, reçu de Pi-cart Démarit, et présumés incendiés ; qu’ils en feront ordonner le payement à mesure de leur échéance, à la charge par la veuve Erambert de fournir un cautionnement de la valeur de 100,000 livres, qui durera 10 années à compter du moment où les effets seront présentables; passé lequel temps, ceux qui pourraient se trouver porteurs de ces effets, ne seraient plus admis au payement. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. I�ongpré, rapporteur. Voici un autre objet dont votre comité des finances m’a chargé de vous rendre compte : La province de Picardie renfermait un approvisionnement de grains assez considérable pour prévenir les besoins qui se sont fait depuis sentir. Dès l’année 1788, le gouvernement prévoyait que la quantité qui se trouvait dans le royaume ne suffisait pas pour la consommation; if lit des dispositions pour en faire venir de l’étranger. En attendant que les cargaisons, qui devaient se faire à grands frais, fussent arrivées, et pour calmer les vives inquiétudes déjà très répandues #dans Paris, le ministre des finances fit extraire des provinces voisines de la capitale tous les grains qu’il put se procurer. Pour écarter les alarmes de disette prochaine, la Picardie fut sa ressource; ce fut dans la ville d’Amiens que l’on épuisa les [30 août 1791.] 89 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. greniers, en promettant solennellement qu’on remplacerait les blés qu’elle allait fournir et que sous très peu de temps il arriverait au port de Saint-Valéry des chargements considérables qui ramèneraient l'abondance, et qui dissiperaient toutes les alarmes. C’était en 1789 que M. deNec-ker faisait cela, et que, pleines de confiance dans ce ministre, les villes et les campagnes souffrirent qu’on leur enlevât leurs subsistances pour alimenter la ville de Paris. On attendit bien vainement l’effet de ses promesses, et, soit par le défaut d’ordre, soit par impossibilité, la ville d’Amiens vit arriver le moment où le peuple, livré à la famine, essuierait toute l’horreur des maux qu’elle traîne après elle. Ce fut dans cet instant que les plus notables citoyens, justement effrayés du malheur extrême qui allait frapper la classe la plus indigente, formèrent le projet de se réunir pour concerter les mesures nécessaires et prévenir les maux qu’on pressentait. Ils proposèrent une souscription ou mise de fonds qui seraient employés à acheter des grains chez l’étranger, et une société fut formée sous le nom de société civique. Les conditions qui furent proposées étaient de nature à exciter le zèle des bons citoyens, la principale et la plus importante, parce qu’elle fait connaître l’esprit de la société, était de renoncer à toute espèce de bénéfice. Le roi, J’in-tendant, les municipalités entrèrent dans cette association qui, ne calculant que le moment présent, fit partir sur l’heure des députés pour l'Angleterre et la Hollande : ce voyage fut heureux; sous peu de temps, il arriva 51,430 setiers de grains destinés à l’approvisionnement de la ville et des campagnes. La première distribution qui fut faite calma les inquiétudes; les ventes furent exécutées avec ordre, et le produit devait servir bientôt à amener d’autres cargaisons ; mais le peuple, comparant le prix des grains avec celui qu’il avait ci-devant payé, ne put plus reconnaître le zèle ni les intentions de ceux qui leur fournissaient les subsistances. Il s’arma de bûches, pilla une partie de ces grains ; et, lorsque l’autorité municipale se montra pour réprimer ces excès, une multitude menaçante força les officiers municipaux de rendre une ordonnance par laquelle le prix des grains fut baissé à près de moitié de sa valeur. Cet événement fit faire à la société des pertes considérables, elle fit dresser ses comptes, instruisit le corps municipal du montant de ses engagements et du prix des ventes pour l s acquérir. La différence se trouva être de plus de 500,000 livres ; et elle demanda à la municipalité de fournir à ce déficit. La municipalité impuissante pour couvrir les pertes, se rejeta sur le gouvernement, et prouva que l’extrême pénurie des grains ne pouvait lui être imputée, mais bien au gouvernement. La seule question, sur laquelle les avis ont été divisés dans votre comité, a été de savoir par qui et comment serait payée cette indemnité. On n’a pu parvenir à trouver aucun parti mitoyen. Votre comité, justement économe des fonds du Trésor public, n’a pu consentir à vous proposer que le prix de l’indemnité réclamée soit payée par la nation. C’est à vous à juger si le civisme qui a formé subitement une association pour prévenir les horreurs de la disette, doit être mis au nombre de ces actes de patriotisme qui ont si éminemment distingué la nation ; c'est à vous à juger si le gouvernement, qui a approuvé, excité cette société philanthropique et de bienfaisance, doit partager les dommages qu’elle a soufferts. Voici notre projet de décret ; « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des finances sur la réclamation en indemnité faite par la société civique d'Amiens, décrète que le Trésor public ne peut être chargé du payement de cette indemnité, et renvoie les parties devant les tribunaux, pour se pourvoie comme elles trouveront convenir. » Je viens de vous lire le projet du comité ; je vais maintenant vous proposer un moyen qui pourrait concilier tout le monde. Je propose d'imputer une portion de cette perte sur la somme qui reste eu caisse de l’imposition de 1789 et qui, aux termes du décret du 26 septembre, doit être répartie en moins et imposée sur la généralité de la province d’une part; en second lieu, de prendre sur le seizième du produit des biens nationaux qui doit, revenir à la ville d’Amiens, une seconde part égale à ia première ; et enfin, Messieurs, quant à la troisième partie, ce serait que l’Assemblée nationale ordonnât une imposition accessoire de 2 ou 3 deniers pour livre pendant une année seulement sur le district d’Amiens ou sur tout le département. (Murmures.) M. Laurendeau. Toutes les circonstances dont M. le rapporteur vient de rendre compte doivent déterminer l’Assemblée à ordonner que l’indemnité réclamée pour l’association civique d’Amiens lui soit payée par le Trésor public. Si cependant l’Assemblée trouve quelque difficulté à ordonner cette mesure, elle ne peut pas décider, comme le comité lui propose de le faire, que cette indemnité ne peut pas être mise à la i harge de la nation, parce que, d’après la Constitution, les actions dirigées contre la nation doivent être jugées dans les tribunaux, comme celles qui sont intentées contre les particuliers. Je conclus donc, Messieurs, à ce qu’en rejetant le projet du comité, il soit ordonné que l’indemnité réclamée par l’association civique soit payée par le Trésor public ou que cette société soit renvoyée à se pourvoir dans les tribunaux contre qui et ainsi qu’elle avisera. M. Defermou. Messieurs, la question qu’on vous présente n’en peut pas être une. Si l’Assemblée voulait indemniser toutes les sociétés qui ont fait des sacrifices dans la Révolution, il faudrait avoir de nouveau une source abondante oü puiser, ll est beaucoup de ces sociétés qui ont perdu un quart, une moitié, les trois quarts sur leurs achats; mais elles ont cru devoir le faire; elles ont cru que leur patriotisme et les circonstances exigeaient ce sacrifice et elles l’ont fait. Au surplus, si la société civique d’Amiens a réellement droit à l’indemnité dont il s’agit, il n’est pas besoin d’un décret de l'Assemblée qui l’autorise à se pourvoir devant les tribunaux pour se la faire adjuger, elle a cette action de plein droit; elle n’a qu’à se pourvoir d’elle-rnême. Ainsi donc, en me réunissant au parti proposé de rejeter l’avis du comité, je demande que i’As-sembiée passe à l’ordre du jour ; cette décision remplira en effet le but poursuivi par le préopinant. (L’Assemblée, consultée , décrète l’ordre du