SÉANCE DU 24 FRUCTIDOR AN II (10 SEPTEMBRE 1794) - N° 29 57 [La société populaire régénérée des Jacobins de Sète à la Convention nationale , s.d.] (47) Représentons, lorsque vous eûtes renversé le despotisme trium viral, et déchiré d’une main courageuse le crêpe funèbre qui voilait la statue de la liberté, les amis sincères de la République ouvrirent leurs cœurs aux plus douces espérances. Le gouvernement, dégagé des entraves qu’une faction scélérate opposoit à sa marche, devoit redoubler d’énergie pour accélérer la destruction de l’aristocratie et du fédéralisme et pour assurer au peuple la jouissance paisible du fruit de ses glorieux travaux, de son courage et de ses vertus. Les vœux des patriotes seroient-ils trahis ? les ennemis de notre sublime révolution infes-teroient-ils plus long-tems de leur soufle impur l’atmosphère de la liberté ? Représentons, la situation politique de la République semble justifier ces craintes; partout l’aristocratie lève un front rayonnant de joie; le crime invoque la justice; l’indulgence est-elle donc à l’ordre du jour ? Le vaisseau de l’Etat à peine sauvé d’un naufrage, seroit-il poussé par des mains perfides contre les écueils du modérantisme? Sur les cadavres des triumvirs une nouvelle faction auroit-elle juré d’exécuter plus audacieusement le projet liberticide de faire grâce aux ennemis du peuple? Robespierre, envelopé d’une profonde hypocrisie, faisoit assassiner les patriotes et choisissoit ses amis et ses partisans parmi les contre-révolutionnaires. Quel est le système du jour? On déchaîne l’aristocratie et le fédéralisme; et sur les places publiques, dans les sections, au sein même des sociétés populaires, les modérés qui, par le rapport de votre décret du 23 thermidor, ont acquis le privilège de conspirer contre la patrie, en sollicitant pour les détenus; les modérés insultent aux patriotes : Un ami chaud de la liberté propose-t-il une mesure énergique, aussitôt ils lui prêtent les intentions criminelles dont ils sont animés : « c’est un Hébert, c’est un Robespierre, qui veut éteindre toute idée de justice». Représentans les ennemis du peuple invoquent la justice; qu’elle règne, et qu’ils cessent d’exister. La justice doit être douce et bienfaisante envers les patriotes, envers les victimes de la tyrannie. Mais elle doit être sévère et terrible envers les traîtres et les conspirateurs. La vertu est le principe des républiques; mais la vertu n’est pas indulgente pour le crime, elle l’immole sans pitié pour le maintien de l’harmonie sociale, pour le bonheur du peuple. Pères de la patrie, nous espérons de votre amour pour elle qu’à la vue des orages qui la menacent vous vous hâterez de prendre des mesures vigoureuses pour les dissiper. Vous (47) Rép., n° 268 et reproduit également dans J. Univ., n° 1 754. Partiellement reproduit dans Moniteur, XXI, 724, et mentionné dans J. Univ., n° 1753; J. Mont., n° 138. tonnerez sur les apôtres du modérantisme; vous frapperez du glaive de la loi les intrigans, les ambitieux, et tous les ennemis de la démocratie; vous donnerez au gouvernement révolutionnaire l’énergie nécessaire pour comprimer toutes les passions divergentes de la passion subbme de la liberté. C’est ainsi que vous assurerez le triomphe de la République. C’est ainsi que vous imprimerez à vos travaux le sceau de l’immortalité. Signé : Pons cadet, président. Foubanide, Bonafond, Constant, Carel, secrétaires. {On applaudit ) (48) 29 Le conseil-général de la commune de Toulouse [département de la Haute-Garonne] est dans les mêmes principes et les mêmes sentimens; elle finit par demander que la loi du 17 septembre soit exécutée dans toute sa rigueur, que la liberté de la presse soit garantie, et que les prêtres et nobles soient déportés. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au comité de Sûreté générale (49). Citoyens représentans, écrit le conseil général de la commune de Toulouse à la Convention nationale, l’énergie républicaine va reprendre enfin sa première vigueur; déjà de grandes vérités commencent à se faire entendre : puissent-elles être favorablement accueillies! si elles cessaient de vous plaire, vous ne seriez plus dignes de représenter le peuple français. « Sans doute la justice doit être à l’ordre du jour. Il est temps que le patriote qui, sous le règne affreux des triumvirs, languissait dans les fers en attendant son supplice, soit rendu à la liberté, à sa patrie, qu’il idolâtre; que le laboureur, l’artisan détenus pour quelques instants d’erreur rentrent aussi dans leurs foyers. Pardonnons encore à cette classe d’êtres qu’on appelle menés; mais le meneur intrigant, mais l’individu suspect, mais le fédéraliste reconnu, mais le contre-révolutionnaire doivent-ils être restitués à la société contre laquelle ils n’ont cessé de conspirer? Sans doute vous ne le voulez pas. Vous n’avez pu vouloir accorder protection et appui à ces deux castes incorrigibles qui ont fait tous les maux de la patrie, et qui la déchireront tant que le sol de la République n’en sera point purgé. Cependant, Législateurs, les contre-révolutionnaires qui sont dans nos maisons de réclusion, affectent depuis quelques jours une audace et des propos menaçans[Ils traitent de Robespierristes les plus chauds amis de la liberté... ils désignent les victimes qu’ils doivent (48) Moniteur, XXI, 724. (49) P.-V., XLV, 193.