98 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 mars 1790. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE CHAPELIER, IX-PRÉSIDENT. Séance du mardi 9 mars 1790, au soir. La séance est ouverte à 7 heures. M. Chapelier annonce que la santé ou les affaires de MM. les présidents ses successeurs ne leur permettant pas de tenir la séance, il aura l’honneur de présider l’Assemblée. Une députation du district des Récollets est admise à la barre. Elle offre un don patriotique, et supplie l'Assemblée, dansune pétition particulière, de vouloir bien s’occuper de la suppression de la caisse d’escompte. Le motif de cette demande est la crainte d’une insurrection populaire que peuvent faire naître (ce que celte députation appelle) les odieuses manœuvres des administrateurs. M. le Président. L’Assemblée reçoit avec satisfaction l’hommage de votre don patriotique. Quant aux inquiétudes très souvent suggérées ue Vous venez de manifester, elle croit qiril est u devoir de tout bon citoyen de les écarter. Une députation du district des Minimes assure l’Assemblée qu’elle n’adhère nullement à une adresse à la commune de Paris, rédigée par un citoyen du même district, sous le litre d �pétition patriotique , appuyée seulement de trente-quatre signatures, et rejetée dans l’Assemblée par la question préalable. — Cette-adresse a pour objet la suppression du comité des recherches. M. Charmat, citoyen de Paris, présente une ADRESSE A L’ASSEMBLÉE NATIONALE sur les moyens de détruire la rareté actuelle du numéraire. Elle est ainsi conçue : Messeigneurs, vous avez cru dans votre sagesse, parmi tous les plans que vous avez discutés pour rétablir les finances, devoir adopter celuidela Caisse d’escompte ; mais comme, bien lom de produire l’effet que, sans aucun doute, votre patriotisme en attendait, la pénurie d’argent (1) en devient au contraire de jour en jour plus grande, j’ose vous offrir, Messeigneurs, un second et nouvel hommage de mes idées à cet égard, dans des additions servant de développements (2) à un petit ouvrage tendant à ramener ta circulation générale (1) Ce n’est point aux administrateurs de cette caisse qu’il faut s’en prendre, c’est à la nature de leur éta-Plissement. Les diatribes qu’on lance contre eux et les menaces qu’ils font d’appeler les lois à leur secours, ne sont point le tangage du patriotisme et ne remédient à rien. Il est plus qu’indécent que. l’on se soit habitué de sang-froid à juger de notre position, par Ja hausse et la baisse, très souvent simulées, de la multitude des effets de toute espèce qui se négocient à la Bourse, et la bigarrure en va augmenter. C’est de là qu’est né l’agiotage, c’est de là qu’il va se propager davantage. Ne serait-il pas bientôt temps de décevoir tous ces calculateurs qui consument honteusement leur temps à agiter l’Etat, à s’agiter eux-mêmes, et de les forcer, en anéantissant tous ces effets, à diriger l’ardeur de leurs spéculations vers des objets qui les honoreraient et répandraient la fécondité partout? (2) Ces développements étaient faits et portés à l’impression dès le 20 janvier ; mais des déférences particulières, mais la crainte de nuire en quoi que ce soit à la chose publique, l’objet le plus sacré que je connaisse,. l’espoir enfin ou le désir au moins de voir si le crédit renaîtrait, me les ont fait retirer. et à libérer l'Etat sans surcharge, que j’ai fait répandre dans le sein de votre auguste Assemblée, le 7 décembre, etdont j’ai eu l’honneur d’adresser particulièrement un exemplaire à M. Fréteau, lors son président. En substance, j’y établissais qu’indépendamment de la garantie de la nation, quand on avait un gage a donner, tel que les biens du clergé et les domaines, on ne devait pas craindre une banqueroute et que, sur cette ressource-là (beaucoup plus grande qu’on ne pense) (1), l’Assemblée nationale pouvait décréter dès à présent en sûreté de conscience et d’opération, 3 milliards de billets nationaux , en payement non seulement des 90,000,000 qu’il v avait d’exigibles pour la fin du mois de décembre, mais même de tout ce qu’on pourrait absorber d’ailleurs de plus à charge à l’Etat, lesquels papiers on éteindrait au fur et àmesureque, connaissances localement prises, l’on opérerait la vente successive de tous ces biens en prévoyant que si, ces 3 milliards de papiers éteints, il restait encore et des créanciers de l’Etat et des biens du clergé ou domaniaux à vendre, on créerait alors des mêmes papiers dans la proportion que com-porterrait l’opération activement et passivement. J’ajoutais que, dans le même instant, pour servir de contre-poids à l’opération, je voudrais que l’on fît la refonte générale de tout le numéraire, sur les bases ci-après, savoir : Des pièces de cinq sous, au lieu de six. De dix sous, au lieu de celles de douze. De vingt sous, au lieu de celles de vingt-quatre. Des écus de cinquante sous, au [lieu de trois livres. Des écus de cent sous, au lieu de six livres. Des écus de dix livres, Des louis de vingt-cinq francs, au lieu de vingt-quatre. Des doubles de cinquante, an lieu Je quarante-huit livres. Des quadruples decentfraucs, au lieu de quatre-vingt-seize livres. Donner à toutes les pièces de deux sous et de dix-huit deniers, la seule valeur de deux sous, jusqu’à ce qu’on puisse les refondre toutes au même coin. Laisser subsister les gros sous, les doubles liards et les liards. Frapper toutes les monnaies en creux, au lieu de reliefs, qui s’effacent trop vite ; et les petites moins larges, pour leur donner plus d’épaisseur et de solidité (2). N’accorder pour porter les espèces aux hôtels des Monnaies, que le plus court délai possible, combiné avec le temps qui convient à l’opération (1) Si l’on a déjà évalué les seules maisons, bâtiments et emplacements de monastères dans la capitale, à 150,000,000, ce ne serait donc pas les porter trop haut pour tout le royaume, avec ceux de Paris, que de les estimer un milliard ; et conséquemment toutes les propriétés quelconques ou dépendantes, au moins quatre ou cinq milliards. (2) Pour les légendes qui ne seraient point en latin, il faudrait mettre, savoir : Sur le cordon des écus : Louis XVI, restaurateur de la liberté française, au lieu de Domine talvum fae Regem. Le côté de l’efflgie devrait être entouré de ces mots; Louis XVI, roi des Français, au lieu de, roi de France et de Navarre. Le côté des armes de France devrait, par une consé-âuence toujours constitutionnelle, porter ce§ mots en Ae ; ta nation, le roi et au-dessous la loi, au Ken d& stt nomen domini benedictum. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 mars 1790.] 99 et à la non interruption de la circulation, mais sans rien faire perdre â personne, pour le change, sur le montant des sommes qui y seraient versées. J’en conclus qu’en outre de la facilité et justesse que ces nouvelles valeurs monétaires apporteraient dans la comptabilité, il en devrait résulter au moins que tout le numéraire reparaîtrait aussitôt, pour circuler sans cesse, par la certitude de la libération prochaine de l’État, qui s’organiserait, pendant ce temps, en toutes espèces d|ad-miuistratioes, en assiettes et natures de subsides plus sages, plus convenables, dignement perçus, fidèlement employés, et seulement en raison des charges qui se trouveraient bien diminuées, et des besoins de l’ensemble du royaume et des localités; Que, par conséquent, il fallait se liquider incontinent avec la Caisse d'escompte, et qu’elle se liquidât de même avec le public, pour anéantir la concurrence de ses billets; Que vainement prétendrait-on que des papiers-monnaie seraient une banqueroute; que sans doute ils pourraient l’être sous l’ancien régime, mais que quand c'était tout une nation qui s’engageait, il n’y avait plus rien à craindre, même uand il serait vrai que, par événement, les biens u clergé et domaniaux ne dussent pas suffire pour répondre; Que, dans ce cas, elle était toujours la maîtresse de s’imposer en raison des charges qui lui resteraient, et qu’elle ne manquerait pas de créer une caisse d’amortissement pour lés éteindre successivement;- Que rien ne pourrait déranger cet ordre solide et immuable, la nation étant debout; Que nous devions enlin reprendre la posture fière et franche qui nous appartenait, puiser nos ressources dans nous-mêmes, et qu’ayant aujourd’hui une patrie et ne faisant plus qu’une famille, tous nos engagements devenant réciproques, seraient remplis (1). Voilà, Messeigneurs, quel était le fond de mon plan : je vais vous le développer, et j’espère qu’avec tout ce que j’aurai l’honneur de vous tracer pour l’appuyer et pour vous établir vos propres forces, les forces d’un aussi grand empire que le nôtre, vous serez convaincus qu’il n’y a plus à balancer entre décréter des billets nationaux depuis cent sous (depuis mes bases multiples) jusqu'à mille livres , ou des effets d'une caisse étrangère à nous, dont vous n’êtes pas moins garants, avec toute la France; sur lesquels les seules spéculations qu’il pourrait y avoir, ne sont qu’en faveur de cet agiotage qui nous déshonore depuis si longtemps, et dévore les secours à verser sur l’agriculture, le commerce et l’industrie ; des effets enlin qui, bien loin de réparer les plaies de l’Etat, les ulcèrent davantage et créent de nouvelles et lourdes charges, au lieu de détruire ou diminuer les anciennes. .(1) Quelques-unes de mes idées semblent déjà être justifiées par l’accord qu’elles ont ayec le rapport qu’a fait M. Naurissart, au nom du comité des finances, le samedi soir 16 janvier. Par le décret qu’il a proposé, il est question que les nouvelles monnaies de billon auront moins de diamètre et plus d’épaisseur que les anciennes. De donner au roi, sur la monnaie actuelle, le titre glorieux de roi des Français. Enfin de fabriquer des pièces valant cinq sous, qui en effet seraient d'une grande ressource dans le commerce. . 11 y est même question d’en faire de dix, de vingt et de trente sous, par leur rapport avec la livre de France. Certes, ces papiers-monnaie déjoueront les thésauriseurs ; ils sout de deux sortes ; ceux que l’inconfiance détermine à enfouir leur or, et Ceux qui, par un légitime et juste calcul, sont obligés de se réserver pour vivre une portion du numéraire en proportion de leurs facultés, et pour les très indispensables mouvements d’argent qui doivent se faire tous les jours chez eux. Tous amènent la misère et le désespoir chez les autres humains qui, ne devant exister que du produit de leur travail et de salaires, sont réduits à l'inoccupation ou à l’impossibilité de se faire payer de petites sommes journalières, que la forme des billets delà Caisse d’escompte, surtout dans les provinces, ne peut procurer à personne. Ce qui doit éminemment, Messeigneurs, vous inquiéter sur le sort de ces derniers, qui sont le plus grand uombre, et sur les conséquences effrayantes qui peuvent en résulter. La France seule, de toutes les nations de l'Europe, a, sans crainte, le droit de créer des papiers-monnaie, , eu telle quantité que ce soit; sa puissance agricole, à nulle autre égale, la masse de ses individus et de sou commerce (qui refleurira plus que jamais après son organisation) et c régimeconstitutionnelquin’appartientqu’àeHe(l), sauvegarde de tous ses traités, de toutes ses opérations ne sont-ils pas faits pour lui faire entreprendre tout ce qu’elle voudra, avec les forces et les moyens qu’elle déploie, qui la rendront inattaquable par aucun de ses voisins. Qu’on les compare, à cet égard, avec nous. L’Angleterre serait bientôt réduite à une puissance ordinaire si elle perdait son Bengale et sa Jamaïque. La Hollande a des luttes â soutenir et son commerce peut lui être enlevé. L’Espagne et le Portugal sont encore soumis â tout ce que les préjugés dé toute espèce ont encore de force pour engourdir la raison. L’Allemagne est trop divisée en souverainetés, et nulle d’entre elles n’est assez téméraire ou puissante et trop distante de notre constitution actuelle pour employer avec succès la ressource des papiers-monnaie; môme les Etats de la Maison d’Autriche et de la Prusse qui u’ont conservé qu’une sorte de prépondérance purement militaire, qu’ils doivent, les premiers, à la vie et aux projets de Joseph 11 et la secoQde au seul génie de Frédéric et au bon ordre dans lequel il a laissé ses finances. Je n’entrerai dans aucun détail sur ce qui concerne l’Italie ; on sent assez que toutes les puissances qui la composent, sont bien moins en état que celles dont je viens de peindre rapidement le tableau, d’user d’un pareil moyen. Cependant des Républiques y ont des banques, à l’instar de l’Angleterre ou de la Hollande et c’est tout ce qu’elles peuvent se permettre; ce qui fait leur richesse et l’appui de leur commerce, est ce que nous devons nous interdire (au moins sur les mêmes principes), parce que ce serait notre ruine et notre honte. Enfin, la Suède, le Danemark, la Russie et cette malheureuse Pologne, tous enfoncés eu grande (1) Qai pourrait en douter aujourd’hui après la démarche bien libre et bien franche de notre roi citoyen ? Il a promis, le 4 février, de défendre et de maintenir la constitution ; et il est veau s’unir à la nation d'autant plus intinaément, qu’en déclarant qu’il habituerait son fils, dès ses plus jeunes ans, de concert avec la reine, à reconnaître les mêmes principes, c’est les trai-fiaeure d’âge en âge dans sa famille. |QQ [Assemblée nationale.] ARCHIVES P. partie sous les glaces, n’ayant pour principale richesse que du fer, du cuivre ou des bois, enfantant peut-être les plus beaux hommes de la nature, des Slaves célèbres, dans l’une surtout de ces puissances, où il y a encore quelque énergie, prête à lui échapper, ne peuvent procéder comme nous ; d’ailleurs, ces puissances sont presque entièrement soumises à tout ce que le despotisme des grands et des petits tyrans de la terre a inventé pour façonner l’homme à l’esclavage. Voilà ce que sont tous les peuples de l’Europe : aucune des circonstances locales qui les éveillent, aucune des espèces de gouvernement qui les enchaînent ne nous sont communes, ne pèsent sur nous; nous seuls sommes devenus un peuple à part. Forts de tous les avantages de notre ancienne position et de la sage conquête de notre liberté, tout concourra à inviter les étrangers à venir en foule habiter cette heureuse terre que nous n’arroserons plus que de nos sueurs et non de larmes ; et augmentant le nombre de nos concitoyens, ils ajouteront encore leur richesse et leur industrie à la majesté de notre puissance. Mais aussi, Messeigneurs, pour hâter ce moment, décombrez ce qui gêne toutes nos facultés, ce qui arrête notre essor, et cet agiotage qui, se reproduisant sous toutes sortes de formes, n’aspire qu’au moment de son affermissement, sous le spécieux et trop honorable prétexte de rétablir Jes finances et de ramener le crédit. Quand par les papiers-monnaie, au contraire, qui payeront toutes les dettes et anéantiront toutes les charges relatives, vous aurez rendu la vie à toute la France, vous verrez aussitôt, Messeigneurs, reparaître les sources de l’or, pour ne pas laisser inutiles des fonds qu’il deviendra avantageux de faire circuler, de confier à l’activité de tous les mouvements que vous aurez imprimés à toute la machine. Alors vendez, mais en détail, vos biens ecclésiastiques et domaniaux, pour lesquels, surtout de la part des possesseurs de papiers, que vous éteindrez à mesure, il y aura une concurrence telle, ne fût-ce que par un reste d’inconfiance et de préjugé, qu’ils achèteront ces biens sur le pied de deux et demi, trois au plus, au lieu que, sans ce papier, les capitalistes, ces hommes qui ne spéculent que sur le malheur public, ces hommes qui, à dessein, ont renfermé leur or, vous feront la loi et achèteront à vil prix ces biens, pour lesquels, ne pouvant y avoir d’autres concurrents qu’eux, vous perdrez beaucoup sur l’immense ressource que vous devriez attendre de la totalité de leur vente. Votre calcul doit donc être de multiplier les enchérisseurs : puis, pour connaître votre numéraire et servir, comme je l’ai dit, de contre-poids à l’opération (1), refondez toutes les espèces de monnaie de la manière que je l’indique; il faudra bien que tout l’argent ressorte. Etablissez en même temps, si (1) Voici comment j’entends ce contre-poids : l’émission de vos billets mettrait sur-le-champ tout le monde à même de subsister et pour la circulation, tiendrait lieu de la monnaie qu’on cache ou qu’il faudrait bien se dé-erminer à porter à la refonte, et décrétant, en même temps, un grand et égal moyen d’extinction de vos billets, par la vente successive de vos biens ecclésiastiques et domaniaux, ils ne produiraient pas le mauvais et sans doute dangereux effet d’un doublement de numéraire réel ou idéal qui doublerait aussi le prix des denrées et des mains-d’œuvre: Ce doublement de numéraire existerait d’autant moins qu’il servirait tout à la fois portion en billets servant à la subsistance de chacun, portion en numéraire par suite de la refonte, et qu’il s’établirait par conséquent un parfait et constant équilibre. LEMENTAIRES. [9 mars 1790.] vous le voulez, une banque vraiment nationale que vous pourriez avec justice surnommer patriotique, où les administrateurs n’auraient d'autre intérêt que celui de leur réputation et de salaires mérités (1). Composez-la de cinquante, de soixante ou de cent millions de vos billets nationaux, de tout ce qui vous restera de votre caisse de l’extraordinaire, les dettes payées, de tous les dépôts forcés, des dépôts de confiance (et ils seront nombreux) du mont-de-pii lé, et de tout ce que vous croirez convenable. Donnez deux pour cent à l’argent déposé deconfiauce; prêtez à quatre à l’agriculture, au commerce, à des manufactures, à des artistes ou hommes utiles et profitables à l’Etat, pour construction de canaux, défrichements, dessèchements, découvertes, machines, ou autres choses semblables ; et à six pour cent sur les gages dont vous serez nantis, à cause des frais de garde ou de vente qu’ils occasionnent. Le taux de l’argent tombera alors nécessairement, la main-d’œuvre sera moins chère et vous entrerez, de ce moment seulement, en concurrence avec l’étranger pour toutes vos matières ouvrées. Du bénéfice net qui résultera de cette banque quand vous aurez guéri toutes les caries des affaires que tant de siècles de despotisme, de dépravations et d’impéritie avaient invétérées, diminuez-en annuellement, au prorata de la cote de chaque municipalité du royaume, le fardeau des impositions. Alors encore vous aurez détruit cette jalousie des provinces vis-à-vis de la capitale, puisqu’elles seront sûres qu’on s’y occupe dans cette métropole des moyens de les faire prospérer et de venir également à leur décharge. C’est à tout cela, Messeigneurs, dans ce moment surtout, où la plupart de vos vues doivent tendre, sur quoi tout bon Français doit rêver. Je ne puis et ne dois vous préseater que des aperçus ; vous seuls, Messeigneurs, êtes à portée de les développer, d'en faire l’application ; l’immensité de vos travaux ne refroidira pas votre zèle; et si vous ne désapprouvez pas le mien, je croirai avoir un peu mérité de mon pays. Et vous, habitants des campagnes, habitants des villes, vous tous, ô mes compatriotes 1 ô mes frères, qui n’avez plus d’autre nom que celui de Français, je vous appelle à la seule conjuration que l’ou formera sans doute, celle du bien public, du bien commun de tous. Hallions-nous autour de la vérité, de cette divinité tutélaire que la hideuse et infatigable cupidité a tant intérêt de vous voiler. Gardez-vous de comparer le système de Law, dans le temps et sous l’autorité de laquelle il s’établit, avec toute opération de Ce genre, dans les circonstances où vous êtes arrivés. i\e vous laissez pas non plus ébranler par de prétendus calculs de balance de votre commerce avec l’étranger; est-ce le temps d’y penser? Songez d’abord à vos maux intérieurs, et votre commerce après n’en ira que plus vite, et la balance alors sera toute à votre avantage. Plus longtemps vous hésiterez, plus vous reculerez cette époque sans doute si désirable, qui arrivera aussitôt que vous serez chez vous tranquilles et dans l’aisance, ce qui ne pourra pas tarder, si vous ne vous laissez pas effrayer par ce que l’on vous dira du papier-monnaie : songez qu’il n’est ni un impôt, ni un (1) Pour mieux encourager ces adminislrateurs, à la parfaite réussite de cette caisse, au plus grand rapport possible des fonds à faire circuler, le meilleur moyen, ce me semble, serait de leur donner pour traitement", un intérêt de tant pour cent, au prorata du produit net. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 mars 1790.J 401 emprunt et seulement une libération dont la réalité est complète à son extinction ; que l’Etat va se trouver chargé d’intérêts pour les secours humiliants que la caisse tentera de lui procurer, que le papier-monnaie n’en entraîne pas. Songez encore que c’est une nation libre qui le décréterait et qu’aucun pouvoir ne pourrait en abuser. Rendez-vous le compte que la dette, cette dette immense, qui pèse tant sur tout le monde, pour l’acquittement de laquelle il faudrait vous imposer, puisque vous l’avez mise sous la garantie de votre loyauté, se trouverait anéantie, sans autres subsides” que ceux que vous consentiriez pour les vrais besoins et la splendeur de l’Etat et du trône. Croyez que ce papier que vous recevriez et que vous donneriez aurait, pendant tout le temps de son existence, la vraie valeur qui serait déterminée, puisque tous l'auraient sanctionnée, et qu’il n’appartiendrait à personne de la faire varier. Enfin, reposez-vous sur la fidélité et la promptitude de son extinction, puisque nous tous aussi, nous seuls, en suivrons et consommerons l'opération. Jetez encore, pour vous déterminer, jetez les yeux sur la multitude de malheureux qui implore votre assistance, et qui s’augmente de jour en jour. Bientôt vous ne serez plus en état vous-mêraes de vous laisser toucher par leur misère; vous serez forcés de ne plus écouter leurs plaintes, de vous occuper de votre propre détresse. Quand vous pouvez la faire cesser chez tous, résisterez-vous, ô Français, pères conscrits, âmes sensibles et droites, à l’alarme qui peut devenir générale? Les maux en sont incalculables; rassurez la nation, montrez-la aussi grande qu’elle est; que fière de toute? ses forces, elle apprenne pour toujours à l’Europe étonnée, à ses voisins qui l’observent, au monde entier, le degré de supériorilé qui lui appartient et ce qu’elle doit leur inspirer d’admiration et de respect. Sa gloire et sa prospérité deviendront, tout à la fois, votre ouvrage et votre recompense, et vos noms seront à jamais bénis. MM. Bretelle et Allels sont ensuite admis à la barre et prononcent un discours en offrant à l’Assemblée, pour être déposé dans ses Archives, uu exemplaire de l’Almanach militaire et de la garde nationale de Paris. Des dons patriotiques sont offerts par des députés de la ville de Lagny-en-Brie et par les porteurs de la chasse de Sainte-Geneviève de Paris. M. Fabbé Gouttes fait lecture d’une lettre de M. Castel, notaire, dans laquelle est consignée l’offre patriotique faite par un anonyme, d’une maison située à Saint-Cloud, et bâtie en 1787 pour servir à l’éducation de jeunes demoiselles sans fortune. Un membre de l'Assemblée fait, au nom de la ville de. Ferrières, l’offre de l’imposition des ci-devant privilégiés des six derniers mois de 1789. 11 est ensuite fait lecture d’une adresse de la municipalité de Châteaubrianl en Bretagne, du 21 février dernier, par laquelle, en annonçant la prestation du serment civique, faite par les soldats citoyens de cette ville, et suivie d’un Te Deum , elle rend compte des mesures qu’elle a prises pour prévenir tous désordres dans son territoire, et expose que, dès le principe, elle a fait ses efforts pour conserver et assurer la perception des impôts ; qu’elle a envoyé dans les campagnes des commissaires chargés d’employer tous les moyens possibles pour empêcher tout excès contre les personnes et les propriétés ; que ces corhmissaires n’ont pas été obligés d’user de la force ; qu’ils n’ont trouvé partout que des paysans trompés, et qu’il a été facile de les ramener à la paix. M. le Président. L’ordre du jour appelle la discussion sur le rapport fait samedi dernier au sujet de l'affaire de Marseille et du grand prévôt de Provence. M. l’abbé Maury. On a dû voir avec surprise que l’affaire a absolument changé de face ; mais je me propose de démontrer les vices des motifs de ce changement, d’une manière que je crois à l’abri de toute réplique. Il n’est point étonnant que lors du premier rapport que j’ai fait dans cette affaire, je n’aie pas conclu comme M. Brevet de Beaujour dans son dernier rapport. Les faits, d’après lesquels il a conclu au renvoi de M. de Bournissac au Châtelet, n’existaient pas alors. Je vais chercher à prouver que ces faits n’existaient pas. — (On donne des signes d’improbation : plusieurs personnes observent qu’il ne s’agit pas de rentrer dans la discussiou du rapport de M. l’abbé Maury, mais seulement dans celle du rapport de M. de Beaujour.) M. le Président. J’observe aux personnes qui font entendre quelques murmures, que l’orateur a le droit de donner des raisons, tant bonnes que mauvaises, sans qu’il soit pour cela permis de l’interrompre. (Une partie de l’Assemblée applaudit M. le président.) M. le marquis de Foueault. Les expressions de M. le président sont injurieuses à l’orateur. Je demande que M. le président soit rappelé à l’ordre. M. le Président. Je prie M. de Foucault et tous ceux qui appuient sa motion de vouloir bien mettre un peu de calme dans leurs mouvements, et de ne pas prolonger l’affaire par un aussi étrange incident. M. Fabbé Maury. M. le comte de Mirabeau a cherché à jeter de la défaveur sur le témoignage du commandant du fort Saint-Jean, dont la déposition peut être favorable au prévôt; mais il s’est appuyé du témoignage de M. de Ceître, avocat de Marseille. Les assertions de M. de Ceître ne doivent-elles pas être suspectes ? J’observe qu’il existe un arrêt du parlement d’Aix, qui interdit cet avocat pour vingt ans, et le condamne en 3 livres d’amende envers le roi, pour avoir méchamment calomnié et diffamé dans un mémoire un particulier nommé Château. (M. l’abbé Maury fait lecture de cet arrêt, extrait des registres du parlement.) M. Castellanet, député de Marseille. J’observe à M. l’abbé Maury que le fait n’est pas absolument exact , puisqu’il est vrai que M. de Ceître dont il veut parler, n’est pas le même dont il est ici question. M. le eomte de Mirabeau. J’interpelle ici IM. l’abbé Maury de dire qui lui a fourni ce fait ; quel est le dénonciateur ? Je demande encore