SÉANCE DU 16 BRUMAIRE AN III (6 NOVEMBRE 1794) - N° 39 471 BOURDON (de l’Oise) : Même le 9 thermidor? DUHEM : Non, car il y avait huit mois que Robespierre m’en avait chassé. J’espère, que sous trois jours, les comités nous feront connaître les cinq factieux qui veulent porter les Jacobins à la révolte, et ici je dois vous faire connaître la vérité. Il faut que vous sachiez que ceux qui accusent les Jacobins de se laisser mener en ont été les meneurs. Après le 10 thermidor, c’est Lequinio, Tallien, Fréron (116) et Dubois-Crancé qui ont épuré cette société. DUBOIS-CRANCÉ : Si j’avais épuré les Jacobins, tu n’y serais plus. DUHEM : Je n’y suis rentré que sous la présidence de Delmas, quelques jours après que tu en as été chassé. Quand ces hommes ont vu qu’ils ne pouvaient plus diriger la société à leur manière, et, comme ils me l’ont avoué, qu’on ne pouvait plus rien faire de bon des Jacobins, ils ... ( Vifs applaudissements. ) PLUSIEURS MEMBRES : Ils avaient raison. BOURDON (de l’Oise) : Je demande la parole pour une motion d’ordre. DUHEM : On ne peut pas m’interrompre malicieusement au milieu d’une phrase ; il faut que je m’explique. Je dis que, quand ces messieurs ont vu qu’ils ne pouvaient pas faire agir les Jacobins dans le sens de leur faction, et .qu’ils ne pouvaient pas réaliser la prédiction de Tallien d’un 10 fructidor, ils se sont déchaînés contre eux. Je ne suis pas étonné de cette réaction, qui agit dans le sens des émigrés tués par nos frères d’armes. PLUSIEURS VOIX : Dites des émigrés qui sont en Suisse. DUHEM : Je vais en parler. Bourdon réclame la parole avec force, pour empêcher, dit-il d’avilir la Convention. Duhem veut continuer; le bruit qui se fait pendant quelques instants l’empêche d’être entendu. Bourdon (de l’Oise) s’élance à la tribune ( Vifs applaudissements. ) On demande que la parole lui soit donnée. L’Assemblée la lui accorde. BOURDON (de l’Oise) : Citoyens, vous ne devez point permettre que la Convention devienne chaque jour le jouet des viles passions de quelques hommes. ( Vifs applaudissements.) Vous avez des comités de gouvernement; si vous n’en êtes pas contents, renouvelez-les ; s’ils ont votre confiance, rapportez-vous en à eux du soin de balayer les sociétés populaires des (116) Les Débats, n° 775, 665, ne donnent pas le nom de Fréron. hommes qui prêchent la révolte; croyez qu’ils sauront faire exécuter vos décrets. Citoyens, contemplez les destinées de la République, songez à recueillir les fruits de nos succès. Que cette Assemblée, qui depuis le 10 thermidor a fait le bonheur des Français, ne donne pas à l’Europe le spectacle d’hommes qui se déchirent pour cinq à six intrigants de part et d’autre. Remarquez que ces scènes vraiment scandaleuses se reproduisent les jours où il y a quelques nominations à faire, et voyez si elles ne sont pas produites par la plus plate ambition. Je demande que la Convention, plus forte que les passions individuelles, et qui fait trembler l’Europe, passe à l’ordre du jour sur le projet de décret qui lui a été présenté. Cette proposition est adoptée (117). Un membre [LEQUINIO] propose par motion d’ordre, de décréter qu’aucun représentant du peuple ne puisse être membre d’une société politique, pendant la durée de la session de la Convention. Cette motion est combattue, et après quelque discussion la Convention passe à l’ordre du jour (118). 39 Des citoyens membres de la société des Amis de la liberté et de l’égalité, séante aux ci-devant Jacobins à Paris, sont admis à la barre; ils disent qu’un membre du comité de Sûreté générale a annoncé la veille à la Convention que les Jacobins correspondoient avec un comité d’émigrés en Suisse; ils demandent qu’il soit fait un rapport sur cette correspondance, afin que les coupables, s’il en est, soient livrés à la vengeance des lois, et que la société soit affranchie du soupçon qu’on veut faire planer sur elle. Un membre du comité de Sûreté générale observe qu’on n’a point inculpé la société des Jacobins; mais que, par une correspondance, il paroît que le projet des émigrés qui sont en Suisse, parmi lesquels figurent les Lameth, Fitz-Gerald, ministre anglais, est de mettre la Convention en opposition avec les sociétés populaires; après quelques observations, la pétition est renvoyée au comité de Sûreté générale (119). (117) Moniteur, XXII, 439-442. Débats, n° 774, 659-662 et n° 775, 665-666; Ann. Patr., n° 675; Ann. R. F., n° 46; C. Eg., n° 810; J. Perlet, n° 774; Mess. Soir, n° 811; J. Fr., n° 772 ; Rép., n° 47; M. U., XLV, 268-270; J. Univ., n° 1807; F. de la Républ., n° 47 ; Gazette Fr., n° 1039 ; J. Paris, n° 47 ; J. Mont., n° 24. (118) P.-V., XLIX, 14. (119) P.-V., XLIX, 14.