[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] 374 Je sors du comité des recherches où j’ai fait à M. de Sillery telle déclaration. C’était mot à mot ce qui m’avait été dit. Comme il était très tard, je suis allé le lendemain chez M. le maire et chez M. le commandant général pour faire part de la dénonciation qui avait été faite au comité des recherches, et d’après laquelle ce comité leur donnerait probablement des ordres. Hier matin, les inquiétudes augmentant de ma art, je me rendis chez M. le maire qui rassem-la les officiers du tribunal de police. Je priai M. le maire de m’envoyer deux de ces messieurs au comité des recherches, de leur dire que j’étais sûr que samedi dernier ils avaient reçu cette dénonciation et que je croyais qu’ils auraient dû en faire part à M. le maire et à M. le commandant général. Ces messieurs sont allés au comité des recherches à une heure et n’ont trouvé personne : Ils y sont retournés à 9 ou 10 heures du soir et n’ont trouvé cette fois que M. de Lapparent. Vers les onze heures du soir, je reçus un nouvel avis relativement à cette évasion ; je chargeai quelqu’un de confiance d’en donner communication à M. le maire. Celui-ci fit venir le commandant général, qui, sur ses ordres, se rendit aux Tuileries. J’ai donné, en présence de M. le commandant général, des ordres pour que toutes les portes et grilles du château fussent exactement fermées à l’exception de la porte de la cour des princes; deux commandants de bataillon, un capitaine, un aide-major de la garde nationale et un officier d’une compagnie du centre ont veillé toute la nuit dans la cour du château devant la porte par où l’évasion devait avoir lieu : ils n’ont vu sortir personne. Ce n'est que ce matin que j’ai reçu la nouvelle du départ du roi, par la même personne qui m’avuit instruit du projet, et elle m’indiqua que le roi était sorti précisément par la porte dont il est question. Je répondis que cela était impossible ; que j’étais absolument sûr du contraire parce que toute la garde certifiera que toute la nuit il y a eu cinq officiers devant cette porte et que moi-même j’y suis allé. Voilà, Messieurs, tout ce que j’ai à vous dire. M. Fréteau-Saint-Just, au nom des trois commissaires chargés de recevoir les députations. Il s’est présenté jusqu’ici deux députations; l’une de la part d’une section de Paris qui envoyait vérifier un fait important : nous avons rendu compte aux députés de la fausseté du fait, du moins tel qu’il a été présenté dans cette section ; l’autre députation est composée de deux membres du département de Paris, envoyés par lui pour vous communiquer un arrêté qu’il a pris ce matin relativement à la sûreté des Tuileries et du Luxembourg, et aux mesures qui peuvent être utiles dans les circonstances actuelles; leurs députés sont dans la salle de la députation; si l’Assemblée ordonne qu’ils soient entendus, M. le président voudra bien en donner l’ordre. M. le Président. Si personne ne s’y oppose, je vais donner des ordres pour qu’on introduise la députation. ( Oui ! oui ! ) (La députation du département de Paris est introduite à la barre.) M. Garnier, membre du département . Monsieur le Président, Messieurs, le conseil du département s’est hâté de se rassembler et a pris sur-le-champ l’arrêté suivant qu’il nous a chargé d’apporter à l’Assemblée nationale. DÉPARTEMENT DE PARIS. Extrait du registre des délibérations du département de Paris. (Du 21 juin 1791.) « Sur la proposition d’un de ses membres, le département, attendu le départ du roi et de toute la famille royale, a arrêté que la municipalité de Paris fera apposer sur-le-champ les scellés sur les appartements du château des Tuileries et du Luxembourg, qu’elle fera faire les perquisitions nécessaires pour connaître par quelles issues la famille royale a été enlevée; qu’elle tiendra aux arrêts, jusqu’à nouvel ordre, tous ceux qui demeurent dans l’intérieur du château des Tuileries, et qu’elle les fera interroger ; que la municipalité donnera des ordres nécessaires pour fermer toutes les issues de Paris, et veiller à ce que personne n’en sorte aujourd’hui. « Arrête, en outre, qu’un de ses membres se transportera, sur-le-champ, à l’Assemblée nationale, pour l’informer de ces mesures. « Pour copie conforme à l’original . <> Signé : Blondel, secrétaire. » Le conseil du département a cru devoir étendre sa surveillance sur un objet très important : c’est sur le moulin à poudre d’Essonne; mais cet établissement étant hors de son arrondissement, il a cru devoir avertir le ministre de donner des ordres pour y mettre une garde suffisante. Au surplus, Messieurs, nous sommes rassemblés pour attendre les ordres de l’Assemblée. M. le Président répond : L’Assemblée nationale, satisfaite de votre zèle et persuadée que vous partagez ses regrets, se repose avec sécurité sur les mesures que vous inspirera votre patriotisme dans ces circonstances, et vous engage à retourner à votre poste. M. d’André. 11 faut que l’Assemblée approuve cet arrêté qui est très bon. ( Oui ! oui ! ) (L’Assemblée décrète unanimement qu’elle approuve l’arrêté du directoire du département de Paris.) M. l’abbé Sieyès. La maison où se tient l’assemblée du département est très éloignée. Ne trouveriez-vous pas convenable que le département fût autorisé à tenir ses séances dans un des bureaux contigus à la salle de l’Assemblée. L’exécution de nos décrets serait beaucoup plus prompte et la correspondance du directoire avec vous plus immédiate et plus facile. (La motion de M. l’abbé Sieyès est adoptée.) M. Bailly, maire de Paris, monte à la tribune et dit : Messieurs, je n’ai rien à ajouter aux détails qui vous ont été donnés par M. de Gouvion. Je ne puis qu’en confirmer une partie qui est à ma connaissance. Il y a eu entre lui et moi une relation de différents avis, que nous recevions et que nous vous communiquions ce matin encore. A une heure du matin, nous ne nous sommes retirés qu’après avoir pris les précautions, dont M. de Gouvion vous a parlé, après nous être 372 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] assurés que toutes les portes étaient gardées ; et il est actuellement impossible de deviner comment le roi a pu partir. Je dois rendre compte à l’Assemblée qu’aus-sitôt que j’en ai été instruit, j’ai fait convoquer te conseil général; j’ai envoyé des ordres à la poste pour qu’on ne donnât des chevaux à personne; aux barrières, pour qu’on ne laissât sortir que sur des passeports de la municipalité, à l’exception des courriers des malles. Je prie l’Assemblée de me permettre, en finissant, de lui exprimer le vœu du conseil général de la commune et de tout le peuple, c’est celui de la fidélité, de la soumission à ses décrets et à ses ordres, et du patriotisme de la ville de Paris, sur lequel l’Assemblée peut compter. Nous demanderons à l’Assemblée nationale la permission de nous retirer pour aller à l’Hôtel de Ville recevoir les ordres qu’elle nous donnera, et pourvoir à la sûreté et à la tranquillité publique. Plusieurs membres : C’est juste. M. de Sillery. Dans le rapport qui vous a été fait par M. de Gouvion, j’ai entendu qu’un garde national était venu au comité des recherches, m’y avait trouvé et m’avait fait une déposition. 11 s’est sans doute trompé de personne, car je donne ma parole d’honneur que, personnellement à moi, on ne m’a fait aucune déposition particulière. M. de Gouvion. Je me suis trompé; c’est à M. Voidel que le grenadier a parlé. M. le Président. M. de Gouvion convient de son erreur. Il a voulu nommer M. Voidel. M. Voidel. Monsieur le Président, M. de Gouvion a été également trompé sur la qualité de la personne qui a parlé au comité des recherches. Ce qu’il y a de vrai dans ceci, c’est que, jeudi dernier, pendant la séance du soir, une personne que je ne connais pas, un citoyen sans uniforme, mais qui m’a inspiré de la confiance par la manière dont il s’est présenté et dont il m’a parlé, m’a dit tenir d’une autre personne, également digne de confiance, que la reine devait partir avec madame sa fille, pendant la nuit du mercredi au jeudi. Je vous avoue que je ne donnai pas beaucoup de confiance à cet avis; mais, comme il ne fallait rien négliger, j’en conférai avec le comité des recherches, qui chargea M. de Lapparent d’en informer la municipalité et M. le commandant général, afin qu’on redoublât de vigilance et qu’en nous donnant avis d’heure en heure, de tout ce qu’on découvrirait, le comité pût agir, soit par lui-même, soit en demandant à l’Assemblée les dispositions nécessaires pour éviter cette fuite. M. Bailly, maire de Paris. J’ai eu effectivement l’honneur de voir M. de Lapparent qui m’a donné quelques-uns des renseignements dont je vous ai parlé et qui ont donné lieu aux mesures que vous savez . M. Cochon de Lapparent. Je n’ai eu personnellement connaissance du fait que par une déclaration de M. Soustelle, membre de cette Assemblée, qui me dit, avant-hier au soir, qu’on lui avait assuré que la reine devait se sauver; qu’elle faisait faire des habits de sœur grise et que Mme Royale devait partir avec elle. Hier matin, il m’ajouta que Mme de Fréminville, femme de chambre de Mm9 Royale, devait partir dans l’après-dîner. J’en fis part à M. le maire et à M. de La Fayette. Je retournai les trouver à 10 heures du soir et je restai avec eux jusqu’à 1 heure du matin. Tout nous paraissant tranquille et nous étant assurés qu’il n’y avait aucune espèce de mouvement au château, nous crûmes pouvoir nous retirer à cette heure. M. le Président. II reste à soumettre à l’Assemblée la proposition qui a été faite par M. de Gustine et qu’il a ridigée en ces termes : « Nul ordre émané du pouvoir exécutif ne sera obligatoire pour aucun fonctionnaire public, s’il n’est signé des ministres actuellement en place; si quelque autre individu que MM. Duport, Mont-morin, Duportail, Thévenard, Delessart et Tarbé, signait ou contresignait des ordres, ces ordres ne pourront être obligatoires pour aucun fonctionnaire public; ceux qui les auraient signés, et ceux qui les exécuteraient, en seront personnellement responsables. » M. Bémeunler. La rédaction du projet de M. de Gustine ne peut êire adoptée dans sa première partie. Par les différents décrets que vous avez rendus ce matin, vous avez enjoint au ministre de la justice de signer les actes et d’y apposer le sceau de l’Etat. Ainsi, la rédaction qui dit : nul ordre émané du pouvoir exécutif ne sera obligatoire , ne peut être adoptée. Il est évident que l’Assemblée ayant confié par commission le pouvoir exécutif aux ministres actuels, nul autre acte, nul ordre du roi en fuite ne peut être appelé ordre du pouvoir exécutif. Il y aurait du danger à multiplier ainsi les précautions ; vous en avez pris de suffisantes pour le moment. J’engage doncM. de Gustine à retirer pour l’instant sa motion et j’en demande le renvoi au comité de Constitution. M. de Custine. Je ne m’oppose pas à ce que le comité donne une rédaction plus précise, mais il ne serait pas de la sagesse de l’Assemblée de ne pas adopter la disposition que je propose. (Murmures.) M. Le Chapelier. L’Assemblée nationale a décrété constitutionnellement que, dans un interrègne, le conseil du roi ôtait autorisé à faire des proclamations et autres actes d’administration. Si quelques nouveaux ministres nommés par un roi séduit veulent s’emparer de l'administration, nous les ferons poursuivre criminellement. M. Démeunier. M. de Gustine semble avoir craint que le roi séduit, entraîné par les factieux qui ont commencé l’attentat, ne se détermine à commettre d’autres ministres pour exercer le pouvoir exécutif. Si vous avez cette inquiétude, il est un moyen très simple de l’écarter. Vous pouvez concentrer provisoirement les fonctions du pouvoir exécutif, sauf le pouvoir de la sanction, entre les mains des ministres actuels. Je demande donc que l’Assemblée décrète purement et simplement cette proposition, ou qu’elle renvoie au comité celle deM. de Gustine, parce qu’elle demande à être examinée avec soin. M. de Cnstine. Il est facile d’apercevoir ce