[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 septembre 1791.] 359 qui est au Châtelet et celui qui est au palais se touchant l’un l’autre, il en résulte que l’un d’eux n’est pas dans son territoire. 2° Pour l’appel, il n’y a pas de territoire. 3° 11 s’agit ici d’une seule cité; et serait-il donc au-dessus du pouvoir d’une Assemblée nationale de faire cesser des démarcations intérieures, lorsque la force des localités l’exige? Le territoire de Paris est un, et le placement matériel des tribunaux est étranger à leur compétence. Il ne résultera pas de là qu’ils commanderont hors du territoire dans lequel ils seront circonscrits. On paraît craindre ensuite que cette réunion ne soit une force, et ne vienne à la longue à compromettre la Constitution; mais c’est là une phrase si commune, que, si le comité s’arrête devant elle, c’est moins pour la combattre que pour l’envisager. 1° On craint la coalition des 6 districts. Ce serait un faible édiiice que celui qui, par 30 hommes, pourrait être renversé, et par 30 hommes, surtout gui ne font que passer. 2° Si jamais la ridicule et vaine idée d’une coalition venait les saisir, dès qu’ils sont placés dans la même ville, la distance d’un quartier à l’autre serait-elle un obstacle ? Tous les tribunaux étant réunis dans Paris, que fait le local à la prétendue coalition ? 3° Les parlements ne se coalisaient-ils pas d’une extrémité du royaume à l’autre? et ne savaient-ils pas faire disparaître les distances? 4° Ne peut-on pas défendre aux 6 districts de s’assembler jamais? et par cette seule précaution leur réunion dans un même édifice sera comme si elle n’était pas ; ils auront dans cette immense enceinte chacun leur établissement particulier, indépendant et isolé. L’unité du local n’est pas plus à redouter que l’unité de la ville. 5° Ne seront-ils pas placés sous l’œil du Corps législatif, sous celui du tribunal de cassation ? et la plus petite de leurs démarches pourra-t-elle échapper à la municipalité et aux corps administratifs? Ne confondons pas les grandeurs apparentes avec les grandeurs réelles, et conservons aux choses, comme aux hommes, leur juste et exacte estimation. Les juges oublieront-ils qu’ils sont l’ouvrage du peuple? et si la Constitution avait quelque chose à redouter, serait-ce de ce côté-là ? Je leur en prête, pour un moment, l’intention, et je demande, au sein de Paris, quels seraient les moyens sur cet article? Enfin, il est inutile de* raisonner, il suffit de sentir. Les racines du pouvoir judiciaire sont détruites; et si, par impossible, quelques faibles rejetons venaient à repousser, la massue nationale serait là pour les briser. Au reste, cet arrangement n’a rien de définitif : si le temps et la réflexion présentent des inconvénients réels, on changera la mesure, et le provisoire appartient aux convenances et à l’économie. Voici le projet de décret : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport du comité d’emplacement, décrète : « Art. 1er. L’hôtel du ci-devant contrôle général sera destiné au logement du ministre de l’intérieur. Celui des contributions publiques occupera celui de la mairie. « Art. 2. Le maire de Paris aura l’hôtel de la première présidence. La municipalité sera placée aux Feuillants, dans la portion de cet édifice qui lui sera assignée par la prochaine législature, d’après l’avis au département. « Art. 3. Le département occupera le bâtiment des Feuillants désigné au plan qui sera joint à la minute du présent décret. « Art. 4. La régie des postes et messageries, la régie des poudres et salpêtres, l’administration des monnaies, la loterie royale continueront à être placés dans les édifices que ces régies d’administration occupent actuellement. « Art. 5. L’administration des traites sera établie à l’hôtel de Crisnois, faisant partie de celui des fermes. « Art. 6. La régie des domaines et d’enregistrement étant établie, parle décret du 16 juillet, à l’hôtel de l’ancienne régie, la conservation fores-tière et les payeurs des rentes seront établis à l’hôtel de Mesmes, rue Sainte-Avoye ; en conséquence, la partie du décret du 16 juillet qui en a ordonné la vente, sera rapportée. « Art. 7. L’administration du commerce et les bureaux de comptabilité générale occuperont l’hôtel de Serilly, vieille rue du Temple. « Art. 8. Le département de Paris est autorisé à placer, dans l’ancien palais, le tribunal criminel du département et le plus de tribunaux qu’il sera possible d’y réunir. « Art. 9. Il sera incessamment présenté au Corps législatif des mesures, tant pour la démolition du Châtelet que pour l’établissement de prisons saines, où les détenus ne soient privés que de leur liberté. « Décrète, en outre, que les administrateurs des domaines et les commissaires-receveurs du droit d’enregistrement se mettront incessamment en possession de l’hôtel-de-ville, de la ci-devant intendance et du grenier à sel rue Saint-Germain-l’Auxerrois. Les maisons et édifices nationaux, dont il n'a pas été disposé par le présent décret, seront mis en vente et adjugés 'suivant les décrets de l’Assemblée nationale, à la seule exception de l’hôtel de Longueville, qui sera simplement loué. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Prieur. 11 me semble que, par le décret qui vient de vous être présenté, M. le rapporteur s’est beaucoup occupé des petites administrations et qu’il n’a pas du tout pensé à l’emplacement qu’il convenait de donner au Corps législatif. Celui que nous occupons est très peu favorable au développement des organes delà parole. (Rires.) Messieurs, je ne parle pas pour moi ; on sait assez que du côté de la voix, j’ai été fort bien partagé par la nature : c’est pour mes collègues que je réclame. Un membre : Au fait, M. Prieur. Messieurs, il est plus important que vous ne pensez que nous soyons bien entendus. C’est à la publicité de nos opérations, aux lumières que nous avons répandues parmi le peuple, lors de nos séances à Versailles, que nous avons dû le succès complet de la Révolution. (Ap-plaudissemen ts . ) Je désirerais donc que, dans le nombre des emplacements proposés par M. le rapporteur, on se fût occupé du Corps législatif, qui certainement en vaut bien la peine s’il était possible d’exécuter promptement le plan qui a été proposé d’élever le temple de la liberté sur les ruines de la Bastille... (Bah! bah!), et de placer provisoirement le Corps législatif au Palais où les comités et un grand nombre de bureaux pourraient aisément trouver place... 360 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 septembre 1791. M. Rewbell. G’est l’ouvrage de nos successeurs ; ils se logeront comme ils l’entendront. M. Prieur. Eh bien, je demande l’impression du projet de décret et l’ajournement à la prochaine législature. M. Prugnon, rapporteur , relit le premier article. M. Bouche. Il n’est pas question de cet arti-ticle-ci, nous ne devons nous occuper que de l’administration des traite?, de la conservation forestière et de la comptabilité. Je demande qu’on se borne à ces trois objets importants. M. Charles de Lameth. Les trois administrations que cite M. Bouche ne sont pas plus sacrées pour la nation que les autres. Toutes doivent également fixer l’attention de l’Assemblée. M. Prieur. On nous fait valoir, pour adopter ces décrets, la perception des impôts ; mais il y a 4 mois que les administrateurs des traites s’assemblent tous les jours. Cette administration a donc suivi constamment ses opérations : elle peut bieo faire de même en attendant la législature; et les impositions n’en iront Ëas moins comme elles ont été jusqu’à présent. en est de même de l’administration forestière. M. Pierre Oedelay ( ci-devant Dellay-d’Agier). L’administration des traites ne peut pas aller, car depuis un an elle n’a pas de local ; et il est impossible, à moins de vouloir détruire les impôts, de ne pas s’occuper du placement de ces trois administrations nationales. J’observe en outre que vos forêts se dévastent, vos contributions sont en arrière, et qu’on ne peut laisser dans cet état-là... (Murmures.) On me dit qu’on peut attendre 8 jours ; mais, Messieurs, comment est-il possible de croire qu’une Assemblée qui s’organise, qui n’aura aucun comité de formé, qui ne saura auquel renvoyer les objets, puisse s’en occuper dans un si court espace. Cela entraînera plusieurs mois. En résumé, le projet de décret qui vous est soumis a pour objet deux parties très distinctes, savoir : 1° les établissements qui concernent l’administration générale duroyaume tels que l’administration forestière et celle îles traites, les bureaux de la comptabilité générale ; 2° des établissements uniquement destinés à l’administration particulière du département de Paris. Je demande donc que l’Assemblée statue au-t'ourd’hui même sur les articles relatifs aux éta-ilissements d’administration générale et qu’on ajourne le reste du projet. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. Charles de Lameth. Je demande pourquoi vous décréteriez l’emplacement des administrations particulières, pendant que vous ne décréterez pas un logement pour le ministre. Je demande qu’on discute article par article, et on ajournera successivement ceux qu’on jugera à propos. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. Anson. Ajourner le reste du projet dont les dispositions n’ont d’autre but que de rapprocher du centre de la grande administration, du Corps législatif, toutes les branches principales qui lui sont subordonnées, c’est vouloir ajourner l’administration de la justice, la perception des impôts tant des départements que de la capitale. Plusieurs membres demandent la priorité pour la motion de M. Charles de Lameth, tendant à discuter le projet de décret article par article. (Cette priorité n’est pas accordée.) M. le Président met ensuite aux voix la motion de M. Pierre Dedelav, tendant à décréter les articles du projet relatifs au logement de l’administration des traites, de la conservation forestière et des bureaux delà comptabilité générale, et à ajourner le reste du projet. (Cette proposition est adoptée.) En conséquence, les articles 5, 6 et 7 du projet de décret sont mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète : Art. 1er (art. 5 du projet). « L’administration des traites sera établie à l’hôtel Grisnois, faisant partie de celui des Fermes. » (Adopté.) Art. 2 (art. 6 du projet). « La régie des domaines et de l’enregistrement étant établie par le décret du 10 juillet à l’hôtel de l’ancienne régie, la conservation forestière et les payeurs de rentes seront établis à l’hôtel de Mesmes, rue Sainte-Avoye; en conséquence, la portion du décret du 16 juillet qui en a ordonné la vente sera rapportée. » (Adopté.) Art. 3 (art. 7 du projet). « Les bureaux de la comptabilité générale occuperont l’hôtel de Sérilly, vieille rue du Temple. » (Adopté.) (L’Assemblée ordonne ensuite l’impression du rapport de M. Prugnon.) M. lieclerc, citoyen garde national et peintre en histoire , est admis à la barre , et fait hommage à l’Assemblée d’un tableau allégorique représentant le roi acceptant la Constitution. M. le Président adresse à ce citoyen les re-mercîments de l’Assemblée et lui accorde les honneurs de la séance. (L’Assemblée applaudit à l’hommage du sieur Leclerc et ordonne que mention honorable en sera faite au procès-verbal.) M. le Président. Voici, Messieurs, un a lettre des députés des ci-devant pays d’Avignon et du Comtat qui m’est remise à l’instant : « Monsieur lè Président, « Nous avons reçu d’Avignon et du Comtat des dépêches qui contiennent des détails de la plus haute importance; nous désirons en donner connaissance à l’Assemblée nationale. La tranquillité et le salut de notre patrie nous en font un devoir. « Nous sommes, etc... » Plusieurs membres demandent que ces députés soient entendus aujourd’hui même. M. Bouche. Comme les députés ne sont pas ici dans ce moment et que, d’ailleurs, ils ne sont pas prévenus, je demande qu’ils soient entendus demain à midi,