lAssemfalée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 mai 1790.] Art. 58. « Tous les comptes de la régie du maire et des administrateurs, après avoir été reçus par le conseil municipal, et vérifiés tous les six mois par Je conseil général, seront définitivement arrêtés par l’administration ou le directoire du département de Paris. Art. 59. » Les citoyens actifs ont le droit de se réunir paisiblement et sans armes en assemblées particulières, pour rédiger des adresses et pétitions , soit au corps municipal, soit à l’administration du département de Paris, soit au Corps législatif, soit au roi, sous la condition de donner aux officiers municipaux connaissance du temps et du lieu de ces assemblées, et de ne pouvoir députer que vingt cjtoyeus actifs pour apporter et présenter les adresses et 'pétitions. » (La séance est levée à dix heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. I/ABBÉ GOUTTES. Séance du vendredi 1 mai 1190, au matin. La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Palasne de Champeaux, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. M. de Montlosier présente des observations tendant à ce qu’il soit fait, dans le procès-verbal, mention de la démission donnée par M. de La Queuille, député d’Auvergne. M. Salle répond que l’Assemblée a rejeté hier cette demande et que le procès-verbal constatant qu’une motion a été faite par un député d’Auvergne sans indiquer le sujet de cette motion est parfaitement exact; en conséquence, la rédaction doit être maintenue. M. le Président met le procès-verbal aux voix. Il est adopté. M-de ha Réveillère de Lépeanx, secrétaire, donne lecture d’un serment fédératif des gardes nationales d’Hesdin, des patriotes du régiment de Royal-Champagne, cavalerie, et delà maréchaussée, qui jurent : i° Une entière et inviolable adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, dont ils s’engagent de forcer l’exécution au péril de leur vie; 2° De vouer une haine irréconciliable aux ennemis de la Constitution, et de prendre sous leur sauvegarde les personnes et les propriétés de leurs concitoyens ; 3° De regarder comme parjure et traître à la patrie, quiconque violerait ce serment. (Cette adresse reçoit de grands applaudissements.) M. de La Rochefoucauld propose d’écrire aux troupes confédérées, pour leur témoigner la satisfaction de 1’Assemblpe, et d’insérer leur adresse dans le procès-verbal. MM. de Clapiers et de Montlosier dénoncent cette adresse, et en demandent le renvoi au comité des recherches. 415 M. de Montlosier. Cette adresse contient des sentiments qui perpétueront l’anarchie, qui ont occasionné les atrocités commises en Bourgogne, et qui conduisent au massacre des grands propriétaires. Peut-on insérer une semblante adresse dans le procès-verbal? On mettra assez d’empressement à les envoyer dans les provinces, M. Salle. L’appréhension de M. de Montlosier peut être bien fondée; un fait certain prouve qu’on ne se borne pas à envoyer dans les provinces des pièces de cette nature. La municipalité de Cognac et celles des environs ont dénoncé au comité des rapports une lettre circulaire, écrite par des membres de l’Assemblée, pour engager à protester contre les décrets relatifs à la vente des biens ecclésiastiques. La proposition de M. de La Rochefoucauld est décrétée en ces termes ; « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera fait une mention honorable, sur le procès-verbal, de Pacte qui lui a été lu, etqui contient le serment fédératif prononcé le 27 avril 1790, par quelques officiers, les adjudants, les bas-officiers et soldats du régiment de Royal-Champagne, cavalerie, les officiers et soldats de la garde nationale d’Hesdin et de la maréchaussée de la rpôme "ville, tendant à soutenir la Constitution, à repousser ses ennemis, à maintenir la tranquillité publique, et à protéger les personnes et les propriétés des citoyens. « Décrète encore, que son président écrira aux trois corps qui ont formé cette union patriotique, que l’Assemblée nationale est satisfaite des sentiments civiques dont ils sont animés. » M. le duc de lia Rochefoucauld. Le comité des douze pour l’aliénation des biens ecclésiastiques, jusqu’à concurrence de 400 millions, est prêt à vous faire son rapport et prie l’Assemblée de fixer un jour pour la lecture. En attendant, il me charge de vous dire qu’il a reçu pour plus de 350 millions de soumissions. L’Assemblée décide que le rapport et le projet de décret du comité chargé de l’aliénation des biens ecclésiastiques seront imprimés et en-? voyés au domicile de chaque député. La discussion sera mise à l’ordre du jour de dimanche matin, 9 de ce mois. ( Voy.plus loin le rapportée M. de La Rochefoucauld , séance du 9 mai.) M. le Président donne ensuite lecture de la notice des décrets qu’il a présentés à la sanction royale, et dont la teneur suit : « Décret sur les principes, le mode et le rachat des droits seigneuriaux, déclarés rachetables par les articles I et II du titre III du décretdu 15 mars. « Décret par lequel l’Assemhlée approuve la conduite de la municipalité et des légions patriotiques de la ville de Toulouse, relativement aux assemblées provoquées par des écrits incendiaires en ladite ville. « Décret qui déclare que les officiers municipaux de Decize n’ont pu, sous prétexte d’une répétition de créance, arrêter la circulation des grains de la ville de Nevers, et que les convois destinés à l’approvisionnement de cette dernière ville doivent lui être restitués . » M. le Président. L’Assemblée passe à son ordre du jour qui est la suite de la discussion sur V ordre judiciaire. La délibération va porter successivement sur les trois questions suivantes posées hier par 416 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 mai 1790.] M. Briois de Beaumetz : 1° Le roi aura-t-il le pouvoir de refuser son consentement à l'installation d'un juge élu par le peuple ? 2° Les électeurs présenteront-ils plusieurs sujets pour qu'il choisisse entre les sujets proposés? Le juge choisi par le peuple recevra-t-il du roi des patentes scellées du sceau national ? M. Rœderer. La question peut être considérée sous deux points de vue, et ç’a été ainsi jusqu’à présent. On peut demander si le concours de la volonté du roi pour la nomination des juges donnera à la nation de meilleurs juges que l’institution nationale sans concours et sans partage : voilà le premier aspect de la question. On peut demander aussi si le concours du roi, pour la nomination des juges, est nécessaire à la constitution monarchique, et si le défaut de ce concours nous jetterait dans la démocratie? M. Barnave ne m’a laissé rien à dire sur le premier objet ; j’ajouterai seulement qu’à l’époque d’une révolution qui laissera beaucoup de haines et de projets de vengeances, le concours des ministres et de ce qui les entoure serait funeste dans l’élection des juges : nous n’aurions pas de juges populaires. Je passe au second objet; je l’examinerai succinctement. On s’est élevé hier avec véhémence contre l’opinant, qui a dit que le pouvoir judiciaire devait être séparé du pouvoir exécutif. On a cru voir dans cette opinion le but de détruire la monarchie ; on a cru avoir surpris le secret de quelques partisans cachés d’une démocratie outrée. On a dit qu’il eût été plus loyal, ou moins coupable, de ne pas tenir depuis longtemps ce secret enseveli. Eh bien! cette opinion secrète, cette vue cachée et malfaisante d’un parti dissimulé, était celle de Montesquieu ; elle était réalisée dans nos usages et dans notre droit public ; elle est dans la nature des choses. Montesquieu n’a jamais confondu le pouvoir judiciaire avec le pouvoir exécutif. Il y a , dit-il, trois pouvoirs dans tout gouvernement : le pouvoir législatif \ le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Tout est perdu , dit-il ailleurs, quand le princeexerce lui-même Injustice. Nous ne devions pas nous attendre que l’on trouverait étrange, dans un membre de cette Assemblée, une distinction qui a été établie par un écrivain politique qu’on oppose sans cesse aux opinions populaires. Mais ce qui est bien plus étrange, c’est qu’on ait regardé, dénoncé, comme une spoliation de l’autorité royale, l’indépendance absolue du pouvoir judiciaire. Cette indépendance a toujours été dans nos principes et dans nos usages. Jamais le roi n’a jugé ; jamais le conseil n’a jugé; l’inamovibilité des juges a été substituée pour que les juges ne dépendissent pas du roi et ne fussent pas soumis à son influence. 11 est si vrai que les tribunaux n’ont jamais dépendu du roi, que M. de Lamoignon ou ses secrétaires, dans leur édit de la cour plénière, ont déclaré que les parlements n’ayant jamais eu de juges, il était temps de leur en donner. M. l’abbé Maury n’aurait pas dû oublier cet édit. Ainsi donc, il est certain que dans nos usages le roi n’exerçait aucune influence sur les juges. La main de justice , a dit M. l’abbé Maury, a toujours été un des attributs de la royauté. Oui, et la balance de la justice a toujours été l’attribut des tribunaux. Rien n’explique mieux les vérités fondamentales que ces emblèmes ; car les tribunaux pèsent les droits du peuplent le roi emploie la force de son bras à l’exécution des jugements rendus par les tribunaux. Les rois ne peuvent juger; ils n’ont aucune des formes pour juger. Un arrêt du coüseil n’a jamais pu être qu’un jugement de cassation, et à charge de renvoi devant un tribunal régulier et compétent. Une décision privée du roi, dans les intérêts privés, n’a jamais pu être qu’une lettre de cachet, et une lettre de cachet n’a jamais été qu’un jugement. Louis XII alla plusieurs fois prendre séance au parlement ; mais ce fut pour y requérir, non pour y rendre la justice; pour y inspecter les juges, et non pour les juger. Sous Louis XVI, de perfides ministres ont jugé; ils ont jugé des magistrats, ils les ont frappés dans le sanctuaire même de la justice; mais alors la main de justice a été une main de fer, un instrument de vengeance particulière, dirigé par les plus vils subalternes. La nature du pouvoir judiciaire justifie l’opinion de Montesquieu et les anciens usages de la monarchie. Le pouvoir judiciaire, le pouvoir d’appliquer les lois est le plus voisin du pouvoir de les faire : il y touche de si près, qu’il ne peut jamais être aliéné par le peuple. Le peuple n’a des lois que pour vivre à leur abri, et les lois ne peuvent servir d’abri aux hommes qu’autant qu’elles auront elles-mêmes des gardiens sûrs et incorruptibles, nommés immédiatement par le peuple, sans concours et sans partage. D’un autre côté, quand ce pouvoir pourrait faire partie du pouvoir exécutif, je penserais encore qu’il doit être séparé des autres branches de ce pouvoir. Et, en effet, le grand principe auquel il faut s’attacher invariablement, c’est que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ne doivent jamais être confondus : or, pour garantir que cette confusion n’aura jamais lieu, il faut absolument séparer le pouvoir du jugement du pouvoir des armes. La réunion de ces pouvoirs donnerait le moyen de détruire et d’attirer sur la tête du prince le pouvoir législatif ; car on peut en imposer aux hommes, et par l’action et par l’appareil de la force, et encore par l’action et l’appareil de la justice. Quand on peut aider toutes les ambitions, toutes les inimitiés, toutes les affections, par la justice qui s’applique à tous les droits et à tous les intérêts des hommes, on n’a qu’un pas à faire pour les priver de toute espèce de liberté. Ainsi la nécessité de tenir le pouvoir législatif séparé du pouvoir exécutif obligerait à séparer le pouvoir judiciaire de ce pouvoir exécutif, quand même il n’en différait pas essentiellement. Ges principes posés, si l’on demande ce qui restera au roi dans les pouvoirs politiques nationaux, je répondrai : 1° que le roi aura non seulement l’exécution des jugements, mais encore le droit de surveiller les juges aux tribunaux, et de les citer devant la Cour suprême, s’ils s’écartent de leur devoir ; le droit d’y citer, par des officiers de son choix, composant le ministère public, tous les délits, tous les attentats contre les propriétés et contre la liberté ; 2° il aura la nomination aux emplois de notre armée fiscale, qui malheureusement sera longtemps encore très nombreuse ; il aura la nomination aux _ emplois de notre armée proprement dite; et ici j'observe que notre armée sera beaucoup plus sous la main du roi, et qu’ayant moins dénominations à faire, ces nominations auront une plus grande influence. Je répondrai, en quatrième lieu, que le roi est déjà chef suprême des corps administratifs ; que si une municipalité, un district entraient en insurrection, tout le département serait obligé, sur l’ordre du roi, de réprimer cette [insurrection ; que si un département entier s’élevait contre l’ordre public, le roi aurait la puissance néces-