294 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 mars 1790.] sons ce douloureux devoir, Sire : votre cœur a besoin de grandes consolations, et l’Assemblée nationale les doit à Votre Majesté. C’est en s’occupant sans relâche à terminer la constitution dont Votre Majesté a adopté les principes; c’est en travaillant à rétablir l’ordre dans les finances, qu’elle trouvera la certitude de ramener autour de Votre Majesté la conliance publique qu’ont égarée mille terreurs exagérées : ainsi l’Assemblée nationale offrira en tribut à Votre Majesté des consolations dignes de son cœur sensible; le crédit public rétabli, un Empire rajeuni, cet ordre nouveau sortant du milieu des ruines, et des peuples heureux sous le gouvernement du meilleur et du plus généreux des rois. » Le roi a répondu : « Assurez, Messieurs, l’Assemblée nationale de toute ma sensibilité de la part qu’elle prend à la perte que je viens défaire. Elle connaît bien mon cœur, en pensant que le moyen le plus sûr de consoler mes peines, est de travailler efficacement au bonheur de mes peuples .» (L’Assemblée nationale applaudit avec transport aux expressions paternelles et touchantes de Sa Majesté.) M. le Président ajoute que la députation a été introduite auprès de la reine: il fait lecture du discours qu’il a eu l’honneur de lui adresser. « Madame, « L’Assemblée nationale nous a chargés de vous témoigner la part qu’elle a prise à la juste douleur que Votre Majesté vient d’éprouver par la perte de Sa Majesté impériale, son auguste frère. « L’Assemblée ne croit cependant pas s’écarter, Madame, du respect qu’elle doit à votre affliction, en suppliant Votre Majesté défaire diversion à sa douleur pour se donner tout entière aux intérêts d’un grand peuple qui tourne avec confiance ses regards vers vous. Elle place son espoir dans cette force de caractère qui élève Votre Majesté si fort au-dessus de votre sexe; elle espère, Madame, de trouver votre consolation et les siennes dans ces mêmes sentiments de la nature qui font au-jourd’hui votre peine, et qui, se portant avec plus de tendresse sur l’enfant royal que vous élevez pour le bonheur des Français, nous ont fait annoncer par Votre Majesté qu’elle voulait pour eux et pour lui des destinées communes. « L’Assemblée nationale, en partageant les sollicitudes de Votre Majesté, ne doute pas, Madame, que vous ne partagiez aussi les siennes ; et qu’après ces grands mouvements qui ont élevé et comme suspendu le destin de la France, il ne reprenne bientôt son cours pour la gloire solide du trône et pour la prospérité de la nation. » La reine a répondu: « Je suis très sensible à la part que l’Assemblée prend à la perte que je viens défaire. Je suis persuadée de ses sentiments pour moi, et je vous prie de lui en témoigner ma reconnaissance .» (L’Assemblée nationale applaudit également aux sentiments exprimés dans le discours de la reine.) M. le Président annonce qu’il est retourné le soir chez le roi, et qu’il a eu l’honneur de rappeler à Sa Majesté qu’il avait été présenté à sa sanction le décret rendu par F Assemblée nationale le 28 février dernier, concernant l’organisation de l’armée, et que le roi lui a répondu qu’il prendrait en grande considération la demande qui lui était faite, et que dans peu l’Assemblée nationale recevrait à ce sujet une réponse précise. Un de MM. les secrétaires annonce que d’après le recensement du scrutin pour les quinze adjoints au comité des rapports , ceux des membres qui ont obtenu la pluralité des suffrages, sont : MM. De Bouville. Deschamps. Faydel. L’abbé. Bottez. Turpin. Bertrand de Montfort. Pelîerin de La Buxière. Pochet. Cortois de Balore, évêque de Nismes, D’Abbadie. L’abbé de Champeaux. Poulain de Corbion. Populus. De Fontanges, archevêque de Toulouse. Bourdon. L’Assemblée passe à l’ordre du jour. Il concerne la discussion du second projet pour le remplacement de la gabelle, proposé par le comité des finances sur le droit de marque des cuirs. DEUXIÈME PROJET, SUR LE DROIT DE MARQUE DES CUIRS. MI. Dupont (de Nemours ) rapporteur, donne lecture des deux articles de ce second projet (Voy. plus haut le texte des articles, séance du 11 mars 1790.) Un membre propose d’introduire dans l’article second une disposition pour déterminer que la contribution de six millions sera répartie provisoirement et seulement pour la présente année. Cet amendement est adopté. Un membre demande que la contribution représentative du droit de marque des cuirs frappe seulement sur les fabricants. Il allègue que ceux-ci ne s’y opposent pas, et que d’ailleurs l’imposition directe sera trop onéreuse aux propriétaires. M. Mouglns de Roquefort, député de la ville de Grasse, en Provence, s’élève contre cette prétention. Il soutient que les fabricants de la ville qu’il représente, l’ont chargé de demander l’anéantissement d’un droit qui dessèche une branche d’industrie intéressante et utile; mais qu’ils n’ont jamais pensé que cet acte de justice fût rendu illusoire, en leur faisant supporter personnellement la contribution représentative du droit. Il ajoute que cette idée contrarie tous les principes : 1° elle tend à faire revivre d’une manière masquée le droit, puisque la contribution représentative ne porterait que sur les fabricants, et mettrait de nouvelles entraves à leur industrie; 2° toute imposition doit être générale, et elle ne le serait plus; 3° le droit sur la marque des cuirs frappait et sur les fabricants et sur les propriétaires, sur le peuple en général; puisque celui-ci achetait plus chèrement les objets qui dépendent de cette fabrication. En conséquence, il demande le rejet de l’amendement. L’amendement mis aux voix est rejeté.