[Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1791.J parles députés ch département du Nord, que la nomination de 1 évêque, fixée au 20 de ce mois, est la véritable cause des troubles survenus à Douai et de ceux que l’on prépare dans les départements voisins, où ils ont déjà commencé d’éclater. Je n’ai pas besoin d’insister sur les torts de la municipalité; et je crois qu’il est impossible de ne pas reconnaître dans sa conduite la résolution de favoriser les troubles et de seconder les moyens des hommes pervers qui les excitent, D’après les renseignements donnés à vos comités pur les dépotés du département du Nord, nous avons cru, Messieurs, devoir insister sur la nécéss té pressante d'oppos'r a nommé parle directoire dn département du Nor l, à l’rnsta t de la réception du présent décir t, Imit commis-aires pour remplacer provisoirem nt ladite mumeinalité; et ces commissaires entreront en fonctions sur-le-champ, après avoir prêté serment entre les mains des admmist'ateurs composant le district de Douai. « Art. 3. Les procédures commencées au tribu-213 nal dn district de Douai, contre les auteurs, fauteurs et instigateurs des émeutes, voies de fait, délits et assassinats commis dans ladite ville les 15, 16 et 17 de ce mois,serontcontinuées sansrelâche; et le ministre de la justice sera tenu de rendre compte à l'Assemblée nationale, de huitaine en huitaine, de l’état et des suites desdites procédures. « Art. 4. Le directoire du département du Nord pourvoira, par les mesures les plus promptes, à ce que les électeurs de ce département, qui étaient convoqués pour le 20 de ce mois, se réunissent inces-amment en tel lieu qu’il estimera convenable, sans qu’il soit besoin de plus de huit jours d’intervalle entre la nouvelle convocation et la tenue de l’assemblée desdits électeurs. « Art. 5. L’Assemblée nationale se réserve de statuer ultérieurement, d’après les motifs que le directoire du département du Nord doit lui adresser, de sa translation provisoire en la ville de Lille. « Art. 6. Les comités de Constitution, de jurisprudence criminelle et ecclésiastique présenteront sous trois jours leurs vues sur les peines à infliger aux ecclésiastiques fonctionnaires publics qui, par leurs discours ou leurs écrits, excitent le peuple à la révolte contre la loi. « Art. 7. Le roi sera prié dans le jour de donner sa sanction au présent décret, et de le faire parvenir directement et sans retard, tant au directoire et au tribunal du district de Douai, qu’au directoire du département du Nord. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Gaultier-Biauzat. Je demande que la municipalité soit déclarée dès ce moment en état d’arrestation. M. Robespierre. Les lieux où se sont élevés les troubles de Douai sont voisins de celui qui m’a déuuté à cette Assemblée. A l’intérêt général qui m’attache à tout ce qui peut contribuer à la liberté publique se joint celui qui me lie à mou pays. Ce double sentiment m’engage à examiner avec scrupule les faits qui sont la base du rapport que vous venez d’entendre; et je dois avouer que je suis forcé de regretter que l’Assemblée soit exposée à prendre une délibération subite sur une affaire aussi grave, d’après un rapport fait avec autant de précipitation. (Murmures.) Voici sur quoi porte mon observation. M. le rapporteur a lu un projet de décret dans lequel il propose de mander la municipalité de Douai à la barre. A ces mots, il s’est élevé de violents murmures d’improbation. Que signitiaient-ils? Sinon qu’au lieu de mander à la barre la municipalité de Douai, il fallait la condamuer, la punir sur-le-champ. (Murmures.) Plusieurs membres : Non ! non ! Un membre : Pour les faire arrêter, on ne les condamne pas. M. Robespierre. Eh bien, conformément au premier ar iae du comité, je suis d’avis, moi, que la municipalité soit mandée à la barre, parce que je crois que sur des affaires qui intéressent aussi essentiellement la liberté et la tranquillité publique, sur des faits qui se sont passés loin de lA-semblée nationale, il faut, avant de juger, commencer par entendre toutes les parties. (Murmures.) 214 [A sse mJjlée naliorale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1 791 .J Un membre : Il De s’agit pas déjuger la municipalité, ni de l’envoyer en prison sans i’entendre. Ce projet absurde n’existe que dans la tête de l’opinant. M. Robespierre. J’ai cependant, à la lecture du projet de décret, entendu dire et crier unanimement qu’il fallait l’envoyer à Orléans. (Murmures.) Assurément, si pour être entendu dans cette Assemblée, il fallait faire une profession de foi. (Murmures)... Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix l M. Robespierre. Je consens qu’on aille aux voix; je n’ai point de raison à opposer à une force aussi tumultueuse que celle qui m’interrompt. (Murmures.) Un membre : Il nous insulte à plaisir. M. Robespierre. J’avoue que je ne connais pas cette manière de voir ; je ne la connais pas. (Murmures.) Je déclare que, d’après la connaissance personnelle que j'ai des faits qui se sent passés dans la ville de Douai, je suis, moins que tout autre peut-être, porté à prendre le perti de la municipalité ou à l’excuser, mais que m’importe la municipalité de Douai? Que m’importe sa conduite? Il s’agit ici d’une mesure faite pour assurer la tranquillité et la liberté publiques ; je discute les principes généraux qui doivent déterminer une Assemblée sage et impartiale, et on ne veut pas que je dise mon opinion ; on ne veut pas... M. Couppé. On ne veut pas que vous insultiez l’Assemblée nationale; voilà le fait. M. Robespierre. Je pense que, dans une affaire aussi importante, l’Assemblée nationale doit s'imposer la loi d’examiner, je ne dis pas avec scrupule, mais avec cette attention réfléchie que doit s’imposer tout juge qui prononce sur Une affaire quelconque. (Murmures.) Ce n’est pas l’ajournement que je propose; c’est au contraire le premier article du projet de décret que je soutiens, car je prétends que vous ne pouvez pas prononcer sur cette affaire sans avoir entendu le corps revêtu des suffrages de st s concitoyens, la municipalité de Douai. (Murmures prolongés.) Un membre : Il perd la tête. M. Robespierre. Je crois en avoir dit assez sur le premier article. Plusieurs membres : Trop! M. Robespierre. Je passe en conséquence à un autre article relatif à d’autres objets non moins importants. J’ai entendu proposer de prononcer des peines contre des hommes d’un certain état... Un membre à droite : Il n’y en a plus. M. Robespierre... contre les ecclésiastiques qui, par des écrits et des discours, excitent le peuple à la révolte. Je trouve une très grande inexactitude de rédaction dans cet article, et je ne relève cette inexactitude que parce qu’elle est absolument contraire aux principes du bien public et de la liberté. D’abord, il ne faut pas sévir sous ces termes vagues contre ceux qui, par leurs discours et leurs écrits, excitent le peuple à la révolte. On ne peut exeicer de rigueur contre personne pour des discours ;on rie peut infliger aucune peine pour des écrits. (Murmures.) Les discours et les écrits excitant à la révolte! Il n’y a rien de si vague que ces mots-là ,... Un membre : Ce sont les vôtres qui sont vagues. M. Robespierre... et je vais le prouver par un raisonne i ent très simple à l’homme qui est le plus zélé partisan de cet article. Je dis qu’il est impossible que l’Assemblée nationale décrè'e qu’un discours tenu par un citoyen, quel uu’il soit, [misse être l'objet d’une procédure criminelle. (Murmures.) Cep ndant cet article porte que les ecclésiastiques, qui auront tenu des dise urs jugés capables dYxciter le peuple à la révolte, seiont poursuivis en vertu d’un décret de l'Assemblée nationale. Il n’y a pas ici de distinction à faire entre un ecclésiastique etunauire citoyen; un ecclésiastique est un citoyen et il est absurde de vouloir porter contre les ecclésiastiques une loi qu’on n’a pas encore o-e poner contre tous les citoyens. Quelque importantes que soiei tles affaires, elb s ne peuvent jamais servir de prétexte pour por er une loi générale ni particulière contre les discours ni contre les écrits, et aucun citoyen ne peut être soumis à aucune peine ni à aucune inquisition pour ses discours ni pour ses écrits. (Murmures.) Des considérations particulières ne doivent jamais l’emporter sur les piiniipes de la justice et de la liberté. Je ne suis pas obstiné dans mon opinion; il me semble qu’elle ne me concilie pas beaucoup de faveur. Plusieurs membres : Non ! non ! M. Robespierre. Cela m’est égal; mais je la soutiens: je ne la dis passeulementconforme à la raison, mais à 1 opinion même des membres les plus zélés pour la liberté et qui l’appuieraient eiix-mème-dans ce moment, s’il n'émi pas question d’affaire-ecclésiastiques. (Rires ironiques et applaudissements à droite.) Un membre à gauche : Allez du côté droit! M. Routteville-Dumetz. Je vous prie, Monsieur le Président, de consulter l’Acsemblée pour savoir si la manière dont le préopinant s’exprime est co; forme au respect dû à cette Assemblée. Je crois que ce qui a été fait jusqu’à présent est une marque de resnect que toute l’Assemblée a don»' e pour la liberté qu’elle defe d; mais certes ce n’est pas un des droits de la lib rté que de venir insulter le Corps législatif. (Applaudissements.) D’abord je soutiens qu’il semble que l’opinant ait formé le dessein d’in-ultcr à plaisir l'Assemblée nationale ..... (Interruptions.) M. de Mnrinais. Je demande, au nom sacré de la liberté des opinions, que M. Robespierre soit entendu. M. Robespierre. Je crois qu’il ne dépend pas de M. Bouiteville-Dumetz... [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1791.) Plusieurs membres : Au fait! au fait! M. Robespierre.. . En conséquence, je conclus à ce que le premier article soit confirmé et que l’article tendant à soumettre aux procédures criminelles des discours et des écrits faits par des ecclésiastiques soit écarté par la question préalable. Je demande à cet égard, comme je l’ai déjà proposé plusieurs fois, et comme l’Assemblée l’a toujours adopté, que les lois qui tiennent à la liberté des discours, des opinions, des écrits.... Un membre : Et des faits, n’est-ce pas ? M. Robespierre... ne puissent être portées que d’après une discussion sur les principes de la liberté, parce qu’il ne faut point anéantir les principes de la liberté, sous le prétexte d’un fait particulier. ( Applaudissements à gauche.) Je demande en second lieu qu’il ne soit porté aucun décret, aucuns changements sur le fond de l’affaire, d’après la conclusion même du rapporteur, avant que la municipalité de Douai n’ait été entendue. Plusieurs membres : Ah ! ah ! M. de Cazalès. Ce n’est pas pour réprouver les mesures qui vous ont été proposées par votre comité que j’ai demandé la parole. Je fais profession de croire que des magistrats sous l’administration desquels de tels attentats ont été commis, sont toujours coupables. Je pense même que l’Assemblée nationale ne peut déployer trop de sévérité pour réprimer de tels désordres; car quel que soit Je gouvernement que vous destiniez à la France (Murmures à gauche.)... Plusieurs membres : A l’ordre ! M. de Cazalès... si la sûreté publique n’est pas entière et si le peuple peut se faire justice par ses mains, vous n’aurez jamais de liberté. Ainsi, si j’avais un reproche quelconque à faire au projet de votre comité, ce serait de trouver ses mesures beaucoup trop douces. Quant aux observations que le préopinant a faites dans cette tribune, quelque bonnes qu’elles puissent êire en elles-mêmes, du moins ont-elles le désavantage de l’inopportunité. Ces observations seront faites, et peut-être serai-je un de leurs plus ardents défenseurs, quand la loi que vous demandez sur la liberté des écrits voussera apportée. Il me semble que ce sera la place de rappeler à l’Assemblée nationale les vrais principes de la liberté. Mais, Messieurs, si c’est un devoir sacré pour des législateurs que de venger les crimes publics il en est un autre non moins impérieux, non moins sa1 ré et plus doux à remplir; ce devoir est de chercher les moyens de les prévenir. Je crains qu’une partie des emeutes, qu’une partie des assassinats populaires qui ont affligé le royaume et dont tous les bons citoyens, quelles que soient leurs opinions civiles ou religieuses, ont certainement gémi, n’ait sa source que dans l’insuffisance de la loi que vous avez faite sur les émeutes populaires, de cette loi qui défend aux truupes de ne déployer la force armée que d’après la réquisition,,.. Plusieurs membres à gauche : Ah 1 ah ! ah 1 215 M. de Cazalès... de cette loi qui n’a pas mis le flagrant délit au rang des réquisitions. Il ne faut pas que dans un Etat bien ordonné la vie des citoyens dépende de la faiblesse ou de la complicité d’une municipalité. Je crois donc qu’il est absolument nécessaire que le flagrant délit soit regardé comme une réquisition. Si cet article a l’inconvénient de ne pas prévenir un premier malheur, au moins assure-t-il qu’un second ne le suivra pas. Je crois d’ailleurs que cette disposition delà loi serait propre, dans ce moment-ci, à effrayer tous ceux, quels qu’ils soient et quelle que soit leur intention, car je fais profession de croire qu’il ne faut pas aller à ce qu’on croit bon par de mauvais moyens, que cette disposition, dis-je, serait propre à effrayer ceux qui peuvent soulever les peuples. Je demande donc formellement que vous chargiez votre comité de Constitution de revoir cette loi, et de vous proposer les articles additionnels qui peuvent ajouter de la force à la sévérité que vous devez à la sûreté publique, et que surtout il soit formellement articulé que tout flagrant délit commis à la vue d’une troupe armée l’autorisera à déployer la force. ( Murmures prolongés; applaudissements. ) Messieurs, je suis infiniment surpris de la défaveur qu’éprouve ma proposition. Je suis étonné de l’interruption qu’elle essuie. Une triste expérience, que je n’avais pas voulu remettre sous les yeux de l’Assemblée nationale pour ne pas l’affliger, doit lui avoir trop appris quelle faute elle a commise quand elle n’a pas mis le flagrant délit au rang des réquisitions. Si le flagrant délit avait été mis au rang des réquisitions, les attentats commis à Aix et ailleurs n’auraient pas eu lieu. La force armée était là, ces crimes ont été commis et ont été continués; et la force armée a été enchaînée par votre loi. Les attentats commis à Douai n’auraient pas été consommés, nous n’aurions à gémir que sur un malheur, nous sommes obligés de gémir sur trois, que dis-je, nous sommes peut-être forcés de nous reprocher ces malheurs par l’insuffisance de notre loi. Je persiste donc, Messieurs, à demander, et j’en fais la motion expresse, que l’Assemblée nationale charge son comité de Constitution de revoir cette loi et d’y ajouter tout ce qui sera nécessaire à la sûreté publique, et notamment l’article que je dis, d’autoriser la force armée à déployer ses moyens quand un crime quelconque aura été commis à sa vue. (Murmures et applaudissements.) M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angêly.) Sans m’opposer à ce que la loi que vous avez décrétée arrive, par les soins de votre comité de Constitution, à un plus haut degré de perfection, je ne pense pas, avec le préopinant, que ce soit à son inefficacité, à son insuffisance que doivent être attribués tous les malheurs dont nous avons à gémir. Je ne crois pas qu’on pui-se les attribuer à d’autres causes qu’à la coupable et criminelle négligence des officiers publics préposés à l’exécution des lois; et si, dans la ville que le préopinant vient de vous citer, les magistrats du peuple, connaissant toute l’importance des fonctions qui leur étaient confiées, les magistrats du peuple, prêts à se sacrifier, comme ils le devaient à la tranquillité publique et à l’exécution de vos décrets, avaient requis la force publique, et qu’elle se fût déployée sur cette réquisition importante, vous n’auriez pas à gémir sur les crimes qui vous affligent dans cet instant. 216 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Déjà la municipalité de Douai avait appelé sur elle votre sévérité ; et vous ne devez pas perdre de vue qu’au mois de décembre dernier, on provoqua contre elle un décret de suspension que votre indulgence lui fit éviter. Ce n’est donc pas un premier délit, c’est plutôt une récidive que vous avez à punir; et quand cette récidive a causé la vie à des citoyens, quand des meurtres en ont été la suite, je crois que c’est le cas, de la part du Corps législatif, de déployer toute la sévérité de la loi et d’appeler sa vengeance sur la tête de ceux qui n’ont pas rempli les devoirs qui leur étaient imposés... Un membre à gauche : Il ne s’agit pas de vengeance. M. Régnant! (de Saint-Jean-d1 Angêly .) Quand la loi ne venge pas les délits publics comme les délits privés, il n’y a plus de sécurité, il n’y a plus de liberté. C’est cette vengeance-là que j’invoque ; c’est celle-là que vous devez à vos concitoyens. (Applaudissements.) Je crois, Messieurs, qu’il y aurait insuffisance, et peut-être danger dans la circonstance, à se borner à mander à la barre les officiers municipaux de Douai. Croyez-vous, Messieurs, que ces officiers publics, en apprenant la peine qui attend leur délit, n’éviteraient pas la punition en se sauvant et en faisant comme tous ceux qui jusqu’à présent n’ont pas été punis assez sévèrement? Si vos dernières lois rendues sur l’autorité des corps administratifs avaient été promulguées, le département aurait pu, je le crois, avant de vous en rendre compte, les dénoncer, et le tribunal de district aurait pu les faire arrêter. Je crois surtout que le premier délit de cette municipalité, qui a déjà suffisamment caractérisé ses principes, vous en fait une loi plus impérieuse dans la circonstance actuelle. Je pense donc que vuus devez ordonner que votre président se retirera à l’instant même par devers le roi, pour le prier de faire donner des ordres au département du Nord pour que les officiers municipaux de Douai soient mis en état d’arrestation, transférés, sous bonne et sûre garde, dans les prisons d’Orléans pour, lorsque l’information y aura été portée, leur procès leur être fait. (Applaudissements.) M. ’Voldel. Vos comités réunis ont parfaitement bien senti l’impression douloureuse et le mouvement d’indignation que ces événements exciteraient dans l’Assemblée nationale. M. Robespierre. Il ne faut point d’indignation pour juger. (Murmures.) M. Voidel. Mais ils ont dû se raidir contre ce premier mouvement; et ce n’est pas sans de très fortes raisons qu’ils vous ont proposé de vous borner, quant à présent, à mander à la barre les officiers municipaux de la ville de Douai, pour y rendre compte de leur conduite. Vos comités n’ont dû vous proposer que des mesures compatibles avec la justice, et qui pussent caractériser votre s gesse. Or, quel que soit le délit, quelle que soit la conduite criminelle dont est preveDu la municipalité de Douai, il est un principe d’équité général et universel, c’est qu’il ne faut condamner personne sans l’entendre. M. Regnand (de Saint-Jean-d’Angély .) Il faut (19 mars 1701.] aussi mander à la barre ceux qui ont fait les fonctions de bourreau. Un membre : Il est bien étonnant que ce soit M. Yoidel, président du comité des recherches, qui vous fasse cette observation; il est plus étonnant encore qu’il croie qu’arrêter un pré-vénu, c’est le juger. M. Voidel. Vos comités, Messieurs, après l’examen des pièces, étaient assurément très disposés à juger défavorablement la municipalité de Douai; car non seulement ils ont jugé cette municipalité coupable de négligence, mais ils l’ont jugée coupable de complicité avec les auteurs de l’insurrection arrivée à Douai; et certainement ce n’est pas là porter un jugement défavorable. Noos avons l’honneur de vous faire observer, Messieurs, qu’il s’agit d’attaquer ou de juger un corps, une municipalité qui représente le peuple. M. Duquesnoy. Ce n’est pas vrai. M. Voldel. Au moins elle représente ses concitoyens; nous avons cru qu’il fallait êire très circonspects à cet égard dans les mesures qu’on vous proposerait, et que, sur beaucoup de municipalités qui paraissent coupables, vous n’aviez jamais pris des mesures aussi sévères que l’arrestation. Voix diverses; Nous en prendrons. — Il faut commencer. M. Voidel. Vos comités ont cru, Messieurs, que la mesure qu’ils vous proposaient était suffisante pour préserver la ville de Douai de la dangereuse influence de la municipalité. Nous avons cru devoir nous rendre compte des motifs qui ont déterminé le projet de décret de votre comité; mais si vous croyez dans votre sagesse que cette mesure ne soit pas assez sévère, alors nous ne nous opposerons pas à ce que... (Rires prolongés.) M. Alexandre de liameth. Je ne partage pas l’opinion du préopinant sur la conduite que l’Assemblée nationale doit tenir relativement aux officiers municipaux de la ville de Douai. Depuis longtemps ces magistrats avaient été présentés à l’Assemblée comme professant des sentiments contraires à la Révolution; mais quelque défavorable que pût être l’opinion qu’ils avaient inspirée, vous n’avez pu entendre sans indignation le rapport qui vient de vous être fait de la conduite qu’ils ont tenue dans la malheureuse affaire de Douai. En effet, il se commet les délits les plus condamnables, les scènes les plus affligeantes; des assassinats s’exécutent dans cette ville, et les officiers municipaux ne paraissent pas à la maison commune; en vain l’on s’y présente à plusieurs reprises pour les inviter à rétablir l’ordre, ils sont absents. N’est-ce donc que pour en recueillir les avantages et les honneurs que l’on accepte les emplois publics? Et se croit-on permis d’en oublier les devoirs? Ne sait-on pas que lorsqu’on réunit les suffrages de ses concitoyens, losqu’on obtient leur confiance, on contracte en même temps de grandes obligations, et qu’il faut les remplir daus tous les instants, dans les circonstances les plus orageuses, quelque danger que l’on puisse courir, fût-ce même aux dépens de sa vie? [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1791. J Si les officiers municipaux de Douai eussent été pénétrés de ces vérités, ils eussent épargne des malheurs à le rs concitoyens; mais leur négligence, au milieu de ces événements, est d’autant plus condamnabl , qu’il est facile de voir quelle est une suite de leur opposition aux principes de la Constitution. Il est aisé de remarquer, et je vous prie de faire attention à cette observation, que les municipalités les plus promptes à enfreindre, à méconnaî r ■ le' droits du peuple, sont toujours les plus lentes à réprimer la licence, comme si elles vo laient faire accuser la liberté de l’inobservation des lois; vous devez au maintien de ces lois de sévir contre ceux qui les trahissent; vous devez, > on pas juger les officiers municipaux de Douai sans les entendre, votre jus ice repousserait une semblable proposition, mais décréter qu’on s’assurera de leur personne, et ordonner les plus pro'i pt» s informations. Il faut que cet exemple en impose aux ennemis publics; il faut punir sévèrement ceux qui, s’étant chargés de pourvoi à la tranquillité des citoyens, fui ni dans des moments d’orage. Les places d'officier-mm icipaux, d'administrateurs, ne sont point des faveurs; elles sont des fonctions publiques; et il fa it les remplir dans les moments diflici les . ( Applaudissements .) Je pense donc que l’on doit ordonner l’arrestation des officier-municipaux de Douai; cet acte de précaution ne préjuge rien, mais seulement assure que. s'ils soin coupables, ils seiont puni-:. Un autre article du décret qui vous est proposé me paraît pouvoir donuer lieu à une observa ion important; il porte que, vu les événements qui se sont passés à Dnuai, l<*s électeurs se rassemb e-ronl dan-tout autre lieu si cela est nécessaire. Ne trouverez-vous pas qu’il serait peu convenable, qu’il serait p u dé eut que les dé'égués du peuple fusseni éloignés, par des troubles excités par les enm mi-de la chose publique, du lieu que la loi leur a a-si. .ne pour s’assembler ? du moins cela me paraît ainsi. Il ne faut pas qu’on promène une a-semblée électorale. Elle a été convoquée à Douai; c’mt à Douai qu’elle doit faire ses él étions. ( Applaudissements .) Tous les oiembr-s de cette Assemblée sentent l’inconvénient qu’il y aurait à suivre la mesure qui vous est indiquée a cet égard par votre comité. Il ne faut pas qu’il soit à la disposition de quelques ho ornes, qui veulent remuer le peuple et troubler la tranquillité, d’arrêter l’effet des lois et d’empêcher les représentants du peuple, ceux qui viennent < lire pour lui, de se rassembler dans le lieu qui leur a été assigné. Qu’est-ce que l’on doit faire? Je croi-que l’on doit prendre des précautions pour qu’une f mee publique suffisante assure sa tranquillité et sa liberté; mais qu’el e ne doit pas être éloignée du lieu qui lui a été assigné par vos décrets. (Applaudissements.) Peut-être penserez-vous qu’u e mesure qui vous a réussi dans toutes les occasions, et qui est adoptée par le rapporteur et les députés de Douai, auxquels je viens de la communiquer, qu’un envoi de commissaires pourrait remplir ce but. Ce n’est pas seulement pour remplacer dans leurs fonctions les corps administratifs qui avaient cessé de mériter la confiance, que vou< avez cru devoir adopter ce moyen; c’est aussi pour donner de la force et du secours à ceux qui s’étaient bien conduits, mais qui se trouvaient dans des situations difficiles, qu’il vou� a paru avantageux. Ces commissaires, si vous jugiez à propos qu’il en fût envoyé, se concilieraient avec les administrateurs “217 du département du Nord, et assureraient le succès de leur zèle. Vousdonnerezàcettepropositionl’attention que vous voudrez; vous la rejetterez si vous la trouvez nuisible; mais il est indispensable, et dans le moment où l’ordre public a été interrompu, que vous preniez des moyens extraordinaires pour assurer l’exécution des lois. J’appuie donc, eu me résumant, l’opinion qui tend à s’assu> er des personnes des officiers municipaux de Douai; ensuite je demande qu’on ne change pas le fieu du rassemblement de l’assemblée électorale, parce que ce se* ait u-e chose peu décente, peu convenable; en troisième lieu, je de aude que l’on trouve un moyen d’assurer, par la force publique, le respect qui est dû aux lois. ( Applaudissements .) M. de Cazalès. Je n’en insiste pas moins sur ma motion, à laquelle le préuplaant n’a pas répondu. (Murmures à gauche.) M. Alexandre de Lameth. Si je n’ai pas réi ondu à la proposition de M. ne Cazalès, c’est que l’Assemblée ne s’est pas méprise sur cette proposition; c’est que ce nVst pas la première lois que, sous prétexte fie prononcer sur des délits particuliers, on ait proposé d’invoquer la force militaire sans réquisition. Gomme ce serait établir une dictature militaire, comme ce œrait la destruction des lois, la destruction de la Gonstitulion, j’ai cru qu’il était peu digne de l’ Assemblée de combattre une pareille proposition. ( Applaudissements réitérés à gauche.) M. de Cazalès. Ce sont là des ph’ ases; et des phrases brillantes ne sont pas des raisons. Je voudrais que M. de Lameih prouvât en quoi ma proposition est une dirt dure; et j’assure que si cette proposition avait été admi-e, si la loi martiale avait été plus vite proclamée... Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! V. de Cazalès... non seulement plusieurs crimes n’auraient pas eu les suites qu’ils ont eues; mus ils n’auraient pac été commis. Quant à moi, je déclare et je suis persuadé que ceœniim nt est dans le cœur de tous les membres de celte. As.-embfée. ( Murmures à gauche)... J’ins ste donc pour que ma proposition soit mise aux voix. M. Ce Chapelier. Si j’ai demandé la parole, c’est pour rappeler les principes dont les préo-pinants se sont trop écartés. Vous avez, dans l’organisation de la haute cour nationale, décrété que les prévenus de forfaiture ou d* crime de lèse-nation ne seraient pas entendus à la barre, paice qu’il pourrait y avoir des inconvénients dans ces plaidoyers irréguliers. Vous ne jugez pas sans entendre, vous ne jugez même pas; mais, sur la connaissance des pièces authentiques, vous prononcez un décret d’accu-a-tion : telle est la forme que vous avez décrétée et que vous devez suivre dans cette affaire. Or, quel serait le résultat de l’audition à la barre de la municipalité de Douai? Vraisembla-blemenlun décretportant qu’il yalieu à accusation et qu’elle doit être renvoyée devant les tribunaux. Si vous faisiez précéder ce décret d’une au ti lion à la barre, on amènerait à croire que les appels devant vous sont une simple formalité qui ne pourrait être suivie que d’une exhortation ou [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1791.J 218 d’une réprimande fort insuffisante pour nn délit aussi grave que celui dont la municipalité est prévenue par les procès-verbaux du directoire. Il faut que vous suiviez vos principe-; or, pour ce, il faut que vous décrétiez qu’il y a lieu à accusation contre les officiers municipaux de Douai ; il faut stipuler dans le décret que le roi sera prié de donner des ordres aujourd’hui même pour que les officiers municipaux soient arrêtés et conduits à Orléans. Je n’ai que peu d’observations à faire sur les diverses propositions qui vous ont été soumises. La première, tendant à envoyer les commissaires àDouai,jelacrois inutile. Les corps administratifs, autres que la municipalité, ont montré une intelligence, un zèle, une vigueur qui doivent vous déterminer a rejeter cette mesure; la suule chose à faire, suivant moi, c’est de donner au departement du Nord le pouvoir de requérir la force militaire, s’il en a besoin. ( Applaudissements .) Quant à la seconde proposition, dont l’objet est défaire tenir à Douai rassemblée électorale, il me semble qu’il faut sur cette aff fire laisser au corps administratif, plus à portée que nous de juger l’état des choses, d’agir librement. D’ailleurs je crois qu’il est important que la liberté des élections soit assurée sans recourir à la force armée, et j’opinerais à ce que, si le corps administratif jugeait que cette liberté pouvait encourir quelque danger et les électeurs être inquiétés, l'on passât sur cette légère inconvenance du moment et à ce qu’on laissât transporter l’assemblée électorale dans une autre ville, parce que celle de Douai ne serait pas digne, dans ce moment-ci, de les recevoir. Ainsi, je demande à cet égard que le corps administratif soit libre d’appeler les électeurs dans la ville de Douai ou dans toute autre ville du département. Je dirai encore un mot sur l’article du projet qui porte qu’il sera fait une loi pénale contre les ecclésiastiques qui, par leurs écrits ou par leurs discours, exciteront à la révolte. Personne n’est plus persuadé que moi que les écrits et les discours qui portent le peuple à la sédition sont de véritables délits; mais je vous supplie de considérer aussi que les expressions générales mènent tout de suite aux plus grands abus; qu avec les expressions générales dans lesquelles est conçu l’article, on peut conduire les citoyens à la perte de leur liberté, sous pn texte qu’ils ont tenu un discours qui a plus ou moins animé quelques personnes du peuple. C’est en embrassant la totalité des délits qu’il faut faire un Code pénal, parce que c’est la seule manière de le bien faire. Je demande donc que l’article soit ajourné jusqu’au moment où Votre comité de Constitution vous présentera le Code pénal, ce qui ne sera pas long. ( Applaudissements répétés.) M. Lanjuinais. Je demande que la discussion soit fermée et qu’on aille aux voix article par article. M. de Moailles. Je demande que la discussion ne soit pas fermée, parce qu’il y a à la porte de cette Assemblée un courrier qui arrive de Douai. M. le Président. A-t-on vérifié le fait? Un membre: Ce fait est annoncé par M. Baudouin; il est dans l’Assemblée, on peut l’interroger. Plusieurs membres : Qu’il parle! — Parlez, monsieur Baudouin! M. Baudouin. Le garçon de bureau vient de me dire qu’il avait parlé à un courrier arrivant de Douai; aussitôt un des huissiers de cette Assemblée est allé au-devant de lui. Un membre annonce que c’est le courrier de la malle. Un grand nombre de membres demandent que la discussion soit fermée. (L’Assemblée ferme la discussion.) La priorité est demandée ; par les uns, pour le p'Ojet du comité; par d’autres, pour l’amendement de M. Le Chapelier. (L’Assemblée, consultée, accorde la priorité à l’amendement de M. Le Chamelier.) M. Alquier, rapporteur , donne lecture de la nouvelle rédaction de l’article 1er avec l’amendement de M. Le Chai elier : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par ses comités des rapports, militaire et des recherches, des événements arrivés dans la ville ne Douai, les 15, 16 et 17 de ce mois, d’après l’examen des procès-verbaux des directoires du département du N rnd et du district de Douai ; considé ant que ces événements ont été en grande partie amenés par le refus constant de la municipalité de Douai de pro-clam< r la loi martiale, nonobstant les réquisitions réitérées du directoire du département du Nord; que cette municipalité n’a oppo é auxdites réquisitions qu’une prétendue coalition des gardes nationales et d< s troupes de ligne avec les mauvais citoyens; coalition invraisemblable, dénuée de toute preuve légale, et qui n’aurait pu être constatée que par le résuit nt même de la proclamation de la loi maitmle, d’après laquelle on ne p ut douter que les ôtes gardes na ionales et troupes de ligne n’eussent déployé tout leur civisme et maniles'é tout leur respect pour la loi; déciète ce qui suit : Art. 1er. « Il y a lieu à accusation contre les maire, officiers municipaux et procureur de la commune delà ville de Douai; en con équence, le roi sera prié, dans le jour, de d mner le-ordres les plus prompts pour fahe mettre en état d’arrestation lesdits maire, officiers municipaux et procureur de la commun-de Douai, et i our les faire transférer sans delai dans les pri ons d'Orléans à l’effet d’y è re jugés en dernier ressort par le tribunal établi en celte ville par le décret du 5 de ce mois. » M. Pétion de Villeneuve. Je m’oppose à la priorité pour la propos tion de M. Le Chapelier; elle est susceptible deplusicurs obs rvations. En effet, Messieurs, sur le rapport qui vous a été fait.... (Murmures). Plusieurs membres : La discussion est fermée. M. Pétion de Villeneuve. Mais, Messieurs, lorsqu’on s’oppose à une priorité, il faut au moins dire les motifs pour lesquels on s’y oppose. Un membre : Il n’y a pas de priorité.