SÉANCE DU 24 BRUMAIRE AN III (14 NOVEMBRE 1794) - N08 57-60 215 cation du salpêtre, seront vendus au profit de la République et le prix en provenant versé dans la caisse du receveur de l’enregistrement; et qu’à l’égard des fossés, emplacement des murs, tours et fortifications de ladite commune, ils seront régis et administrés comme les autres biens nationaux. Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (125). 57 Le même membre [JULIEN-DUBOIS], et au nom du même comité [des Finances], propose et la Convention décrète ce qui suit : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Finances sur une pétition du citoyen Gue-zennec, tendante à être déchargé du paiement de l’amende par lui encourue pour n’avoir pas versé à la caisse du receveur de l’enregistrement dans le délai prescrit par la loi du 31 octobre, premier, 3, 10 et 25 novembre 1792 (vieux style), les sommes provenantes de la vente par lui faite les 19 vendémiaire et 3 brumaire, l’an deuxième, du bétail de l’émigré Gourenff, considérant, que d’après les renseigne-mens donnés tant par le district de Pont Croix que par le département du Finistère, il est justifié que le citoyen Guezennec a versé dans la caisse du receveur de l’enregistrement à Douamenez le produit de la vente dont il s'agit, aussitôt qu’il a pu avoir la certitude du bureau où le paiement devoit en être fait; décharge le dit Guezennec de l’amende par lui encourue. Le présent décret ne sera pas imprimé. Une expédition manuscrite sera seulement envoyée au département du Finistère pour le mettre à exécution (126). 58 Un membre, au nom du comité des Secours, propose le décret suivant qui est adopté. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, sur la pétition de la citoyenne veuve Ravi, dont le mari est mort à la suite d’une blessure qu’il a reçue au service de la République, décrète que la Trésorerie nationale paiera, sur le vu du présent décret, à ladite citoyenne veuve Ravi la somme de 150 L, à titre de secours provisoire, imputable sur la pension à laquelle elle a droit de prétendre. (125) P.-V., XLIX, 163-164. Bull., 24 brum. (suppl). Rapporteur Julien-Dubois selon C* II, 21. (126) P.-V., XLIX, 164-165. Le présent décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance (127). 59 Le citoyen Flahaut, caporal dans la quatrième compagnie du bataillon de la Montagne [Mayenne], parti de Rouen [Seine-Inférieure], paroît à la barre. Il expose que, requis avec ses camarades pour partir dans la Vendée, ils furent prêts en trois jours, et partirent au nombre de 1600, armés et équipés; en détachement au nombre de trente dans le bourg d’Atillé, ils furent attaqués par 300 brigands, les repoussèrent et les contraignirent de leur céder le champ de bataille. Frappé lui-même de vingt-cinq coups de feu, couvert d’honorables blessures, il annonce à la Convention que son seul regret est de ne pouvoir continuer à battre les brigands, les tyrans et tous les faux amis du peuple. Sur la motion d’un membre, la Convention décrète mention honorable du courage du citoyen Flahaut, l’insertion de sa pétition en entier au bulletin et le renvoi au comité des Secours pour la pension à laquelle ce brave défenseur a des droits si bien mérités (128). 60 Un membre [LANOT] demande que les pensions, secours et retraites accordés aux défenseurs de la patrie qui ont versé leur sang sur les frontières, et à leurs parens, soient déclarés premières dettes de l’Etat. La Convention nationale passe à l’ordre du jour, motivé sur les lois qui déclarent ces dettes les premières et les plus sacrées de la République (129). Un défenseur de la République blessé [couvert de 25 blessures] (130), se présente à la barre pour réclamer des secours. L’Assemblée charge son comité des Secours de faire sur-le-champ droit à la demande de ce brave républicain. LANOT : Le brave défenseur que vous venez d’entendre à votre barre me détermine à vous faire une demande. Il n’est pas un de nous qui ne soit pénétré d’admiration pour le courage de nos défenseurs; il n’est pas un de nous qui ne veuille leur assurer les bienfaits de la nation. (127) P.-V., XLIX, 165. Bull., 24 brum. (suppl.). (128) P.-V., XLIX, 165. Moniteur, XXII, 497. J. Paris, n° 55; J. Mont., n° 31; Rép., n° 55. (129) P.-V., XLIX, 166. J. Paris, n° 55; J. Mont., n° 31; Rép., n° 55. (130) Rép., n° 55. 216 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Je demande donc que les récompenses qui seront accordés aux citoyens qui versent leur sang pour le soutien de la République soient regardées comme la première dette nationale à acquitter. Plusieurs voix : Ce décret est rendu. On demande l’ordre du jour, motivé sur l’existence de la loi. Cette proposition est adoptée (131). 61 Un membre, au nom du comité des Secours publics, propose le décret ci-après, qui est adopté. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, sur la pétition du citoyen Adrien Bourgeois, batteur en grange, district de Gonesse [Seine-et-Oise], chargé de famille et indigent, acquitté par le Tribunal révolutionnaire, après un mois de détention, décrète que la Trésorerie nationale, sur le vu du présent décret, paiera au citoyen Bourgeois la somme de 100 L, à titre de secours et indemnité. Le décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (132). 62 Un membre, au nom du comité des Finances, propose le projet de décret qui suit et qui est adopté. La Convention nationale, ouï son comité des Finances, rapporte son décret du 19 pluviôse, relatif à la liquidation des créances du citoyen Lejeune et consorts, en ce qui concerne seulement les intérêts desdites créances, lesquelles seront payées conformément à l’art. LIX de la loi du 24 août, sur la consolidation de la dette publique (133). 63 Un membre [CADROY] propose une opinion et un projet de décret contenant des vues d’utilité générale pour asseoir le bonheur du peuple, notamment sur l’organisation des sociétés populaires, les devoirs des autorités constituées et des commissions ou agences exécutives, ainsi que sur les pouvoirs des représentans du peuple en mission. (131) Moniteur, XXII, 497. Débats, n° 783, 770. (132) P.-V., XLIX, 166. (133) P.-V., XLIX, 166. La Convention nationale, pénétrée des principes qui y sont établis, renvoie le discours et le projet de décret à l’examen de ses comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation, et en ordonne l’impression et la distribution (134). Cadroy obtient la parole pour une motion d’ordre (135). CADROY : Vous avez rempli l’attente de la nation. Ces cris mille fois répétés : Vive la Convention ! font tressaillir vos âmes ; vous conduisez au port, d’une main hardie et puissante, le vaisseau de la République : devant sa marche rapide les écueils s’abîment, les rochers s’engouffrent. Vous avez vaincu; je viens vous inviter à profiter de la victoire. Les traits de cette physionomie nouvelle que vous avez donnée à la France vous disent que vous êtes dignes du peuple que vous représentez; mais qu’est-ce que la physionomie d’un peuple qui peut changer mille fois dans un siècle, mille fois dans une année de révolution? Ce sont les habitudes entières du corps social qu’il faut changer, qu’il faut rendre stables, pour atteindre à la gloire qui vous est destinée, et assurer au peuple le bonheur qu’il attend de vous. Robespierre dominait par la fausse opinion qu’il avait donnée de ses talents, de ses fausses vertus; il dominait dans les clubs de toute la République par l’organisation qu’il avait su donner au club des Jacobins de Paris; il dominait dans les corps militaires par la sujétion et la dépendance où il les avait mis du comité de Salut public dont il était le régulateur et le chef. Il dominait par les comités de tous les genres qui couvraient le sol de la République, et qui aboutissaient au premier comité de Robespierre, comme des rayons se rapportent à un centre. Les administrations même, despotisées tantôt par les comités révolutionnaires, tantôt par les meneurs des clubs, recevaient leur direction des volontés de ce tyran. Ce système d’horreur et de mort établi, organisé, consolidé, n’a reçu presque aucun échec par la mort de Robespierre; il attend un nouveau chef. Telle est notre situation actuelle. Ne vous y trompez pas; au milieu de vos triomphes, vos ennemis épient le moment de ternir votre gloire et de détruire vos succès. Le terrorisme rugit encore autour de vous, et l’aristocratie, chamarrée de toutes les couleurs, couverte de toutes les livrées, enveloppée de tous les masques, veille aux portes du sénat français. Vous avez mis l’action de la justice et l’exemple des vertus à l’ordre du jour; eh bien, l’hypocrite malveillance ne parle plus que justice et vertu : son ton est modeste, sa voix est mielleuse, son oeil est serein; sa perfidie est toute dans son coeur, et l’intrigue, son émis-(134) P.-V., XLIX, 166-167. (135) Moniteur, XXII, 499-500.