[22 novembre 1790.] 683 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Les bases en pourraient être décrétées à peu près en ces termes ; « L’Assemblée nationale décrète que chaque « notaire sera tenu d’avoir un répertoire dont « tous les feuillets seront cotés et paraphés par « le premier (ou autre) juge du district, sur « lequel il inscrira, jour par jour, les actes par « lui reçus, même ceux délivrés en brevets et « sans minutes, par leurs titres, les noms des « parties et leurs dates. « De termes en termes, ainsi qu’il sera réglé, « il sera tenu de faire transcrire sur des feuilles « particulières les articles portés sur ce réper-« toire, dans l’intervalle, de l’un de ces termes « à l’autre, lesquelles feuilles seront vérifiées, « déposées et renfermées sous doubles clefs, dont « l’une lui restera ; le tout dans les formes, les « délais et les lieux, et en présence de tels ofü-« ciers qu’il sera ordonné par un décret parti-« culier. » Si l’Assemblée jugeait à propos d’adopter ces bases, elle pourrait en renvoyer à son comité de Constitution les particularités qui, bien que peu compliquées, demandent quelques détails; notamment sur la manière de porter sur les répertoires les testaments des personnes vivantes, les contrats de mariage qui n’ont lieu qu’après une longue cohabitation publique, et quelques autres actes dont le secret peut intéresser les mœurs, l’état, la fortune et quelquefois l’honneur des familles ou des particuliers. Dans tous les cas, je persévère dans les conclusions que j’ai prises par ma première opinion; et, y ajoutant, je demande que tout ce qui, dans les projets du comité de l’imposition, concerne les droits sur les actes, soit ajourné et renvoyé, avec les plans et détails y relatifs, à la commission que j’ai demandée; qu’à cet effet, si ces droits y sont mêlés avec d’autres, la division en soit ordonnée : et, sur ce qui m’a été observé par quelques honorables membres de l’Assemblée, que cette matière pouvait être encore du ressort du comité de judicature, je demande qu’au lieu que cette commission soit composée de trois membres de chacun des comités de l’imposition, des domaines, des finances et de l’agriculture et du commerce, il ne soit pris que deux membres de chacun de ces comités, et qu’il leur soit adjoint deux membres du comité de judicature. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 22 NOVEMBRE 1790. De l'utilité d'une formalité d' enregistrement sur les actes des notaires en réponse à l'ouvrage de M. Bévière, notaire, député de la ville de Paris, ayant pour titre : « De la nécessité de la suppression du contrôle », par Antoine Morin, député de Carcassonne (l). Un notaire estimé, membre de l’Assemblée nationale, propose la suppression du contrôle des actes ; ie crois cette formalité utile, même nécessaire, j’ai dû prendre la plume pour la défendre. Les notaires de Paris sont menacés dans leur intérêt, leurs fortunes ne seront plus aussi rapides ; mais qu’est-ce, aux yeux des hommes appelés pour régénérer un grand empire, que les intérêts de quelques particuliers, des corps mêmes? ils ne voient que ceux de la patrie. Je ne puis penser que ce corps ait coopéré à la lettre imprimée que son syndic a osé écrire circulairement, au mois d’août dernier, pour inviter les notaires de province et les municipalités à faire demander la suppression du contrôle par leurs représentants à l’Assemblée nationale. Cette lettre, dont un exemplaire a été renvoyé au comité de l’imposition, aurait causé des insurrections contre cette sorte de droits, si le peuple y avait été disposé. Heureusement, les notaires, du moins la plupart, ont repoussé ces impressions ; il en est qui ont répondu que le contrôle est une formalité utile; qu’il faut se borner à la régler, et y soumettre les notaires de Paris. Le mémoire qui vient de paraître, rédigé par l’un d’eux, est leur dernière ressource. J’y réponds, en établissant : 1° Qu’il est nécessaire de conserver la formalité d’enregistrement des actes des notaires ; 2° Que l’imposition attachée à cette formalité doit subsister, dans ce moment, comme ne pouvant être remplacée d’une manière moins onéreuse, surtout pour la classe indigente des citoyens. De la formalité de l'enregistrement des actes des notaires. Je n’emploie point le nom de contrôle, parce que dans le plan du comité de l’imposition, qui m’a paru simple et conforme aux principes, il n’y a plusde contrôle, d’insinuation, de centième denier, de scel, de droits de greffe, contrôle des dépens, des épices, quatre deniers pour livre, amortissement, nouvel acquêt, etc., etc. Aux vingt droits qui existaient sur les actes, contrats, jugements et exploits, sont substitués une seule formalité d’enregistrement et un droit unique, réglé suivant différentes quotités, d’après la nature et l’objet des actes et dispositions. Ce nouveau régime, dont l’auteur du mémoire a aussi eu connaissance, paraît lui déplaire ; il demande que les droits restent multipliés et séparés, afin de pouvoir attaquer le contrôle avec plus d’avantage ; mais c’est combattre une chimère, puisqu’il n’y aura plus de contrôle, et que le nouveau droit a une application et des bases toutes différentes. Au reste, le droit d’insinuation établi sous prétexte de la publicité, celui de centième denier, enfant du régime féodal, ceux sur les jugements et procédures, tous ces droits bizarres et multipliés n’émeuvent point le patriotisme de MM. les notaires de Paris ; ils se résignent sans peine à les laisser subsister. Le contrôle seul les effarouche, et encore ce ne sont pas toutes les espèces de contrôle. Ils ne se plaignent pas de celui des exploits et actes d’huissiers, encore moins de celui des conventions sous seing privé, et des actes volontaires passés au greffe, dont le poids les favorise. Le contrôle des actes des notaires, qui est, sans contredit, ie plus utile par son objet, est le seul qui leur déplaise, et dont ils sollicitent l’extinction. Ne serait-ce point parce qu’ils craignent d’y être assujettis, et de voir cesser un privilège accordé dans un temps de faveur et d’intrigue qui n’existe plus ? J’ai dit que la formalité de l’enregistrement des (1) Quittez-moi ccUe serpe, instrument de dommage. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre I7»| 686 [Assemblée nationale.} actes sur un registre légal est nécessaire. En effet, elle fixe la date de facle et de l'hypothèque; elle prévient les soustractions de minutes, les altérations, et nombre d’autres abus dont les et-toyens, qui placent mal leur confiance, seraient les victimes. Quel créancier serait assuré de conserver sa priorité d’hypothèque, s’il dépendait de l’officier public de se concerter avec ses clients, pour donner à leur acte telle date qu’ils voudraient? Si l’on objecte que cette formalité a cependant cessé à Paris depuis soixante ans, nous répondrons que de tristes exemples font voir combien elle y était nécessaire, et que, dans ce moment même, un notaire se trouve, suivant ce qu’on m’assure, dans les plus étroits liens de la justice, comme prévenu d’avoir, par des soustractions d’actes et des antidates, causé la ruine de plusieurs familles. C’est une prévention bien singulière, dans l’auteur que je réfute, d’appeler inutile et dérisoire une institution de cette importance. Il se trouve, au surplus, en contradiction avec lui-même, puisqu’il avait reconnu l’utilité d'assurer l'exactitude dans la confection des actes , et qu’il promet d’en donner les moyens. Ce qui n’éionne pas moins, c’est qu’il propose de commencer par détruire un établissement utile, avant que les moyens de remplacement qu’il annonce soient connus et discutés. • Je suis à même de certifier que dans l’ancienne province de Languedoc, on verrait avec peine supprimer la formalité de l’enregistrement des actes. 11 en est de même dans les autres départements, si j’en juge par les opinions de beaucoup de députés, que j'ai pu recueillir. L’auteur n’est donc pas fondé k dire que la réclamation contre le contrôle est unanime et générale dans le royaume, et que les cahiers des différents bailliages portent, plus ou moins implicitement, le vœu de sa suppression. Le fait est que le très grand nombre de cahiers demande un nouveau règlement pour la perception du contrôle, ce qui annonce le désir de conserver cette formalité ; quelques-uns même demandent que les notaires de Paris y soient assujettis. On voudrait faire entendre que la crainte du despotisme a empêché les rédacteurs des cahiers de s’expliquer [dus ouvertement; mais cette prétendue crainte ne les a pas gênés pour demander clairement et avec force la suppression des gabelles, de certains droits d’aides et d’autres impôts. Nul doute qu’ils ne se fussent exprimés de même sur le contrôle, si tel eût été le vœu commun. La formalité de l’enregistrement des actes doit donc être conservée sous le double rapport de son utilité pour l’ordre public et de la confiance qu’y ont les citoyens. Ses inconvénients, s’il en existe, seraient loin de balancer les avantages qu’elle procure. Le mémoire de M. Bêvière présente plusieurs objections; les unes portent sur le droit ou l’imposition du contrôle; nous y répondrons au paragraphe suivant. D’autres ont pour Objet la formalité même et elles se réduisent au défaut de secret qui peut résulter de l’enregistrement des actes sur le registre des officiers préposés, et aux recherches et visites domiciliaires qu’ils sont autorisés à faire chez les notaires, pour s’assurer de leur exactitude, et qu’on présente comme immorales et contraires à la liberté du citoyen. Ges deux objections sont aisées à réfuter. Les citoyens honnêtes ne sont pas, en général, ceux qui attachent le plus d’importance au secret de leurs conventions; et l’on pourrait peut-être présenter, comme une vue d 'administration, que celui qui aliène, ou qui emprunte, eût son bilan ouvert et public au greffe des hypothèques, de manière que chacun pût, au besoin, trouver des ressourcée légitimes, et que personne ne fût trompé; mais en admettant que les conventions des hommes doivent rester cachées, pourquoi craindre l’indiscrétion d’un officier public, obligé au secret par devoir, par son serment, par l’habitude des affaires, par le besoin de conserver son état, quand on ne redoute pas celle des coopérateurs du notaire de son collègue qui signe en second, de celui qui lui porte la minute, etc? L’expérience vient ici à l’appui du raisonnement, puisqu’on ne peut citer d’exemple de la divulgation d’un acte de la pari du préposé auquel te dépôt en est confié. D’ailleurs, ce coi-rfident de plus à mettre dans le secret des conventions es t une suite nécessaire du besoin d'en assurer la date et l’hypothèque, avantage qu’on ne peut obtenir que pur une transcription ou enregistrement, lequel cesserait de remplir son but s’il était confié à l’officier même qui a rédigé le contrat. L’auteur, au surplus, nous parait mal instruit lorsqu’il avance qu’en province les actes restent souvent dans les bureaux du contrôle, exposés à tous les yeux, et que les commis s’en des-aisisseut et les envoient au directeur pour le consulter sur la perception. L’on ne peut croire que les supérieurs tolérassent de pareils abus, et ils m’auraient frappé s’ils existaient dans plusieurs bureaux que mes affaires m’ont donné occasion de fréquenter. Quant aux recherches domiciliaires chez les notaires, elles n’avaient lieu, dans le régime actuel, que lorsqu’il y avait des preuves de prévarication déjà acquises contre eux, et l’ordre ef la décence n’y étaient point violés comme on se plaît à le dire. Au surplus, on ne pourra se plaindre de ces recherches à l’avenir, puisqu’elles n’existeront pas suivant le nouveau plan que présente le comité de l’imposition. Concluons que la formalité de l'enregistrement des actes des notaires est d’une utilité réelle pour l’ordre public, et ne présente aucune sorte d’inconvénient ou de danger; que les notaires de Paris l’avouent eux-mêmes, puisqu’ils n’osent proposer la suppression qu’en promettant d’indiquer des moyens d' assurer V exactitude des actes; que ces moyens , sur lesquels ils croient possible de ne s’expliquer qu’après la suppression décrétée, ne peuvent être qu’une transcription ou enregistrement sur un registre légal dans un terme prescrit, sans quoi la date et i’nypo-thèque ne seraient pas certaines, ce qui est l’objet essentiel. Que cet enregistrement ne peut être confié au syndic des notaires comme on assure que leur intention est de le proposer; que ceux des campagnes n’ont point de syndic, et qu’indépendamment des abus auxquels ce changement donnerait lieu, il y aurait une vraie bizarrerie à faire enregistrer les actes privés et ceux du greffe et des huissiers par un percepteur, puis ceux des notaires par l’un d’eux, et que ees mêmes actes, ou du moins un très grand nombre, revinssent ensuite au bureau du percepteur pour y subir un second enregistrement et acquitter les droits d’insinuation, de centième denier et autres qui subsisteraient dans ce système. N’est-il pas plus simple et plus raisonnable délaisser l’enregistrement de tous les actes civils à ceux qui en sont aujourd’hui charges, et qui s’en acquittent sans exciter de plaintes? Gur, encore une lois, ce n’est pas de la formalité qu’on se [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.] plaint; tous les gens désintéressés la regardent comme nécessaire. La perception du droit a seule excité des réclamations, et nous allons examiner, à l’article suivant, si l’on peut, par un ordre nouveau, les faire cesser. Du droit d1 enregistrement des actes. 11 serait à souhaiter que l’enregistrement des actes se réduisit à la simple formalité, et n'entraînât d’autres frais que le salaire de l’officier chargé de cette fonction de police; mais nous avons besoin d’impositions, et nous devons, à l’exemple de nos sages rivaux, les répartir de manière que la plus forte partie ne porte pas sur les terres et les revenus fonciers, sans quoi le cultivateur serait bientôt obligé de réduire ses avances nécessaires à la reproduction, et l’arbre de la prospérité publique se trouverait desséché dans sa racine. Sous cet aspect, le droit d’enregistrement des actes présente une ressource précieuse. On nous cite Montesquieu, comme ayant désapprouvé ce genre d’imposition ; mais écoutons un auteur plus populaire, et dont l’autorité, en finance, doit avoir plus de poids que la sienne. « Les besoins de l’Etat « dit M. Necker, dans son compte de 1781, ont « fait imaginer un tribut sur plusieurs sortes «r d’actes et de transactions entre particuliers ; et « dans la nécessité de multiplier les ressources du « fisc, en les diversifiant, ces droits n’étaient pas « mal conçus. Les mariages, les testaments, les « contrats de société, les acquisitionsd’immeubles, « sont des opérations éparses dans la vie, et qui, « tenant presque toujours à des événements rares « et intéressants, rendent sensible le droit qui « les accompagne. » Ou peut ajouter que le droit sur les actes et sur les successions paraît moins onéreux au contribuable qu’il le confond, en quelque sorte, avec la chose qu'il achète ou dontil hérite; quece droit ne pèse point sur le pauvre qui passe nécessairement peu d’actes dans le cours de sa vie; enfin qu’il a le mérite d’être dans la proportion exacte des fortunes , et d’atteindre le capitaliste qui échappe si aisément aux autres genres de contribution. Aussi cette sorte d’imposition a-t-elle été regardée, par les citoyens instruits, comme une ressource importante dans l’état de détresse où sont les finances. La gabelle est anéantie, le privilège de la vente du tabac peut n’être pas conservé, l’impôt sur les boissons doit, d’après les nouveaux principes amis de la liberté, essuyer une réduction considérable, ou cesser totalement ; les droits sur les actes restent, et peuvent, même dans l’opinion publique, réparer en partie des pertes aussi multipliées. Il suffirait, pour y parvenir, d’ajouter aux fixations qui servent de base au nouveau plan que présente le comité d’imposition ; maisau moins n’y a-t-il aucun doute que ces bases ne peuvent être restreintes ni détruites, et que le produit actuel, qui est de trente-cinq millions, sans le timbre, doit être conservé. On ne pourrait en effet se priver d’un revenu aussi important, sans le remplacer par une augmentation de contribution directe, c’est-à-dire en faisant porter toute la charge sur les propriétaires ; et je demande quel est l’ennemi de la patrie qui oserait proposer une mesure pareille? Les notaires de Paris objectent que cet impôt est immoral, en ce qu’il enchaîne la liberté de m vonfoir et de penser ; qu’il oblige les citoyens à se priver de l’avantage de passer leurs actes devant notaire; et s’ils prennent cette forme, à déguiser lenrs véritables conventions, dans le dessein de réduire les droits, ce qui occasionne beaucoup de contestations et de procès. Nous répondrons que la formalité de l’enregistrement et le droit qui y est attaché ne peuvent gêner la libertédes contractants, puisqu’il dépend d’eux de choisir, pour la rédaction de leurs actes, la forme, le temps et le lieu qui leur conviennent ; qu’on doit aussi cesser de craindre qu’ils altèrent le sens de leurs contrats, dans fa vue de réduire la perception ; l’Impôt devant, selon le nouveau tarif, porter sur fa nature même de la convention, et non sur la forme employée; et toutes les tournures de l’officier rédacteur ne pouvant déguiser soit un acte translatif, soit celui contenant division de propriétés, soit un titre obligatoire, au point qu’on hésite à les reconnaître. L’immoralité d’ailleurs serait dans les efforts coupables que tenterait un officier public pour soustraire des citoyens à leur part de la charge commune. La deuxième objection porte sur l’injustice des règlements actuels, qui déclarent les contrats nuis, si le notaire a omis de les soumettre à la formalité; en sorte que les contractants sont punis, et très sévèrement, pour une faute qui ne peut leur être imputée. Cette réclamation paraît fondée, et le comité fa prévenue par son projet de règlement, en réduisant la peine, dans les cas pareils, à la privation de l’hvpoihèque, laquelle est une suite nécessaire du défaut de vérification de la date. On oppose que la perception du contrôle a toujours été arbitraire; malgré les tarifs qui se sont succédé, et une foute de décisions interprétatives; que cet inconvénient provient delà nature même de l’impôt, et qu’un nouveau règlement ne fera que multiplier les contestations et les difficultés. Mais de ce que fe tarif actuel du contrôle est très imparfait, et prête à l’arbitraire et aux extensions, on n’en doit pas conclure que celui proposé pour le droit d’enregistrement aura les mêmes défauts. Ce tarif porte sur deux bases, à j la fois justes et précieuses. La première, que les actes translatifs et attributifs de propriété ou de jouissance, et ceux formant titre de créance, sont les seuls dont le droit d’enregistrement soit dû sur le montant des valeurs. La seconde, que le droit ayant été perçu pour les conventions primitives, la perception sera uniforme et sur le pied d’acte simple, pour tous ceux passés en exécution. L’on doit avouer que ces principes sont d’une application facile, et qu’ils laissent peu de prise aux contestations. Nous finirons par apprécier le moyen de remplacement du produit du contrôle, que proposent les notaires de la capitale. Ce moyen consiste à augmenter , dans le royaume, le prix du timbre des papiers et parchemins destinés aux minutes et expéditions des actes des notaires, dans la proportion de 3 sols 9 deniers, prix actuel, à 1 livre 10 sols pour la feuille de papier; et de 2 livres 10 sols à 5 livres pour celle de parchemin. En calculant le produit de cette augmentation, par proportion à celui que donne le timbre des actes des notaires de Paris et dans la supposition que la suppression du contrôle augmenterait de moitié le nombre des conventions publiques, ils trouvent un revenu de 16,880,000 livres; dédommagement suffisant de la perte de cet impôt, en comprenant même ggg [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.] l’accroissement de produit qui résulterait de la cessation du privilège dans les leux qui en jouissent. Ils proposent, au surplus, de venir au secours des citoyens indigents, en établissant un timbre particulier de 8 et de 16 sols la feuille pour les actes dont les valeurs seraient au-dessous de 50 et de 100 livres. Ce moyen de remplacement serait injuste, s’il n’était absolument illusoire. Qui ne voit, en effet, que, dans ce plan, la charge de l’impôt porterait presque en entier sur le pauvre? Une acquisition, un partage de 200 livres, acquitteraient Je même droit qu’un partage et une acquisition de 200,000 livres. Le capitaliste, le propriétaire opulent payeraient certainement beaucoup moins qu’ils ne payent aujourd’hui; et alors comment peut-on entendre que les classes inférieures ne seraient pas plus chargées, puisqu’on annonce qu’en résultat la recette serait la même? On objecte que les conventions d’une valeur au-dessous de 100 livres ou de 150 livres seraient écrites sur du papier d’un moindre timbre; mais les proportions ne seraient pas moins rompues pour toutes les autres; et d’ailleurs les deux tiers au moins des actes de la société ne présentent pas de valeurs précises : c’est un testament, un contrat de mariage, une émancipation, une procuration, une foule de dispositions enfin qu’il serait injuste de taxer uniformément, à moins que la taxe ne fût infiniment modique; et si elle l’est, la recette est absorbée par les frais, et devient nulle pour le Trésor public. Il est encore plus aisé d’établir que ce moyen de remplacement porte sur des bases fausses et illusoires. D’après les résultats remis au comité de l’imposition, qui méritent une confiance entière, les feuilles timbrées qu’emploient les notaires de Paris, dont il est compté particulièrement , ne forment que le dixième de celles qui se consomment dans cette ville. Cependant, l’exemption du contrôle dont ils jouissent y multiplie infiniment les actes, beaucoup de personnes de province préférant d'y venir passer leurs conventions, et les notaires voisins de cette capitale étant dans l’usage, comme on le croit communément, de recevoir nombre d’actes importants, sous le nom de ceux de leurs confrères de Paris, qui veulent bien se prêter à les signer et les conserver parmi leurs minutes. D’après ces circonstances, on devrait estimer au-dessous de ce dixième la quantité de papier et parchemin timbré qu’emploient les notaires de province, par comparaison à la vente totale; mais en n’admettant à cet égard aucune différence, on trouvera que les feuilles qu’emploient les notaires du royaume, à raison d’uu dixième sur 6,000,000, produit total du timbre, donnent une somme de 600,000 livres. li ne reste donc, pour connaître le produit qui résulterait de l’augmentation de ce droit sur le papier des actes notariés, qu’à multiplier ces 600,000 livres dans la proportion de celle qu’on propose sur chaque feuille. Cette augmentation est de sept huitièmes sur le papier, sauf la réduction sur les actes qui présentent des valeurs au-dessous de 150 livres, lesquels sont très multipliés dans les campagnes, et de moitié seulement sur le parchemin. En prenant les cinq sixièmes pour terme moyen, et multipliant sur ce pied les 600,000 livres de la recette actuelle, le résultat donne une augmentation de trois millions ; ce qui est, comme l’on voit, bien au-dessous de la somme promise, et du produit actuel du contrôle des actes, lequel est de douze millions , et serait porté à plus de seize , si la formalité était générale dans le royaume. Ajoutons que cette recette même de trois millions, pour le timbre des contrats, n’existerait pas, car il n’y a pas de recette sans moyens co-actifs, et on n’en aurait aucun pour obliger les notaires à se servir de papier du plus fort timbre , et même d’un timbre quelconque, pour leurs minutes, que personne ne serait chargé d’enregistrer et de vérifier. Enfin, j’observerai qu’après les pertes énormes qu’a faites le revenu public, nous avons besoin et de conserver le produit du droit d’enregistrement des actes, et de tout l’accroissement dont celui du timbre sera susceptible, sans devenir trop onéreux pour le peuple. Je crois avoir établi, contre le sentiment de M. Bévière, que la formalité de l’enregistrement des contrats est nécessaire dans l’ordre public, et que l’état des finances nous oblige à conserver l’impôt qui y est attaché. Il me reste à parler d’une opinion que M. Dos-fant, son confrère, vient de faire paraître sur cette matière. Ses objections sont au fond les mêmes que celles qui viennent d’être discutées. Il s’étend beaucoup sur un projet de tarif du contrôle, qu’il annonce lui avoir été confié par le comité d’imposition; assertion qui s’accorde peu avec la criiique publique qu’il s’en est permise. Au surplus, ces critiques étaient au moins superilues, puisqu’il n’est plus question de contrôle, et que le règlement présenté pour le droit d’enregistrement porte, presque en entier, sur des bases différentes. Mais nous voyons, dans cet ouvrage, que les notaires de Paris se déterminent enfin à faire connaître le moyen de remplacement qu’ils ont imaginé pour la formalité du contrôle. Ce moyen est d’obliger le notaire à tenir pour ses actes « un « double répertoire, l’un desquels serait déposé < périodiquement et renfermé, sous double clef, « au greffe soit de la municipalité, du district « ou du département. » Il suffit d’un léger examen pour s’assurer que ce mode de remplacement pour la formalité, u’est pas mieux conçuque celui présenté pourl’mjtwsi-tion du contrôle. La formalité actuelle ne constate pas seulement la date du contrat, elle en assure l’intégrité; l’enregistrement que fait le fonctionnaire public énonce en détail les dispositions passées entre les contractants, la consistance des biens, le montant des engagements, les conditions et charges imposées; il y est fait mention du nombre des feuilles du contrat, lesquelles sont paraphées, et de celui des renvois approuvés des parties. Au moyen de ces précautions, l’état de la minute est constaté, et il ne peut y être fait, par la suite, aucune addition ni altération. Cet avantage, si précieux pour l’ordre public, cesserait nécessairement si l’officier rédacteur était seul chargé de veiller au dépôt, et d’en prévenir l’altération par l’effet prétendu de la remise de son répertoire. Le second but de la formalité, qui est d’assurer la date des conventions et la priorité des hypothèques, ne peut également être rempli que par une transcription ou enregistrement fait, dans un terme prescrit, sur un registre public, arrêté jour par jour. Il n’existe pas d’autre moyen connu d’arrêter les antidates. Parmi les peuples qui l’ont adopté, on peut citer les Hollandais, chez lesquels l’hypothèque ne date même que du jour de l’enregistrement [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1790.] 689 des contrats obligatoires. La remise au greffe de la municipalité ou du district, de l’un des doubles du répertoire du notaire, serait loin de donner une sûreté parfaite: 1° parcequ’il dépendrait, dans tous les temps, du greffier, de la municipalité de laisser le notaire, ou substituer une nouvelle copie derépertoire à la première qu’il aurait délivrée, ou ajouter à cette copie; abus qui ne peut avoir lieu dans le cas de l’enregistrement sur un registre distribué en cases imprimées, et dès lors non susceptible d’additions et d’interlignes ; 2° parce que les moyens, pour obtenir la remise exacte et périodique des copies de répertoire, seraient insuffisants dans beaucoup de municipalités ou des notaires sont membres de l’administration ou ont avec elles des liaisons plus ou moins intimes. La formalité est, au contraire, assurée lorsqu’elle est liée àlaperception du droit; c’est ce que confirme une expérience de tous les jours. Ainsi la formalité de l’enregistrement est nécessaire, les citoyens y ont confiance; et ce serait une mesure très impolitique de vouloir la remplacer par un nouveau régime, sans être assuré du succès. Il ; paraît encore, dans ce moment, un troisième mémoire sous le titre d 'observations sur le contrôle des actes , attribué à un autre notaire de Paris. Il s’est borné à répéter les objections de ses confrères, déjà répandues si abondamment. La seule idée neuve qu’on trouve dans cet ouvrage, est que le contrôle établit un droit de péage sur les routes des conventions , et doit dès lors être supprimé. Un argument aussi puissant doit rester sans réplique ; j’observerai seulement que les notaires de la capitale multiplient seuls leurs attaques contre la formalité de l’enregistrement des actes; leurs confrères de province, même parmi ceux.qui siègent à l’Assemblée nationale, n’ont fait entendre jusqu’ici aucune réclamation. On ne peut à cet égard se défendre d’une réflexion, c’est que plus les notaires de Paris manquent d’opposition à leur assujettissement à la loi commune, plus ils font sentir combien cet assujettissement est nécessaire. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE LAMETH. Séance du mardi 23 novembre 1790, au malin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet d'instruction sur la contribution foncière. M. Dauchy, l'un des rapporteurs du comité d'imposition , continue la lecture des paragraphes à partir du titre III. Divers membres présentent ! quelques légères observations qui sont accueillies par le rapporteur. L’instruction et le décret sont ensuite adoptés dans leur ensemble. L’Assemblée ordonne qu’ils seront imprimés et joints au procès-verbal de la séance de ce jour. (voy. ces documents, p. 698 et suivantes). (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . irô Série. T. XX. M. Alexandre de Beauliarnais. Je crois devoir faire part à l’Assemblée nationale des désastres arrivés à Blois et dans plusieurs parties du département du Loir-et-Cher. La Loire a inondé la ville basse et une partie des faubourgs, elle a entraîné les marchandises de dessus le port. La garde nationale et le régiment de Royal-Comtois ont, dans celte circonstance affligeante, donné de nouvelles preuves de leur humanité et de leur dévouement à la chose publique en secondant les vues bienfaisantes de la municipalité. En me conformant à la marche qui a été suivie pour les autres événements d’une semblable nature, j’ai remis aucomité des finances les pièces relatives à cet objet, et j’ose croire que, lorsqu’il en rendra compte officiel à l’Assemblée, elle ne refusera pas au déparlement du Cher et du Loir le secours qu’elle a accordé à d’autres départements. (L’Assemblée délibère et charge son comité des finances de s’occuper des soulagements 'à fournir à ce département.) M. de ftjarochefoncauld-Uancourtr Vous avez renvoyé à votre comité de mendicité une pétition relative à une insurrection qui avait eu lieu dans une maison de la Salpêtrière. Vous avez aussi renvoyé à votre comité ecclésiastique une autre pétition qui vous a été présentée par un ecclésiastique de cette maison. Gomme ces deux affaires se confondent, vos deux comités se sont réunis, et m’ont, l’un et -l’autre, chargé de solliciter de vous le décret que je vais vous présenter. La municipalité de Paris fut chargée, il y a environ quinze mois, de la surveillance des hôpitaux de la capitale. La désunion régnait alors dans l’hôpital général; elle prenait particulièrement sa source parmi les prêtres de cette maison. M. l’abbé d’Estanges, l’un deux, a dénoncé un ancien article du règlement qui portait qu’il ne serait accordé de douceurs aux pauvres de cette maison que lorsqu’ils auraient montré un billet de confession. Cette dénonciation très juste a augmenté la désunion, qui s’est communiquée des prêtres aux pauvres de la maison. La puissance ecclésiastique a ôté les pouvoirs de M. l’abbé d’Estanges, ce qui n’a pas peu contribué à animer ses partisans. La municipalité de Paris a employé tous les moyens qui étaient en son pouvoir pour rapprocher les esprits. Enfin, le trouble augmentant de jour en jour, elle s’est déterminée, après s’ètre concertée avec votre comité ecclésiastique, à faire sortir les quatorze prêtres de la maison de la Salpêtrière pour les placer dans d’autres. Elle n’a pas prétendu par là punir, ni même juger ces querelles où chacun avait sa part des torts, mais éloigner les causes principales de l'incendie et ramener l’ordre dans la maison. Cependant l’exécution de êet arrêté a éprouvé de grandes résistances, et les officiers municipaux ont été obligés de faire venir dans la maison un renfort de gardes. Le comité de mendicité, sur le renvoi que vous lui avez fait de cette affaire, s’est transporté sur les lieux et a pris connaissance des faits. Après avoir assuré, dans toute la maison, que les mesures prises par la municipalité portaient également sur tous les prêtres et n’avaient rien d’offensant pour aucun d’eux, il a vu renaître le calme. J’oubliais de vous dire que la municigalité, en portant son arrêté pour la sortie des ptftres, avait consenti qu’ils restassent encore quelques jours dans leur logement pour éviter toute apparence de dureté. C’est daus cette circonstance que M. l’abbé d’Estanges, qui seul n’avait pas quitté la maison, a 41