148 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I brumai?;e ™ « L 1 1er novembre 1793 mée, relativement à l’indemnité qu’ils préten¬ daient leur être due, à cause de la perte des assignats contre le numéraire. Laquelle de ces deux attributions est la sienne? Yoilà ce que demande la Commission., Julien (de Toulouse) ne pense pas que l’in¬ tention de la Convention puisse être de charger la Commission de diriger d’avance la conduite des armées françaises lorsqu’elles rentreront dans la Belgique ; sans doute les républicains n’y entreront plus en philanthropes, mais en conqué¬ rants. Julien demande une décision précise. Sergent a la parole. Il pense que la Commis¬ sion doit s’en tenir à la première attribution. Le traître Dumouriez, dit-il, avait beau vous répéter sans cesse que l’armée qu’il commandait manquait de tout; il est de notoriété publique qu’il existait dans la Belgique d’immenses maga¬ sins remplis de toutes les espèces de denrées, d’habillements et de munitions, tant de guerre, que de bouche. Ces magasins ont été livrés à l’ennemi. Par qui? Par les agents de Dumouriez, dont une partie est encore dans nos armées, et sous le masque du patriotisme poursuit peut-être le plan qui lui a été dicté. Il est utile, il est instant de démasquer ces scélérats. Ce fut votre premier but en créant la Commission de la Belgique. Je demande qu’elle s’en tienne là. Julien observe que pour l’examen demandé par Sergent, il y a la Commission des marchés. En outre, tout nouvellement, la Convention vient d’instituer un tribunal chargé de juger la con¬ duite de tous ceux qui ont manié les deniers de la République. Il pense donc que les fonctions de la Commission de la Belgique doivent se borner à entendre les réclamations des fournisseurs et à régler les indemnités qui peuvent être dues. C’est le vœu du décret du 5 octobre. •r Charlier. Et moi, je demande le rapport de ce décret. Il est immoral, il est ridicule, il est impoli-étique de stipuler des indemnités en faveur des fripons, pour raison de la perte du change, comme si ces assignats valaient moins que l’ar¬ gent. C’est encore là une des manœuvres de Dumouriez; vous ne la consacrerez pas. Je de¬ mande le rapport du décret du 5 octobre. Le décret est rapporté; on passe à l’ordre du jour. ■ � II. Compte rendu du Journal de Perlet (1). ,0 Une Commission a été établie pour prononcer sur les indemnités dues aux fournisseurs, dont les magasins, dans la Belgique, tombèrent, l’an¬ née dernière, au pouvoir de l’ennemi. Elle est as¬ siégée sans cesse par ces spéculateurs avides qui, non contents de s’être si scandaleusement enri¬ chis aux dépens de la République, voudraient encore aujourd’hui épuiser le trésor national. Un décret antérieur, surpris à la Convention, portait que, dans l’apurement de leurs comptes, (1) Journal de Perlet [n° 406 du 12 brumaire an II (samedi 2 novembre 1793), p. 258]. on aurait égard à la différence qui existait, lors de leurs achats, entre le cours des assignats et le prix de l’argent. Ce décret, contraire à l’esprit des nouvelles lois, qui défendent la vente de l’argent, est rapporté. III. Compte rendu de V Auditeur national (1). Julien (de Toulouse), après avoir rappelé qu’il a été créé une Commission chargée de mettre à découvert toutes les dilapidations qui furent commises dans la Belgique à la dernière campagne, et de prévenir celles qui pourraient se commettre encore, dans le cas où. les armées de la République iraient une seconde fois conquérir ces contrées à la liberté, a demandé que les fonctions de cette Commission fussent distinguées plus précisément de celle d’une autre Commission établie pour régler les indem¬ nités à accorder aux fournisseurs de la Belgique, à raison de la disproportion qui existait entre la valeur des assignats et le numéraire. Charlier. Et moi, je demande le rapport du décret immoral qui accorde cette indemnité, sous prétexte que les fournisseurs ont acheté avec du numéraire. Il ne faut pas oublier les sommes immenses que déjà la République a dépensées pour cet objet, efc surtout il ne faut pas perdre de vue que ces mêmes fournisseurs ont provoqué l’avilissement de notre papier-monnaie pour faire de plus grands projets. Cette proposition de Charlier a été décrétée. ANNEXE N° £ A la séance de la Convention nationale du 11 brumaire an II (Vendredi 1M novembre 4903). Compte rendu, par divers journaux, de l'admission à la barre d’nne députation des citoyens de Nevers qui apportent à la Convention dix-sept malles remplies d'objets précieux (2). I. Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (3). La discussion ( celle du Code civil) est interrom¬ pue par l’arrivée de plusieurs sans-culottes du département de la Nièvre. Trois citoyens portant deux crosses et une croix d’argent doré entrent à la barre. Une ci¬ toyenne dépose sur le bureau une cuvette d’ar¬ gent, pleine de pièces d’or de 48 livres. On ré¬ clame pour elle l’accolade, et le Président la lui donne. Une autre citoyenne porte un grand so¬ leil d’argent doré. (1) Auditeur national [n° 406 du 2e jour de la 2e décade de brumaire an II (samedi 2 no¬ vembre 1793), p. 2]. (2) Voy. ci-dessus, même séance, p. 139, le compte rendu du Moniteur. (3) Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 409, p. 151), [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. î«bn™ÎKl793' 149 L’on introduit ensuite dans la salle 17 malles, pleines d’or et d’argent. Huit citoyens suffisent à peine à soulever chacune d’elles. On en ouvre une et on en retire un grand sac de toile plein d’écus de 6 livres. Une seconde est ouverte; on en retire des vases de vermeil de toutes les for¬ mes, tels qu’on les employait dans les cérémo¬ nies religieuses, et un grand nombre de croix et de soleils. Les sans-culottes, qui les ont portés à Paris, se placent à la barre et les étalent aux yeux de tous, au bruit des acclamations de joie et des plus vifs applaudissements. Dans cette argen¬ terie, on observe une couronne ducale de ver¬ meil. Sur-le-champ la motion est faite qu’elle soit foulée aux pieds. Un assentiment unanime se manifeste. On demande qu’un huissier fasse cet office. La couronne est brisée au milieu de la salle, et les membres de la Convention et les citoyens placés dans les amphithéâtres se lèvent spontanément, agitant leurs chapeaux en l’air et criant avec enthousiasme : Vive la République! Vive la liberté ! Vive V égalité! Un secrétaire lit la lettre suivante ; ( Suit le texte de la lettre de Fouché, que nous reproduisons ci-dessus, page 138 d'après un docu¬ ment des Archives nationales.) On lit encore une lettre de la Société populaire de Brutus-le-Magnanime, ci-devant Saint-Pierre le-Moustier. ( Suit un écrirait de la pétition de la Société popu¬ laire de Saint-Pierre-le-Moutier, que nous repro¬ duisons ci-dessus, page 138, d'après un document des Archives nationales.) Cette demande est convertie en motion et dé¬ crétée sur-le-champ. L'orateur des sans-culottes de la Nièvre, qui sont à la barre, prend la parole. Il s’exprime en ces termes : (Suit avec quelques légères variantes, le texte du discours que nous reproduisons ci-dessus, page 138, d'après un document des Archives na¬ tionales.) » Le Président exprimé avec énergie la recon¬ naissance de la patrie envers ceux de ses enfants qui la servent. Au nom de la Convention, il applaudit au zèle et au patriotisme des sans-culottes de la Nièvre et accorde à leurs envoyés les honneurs de la séance. L 'orateur. Nous sommes encore chargés de vous demander des subsistances. Les républi¬ cains de la Nièvre n’ont besoin que de fer et de pain. Ils ne manquent pas de fer. Ils demandent à échanger contre du pain celui qu’ils ont de trop. Renvoyé au comité d’agriculture et de com¬ merce. Louis demande qu’immédiatement après la séance deux commissaires de la Monnaie pren¬ nent connaissance du contenu des malles offertes, en dressent un état, et que demain il en soit rendu compte à la Convention. Cette proposition est décrétée. Sur la proposition d’un membre, la partie delà pétition relative à la demande des subsistances est renvoyée au ministre de l’intérieur. II. Compte rendu du Mercure universel (1). Une députation de citoyens du département de la Nièvre, Chaumet en tête, se présente à la barre; l’ orateur, avec une grande croix de ver¬ meil; ses deux acolytes, avec deux grosses crosses d’évêque; un quatrième portant un so¬ leil surmonté d’un bonnet de la liberté; une ci¬ toyenne, avec une soupière d’argent pleine de louis. (Applaudissements.) 17 malles remplies d’argenterie sont entrées avec peine et déposées dans la Convention au bruit des applaudisse¬ ments. L’on présente un calice d’or, un soleil d’or et une couronne ducale en vermeil. L’Assemblée décrète que cette couronne sera foulée aux pieds sur-le-champ par des huissiers, ce qui est exécuté. ( Applaudissements .) Il est fait lecture d’une lettre du représentant Fouché. ( Suit un extrait de la lettre de Fouché, puis un extrait du discours de l'orateur de la députation, que nous reproduisons ci-dessus, page 138 d’après un document des Archives nationales.) L’Assemblée a décrété qu’elle acceptait l’offre des citoyens du département de la Nièvre. Leur demande a été renvoyée au comité de subsistances. III. Compte rendu du Journal de Ferlet (2). La barre s’ouvre. On croit un instant voir en¬ trer une procession. On aperçoit une croix, des crosses, des mitres, des ciboires, plusieurs so¬ leils en or et en argent, toute la chapelle et les ornements d’un évêque. Ce sont des sans-culottes du département de la Nièvre qui arrivent au mi¬ lieu des plus vifs applaudissements. Ils font ap¬ porter 16 malles pleines d’or et d’argent. Ces dépouilles du fanatisme et de l’ aristocratie sont envoyées par le représentant du peuple Fouché à la Convention nationale. « L’or et l’argent, dit-il dans sa lettre, ont fait plus de mal à la Répu blique que le fer et le feu des despotes autri¬ chiens et des lâches Anglais. Je ne sais pourquoi on laisse ces instruments dangereux entre les mains de la malveillance. Dans le département de la Nièvre, l’autel de la patrie est surchargé de trésors. Chacun y apporte son offrande au milieu des cris de Vive la République! Vive la Montagne! Bientôt, je vous en enverrai autant qu’ aujourd’hui. » Tous ces objets précieux sont envoyés à la Monnaie. Un membre a remarqué une couronne. La Convention décrète à l’instant que ce' sym¬ bole de la tyrannie sera foulé aux pieds et mis en pièces par les huissiers. Ils le font au milieu des cris répétés de Vive la République ! (1) Mercure universel jil2e jour de brumaire an II (samedi 2 novembre 1793), p. 24, col. 1]. (2) Journal de Perlei [n° 406 du 12 brumaire an II (samedi 2 novembre 1793), p. 259].