250 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE C’est à présent à vous, âmes honnêtes et sensibles, que s’adresse la municipalité de Visan. Dédaignant le vain bruit que font les complices du scélérat qu’elle poursuit, et reposant à la vérité sur la pureté de ses motifs et sur la justice du Tribunal qui doit la juger. Elle est pourtant trop jalouse de votre estime et de votre approbation pour souffrir la moindre incertitude dans l’opinion que vous vous formerez d’elle en attendant le jugement. Elle a donc voulu vous éclairer, elle a voulu vous faire connoître un de ces hommes dont les pareils vous ont tant fait souffrir; car quel est le pays de cette vaste et infortunée contrée qui n’a pas eu les siens? Elle a voulu vous donner un grand exemple, un exemple nécessaire. Quoi ! notre sang et nos trésors auront coulés pour assouvir les haines et la rapacité de quelques monstres, qui du sein de la fange, se sont tout à coup élevés sur nos têtes? Nous aurons échappés à tous les périls d’une révolution, pour nous voir enchaîner par des misérables qui, avant cette époque, venoient humblement nous demander l’aumône! Arbitres trop longtemps de nos vies et de nos fortunes, ils auront conduits nos proches à l’échaffaud ; un miracle, disons mieux, le courage de la Convention, nous en auront nous-mêmes à peine garantis, et nous balancerons à repousser sur leur tête coupable le fer homicide qu’ils destinoient à la notre ! De vaines considérations, de plus vaines terreurs, une miséricorde déplacée, des idées d’une fausse générosité suspendront les effets d’une juste vengeance ! Ils jouiront en paix du fruit de leurs rapines! Ils compteront encore, ils désigneront leurs victimes dans le fol espoir qu’ils ne cessent de nourrir d’une réaction des immortelles journées des 9 et 10 thermidor ! Ah ! Patriotes de ces journées mémorables, vous qui nourrissez exclusivement le feu divin du vrai patriotisme, ne le souffrez pas; démasquez les traîtres, éteignez tous les genres de despotisme, étouffez-en jusqu’au dernier germe: qu’ils tremblent à leur tour ceux qui ont répandu si longtemps parmi vous l’effroi et la terreur : livrez-les à la rigueur vengeresse des lois, et que leur chûte annonce à l’Europe étonnée de nos succès et de nos ressources, que la Nation française est digne encore de lui donner des leçons de vertu, comme elle ne cesse de luis en donner de courage et d’héroïsme. Nota : La fortune d’Esteve avant la Révolution, étoit d’environ 8 à 10 mille livres. Elle a augmenté de plus de deux tiers depuis trois ans, quoiqu’il ait cessé toute espèce de travail, et qu’il ait vécu splendidement, passant son temps en voyages, ou dans les cabarets. Taulier, président, Prat, E. Vigne, J.F. Doux, Gras, Cave, officiers municipaux, GOURGONIER, agent national, BONET, secrétaire-greffier. 14 L’agent national près le district d’Avignon [Vaucluse], annonce à la Convention nationale que ses derniers délégués dans les contrées du Midi ont déjoué les complots liberticides des agens scélérats de Robespierre. Il invite la Convention à prolonger la mission des représentons Goupilleau [de Montaigu], Perrin, Auguis et Serres, qui jouissent de la confiance générale du Midi de la France. Mention honorable, insertion au bulletin (52). [L’agent national près le district d’Avignon à la Convention nationale, Avignon, le 16 brumaire an III\ (53) Législateurs, Les horreurs commises dans le midi et dont Bédoin et Orange ont été principalement le théâtre sous le règne sanglant du Cromwell moderne, ont déjà justement provoqué toute votre indignation. La scélératesse des égorgeurs de ces païs n’est pas moins atroce que celle des noyeurs de Nantes, même esprit et même caractère, mêmes principes et même acharnement contre les citoyens riches ou vertueux. Toujours en proye à des secousses violentes, toujours agitée et troublée, tantôt par le fédéralisme, par l’intrigue et la scélératesse, qui mènent à la contre-révolution, cette malheureuse contrée respire à peine et commence à jouir de la tranquilité. L’aurore de son bonheur est votre ouvrage, oui, citoyens représentans, vos dignes collègues animés du même esprit que vous, ont par l’énergie déjoué dans les départements méridionaux les complots liberticides des agents scélérats de Robespierre, et comprimé les conspirations et les conspirateurs. Tous les véritables amis de la chose publique sont les vœux les plus ardents pour que le reste impur de ces buveurs de sang tombe bientôt sous le glaive de la loi, et ne souille plus de leur criminelle existence le sol de la Répubbque, alors la paix sera durable et consolidée, et le trône de la vertu sera aussi inébranlable que celuy de la République. Mais pour parvenir à ces précieux effets et perfectionner un aussi grand ouvrage confié à vos collègues et dont ils ont déjà jetté de si solides fondemens, le terme de leur mission est trop court. Goupilleau, Perrin, Auguis et Serre réunissent la confiance générale du midi, et si les intri-gans et les scéllérats les abhorent et osent les dénoncer aux Jacobins, c’est parce qu’ils ne voyent dans ces vertueux mandataires du peuple, que des destructeurs actifs de leurs rapines et de leurs concussions. Prolongés donc, citoyens législateurs, le terme de leur mission et vous prolongerés les sentimens de notre reconnoissance ; bien loin d’avoir à (52) P.-V., L, 137. (53) C 328 (1), pl. 1447, p. 19. SÉANCE DU 7 FRIMAIRE AN III (27 NOVEMBRE 1794) - N08 15-16 251 craindre les dangers d’une tyrannique dictature, vous ne fairés que leur continuer les moyens de faire triompher la vertu et attirer de nouvelles bénédictions du peuple; vous opérerés par cet acte de bienfaisance l’anéantissement des conspirateurs et des füppons et assurerés notre bonheur sur une base solide et inébranlable. Salut et fraternité. Bruno Y, agent national. 15 Le citoyen Boisville, préposé pour le salpêtre et salin dans le département de la Corrèze, annonce que, dans l’espace de cinq mois, il s’est formé dans ce département montagnard quarante milliers de salpêtre. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi à la commission des Poudres et salpêtres (54). 16 Les républicains de la société populaire de Beaufort, département de Maine-et-Loire, applaudissent aux sublimes travaux de la Convention nationale; ils annoncent que cette commune, qui n’est composée que d’un petit nombre d’artisans et de propriétaires peu fortunés, vient de verser dans la caisse du district de Baugé, 119 liv. 17 sous, destinés à la construction du vaisseau Le Vengeur. Mention honorable, insertion au bulletin (55). [Les républicains de la société populaire de Beau-fort à la Convention, Beaufort, le 10 brumaire an 1II\ (56) Pères de la Patrie, amis de l’humanité, Jouissez du spectacle sublime qu’offrent au genre humain, à l’Europe entière et surtout à cette portion du peuple qui ne s’est jamais cor-rompüe par le souffle impur d’une puissance que le préjugé distinguoit en plaçant stupidement entre l’homme et la hberté, l’homme qui ne fut même pas digne de ce nom. Jouissez disions-nous de la douce émotion qu’inspirent à la France entière l’éclat de ses triomphes et l’aspect de son bonheur futur : pour vous méprisables tyrans du monde, venez, si les deffenseurs de l’humanité vous le permettent, venez sur les bords ensanglantés de la Sambre, de la Meuse, de la Droër, de la Moselle, et du Rhin appaiser la soif brûlante dont vous êtes tourmentés ; les eaux infectes de (54) P.-V., L, 137. (55) P.-V., L, 137. Bull., 10 frim. (suppl.). (56) C 327 (2), pl. 1443, p. 13. M.U., n° 1360. ces fleuves roulent avec des monceaux de cadavres les flots du sang dont vous fûtes toujours altérés; cet abment est digne de vous, c’est le sang de vos frères, de ces victimes que vous détenez dans les fers, que vous les immolez à votre impiété ; de cœurs qui enfin conduits au combat par la terreur et les coups de bâtons, ne reportent dans leurs foyers que le souvenir honteux de leurs défaites et de votre lâcheté; de cœurs encore dont une génération moins pusillanime doit venger sur vos têtes les [ illisible ] outragées. Contemplez si le dépit qui vous ronge permet à vos yeux d’en supporter l’éclat, la victoire planant d’un vol rapide sur l’étendard tricolore, promettre au nom de la France de briser les chaînes homicides de l’Europe, et la Convention stipulant les droits de l’homme, jetter les bases étemelles d’une paix générale. Voyez le peuple français juste, bon, clément, magnanime, donner à l’univers le double exemple du courage et de la vertu. Fixez un instant vos regards sur les nations tandis que vous les maîtrisez encore, vous les trouverez disposés à mépriser vos ordres sanguinaires pour n’écouter désormais que la voix de la Raison, et de la Nature. Permettez représentants, cette apostrophe lancée par un mouvement d’allegresse qui sans nous énerver donne à nos cœurs le caractère de fierté qui convient à des Républicains. Depuis longtemps nous avions formé le projet de vous faire parvenir nos observations sur les causes de la guerre de la Vendée et des Chouans, ainsi que nos inquiétudes sur les suites d’une guerre qui creusoit un précipice pour engloutir une contrée fidèle aux principes ; mais le mémoire de la société d’Angers comprend tout ce que nous eussions pu vous dire, et les expressions consolentes de Ruële et Bezard, en parlant au peuple angevin de vos sollicitudes à cet égard, ainsi que des mesures qui sont prises, en nous fermant la bouche, ont calmé notre douleur. Votre attitude pleine d’élévation, de grandeur et de sagesse, ce groupe imposant du peuple et des autorités constituées, vous environnant et vous pressant contre son sein, les efforts puissants du gouvernement répubhcain, tout enfin assure le succès de votre ouvrage et promet l’avenir le plus heureux. Puissent les braves deffenseurs de la cause du peuple entendre par votre intermédiaire l’accent de notre reconnaissance; puissent les plages arrosées de larmes de notre sensibibté, ne laisser bientôt apercevoir à travers un tissu de lauriers, que d’honorables cicatrices dignes de l’ambition des héros de la Grèce. Puissiez-vous vous-même jouir dès à présent du fruit de votre pénible labeur, et considérer cette expression de notre sincère gratitude comme le prélude de celle des grâces futures. Nous vous annonçons sans éprouver le moindre sentiment d’ostentation, mais parce que nous désirons faire connaître l’esprit public de la petite commune de Beaufort, que quoi qu’elle ne soit composée que d’un petit nombre d’artisans et de propriétaires peu fortunés, elle vient cependant de verser dans la caisse du district de Baugé pour la construction du vaisseau, Le Vengeur, une somme de 119 1. 17 s.