112 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 mars 1790. de Coromandel, de Mahé sur celle de Malabar, et de Chandernagor sur les rives du Gange. Qu* I-ques aidées ou villages sont annexés à ces chefs lieux épars et séparés par de grandes distances. Des considérations politiques et militaires, l’impossibilité de défendre au commencement d’une guerre des points aussi éloignés de tout secours, l’expérience qui nous a plus d’une fois appris que Pondichéry même ne pouvait devenir une bonne place, la certitude qu’elle nous serait enlevée par les Anglais (qui entretiennent 80,000 hommes de troupes dans l’Inde) dès les premières hostilités et avant même qu’on pût en apprendre le siège; ces considérations, dis-je, avaient fait prendre au roi depuis longtemps la résolution d'en retirer les troupes, l’artillerie, et de ne regarder désormais les possessions que comme des comptoirs utiles à notre commerce. L'évacuation de nos forces militaires a été faite, mais il reste dans ces diverses villes maritimes et spécialement à Pondichéry, des habitants de race européenne et indienne, eh sorte que, relativement à la population, on ne peut les comparer aux comptoirs que nous avons sur la côte occidentale de l’Afrique. Cet exposé très rapide, ou plutôt cette simple énumération des colonies et des comptoirs français paraîtront peut-être insuffisants à l’Assemblée nationale. Si elle désire des détails plus étendus, je suis prêt à les fournir; mais il est d’autant plus nécessaire qu’elle fasse connaître les principes sur ce qui doit avoir lieu relativement à chacune de ces possessions éloignées, qu’il n’en est que quatre où il ait jamais été tenu des assemblées coloniales, Saint-Domingue, la Martinique, la Guadeloupe, Tabago. Les autres n’ayant en ce moment aucun moyen d’exprimer leur vœu, peuvent néanmoins désirer qu’il soit apporté aussi des modifications à leur ancien régime et ont les mêmes droits pour l’obtenir. Je suis avec respect, etc. Signé : de La Luzerne. L’Assemblée prononce le renvoi de cette lettre au comité colonial. M. Ricard, député de Castres , membre du comité féodal, commence un rapport sur les chasses et le port d'armes. Ce rapport, qui semble fort extraordinaire, propose « d’autoriser les municipalités à faire « chasser, après avoir fait vérifier, par experts, « la quantité de gibier. » (Murmures.) M. le vicomte de Mirabeau. Le rapporteur veut être nommé maire des lapins (On rit beaucoup). Plusieurs membres du comité féodal observent que le rapport ne leur a pas été soumis et qu’ils désirent en prendre connaissance avant que la lecture soit continuée. Le renvoi au comité féodal est ordonné. Une députation de la commune de Paris, ayant à sa tête M. Bailly, maire, est introduite à la barre. Elle apporte un mémoire sur les maisons religieuses qu'il paraîtrait convenable de supprimer en exécution du décret de l'Assemblée nationale du 19 décembre 1789. M. Bailly donne lecture, ainsi qu’il suit, de ce document (!) : (1) Ce mémoire est incomplet au Moniteur. L’Assemblée nationale a décrété, le 5 février, que les maisons de religieux d’un même Ordre seraient réduites à une seule dans chaque municipalité, et en conséquence elle a ordonné que la municipalité de Pans indiquerait, dans la huitaine, celles de ces maisons qu’il serait préférable de supprimer, pour les emplacements en être mis en vente, en exécution et conformément au décret du 19 décembre dernier. C'est pour obéir au décret du 5 février que nous avons l’honneur de nous présenter aujourd’hui devant l’Assemblée nationale comme commissaires et députés du bureau de la ville, qui nous a spé ialement chargés du travail qu’exige l’exécution des ordres donnés par l’Assemblée à la municipalité de Paris. Le même décret ordonne que les ecclésiastiques feront la déclaration de leurs biens par-devant les officiers municipaux, qui seront tenus de l’envoyer à l’Assemblée nationale. La municipalité de Paris, Messieurs, pour remplir ce double devoir, vous remettra incessamment toutes les déclarations qu’elle a reçues, des biens ecclésiastiques, et les choix motivés des maisons religieuses à supprimer, avec le toisé et la valeur de leurs emplacements, afin que, dans votre sagesse, vous puissiez statuer définitivement sur le choix et la vente de ces biens. Mais quoique le travail entrepris par vos ordres ne soit pas entièrement fini, la municipalité de Paris a cru que l’intérêt de la chose publique et le patriotisme dont elle a donné des preuves demandaient que, dans cet instant, elle vous présentât un aperçu de son travail. Nous avons dans Paris plusieurs Ordres de religieux qui y possèdent trois maisons. Les Bénédictins des deux congrégations de Gluny et de Saint-Maur, les Dominicains, les Augustins, les Carmes et les Capucins. Nous vous proposons de supprimer le collège de Gluny et la maison de Saint-Denis-de-la-Chartre,en conservant la maison du Prieuré de Saint-Martin-des-Champs, qui est belle et neuve, et où on peut établir un jour, ou même dès à présent, un collège qui serait utile à cette partie de Paris entièrement privée de maisons d’instruction. Dans la congrégation de Saint-Maur, ou peut supprimer le couvent des Bénédictins anglais (1), rue Saint-Jacques, et celui des Blancs-Manieuux, en réunissant tous les religieux dans la maison de Saint-Germain-des-Prés qu’il serait naturel de conserver comme la plus ancienne abbaye de Paris, comme celle qui contient le plus de monuments, et qui renferme une superbe bibliothèque, et un nombre de savants estimables. On pourrait conserver encore le couvent des Dominicains de la rue du Bac, en supprimant celui de la rue Saint-Jacques, et surtout celui de la rue Saint-Honoré qui offre un vaste et superbe terrain, dans un quartier où il est fort cher. On pourrait supprimer également les maisons des grands et des petits Augustins. et on acquerrait deux emplacements utiles et bien situés. Les religieux se réuniraient ou aux Petits Pères de la place des Victoires, ou dans d’autres maisons de leur Ordre en province, si on ne pouvait pas faire disparaître les légères différences (1) Les bénédictins anglais ont des-réclamations à faire qu’il sera juste d’entendre. On a dû en proposer ici la suppression pour ne pas conserver deux maisons du même ordre. Mais leur terrain est de peu d’étendue et de peu de valeur, et il sera très possible de prendre des arrangements à leur égard. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 mars 1790.] jj3 qui distinguent ces religieux primitivement du même ordre, suivant tous la règle de Saint-Augustin, mais une règle qui a subi et des réformes et des changements. L’Assemblée nationale décidera ce qu’elle doit faire à cet égard ; nous observerons seulement que si elle est arrêtée par ces nuances d’une même institution, elle diminuera infiniment les réductions qu’elle a ordonnées pour commencer la libération de la dette publique. Ces mêmes différences se retrouvent dans les maisons des Carmes, et cependant nous proposerons de supprimer ceux des Billettes et ceux de la place Maubert, pour tout réunir dans la maison des Carmes Déchaux, près du Luxembourg. A l’égard des Capucins, nous proposons de conserver ceux qui sont établis à la Chaussée-d’Antin , dont la maison est neuve, et dans un quartier où leur église est nécessaire, et de supprimer la maison du Marais, qui serait coûteuse en réparations, et surtout celle de la rue Saint-Honoré qui offre un magnifique terrain de huit arpents, infiniment précieux par sa position, au voisinage des Tuileries. Tous ces religieux ne pourraient pas loger à la Chaussée-d’Antin, mais la maison de Meudon offre un supplément suffisant. Les maisons conservées dans les ordres qui sont rentés, et qui ont des possessions, sont supposées réduites à leurs lieux claustraux et d’habitation. Tout le reste doit être à la disposition actuelle de la nation; et, par exemple, la maison abbatiale de Saint-Germain-des-Prés, l’emplacement de la Foire, toutes les maisons en locations qui dépendent tant de Saint-Germain-des-Prés, Saint-Martin-des-Ghamps, que des Jacobins, des Augustins et des Garmes; les jardins, lorsque leur grandeur permettra de les réduire, seront réunis à la masse des biens dont la nation disposera. Quant aux ordres qui n’ont que deux maisons, ce sont les Prémontrés que l’on peut réunir à la Croix-Rouge, en supprimant ceux de la rue Hau-tefeuille ; les Minimes que l’on peut transférer aux Bons-Hommes de Chaillot; les Pères de Nazareth que l’on peut faire passera Picpus;et même, si l’Assemblée le jugeait convenable, on pourrait y porter également et les Récollets et les Cordeliers, puisque tous ces religieux sont des Franciscains. Les Feuillants ont une maison dans la rue d’Enfer où peuvent se retirer ceux qui resteront dans cet ordre, en laissant libre et disponible l’emplacement qu’ils ont dans la rue Saint-Honoré ; emplacement d'autant plus avantageux qu’il est contigu à celui des Capucins, terrain précieux et par sa position et par son étendue, qui permet une infinité de dispositions d’utilité pour le Trésor public et d’embellissement pour le quartier. En supprimant ces maisons, on pourrait quelquefois conserver les églises, suivant la nécessité du quartier et l’avantage de ceux qui l’habitent. Quoique quelques-unes de ces vues ne soient pas renfermées dans le décret du 5 février, elles nous ont paru utiles, et nous les soumettons à la sagesse de l’Assemblée; et, soit qu’elle les adopte ou les rejette, elle y verra une preuve de notre zèle pour l’avantage public. Les mêmes idées d’utilité nous engagent à parler de quelques religieux dont les ordres n’ont qu’une maison à Paris, mais dont la suppression actuelle serait cependant facile. En exposant ces idées, nous croyons ne pas nous éloigner des intentions d’un nombre de religieux qui ne demandent pas mieux que d’abandonner cet état, et entrer dans les vues de l’Assemblée, qui sont de parvenir un jour à la suppression absolue de tous les ordres religieux. Nous croyons in Série, T. XII. que les Théatins ne répugneraient pas à leur sécularisation ; et les Chartreux, en conséquence de leur institution, pourraient être transférés dans les campagnes où ils ont eu leurs premières habitations. Telles sont les suppressions que nous proposons comme les premières et les plus importantes, en attendant celles qu’un travail ultérieur pourra nous fournir; mais il en résulte un ensemble de vingt-sept maisons qu’un décret peut supprimer au moment où l’Assemblée le voudra, et une masse de biens dont elle peut ordonner la vente. Cette vente, comme l’Assemblée l’a reconnu, est un objet de la plus haute importance, et d’où, peut-être, dépend dans ce moment le salut public. Vous aurez, sans doute, Messieurs, l’indulgence de permettre que les députés qui paraissent devant vous, que votre collègue qui a l’honneur de les présider et de vous porter la parole, offrent à l’Assemblée quelques réflexions et quelques vues sur les moyens d’opérer cette vente d’une manière utile, et surtout d’en retirer les avantages promptement, et dans ce moment même où il est instant de rétablir la confiance, le crédit public et la circulation. Les conditions de la vente que vous avez à faire, Messieurs, sont qu’elle soit avantageuse etprompte; mais malheureusement ces conditions sont d’autant plus difficiles à réunir, qu’elles se contrarient; de manière que si l’on expose à la fois tous ces biens à l’enchère, comme l’instance du besoin semble l’exiger, la concurrence des objets diminuera la concurrence des acquéreurs; ces objets ne seront point vendus, ou le seront à vil prix, et que, si d’un autre côté, les ventes sont faites avec la discrétion nécessaire, et retardées pour les bonifier, le Trésor public ne se remplira que lentement, et l’Etat ne sera pas assez tôt secouru. Nous ne voyons qu’un moyen de concilier ces choses opposées, c’est que l’Assemblée nationale fasse sortir de sa main ces biens qu’elle a déclarés à la disposition de la nation, et les remette dans une main étrangère; c’est qu’elle propose aux municipalités considérables, et qui ont un crédit qui leur est propre, d’acheter en masse, et en quelque sorte fictivement, les biens ecclésiastiques qui seront à leur bienséance. Les obligations de ces municipalités deviendront des effets qui pourront être mis dans la circulation, et substitueront au crédit public un crédit intermédiaire qui offre à l’inquiétude, des sûretés d’un genre ordinaire et mieux connu. L’Assemblée nationale a décrété, le 19 décembre, qu’il serait vendu pour quatre cents millions de biens du Domaine, et de biens ecclésiastiques; elle a créé en même temps pour la même somme d’assignats hypothéqués et remboursables sur le produit des ventes. Mais ces assignats n’ont pas obtenu la faveur qu’on désirait et le cours dont on avait besoin, parce que la confiance ne peut reposer que sur une base établie et visible : l’hypothèque ne peut venir se placer que sur des biens vendus, et non sur une vente projetée, annoncée, mais dont on conçoit ou l’on craint, dont on espère peut-être que mille circonstances pourront détourner l’exécution. La parole, l’engagement de l’Assemblée nationale sont infiniment sûrs et infiniment respectables, mais ces certitudes d’une saine opinion ne sont pas communes â tous les hommes ; la confiance générale a besoin d’objets réels ou palpables, et l’intérêt qui n’admet point dans ses calculs les présomptions morales les plus légitimes, s’attacbe, et nécessairement, aux actualités physiques. Il faut donc vendre en masses 8 411 [Assemblé» nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [10 mars 1790.] quelconques les biens ecclésiastiques, parce qu’alors ils seront sortis de la main du clergé, parc»* qu’ils seront sortis de la main de l’Assemblée naiionale, et que son décret, déjà sacré par lui-même, aura reçu la sanction de l’exécution. La seconde vente sera déclarée et reconnue possible par la première, la seconde vente admettra l’hypothèque et permettra le recours. Il faut vendre aux municipalités, parce qu’elles sont les instruments naturels des opérations nationales, parce qu’elles ont un crédit proportionné à leur existence, et qu’il est utile d’employer. J’espère que l’Assemblée ne désapprouvera point que nous mettions sous ses yeux dans ce moment un plan hypothétique des opérations qu’on pourrait attendre des municipalités, et que nous appliquerons à la ville de Paris, comme celle dont les relations nous sont le mieux connues. Nous ne sommes point encore dans ce moment en état de déclarer la valeur des biens ecclésiastiques de Paris, et le montant présumé du produit des ventes; mais cette détermination ne fait rien au plan que nous nous sommes fait: quelle que soit la valeur de ces biens, il sera toujours facile à l’Assemblée nationale de compléter, soit en biens du Domaine, soit en biens ecclésiastiques, une somme fixe positive, telle que celle de deux cents millions. La ville de Paris ferait l’acquisition de la totalité de ces biens aux conditions suivantes : 1° Elle remettrait sur le champ les trois quarts de la valeur de ces biens dans les mains du trésorier de l’extraordinaire, en quinze obligations de dix millions chacune, une payable chaque année, et le sort devant décider de celle qui serait remboursée. 2° La ville de Paris, pour assurer le paiement des premières de ces obligations, et pour attendre la vente favorable de ces biens, serait autorisée à ouvrir un emprunt, suivant le besoin, et par privilège sur ces bieus, jusqu’à concurrence du tiers de leur valeur, et il ne sera pas difficile qu’elle présente une soumission de capitalistes accrédités qui assureront le succès de cet emprunt, et le versement, à la caisse de la ville, des fonds nécessaires au premier remboursement. Les autres remboursements seront effectués par la vente des biens dont on s’occupera immédiatement , mais qui aura lieu d’une manière successive, toujours par adjudication publique, et en ne présentant à l’enchère que les portions de biens pour lesquels il y aurait déjà une offre satisfaisante, et au moins égale à l’estimation. 3° Les officiers municipaux de la ville de Paris seraient chargés de la conduite et de la gestion de cette opération, tenus d’en rendre compte de cletc à maître, à la nation même, représentée par les prochaines législatures; et, après avoir défalqué du produit total le montant des obligations et celui des frais, ils remettraient à la nation les trois auarts du surplus, et garderaient pour la ville l'autre quart, eû dédommagement de l’emploi de son crédit, et pour le produit en être employé en travaux d’utilité publique, dont le premier serait la construction d’un palais pour la tenue des séances de l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale déposerait dans ce moment les obligations que l’on aurait reçues delà Ville, et en ferait faire par le trésorier de l’extraordinaire, des coupures par sommes de mille livret , six cents livres, quatre cents livres , trois cents livres et deux cents livres. Ces coupures ou nouveaux billets seraient enregistrés, numérotés et signés par le dépositaire des obligations originales, pour constater que la valeur totale de ces papiers ue surpasserait pas celle des obligations. L’Assemblée nationale distribuerait les deux cents autres millions de biens du clergé, destinés à être vendus dans les différents départements; ou, si l’un ne peut pas attendre la formation de ces départements, aux principales villes; chacune de ces villes adresserait ici, au trésorier de l’extraordinaire, ses obligations que l’on couperait comme celles de Paris, et dont les portions pourraient porter le nom d 'effets municipaux , et peut-être n’est-ce pas trop se flatter de croire que ces effets, appartenantaux plus riches villes deFrance, auraient cours par tout le royaume. On attacherait à ces obligations un intérêt de 4 0/0, qui, pour 150 millions, ferait une somme de 6 millions par an, et de 500,000 livres par mois. Cet intérêt serait abandonné aux nouveaux billets. L’Assemblée leur donnerait le cours qu’elle voudrait, et le déterminerait dans sa sagesse, de manière à rétablir nécessairement la circulation. Il est instant de remédier à la disette du numéraire, qui expose à tout moment la chose publique, qui met tout en stagnation, qui fait que personne n’achète, ni ne fait travailler, et qui multiplie les pauvres et les misérables autour de nous. Tout ici meurt de faim, parce que l’argent manque partout. Suppléez, Messieurs, à la reutrée lente et incertaine des impôts; ranimez les payements des rentes sur rHôtel-de-Ville, ceux de toutes les caisses, la circulation se rétablira, le commerce et l’abondance reparaîtront, toutes les classes redeviendront aisées, l’ouvrier vivra, et le peuple sera soulagé. Ce n’est pas tout , Messieurs , que ces billets aient une hypothèque assurée, et portent un intérêt qui fasse qu’ils ne soient pas stériles dans les mains qui les posséderont. Cet intérêt peut suffire à ceux qui placent leurs fonds, mais non aux classes de citoyens, dont l’argent est toujours en mouvement, et qui veulent avoir dans leurs mains un papier qui soit toujours disponible comme ,de l’argent. Ces billets à intérêt fixe n’auraient pas d’avantage sur les effets nommés royaux , et qui sont actuellement sur la place. Il faut donc substituer à l’intérét ordinaire l’avantage d’un bénéfice éventuel, qui se prête à leurs calculs, d’un bénéfice moins certain, mais plus fort; il faut faire entrer, dans le plan que nous proposons, l’attrait de l’espérance qui a tant d’empire sur les hommes, et d’une espérance liée à des époques, pour déterminer les possesseurs de ces billets à les garder dans leurs mains et à les préférer à l’argent, du moins au moment du retour de ces époques. Persuades que l’Assemblée nous autorise à lui développer, et toujours d’une manière hypothétique, la suite du plan que nous avons tracé dans nos pensées sur l’utilité et le salut publics, nous dirons que, pour distribuer la prime dont nous venons de parler, les dix millions de chaque obligation pourraient être partagés en cinq portions égales de deux millions chacune, et composées, chacune en entier, d’une des ciDq espèces de billets désignés ci-dessus, de 1,000 livres, 600 livres, 400 livres, 300 livres, 200 livres ; que l’intérêt de 500,000 livres par mois, applicable aux quinze obligations, pourrait être réparti en tre elles, chaque mois, et par deux opérations infiniment simples. Un premier tirage d’un numéro, de un à quinze, déciderait à laquelle des quinze obligations appartiendrait la prime de 500,000 livres; et un second tirage d’un numéro, de un à cinq, déterminerait la classe unique et la nature des billets à laquelle appartiendrait cette même prime. Cette classe de 2 millions gagnerait 700,000 livres; et le porteur [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il mars 1790.] jjK de billet recevrait une prime égale au quart de sa valeur. Celle forme de tirage est simple et n’exige aucune liste ; la chance ne peut que donner de l’attrait et du cours aux billets; et il est indubitable qu’au moins, à la fln de chaque mois, on préférerait à l’argent un papier qui offre un bénéfice possible et considérable. Les 150 millions de ces billets peuvent être délivrés à la caisse d’escompte, en paiement de la plus grande partie des 170 millions qui sont dns par la nation; à la charge, en continuant de payer la somme limitée d’argent qu’elle distribue chaque jour, d’échanger aussitôt, à bureau ouvert, ces papiers contre ses propres billets. Il paraît incontestable qu’on serait empressé de venir troquer les billets de caisse, qui ne rapportent rien, contre de nouveaux effets qui portent avec eux une espérance assez considérable, et de tous les mois; enfin, des billets souscrits par des particuliers, contre des billets dont le gage serait souscrit par la ville de Paris, et hypothéqué sur des immeubles dont la vente serait ouverte, et comme la caisse d’escompte n’a que pour environ 152 millions de billets dans la circulation, aussitôt que cet échange serait consommé, elle conserverait seulement quelques millions d’effets circulants, elle' serait dégagée de toute association aux opérations du gouvernement; elle pourrait reprendre le cours de ses opérations ordinaires et de pur commerce; et en payant à bureau ouvert, en argent, çe qui resterait de ses billets, elle rapprocherait de nous cette époque désirée, de ses paiements libres au premier juillet. Je ne sais, Messieurs, si noire zèle nous aveu-le, si le désir de voir finir les maux inséparables 'une grande révolution, et de terminer nos in-uiétudes, nous fait embrasser des chimères qui attent nos espérances; mais nous croyons que les idées et les vues que nous vous proposons sont également avantageuses, et à la nation, et à la ville de Paris; nous croyons qu’elles sont le seul moyen de remédier à la disette du numéraire, de raminer la confiance, et de faire renaître le commerce. L’Assemblée nationale sait qu’elle ne peut sauver la chose publique qu'en donnant de la valeur aux assignats sur les biens du clergé ; les billets souscrits par la ville, et hypothéqués sur les, fonds du clergé, auront la valeur que n’ont pu obtenir les assignats. L’Assemblée sait que la vente de ces biens ne peut être bien faite, et à profit, que par des agents qui en fassent leur chose, qui sachent temporiser, saisir les moments, et estimer le cours des biens, avant de les exposer en vente. L’Assemblée aura, dans les officiers municipaux, des agents qui seront des citoyens intéressés à la chose publique qu’ils ont déjà sauvée une fois. Elle libérera la caisse d’escompte de ses engagements, elle renouvellera le crédit de cette administration, dont la gêne inquiète tous les esprits, et dont la chûte ébranlerait, si elle n’anéantissait Eas, le crédit public : enfin, l’Assemblée, eu réta-lissant tout à coup la circulation, fera taire les ennemis de l’Etat, qui répandent, dans Paris et dans les provinces, que la banqueroute est faite, ou va se faire; et, ce qui est plus important encore que ces rumeurs populaires, elle assurera en effet, et pour jamais, la dette publique qu’elle a déjà mise sous la garde de l’honneur et de la loyauté française. Quant à la ville de Paris, elle sera chargéed’une opération, de la plus grande importance ; elle n’y est point engagée par la portion des bénéfices qu’elle réclame pour des objets d’utilité; c’est une demandé de citoyens purs et désintéressés ; c’est une demande que des citoyens généreux peuvent faire ou peuvent accorder ; mais ce qui la flattera, Messieurs, ce qui l’honorera, c’est votre confiance, c’est d’être employée à une œuvre utile à la France entière; c’est d’avoir part à un acte de votre sagesse, qui sera le complément de la Révolution, et en donnant l’exemple, à cet égard, aux autres villes, d’ajouter ce service aux traits de courage et de patriotisme de nos concitoyens qui ont commencé la Révolution. Si les vues, les moyens généraux que nous vous avons proposés, Messieurs, vous paraissent utiles à employer dans toutes les municipalités; si, surtout, fl vous paraît important de les mettre en exécution, et promptement dans cette grande municipalité de Paris, qui peut offrir à des besoins très urgents, des secours très puissants, alors, Messieurs, mes collègues et moi, fiers et heureux de cette adoption que vous nous accorderez, déjà autorisés par votre aveu, nous nous retirerons par devers nos commettants pour soumettre ces moyens à leurs lumières, leur proposer de faire les offres que vous serez disposés à agréer, et leur demander leur autorisation. Signé : Bailly, maire; Boullemerdb la Màr-tinière, procureur-syndic; Celerier, lieutenant de maire; Le Couteulx dr là Noràye, lieutenant de maire; Cànuel, conseiller-assesseur. M. le comte de Castellane. Je demande que le mémoire soit imprimé, distribué et renvoyé au comité des finances afin qu’il en fesse rapport mardi prochain. (Cette proposition est adoptée.) M. le baron de Gernon, membre du comité de constitution, rend compte d’une difficulté qui s’est élevée entre les députés de la sénéchaussée de Nérae et ceux de la sénéchaussée de Condom. Les uns et les autres réclament lavilledeMoncra-beau pour leur district. Il propose le décret suivant qui est adopté : L’Assemblée nationale décrète, conformément à l’avis de son comité de constitution, que la ville de Moncrabeau sera réunie au district de Nérae, 4 moins qu’elle n’exprime 4 cet égard un vœu contraire. M. le Président lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRESIDENCE DE M. L’ARBÉ DE MQNTESQUIOU. Séance, du jeudi 11 mars 1790, au matin (1). M. le Président ouvre la séance à 9 heures du matin. M. Merlin, Vun de MM. Les secrétaires , donne lecture de la séance du mardi soir, 9 mars. M, Guillaume, autre secrétaire, fiait lecture du procès-verbal de la séance d’hier. (lj Cette séance est incomplète au Moniteur.