556 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE En attendant que les deux comités réfutent, avec autant de lumières que d’énergie, les faits qui les concernent dans le discours de Robespierre, ils ont examiné les mesures que la tranquillité publique réclame dans les circonstances où des passions personnelles les ont jetés. Ils ont d’abord porté leurs regards sur les moyens que l’aristocratie, joyeuse des événements actuels, peut employer dans Paris; cette aristocratie, que tous nos efforts semblent ne pouvoir éteindre, et qui se cache dans la boue quand elle n’est pas dans le sang, l’aristocratie a fermenté depuis hier avec une activité qui ne ressemble qu’au mouvement contre-révolutionnaire. Qui a donc voulu relever ses espérances parricides ? Sur qui peut-elle porter ses moyens ? Sur quelques nobles placés dans la force publique, sur quelques hébertistes impunis, sur quelques contre-révolutionnaires militaires. Oui, citoyens, vous avez pressenti leurs ressources, et vous venez de les leur ravir; vous venez d’en faire justice de ces militaires ambitieux. Les comités se sont demandé pourquoi il existait encore, au milieu de Paris, un régime militaire, semblable à celui qui existait du temps des rois; pourquoi tous ces commandants perpétuels, avec état-major, d’une force armée immense. Le régime populaire de la garde nationale avait établi des chefs de légion commandant chacun à son tour. Les comités ont pensé qu’il fallait restituer à la garde nationale son organisation démocratique : en conséquence, ils proposent de décréter la suppression du commandant général, et que chaque chef de légion commandera à son tour. Le maire de Paris et l’agent national de la commune doivent dans ce moment remplir leur devoir, leur fidélité et leur dette envers le peuple : espérons qu’ils les rempliront. C’est à eux de répondre sur leurs têtes de la sûreté des représentants du peuple et des troubles que des partis aristocratiques voudraient susciter, toutes les fois qu’ils aperçoivent quelque altération dans l’esprit de la Convention nationale. Les comités ont pensé que dans l’état actuel où se trouve l’opinion publique, et dans la crise où nous sommes, il était nécessaire d’adresser une proclamation aux citoyens. Dans un pays libre, il suffit de quelques traits de lumière et aussitôt la raison du peuple s’en saisit, défend ses véritables défenseurs, et soutient ses droits. Voici le projet de décret (l). (l) Pour le texte du projet de décret, voir P.V., ci-dessus (n° 7), Moniteur (réimpr.), XXI, 333; Débats, 169- 171; J. Mont., n°93; C. Eg., n°708; Mess. Soir, n°708; Rép., suppl1 au n°220; J. Fr., n°671; J. Lois, n°668; J. Sablier, n° 1463; J. Perlet, nos 673-674; Ann. R.F., nos 238- 239; C. Univ., n°939; F. S. P., n°388; Ann. patr., n° DLXXIV ; J. Univ., n° 1708; M.U., XLII, 151. D1 « La Convention nationale au peuple français » (l). [BOURDON (de l’Oise) demande l’envoi de la proclamation aux communes. Adopté à l’unanimité. Robespierre : « Je n’aurai donc jamais la parole ». - Un membre : « Tu n’as pas voulu que nous entendions Danton » (2)]. E COLLOT D’HERBOIS : Il est une mesure que je crois essentielle : c’est de demander que Saint-Just dépose sur le bureau le discours qu’il devait prononcer pour contribuer aussi à amener la contre-révolution. [Cette proposition est adoptée]. COLLOT : Citoyens, il est vrai de le dire, vous venez de sauver la patrie. La patrie soupirante, et le sein presque déchiré, ne vous a pas parlé en vain. Vos ennemis disaient qu’il fallait encore une insurrection du 31 mai. ROBESPIERRE l’ainé : Il en a menti... (L’assemblée fait éclater la plus vive indignation). CLAUZEL : Je demande que les huissiers exécutent le décret d’arrestation. LE PRÉSIDENT : J’en ai déjà donné l’ordre; et lorsque les huissiers se sont présentés, on a refusé d’obéir. (A la barre ! à la barre ! crie-t-on de toutes parts). LÔZEAU : Je rappelle à la Convention que, lorsqu’elle mit en arrestation plusieurs de ses membres, elle les fit passer à la barre. Je demande qu’il n’y ait pas plus de privilège pour ceux-ci, et qu’ils y descendent. Plusieurs voix : Oui, oui, à la barre ! La Convention décrète cette proposition. Les individus décrétés d’arrestation descendent à la barre. (On applaudit à plusieurs reprises). COLLOT D’HERBOIS : La patrie sourit à votre énergie; ses ennemis disaient qu’il fallait une insurrection du 31 mai. Non, ce n’était pas une insurrection qu’il fallait, car 100.000 contre-révolutionnaires étaient prêts à saisir le premier mouvement pour égorger la liberté. Ils étaient déjà tout radieux, les partisans de la contre-révolution; mais la journée sera sinistre pour eux. (On applaudit). Ce n’était pas une insurrection à leur manière qu’il fallait; c’était une insurrection contre la tyrannie, et c’est vous qui l’avez faite. (Vifs applaudisse-(l) Voir le texte de la Proclamation ci-dessus, au P.V., n° 8. Mon., 327 et 341 ; Débats, 171 ; J. Univ., n° 1708; -J. Mont., nos 92 et 93; C. Eg., n° 711. Mentionné par J. Fr., n°671; J.S. -Culottes, n°528; Rép., suppl1 au n°220; C. univ., n° 939; J. Lois, n° 668; Ann. patr., n° DLXXIV; Ann. R.F., n°239; J. Sablier, n° 1463. (2) Ann. patr., n° DLXXIV. 556 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE En attendant que les deux comités réfutent, avec autant de lumières que d’énergie, les faits qui les concernent dans le discours de Robespierre, ils ont examiné les mesures que la tranquillité publique réclame dans les circonstances où des passions personnelles les ont jetés. Ils ont d’abord porté leurs regards sur les moyens que l’aristocratie, joyeuse des événements actuels, peut employer dans Paris; cette aristocratie, que tous nos efforts semblent ne pouvoir éteindre, et qui se cache dans la boue quand elle n’est pas dans le sang, l’aristocratie a fermenté depuis hier avec une activité qui ne ressemble qu’au mouvement contre-révolutionnaire. Qui a donc voulu relever ses espérances parricides ? Sur qui peut-elle porter ses moyens ? Sur quelques nobles placés dans la force publique, sur quelques hébertistes impunis, sur quelques contre-révolutionnaires militaires. Oui, citoyens, vous avez pressenti leurs ressources, et vous venez de les leur ravir; vous venez d’en faire justice de ces militaires ambitieux. Les comités se sont demandé pourquoi il existait encore, au milieu de Paris, un régime militaire, semblable à celui qui existait du temps des rois; pourquoi tous ces commandants perpétuels, avec état-major, d’une force armée immense. Le régime populaire de la garde nationale avait établi des chefs de légion commandant chacun à son tour. Les comités ont pensé qu’il fallait restituer à la garde nationale son organisation démocratique : en conséquence, ils proposent de décréter la suppression du commandant général, et que chaque chef de légion commandera à son tour. Le maire de Paris et l’agent national de la commune doivent dans ce moment remplir leur devoir, leur fidélité et leur dette envers le peuple : espérons qu’ils les rempliront. C’est à eux de répondre sur leurs têtes de la sûreté des représentants du peuple et des troubles que des partis aristocratiques voudraient susciter, toutes les fois qu’ils aperçoivent quelque altération dans l’esprit de la Convention nationale. Les comités ont pensé que dans l’état actuel où se trouve l’opinion publique, et dans la crise où nous sommes, il était nécessaire d’adresser une proclamation aux citoyens. Dans un pays libre, il suffit de quelques traits de lumière et aussitôt la raison du peuple s’en saisit, défend ses véritables défenseurs, et soutient ses droits. Voici le projet de décret (l). (l) Pour le texte du projet de décret, voir P.V., ci-dessus (n° 7), Moniteur (réimpr.), XXI, 333; Débats, 169- 171; J. Mont., n°93; C. Eg., n°708; Mess. Soir, n°708; Rép., suppl1 au n°220; J. Fr., n°671; J. Lois, n°668; J. Sablier, n° 1463; J. Perlet, nos 673-674; Ann. R.F., nos 238- 239; C. Univ., n°939; F. S. P., n°388; Ann. patr., n° DLXXIV ; J. Univ., n° 1708; M.U., XLII, 151. D1 « La Convention nationale au peuple français » (l). [BOURDON (de l’Oise) demande l’envoi de la proclamation aux communes. Adopté à l’unanimité. Robespierre : « Je n’aurai donc jamais la parole ». - Un membre : « Tu n’as pas voulu que nous entendions Danton » (2)]. E COLLOT D’HERBOIS : Il est une mesure que je crois essentielle : c’est de demander que Saint-Just dépose sur le bureau le discours qu’il devait prononcer pour contribuer aussi à amener la contre-révolution. [Cette proposition est adoptée]. COLLOT : Citoyens, il est vrai de le dire, vous venez de sauver la patrie. La patrie soupirante, et le sein presque déchiré, ne vous a pas parlé en vain. Vos ennemis disaient qu’il fallait encore une insurrection du 31 mai. ROBESPIERRE l’ainé : Il en a menti... (L’assemblée fait éclater la plus vive indignation). CLAUZEL : Je demande que les huissiers exécutent le décret d’arrestation. LE PRÉSIDENT : J’en ai déjà donné l’ordre; et lorsque les huissiers se sont présentés, on a refusé d’obéir. (A la barre ! à la barre ! crie-t-on de toutes parts). LÔZEAU : Je rappelle à la Convention que, lorsqu’elle mit en arrestation plusieurs de ses membres, elle les fit passer à la barre. Je demande qu’il n’y ait pas plus de privilège pour ceux-ci, et qu’ils y descendent. Plusieurs voix : Oui, oui, à la barre ! La Convention décrète cette proposition. Les individus décrétés d’arrestation descendent à la barre. (On applaudit à plusieurs reprises). COLLOT D’HERBOIS : La patrie sourit à votre énergie; ses ennemis disaient qu’il fallait une insurrection du 31 mai. Non, ce n’était pas une insurrection qu’il fallait, car 100.000 contre-révolutionnaires étaient prêts à saisir le premier mouvement pour égorger la liberté. Ils étaient déjà tout radieux, les partisans de la contre-révolution; mais la journée sera sinistre pour eux. (On applaudit). Ce n’était pas une insurrection à leur manière qu’il fallait; c’était une insurrection contre la tyrannie, et c’est vous qui l’avez faite. (Vifs applaudisse-(l) Voir le texte de la Proclamation ci-dessus, au P.V., n° 8. Mon., 327 et 341 ; Débats, 171 ; J. Univ., n° 1708; -J. Mont., nos 92 et 93; C. Eg., n° 711. Mentionné par J. Fr., n°671; J.S. -Culottes, n°528; Rép., suppl1 au n°220; C. univ., n° 939; J. Lois, n° 668; Ann. patr., n° DLXXIV; Ann. R.F., n°239; J. Sablier, n° 1463. (2) Ann. patr., n° DLXXIV.