502 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (18 août 1791.J Son assemblée coloniale, pleine de soumission pour vos décrets, a déjà exécuté Ct ux des 8 et 23 mars 1790, et la colonie jouirait, sa> s doute, du frs it de ses travaux, si le conseil supérieur, par une conduite opposée, ne frndait à les détruire. Ce conseil, suivant deux lettres du président de l’assemblée coloniale, dont l’une en son nom, et l’autre au nom de l’assemblée, n’a pas encore voulu prêter son serment civique ; et cependant, observent ces deux lettres, il juge de l’hunneur, de la vie et de la propriété des bons citoyens qui l’ont prêté. L’assemblée coloniale se plaint fermement, par ses dernières dépêches, qu’il n’enregistre ses arrêtés, quoique provisoirement sanctionnés par le gouverneur, qu’avec des restrictions injurieuses qui tendent à les annuler, à désunir les habitants et à diminuer leur confiance envers elle; que les municipalités acceptées avec reconnaissance par toutes les paroisses, étaient déjà dans la plus heureuse activité, lorsque l’une d’elles (celle de Saint-André) ne s’est dissoute qu’à l’instigation du conseil : elle observe que ce premier désaccord ne peut exister dans la commune organisation; mais l’influence de l’Assemblée nationale peut seule rétablir l’harmonie, puisque le gouvernement, chef du pouvoir exécutif dans la colonie, n’a rien fait pour maintenir ce premier établissement qu’il avait sanctionné. Des lettres particulières au correspondant de cette colonie mamient que les trois pouvoirs, dont la réunion serait si précieuse à sa régénération, sont entièrement divisés; que la différence des opinions a déjà occasionné nombre d’affaires particulières qui peuvent devenir le signal d’une affaire générale, si l’Assemblée nationale n’étend sur cette colonie intéressante les salutaires effets de sa vigilance. L’ile de France qui n’en est distante que de 30 lieues n’a pas été exempte de troubles. Voici comment s’exprime la dernière lettre officielle de MM. les gouverneur et intendant, au ministre de la marine : « L’indiscipline des soldats de nos 2 régiments est poussée bien loin: ils sont sourds à la voix de leurs officiers, et connaissent à peine un commandant, que jusqu’à ce jour ils avaient respecté dans l’Inde et ici. « La cruelle destinée de M. Macnémara leur a trop bien appris qu’ils sont les plus forts, et qu’on ne pourrait leur opposer qu’une faible résistance. En conséquence, ils ne demandent plus, ils ordonnent, et toutes les vieilles recherches se reproduisent avec la certitude que ce qu’on leur a refusé, dans un temps plus calme, ne pourra plus l’être aujourd’hui. « Les matelots et ouvriers suivent ce mauvais exemple, et chaque jour voit naître une nouvelle demande, etc. » A ces réflexions, vos comités de marine et des colonies ajoutent les observatiqns suivantes, extraites de la correspondance des administrateqrs. Que la nation a des réclamations pour plus de 12 millions sur divers particuliers; qu’il est nécessaire de prendre des mesures pour assurer ces créances, et en procurer le recouvrement. Qu’il existe dans ces deux îles, pour près de 5 à 6 millions de meubles et d’immeubles appartenant à la nation, inutiles aux besoins de l’Etat, et onéreux au Trésor; qu’il est pareillement des mesures à prendre pour les faire vendre, et en faire verser le produit dans la caisse nationale. Qu’il y reste de vastes domaines à concéder; qu’il est également de plus sages dispositions à prendre pour leur distribution et pour la conservation des bois nécessaires pour les besoins de l’Etat ; que ces colonies n’ont d’importance que par leurs ports, par les flottes qui passent dans les mers orientales ; que les réserves nationales en bois offrent toutes les ressources nécessaires à leurs réparations ; mais que ces ressources seront bientôt nulles, si les dévastations sont plus longtemps continuées. Qu’il existe des abus énormes dans leur administration, qu’il est essentiel de les connaître et d’y obvier. Que ces colonies, enfin, sont les clefs des mers orientales; que la première est le grenier de la seconde qui en est le rempart; que sous ces trois rapports elles méritent, dans ces circonstances surtout, les mesures les plus promptes. Que leur grande distance de la mère patrie, que leur attachement pour elle, et spécialement leur soumission à vos décrets, doit vous invitera faciliter leur organisation, et qu’il n’est pas de plus sûrs moyens, ni de plus efficaces pour y parvenir, que d’y envoyer des commissaires-conciliateurs, avec les mêmes pouvoirs que ceux accordés aux autres colonies : nous devons vous observer que le ministre de la marine juge cette mesure très nécessaire. Que d’après les nouvelles reçues de Pondichéry et de Chandernagor, l’Assemblée nationale, si elle veut conserver son commerce dans l'Inde, doit s’occuper de �organisation de ces établissements. Que ces mêmes commissaires pourront s’y porter facilement après avoir terminé leurs travaux aux îles de France et de Bourbon. Mais en n’envisageant dans le moment présent que la sûreté de ces deux colonies, leur grand éloignement de la métropole, leur position dans la circonstance d’une guerre possible, la difficulté de communiquer avec elles, les lenteurs d’une correspondance peu active, tous ces motifs ont déterminé vos comités réunis à vous proposer le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de marine et des colonies, voulant réunir tous les moyens propres à assurer la tranquillité des îles de Fiance et de Bourbon, faliciter �organisation qui leur est propre, et l’établissement des lois qui doivent les faire participer à la régénération de l’Empire ; « Considérant que, pour parvenir à ce but, elle a annoncé qu’il serait envoyé des instructions à toutes les colonies, et qu’en faisant précéder cette mesure d’un degré de puissance capable de réunir les esprits, elle en a confié les dispositions à des commissaires civils qui ont été envoyés dans toutes les autres colonies; « Qu’il entre également dans ses vues de faire jouir les îles de France et de Bourbon des mêmes avantages, afin de conduire paisiblement leurs habitants au vœu commun à tous ceux qui désirent le bien, a décrété ce qui suit : Art. lor. « Il sera envoyé 2 commissaires civils aux îles de France et de Bourbon, chargés d’y maintenir l’ordre et la tranquillité publique, de faciliter leur organisation, et de veiller à l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale ; ils y exerceront, s’il y a lien, les fonctions et pouvoirs délégués par le décret du 29 novembre dernier, aux commissaires destinés aux îles du Vent; à l’effet de quoi, il leur sera donné tous pouvoirs nécessaires. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 août 1791.] 503 Art. 2. « Lesdits commissaires seront chargés de remettre à chaque assemblée coloniale desdites îles, la collection complète des décrets rendus par l’Assemblée nationale jusqu’au jour de leur départ, et semblable expédition des instructions décrétées pour Saint-Domingue, pour faciliter le vœu qu’elles auront à présenter au Corps législatif en France. Art. 3. « Ils feront prêter et recevront de tous les fonctionnaires publics, des troupes de terre et de mer, s’il n’a eu lieu, le serment décrété par l’Assemblée pationale. Art. 4. « Ils prendront connaissance de toutes les sommes dues au Trésor public par les habitants desdites îles, et se concerteront avec leurs assemblées coloniales pour assurer ses créances et en procurer le recouvrement et le versement au Trésor public. Art. 5. « Ils se feront remettre par les administrateurs de la colonie où ils seront situés, l’état des meubles et immeubles appartenant à la nation; ils en sépareront, de concert avec eux et deux commissaires de l’assemblée coloniale, tout ce qui tiendra à la défense, aux fortifications et aux besoins de l’Etat, et feront vendre tout ce qui aura été jugé onéreux et inutile, dont le produit sera versé au Trésor public. Art. 6. v Ils s’entendront avec l’assemblée coloniale pour les mesures à prendre pour la conservation des réserves nationales, et pour empêcher la dévastation des terrains particuliers. Art. 7. a Ils seront autorisés à prendre connaissance de la situation actuelle des finances desdites colonies; ils en examineront la comptabilité, et se concerteront avec les assemblées coloniales pour connaître les abus et les moyens d’y obvier; ils seront spécialement chargés de présenter les réformes et changements indispensables pour parvenir à la meilleure et à la plus économique administration : objets dont ils rendront compte, comme de tous autres, le plus tôt possible. Art. 8. « Les arrêtés pris par les assemblées générales desdites colonies, approuvés par les gouverneurs, y seront provisoirement exécutés, comme ayant force de loi. » ' (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Louis Monneron, rapporteur. Messieurs, on a reçu hier des lettres de Saint-Domingue, qui annoncent que le décret du 15 juin y a été reçu. Il y a eu quelque fermentation dans les esprits, m iis on présume que tout se terminera aimablement. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). S’il était possible de savoir d’une manière précise quels sont ceux qui ont reçu des lettres de Saint-Domingue, il serait bon de les inviter à comiqu-niquer ces dépêches, pour ne laisser rien de vague sur ces objets, et qu’on ne nous puisse pas reprocher d’avoir induit en erreur sur ce qui s’est passé à Saint-Domingue. Il est important de savoir la vérité et de ne rien déguiser. M. Babey. C’est d’autant plus nécessaire, qu’on dit que le décret a été brûlé en arrivant aux colonies. (Murmures.) M, Treilhard. Il paraît fort extraordinaire que l’on entretienne l’Assemblée de quelques bruits populaires et des sottises qui se débitent aux 4 coins de la capitale. Quand on recer vra des nouvelles officielles, elles seront lues dans l’Assemblée, et l’on jugera. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour.) M. Millet de Mureau, au nom du comité d'agriculture et de commerce , fait un rapport relatif à un projet de canal destiné à fournir de Veau à la ville de Tournan; il propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport dé son comité d’agriculture et de commerce, a approuvé le projet de panai proposé par le sieur Barbe, tendant à procurer de l’eau à Ja ville de Tournon, à y établir des moulins et à arroser les campagnes qu’il traversera ; autorise le sieur Barbe à construire à ses frais ledit canal, aux conditions portées par son projet, qui restera annexé à la minute du présent décret ; et sera ladite construction exécutée suivant le? dispositions des lois, sous l’inspection du direpc toire de district de Mezenc, et sous la direction de celui du département de l’Ardèche, » (Ce décret est mis aux vpix et adopté.) M. Goupllleau. Je demande à faire une nation d’ordre. M. Millet doit faire un rapport sur la navigation des rivières de Juinç , d’Essonnes et du Remqrd, et sur le canal qui doit les joindre à la Loire, près d’Orléans. Avant qu’il commence son rapport, j’observe que le comité d’agriculture et de commerce n’a renvoyé que le seul plan qu’il vous présente à l’examen de l’administration des ponts et chaussées, que cependant plusieurs autres plans lui ont été proposés. De plus, l’pvis que l'administration des ponts et chaussées À donné sur ce plan pe peut être d’eucqp poids, puisque l’administration y dit expressément qu’il lui faudrait de plus amples renseignements, et que si l’utilité de ce canal lui est démontrée, elle n’est pas encore convaincue de sa possibilité. Je demande dope l’ajourpement du rapport et le renvoi à l’administration des ponts et chaussées de tous les plans relatifs à ce canal ; les ponts et chaussées examineront et alors op pourra décider. M. M*U®t de Murean, rapporteur. Il est vrai que quelques nouveaux plans ont été remis au comité lorsqu’il avait déjà terminé son rapport ; mais le plan que nous vous proposons paraît avoir l’assentiment général ; et a’ailleürs il est infiniment pressant d’occüper des ouvriers; le projet est depuis un an au comité et il faudrait attendre 5 ou 6 mois pour avoir un nouveau rapport des ponts et chaussées. Enfin cette administration ne demande des renseignements que sur la partie de ce projet qui est relative au canal ; quant à l'autre, il n’est pas besoin de renseignements pour savoir que des ri vières qui ont été navigables peuvent l’être encore.