[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 639 citoyens arrêtés à Lille par les ordres du citoyen Hentz, commissaire de la -Convention nationale, et prévenus de conspiration, seront transférés à Paris pour être jugés par le tribunal révolu? tionnaire (1). » Suit une lettre des représentants Hentz et Flo¬ rent Guiot (2). « A Lille, le 24 frimaire an II de la R-publique, une et indivisible. « Citoyens collègues, « Hier au soir à la séance de la Société po¬ pulaire, la conspiration qui devait livrer tout ce pays-ci à l’ennemi a été dévoilée, et les cons¬ pirateurs, couverts d’ignominie sont en arres¬ tation. Voici : « Dufresse, ancien comédien, est venu hier à Lille. Lui, La Valette, l’état-major de l’armée révolutionnaire se sont présentés à la séance de la. société. « Le peuple nous y savait aussi, et il affluait, frappé de ce que dans l’appel des sociétaires au scrutin épuratoire nous ne voyions que des étrangers, des commissaires des guerres, des fournisseurs d’armes, des épauletiers, et de ce que les citoyens ne se faisaient pas entendre; nous avons invité ceux-ci à parier, nous leur avons expliqué le système mis en œuvre par des intrigants qui s’emparent des Sociétés po¬ pulaires pour les égarer et les mettre en guerre. Nous: avons dit au peuple que ltii seul devait donner l’impression dans la société, que ces beaux faiseurs de phrases le trompaient sou¬ vent, qu’il devait sentir sa dignité, être con¬ vaincu que le langage de la vérité était le plus éloquent et que l’homme probe n’en tient pas d’autre, etc. « Citoyens collègues, nous avons encouragé les bons citoyens assurés de trouver en nous des protecteurs contre l’oppression. Ils nous ont dévoilé que les scélérats qui étaient à la tête de l’armée révolutionnaire leur avaient depuis longtemps imposé silence sous peine de la guil¬ lotine; que la tribune, les marches de la tribune étaient sans cesse occupées par cet état-major et les épauletiers; que le patriote qui voulait élever la voix était conspué; que les citoyens défenseurs du peuple, membres de la Société populaire, en avaient été chassés honteusement; et qu’on avait menacé de faire guillotiner qui¬ conque prendrait leur défense; que le despo¬ tisme le plus affreux asservissait les patriotes et leur faisait regretter l’ancien régime. « Tout cela s’est dit à la face de Dufresse, qui n’a pas osé soutenir les regards de la vé¬ rité, ni démentir les faits que tout le peuple écoutait dénoncer avec les applaudissements et la joie ; il a voulu se disculper sur un point, et il a invoqué le peuple en témoignage : celui-ci lui a répondu par des huées. Nous avons voulu savoir ce que signifiait cette huée; nous avons (I) Procès-verbaux de la Convention , t. 27, p. 305. (2) Archives nationales, carton AFn 152, pla¬ quette 1234, pièce 33. demandé au-peuple de dira oui ou non si T ora¬ teur disait la vérité, et le « non » le mieux pro¬ noncé a convaincu que c’est un imposteur; on a vu les masques tomber. Defresse est des¬ cendu honteux de la tribune, tout son état-major a filé, a disparu avec La Valette et une douzaine d’intrigants, tous gens à la suite des armées et sangsues publiques. « Vous eussiez été touchés d’entendre les cris de Vive la Bépublique! poussés par le peuple, et de la scène d’intérêt : on est allé chercher les patriotes expulsés, les hommes de 89, ceux dont les intrigants redoutaient la véracité et la probité; ils ont été épurés par le peuple, par la société dégagée des. intrigants, et: ils sont rentrés dans la scène de la société versant et faisant verser des larmes de joie. Jamais satis¬ faction n’a été égale. Le peuple a dit. : « Main¬ tenant nous sommes libres, nous pouvons dire la vérité. » « Jugez ce que nous avons appris. Cette ar¬ mée révolutionnaire, dirigée par Dufresse, créa¬ ture de Dumouriez, homme de toutes les cir¬ constances, par son aide de camp qui, il y a six mois, décriait les Jacobins, des brigandages commis à Bailleul par l’armée, les patriotes consternés et incarcérés, le peuple et surtout le bon peuple dans la stupeur, tout le monde dans l’inquiétude à la vue d’une armée révolution¬ naire dont le chiffre, le cachet, l’emblème,. lé discours est une guillotine, dont les patriotes ont seul peur. Voüà ce que nous avons appris; La Valette, dont la famille est émigrée, homme despote, qui ne s’est popularisé que pour do¬ miner; qui n’a dénoncé Lamarlière, comme Cus-tine Dumouriez, que pour lui succéder impuné¬ ment. Tel était l’homme qui avait vendu le pays avec les autres scélérats et qui devaient le livrer. Tous ces gens-là sont en. arrestation, l’armée ré¬ volutionnaire se licencie, on lui ôte les armes, effets et surtout des bottines très précieuses pour notre cavalerie légère pour rendre le tout à nos défenseurs. Les soldats de cette armée révolu¬ tionnaire retournent à leurs corps respectifs. Le peuple nous bénit; les aristocrates se cachent, la municipalité va marcher et la ville est sau¬ vée ! « Nous remettons à la place de La Valette, ci-devant, un sans-culotte, ancien serviteur, qui nous est indiqué par Favard, seul qui n’a pas perdu notre confiance. A la place de Dufresse, un ancien militaire que nous appelons de l’ar¬ mée, à la place de l’ingénieur Lalustière, contre-révolutionnaire chassé de Sedan, un homme plus sûr. « L’ennemi répand sur notre frontière des espèces de manifestes où il reproche aux pa¬ triotes, à la République tous les crimes commis par La Valette et Dufresse; savoir, le despotisme, la scélératesse, la trahison des généraux qui sor¬ tent des tripots pour aller à la, guillotine. Dites au ministre qu’il recommande bien à M. Vin¬ cent de ne plus mettre sur le tapis des comé¬ diens, des faiseurs de petits paquets, et des gens inconnus. Tous ces gens-là nous trompent. « A demain, nous vous dirons ce que vous devinez sans doute, que c’était par la terreur et le découragement qu’on voulait prendre le pays. « Salut et fraternité. « Hentz; Florent Guiot. »