[Etats gén. 1789. Cahiers.] comte de Puisaye, président; Avesgo de Cou-longes, secrétaire. CAHIER De doléances du tiers-état de la province du Perche, arrêté dans V assemblée générale tenue dans la ville de Bellême (l). L’assemblée, pénétrée de respect et de vénération pour la personne du Roi et de toute la famille royale, sentiment qu’elle partage avec tous les citoyens de la province, a arrêté que le premier acte de ses délibérations devait offrir à notre digne monarque un tribut personnel d’amour et d’attachement inviolable pour sa personne sacrée; que les députés de la province seront chargés spécialement de se joindre au surplus de la nation pour adresser les actions de grâces les plus solennelles et les plus touchantes à la bonté et à la justice de Sa Majesté, en reconnaissance de ce qu’elle a attesté d’une manière si noble et si touchante les droits de la nation, droits imprescriptibles, mais trop longtemps oubliés. Que le résultat du conseil de Sa Majesté, du 27 décembre dernier, et les promesses qu’elle fait à ses peuples, les ont pénétrés d’attendrissement. Qu’elle sera très-humblement et très-instamment suppliée de vouloir bien en rappeler sans cesse le souvenir à ses ministres et autres dépositaires de son autorité immédiate, et d’être convaincue que l’ordre du tiers de cette province, comme celui de tout son royaume, est disposé à faire dans ce moment et dans tous les temps le sacrifice de sa fortune et à verser jusqu’à la dernière goutte de son sang pour le salut de l’Etat, le soutien de la couronne et pour le maintien du royaume dans toute sa splendeur. Ensuite, prenant et; considération les objets qui doivent faire la matière de ses délibérations, il a été arrêté, à la pluralité des suffrages, de demander : Art. 1er. Qu’il soit arrêté à la première séance des Etats généraux que les membres de tous les ordres qui les composent, étant des citoyens libres, leurs ressources soient en demeure sous la sauvegarde du Roi et de la nation. Art. 2. Que les Etats généraux s’occupent de leur organisation et des lois constitutives du royaume, avant de rien arrêter de relatif aux subsides. Art. 3. Que le royaume de France est de sa nature un Etat monarchique qu’il intéresse à la nation de conserver et de maintenir dans toute la pureté de cette définition. Art. 4. Que la succession à la couronne continuera d’être dévolue aux aînés mâles et à leurs descendants de mâle en mâle et que la maxime que le royaume ne tombe point en quenouille soit inviolable, et que, la ligne masculine défaillant, le droit d’élire un souverain continue d’appartenir à la nation. Art. 5. Que les assemblées des Etats généraux soient composées de manière que les députés du troisième ordre soient au moins en nombre égal à celui des deux premiers réunis. Art. 6. Que toutes les délibérations à prendre par 1 assemblée des Etats généraux, soit relativement à la formation des lois constitutionnelles, ou à la reconnaissance des maximes fondamantales (1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé: le Gouvernement de Normandie f par M. Hippeau. [Province du Perche.] 35g du royaume et aux lois qui intéressent la liberté et la fortune des citoyens, soient formées par la pluralité des suffrages qui seront comptés par tête et non par ordre, forme qui fait la vraie constitution de toute assemblée. Art. 7. Que la formation des différents bureaux pour l’examen des objets qui seront traités dans rassemblée générale, soit observée de manière qu’il y ait toujours dans chaque bureau un nombre de membres du tiers au moins égal à celui des deux premiers ordres réunis. Art. 8. Qu’il soit pourvu par la suite à ce que, dans les assemblées générales de chaque bailliage, le tiers puisse y être représenté en nombre au moins égal à celui des deux premiers ordres réunis, et ce, à raison de la population et non du nombre des paroisses de chaque bailliage. Art. 9. Qu’aux Etats généraux il n’y ait d’autres délibérations que celles des députés des trois ordres. Art. 10. Que la loi consentie parles Etats généraux et sanctionnée par le Roi, soit registrée et publiée dans les tribunaux qui seront désignés par lesdits Etats, sans autre vérification que celles des formes qui seront pareillemeut arrêtées par eux pour la rendre publique. Art. 11. Qu’à l’avenir, il ne soit établi aucun subside ni ouvert aucun emprunt qu’ils n’aient été ordonnés et consentis par les Etats généraux régulièrement convoqués, et que la loi qui les établira soit registrée et publiée. Art. 12. Qu’il soit arrêté que les Etats généraux seront assemblés à des époques fixes et déterminées, sans qu’il puisse jamais être établi dans l’intervalle aucune commission intermédiaire représentative desdits Etats. Art. 13. Que tout le royaume soit érigé en pays d’Etats, et particulièrement la province du Perche, à laquelle seront unis le Thimerais, le Perche-Gouët et les paroisses qui faisaient partie de l’ancienne élection de Longny, qui sont régies par la coutume du Perche, dont le siège sera en la ville de Rellème, afin que chaque Etat provincial puisse répartir comme bon lui semblera les impôts consentis par la nation, sans que l’impôt, quoique accordé par les Etats généraux, puisse jamais être perçu que par les préposés desdits Etats. Art. 14. Que la composition des Etats particuliers de la province soit telle, que l’ordre du tiers soit en nombre au moins égal à celui des deux premiers ordres, et que les délibérations y soient prises ainsi qu’aux Etats généraux, les trois ordres réunis par tête, et que les suffrages soient recueillis alternativement de chacune tête des trois ordres. Art. 15. Que, dans le cas où on laisserait subsister les assemblées provinciales au lieu d’établir des Etats particuliers, on abandonnera à chaque province le droit et la faculté d’en composer une nouvelle formation, comme aussi de présenter au Roi trois sujets pour présidents, tant de Rassemblée provinciale que de celle de département, du nombre desquels le président sera choisi par Sa Majesté, et que les assemblées provinciales ne puissent être formées que des députés de chaque département, qui seront annuellement choisis dans l’assemblée desdils départements. Art. 16. Que les fonctions municipales ne pourront être érigées en titre d’office; que ceux desdits offices actuellement existants soient supprimés en remboursant la finance aux propriétaires; que les villes pourront librement choisir tous les trois ans leurs officiers municipaux et leurs représentants dans les assemblées municipales, se ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Perche.] 326 [Étals gén. 1789. Cahiers.] tracer un plan de gouvernement qui sera sanc-j tionné par les Etats provinciaux, auxquels les comptes seront présentés annuellement, pour être par eux visés et approuvés, et disposer librement des revenus de leur communauté. Art. 17. Que les exclusions données au tiers-état, soit pour occuper les emplois militaires ou ceux de la magistrature dans les cours, soient anéanties et que la motié des places dans les tribunaux supérieurs soient spécialement affectées à l’ordre du tiers. Art. 18. Que les Etats généraux prennent en considération les abus énormes qui existent dans l’entreprise des étapes et convois militaires. Art. 19. Qu’il soit pourvu à la réforme des ordonnances militaires, de manière que le soldat soit traité plus humainement et qu’ou supprime tous les châtiments avilissants ; qu’il soit mieux vêtu et mieux appointé, et, comme au moyen de la réforme, il s’attachera nécessairement au service, qu’alors les milices soient supprimées, comme étant un sujet de désolation pour les familles et gênant la liberté naturelle, sauf à les rétablir en cas de nécessité absolue, et qu’alors on conserve tous les fils aînés des familles de cultivateurs dans les campagnes, ou, à défaut d’enfants, leur premier domestique, et, dans les villes, les fils aînés des bourgeois vivant noblement et les tils aînés des marchands et artisans aidant leurs père et mère dans leur commerce ou métier. Art. 20. Qu’il soit formé des arrondissements dans tous les bailliages, en sorte que les justiciables soient rapprochés le plus possible de leur juridiction. Art. 21. Que ces sièges royaux soient fixés dans l’endroit jugé le plus convenable sur le rapport des commissaires, en délibération de communautés. Art. 22. Qu’il soit procédé à la réformation des coutumes de l’avis des trois Etats, en leur donnant pour base des principes de droit commun et la plus grande uniformité possible; que les codes civil, criminel et de police soient aussi réformés, et que, pour y parvenir, il soit nommé des commissaires choisis dans les premier et second ordre de la magistrature et jurisconsultes. Art. 23. Qu’en simplifiant les formes de la procédure, il soit pourvu à la fixation et à la réduction des honoraires, droits de procédure et de greffe, sauf l’indemnité des propriétaires, même à la suppression de droits de formule, de timbre et autres droits royaux y relatifs. Art. 24. Que les études du droit soient réformées et suivies avec plus d’exactitude, et qu’aucun magistrat ne puisse être pris que dans le nombre des avocats qui auront suivi le barreau dans une juridiction quelconque pendant l’espace de six ans, [et qui se seront distingués dans cette profession par leur capacité, leur probité et leurs mœurs, certifiées tant par le tribunal que par les collèges des avocats; qu’ils ne puissent être admis à aucuns offices qu’ils n’aient atteint l’âge de vingt-sept ans, et que, comme la considération publique est la seule récompense à laquelle puisse aspirer la magistrature du premier et du second ordre, il lui soit accordé une marque de distinction; que la vénalité des offices soit abrogée, sauf le remboursement des propriétaires actuels ; qu’en tout événement, s’ils étaient conservés, les droits de centième denier et vingtième soient supprimés sur tous offices quelconques. A.rt. 25. Que l’usage de toute commission particulière, des évocations au conseil et des commit-timus soit aboli, et que l’attribution au scel du châtelet de Paris, ainsi que les privilèges des bourgeois de la même ville, soient révoqués. Art. 26. Que les prisons soient rendûes plus spacieuses et plus saines , et que l’on procure aux malheureux qui y sont enfermés les choses nécessaires à leur subsistance, en s’occupant particulièrement d’adoucir le sort de ces infortunés, toujours présumés innocents jusqu’à la condamnation. Art. 27. Les Etats généraux seront priés de s’occuper du point de savoir s’il est ou non avantageux au bien public de conférer aux' juges royaux une ampliation de pouvoir et jusqu’à quelle somme il conviendrait la porter. Art. 28. Arrêté qu’il sera demandé qu’il ne puisse être attenté à la liberté des citoyens par la voie des lettres closes ou de cachet, sinon tout au plus sur la demande et l’avis des familles, constatés devant les trois premiers officiers municipaux de l’arrondissement; lesquelles lettres de cachet ne seront délivrées que par M. le chancelier, et qu’aucun gouverneur de province ne puisse faire arrêter aucun domicilié sous aucun prétexte. Art. 29. Que désormais la noblesse ne puisse plus être acquise à prix d’argent, et qu’elle ne soit accordée qu’au mérite et au patriotisme. Art. 30. Que l’impôt territorial et celui de ia capitation, qui seront substitués à tous ceux actuellement existants, soient supportés, sans aucune exception ni distinction entre les trois ordres, dans la pjus parfaite égalité par un seul rôle, et dans la même forme individuelle. Art. 31. Que les Etats généraux s’occupent des moyens d’établir une juste répartition sur les immeubles réels et sur les immeubles fictifs, tels que pensions, rentes perpétuelles et viagères, et autres facultés personnelles, et de former une loi qui prévienne toute espèce de fraude. Art. 32. Que, s’il est jugé que les droits de contrôle et de centième denier soient conservés, ils soient modérés, et qu’il soit pourvu à leur perception par la formation d’un code et tarif clair et précis, qui simplifie et écarte toute interprétation arbitraire, et que, la perception une fois faite, toutes recherches soient interdites contre les redevables. Art. 33. Que la perception du droit de centième denier en succession collatérale, s’il est conservé, ne puisse être exigée que sur le pied des baux ou du revenu commun des héritages déclarés, et que la vente qui pourra en être faite pour un prix d’affection et supérieur à la déclaration, à raison du denier vingt, ne puisse en aucun cas donner lieu à un accroissement de perception, et que, lors de la déclaration à faire par les héritiers collatéraux, il ne puisse être exigé d’eux aucune déclaration par le menu des objets composant un corps de ferme. Art. 34. Que tous les impôts quelconques et autres droits, sous queque dénomination que ce soit, actuellement existants, soient supprimés, et que ceux qui pourront y être substitués pour les besoins de l’Etat soient administrés, perçus et régis par les Etats particuliers qu’il plaira à Sa Majesté d’établir dans chaque province, pour être par eux directement versés dans le trésor public. Art. 35. Que les contestations qui pourront s’élever, soit pour la perception, soit relativement à l’impôt en général, soient décidées provisoirement ar les municipalités et, en cas d’appel, par les tats provinciaux en dernier ressort. Art. 36. Que les impôts ne puissent être accordés que pour un temps limité, et jusqu’au retour 327 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Perche. des prochains Etats, dont l’époque sera fixée et déterminée par les Etats généraux. Art. 37. Que l’impôt représentatif de la corvée, sous la dénomination d’impôt des routes, soit également réparti sur les trois ordres et par émargement sur le rôle principal. Art. 38. Que l’impôt sur le sel soit supprimé, ainsi que celui sur le tabac, et généralement tous ceux connus sous le nom de régie des aides, en sorte qu’il n’existe plus de commis et que la perception des contrôles se fasse par des gens choisis par les Etats provinciaux, et à leurs es. rt. 39. Qu’il soit établi deux caisses pour y verser tous les deniers provenant des impositions : l’une desquelles à la disposition de la nation; l’autre à celle du Roi, les Etats fixant la destina-nation des fonds de chacune de ces caisses d’une manière invariable, qui fasse la sûreté du souverain et de la nation. Art. 40. Que la liberté du commerce des biens nobles soit établie en faveur du tiers, pour la suppression du droit de franc-fief, comme suite de l’extinction de tout impôt distinctif entre les trois ordres. Art. 41. Que la dette du gouvernement ou le déficit soit examiné et vérifié par les Etats généraux, et qu’une fois constaté, il soit pourvu d’une manière sûre à son acquit sur les fonds de la caisse nationale, et qu’à l’avenir les ministres soient comptables et garants envers la nation des abus de leur administration, et tenus de la rendre annuellement publique par la voie de l’impression. Art. 42. Que les poids et mesures soient établis dans le royaume le plus uniformément possible. Art. 43. ' Que les contrats d’échange ne soient susceptibles d’aucuns droits de lods et ventes, sinon au cas de retour et pour ledit retour seulement, conformément à l’article de cette coutume. Art. 44. Que les Etats généraux s’occupent des abus qu’entraîne la mendicité et des moyens de la prévenir. Art. 45. Qu’ils prennent en considération ce qui peut être relatif aux domaines de la couronne, soit pour leur conservation, soit pour leur aliénation, et particulièrement les abus des échanges ruineux pour l’Etat, et dont on demande les recherches et révisions. Art. 46. Qu’ils s’occupent aussi de la rentrée, dans les mains de Sa Majesté, des domaines engagés, s’ils ne trouvent pas plus expédient de s’en tenir à un supplément de prix, soit en rentes, soit en argent. Art. 47. Que les communautés de tous les ordres religieux au-dessous de vingt soient supprimées, que les religieux soient réunis à une autre maison, en leur laissant un revenu proportionné à leur nombre et à leurs charges, et en leur conservant, pour former ce revenu, les biens d’ancienne dotation, et que le superflu de leurs biens soit vendu, remis dans le commerce, et les fonds versés dans la caisse nationale, de l’emploi desquels les Etats généraux s’occuperont, et que cet emploi, soit des fonds, soit des revenus qu’ils produiront, soit fait au profit de chaque province de leur situation, sous la direction des Etats des-dites provinces. Art. 48. Que les dîmes de toute nature et les champarts soient supprimés, en faisant le remboursement de toutes lesdites dîmes ecclésiastiques ou inféodées dans le temps et au denier qui sera fixé aux Etats généraux ; qu’en cas que cette suppression puisse s’opérer , il soit pourvu à une répartition plus juste et plus égale des dîmes, champarts et revenus ecclésiastiques; et que, pour la décharge des terres labourables, cette répartition s’étende indistinctement sur toutes les possessions particulièrement en faveur des curés et vicaires qui supportent le fardeau du ministère, et des pauvres des paroisses qui y ont un droit assuré ; et que la portionqui leur sera destinée en chaque paroisse soit distribuée par l’avis des curés et des quatre principaux habitants ; et au moyen du traitement honnête qui sera alloué auxdits curés et vicaires, ils seront tenus de rendre gratuitement à leurs paroissiens les fonctions de leur ministère. Art. 49. Qu’aucun ecclésiastique ne puisse réunir en sa personne plusieurs bénéfices, et qu’il soit tenu à la résidence au lieu de celui dont il sera pourvu, à moins que le revenu de ce bénéfice soit au-dessous de 1,000 francs, ou qu’il en fût dispensé par des ordres supérieurs ; auquel cas, si l’absence excédait le temps de trois mois par chaque année, la moitié du revenu serait distribuée aux pauvres du lieu en la manière exprimée au présent article. Art. 50. Que le droit de déport soit supprimé comme odieux et tendant à priver pendant longtemps u.ne paroisse de son pasteur, les pauvres de secours, et les paroissiens d’instructions. Art. 51. Qu’il soit pourvu à l’érection de toutes les succursales et annexes en cures, à leur dotation, ainsi qu’à celles des cures des villes et campagnes, le tout par réunion de bénéfice, même à la réduction du nombre des paroisses dans certaines villes et campagnes, et à leur augmentation dans d’autres où le nombre des paroissiens est trop considérable. Art. 52. Que les lois contre les banqueroutiers frauduleux soient rigoureusement observées ; qu’ils soient poursuivis à la requête du ministère public sur la dénonciation du premier créancier domicilié et solvable; que celui-là soit censé banqueroutier frauduleux qui n’aura, pas de livres ou ne les aura pas tenus suivant les règlements; et que, dans les endroits où il n’y aurait pas de juridiction consulaire, la connaissance de ces matières soit attribuée aux juges des lieux ; que l’usage de toutes lettres de surséance soit abrogé, et que la faveur des lieux privilégiés soit désormais abolie. Art. 53. Qu’il soit accordé des primes d’encouragement aux meilleurs laboureurs de l’arrondissement et aux meilleurs manufacturiers de la province, ainsi qu’à toutes découvertes utiles dans les sciences et dans les arts. Que le traité de commerce avec l’Angleterre soit révoqué ; qu’on recule aux frontières du royaume les douanes et barrières. Art. 54. Les habitants de cette province se plaignent que le haras d’Exmes ait été abandonné à M. le grand écuyer, à la charge de fournir de beaux étalons aux paroisses de cette généralité, quoique le peu qu’il y en a se vende très-cher; ce qui s’oppose à la régénération des beaux chevaux; pourquoi ils désirent une meilleure administration dans cette partie. Art. 55. Qu’on s’oppose à l'exportation des grains hors du royaume, si ce n’est en cas d’abondance et superfluité ; que, pour prévenir le malheur où la nation se trouve plongée actuellement par l’énorme cherté des grains, il soit, dans les temps heureux, établi des magasins nationaux pour en faire la vente et répartition aux peuples, suivant les règlements qui seront faits pour cette partie. 328 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Perche.] Art. 56. Qu’il soit pourvu à Rétablissement de quelques maisons, pour y élever, aux frais de la nation, un certain nombre d’enfants pris dans les familles du tiers-état dont les chefs se seront le plus distingués dans leurs emplois, et qui auront rendu le plus de services à l’Etat. Art. 57. Que dans toutes les paroisses il soit établi des écoles gratuites pour l’instruction de la jeunesse. Art. 58. Que les justices subalternes soient supprimées pour simplifier les degrés de juridiction, et que, dans chaque paroisse, il soit établi des juges de paix, dont le nombre et la compétence seront réglés par l’assemblée nationale, et qui connaîtront sans frais les délits des bestiaux et légères contestations. Art. 59. Que les scellés ne pourront être apposés par les juges qu’en cas d’absence ou faillite ; que dans le cas de survivance de l’un des conjoints, ils ne pourront être apposés sans réquisition, à moins que la tutelle n’eût pas été faite dans les vingt-quatre heures ; que les droits en seront modérés dans tous les cas, et que, dans celui où la suppression des hautes justices serait effectuée, les droits des actes de tutelle, affirmation, etc., ne pourront être plus considérables que ceux actuellement perçus dans les hautes justices. Art. 60. Que l’articles 172 de la coutume, en ce qui concerne l’émancipation légale, soit remis en vigueur. Art. 61. Que les offices d’huissiers-priseurs soient supprimés comme onéreux au public en général, et singulièrement à la classe la plus malheureuse et aux mineurs. Art. 62. Que les droits seigneuriaux, sous telle dénomination qu'ils soient exprimés, à l’exception des lods et ventes, et rachats, demeurent sujets au remboursement, que les débiteurs en pourront faire dans les termes fixés par les Etats généraux ; que néanmoins il demeure un cens uniforme à l’arpent et le plus léger possible, sans qu’il y ait toutefois de solidarité entre tous les codétenteurs ; que le rachat excessif dans l’étendue du Perche-Gouët soit modéré, et que la nation assemblée décide sur la forme de l’emploi ou reconstitution des fonds à provenir du remboursement des droits ci-dessus aux gens de mainmorte. Art. 63. Que les droits de péage, havage, mesurage et de banalité, demeurent éteints et supprimés comme préjudiciables à la liberté et au commerce, sauf le remboursement qui sera fixé par les Etats généraux sur les objets qui seront par eux jugés devoir en être susceptibles. Art. 64. Que les règlements tant sur la prohibition de la chasse dans les temps fixés que sur la clôture des pigeons dans les colombiers soient remis en la plus grande vigueur, et qu’il soit avisé aux moyens de détruire les lapins, pigeons fuyards et bêtes fauves, de manière que désormais l’ordre public n’en puisse être troublé. Qu’il soit défendu à tous propriétaires de fiefs de faire tuer les chiens sous prétexte de droit de chasse. Art. 65. Que l’usage des commissaires à terrier soit anéanti. Art. 66. Que les privilèges de roulage et messagerie soient éteints, et qu’il soit pourvu à ce que le service de la poste aux lettres se fasse de manière que le public ne soit point surchargé de frais de ports, ainsi qu’il se pratique maintenant à raison du défaut de direction dans le service d’une ville à l’autre ; que les places de directeur, à raison de la confiance qu’elles exigent, soient à la nomination des citoyens, et qu’en aucun cas le secret des lettres ne puisse être violé parie ministère. Art. 67. Que les seigneurs de la province du Perche seront priés de considérer que la déclaration du Roi, du mois de septembre 1784, en déchargeant les terres hommagées du Perche du droit de franc-fief, les a déclarées roturières de leur nature; que la reconnaissance envers le seigneur, par la forme de l’aveu, est le propre du fief, et qu’en considérant les biens hommagés comme une roture, il semblerait plus naturel d’en desservir les seigneurs par la voie d’une simple reconnaissance lors de la réception, de laquelle se feraient la liquidation et payement du rachat et cheval de service, pour raison de ladite baillée bursale; que les seigneurs n’y perdraient rien et que tous les propriétaires de terres hommagées se trouveraient déchargés d’un grand fardeau par le coût énorme des aveux pour l’objet presque toujours le plus modique ; que ceux desdits deux premiers ordres, qui ne sont pas seigneurs de fiefs, veuillent bien considérer que cette motion leur doit être commune comme au tiers-état, et que ceux mêmes d’entre Jesdits deux premiers ordres propriétaires de fiefs , et qui possèdent le plus souvent eux-mêmes des biens hommagés, ont le môme intérêt de tarir cette source de frais inutiles, sans toutefois que cette somme de reconnaissance puisse rien changer dans l’ordre des successions, non plus qu’au droit de retrait et saisie féodale des seigneurs. Art. 68. Qu’aucun procès-verbal relatif à la pêche et à la chasse ne puisse être rédigé que par deux sergents à garde ou par un seul, assisté d’un témoin domicilié. Art. 69. Qu’il soit permis à tous propriétaires de pêcher à la ligne volante dans les rivières qui arrosent ses héritages. Art. 70. Le tiers-état de la province demande la suppression de tous les gouvernements dans l’intérieur du royaume et la réduction des appointements de ceux qui seront conservés sur les frontières. Art. 71. La suppression de tous les privilèges exclusifs dans le royaume, et notamment ceux du commerce. Art. 72. Une meilleur administration dans l’établissement de la caisse de Poissy, et surtout que ceux qui ne sont point garantis pour les fonds de cette caisse ne soient plus assujettis au droit de sou pour livre. Art. 73. Le tiers-état de la même province demande encore qu’on s’occupe de procurer la liberté aux habitants du Mont-Jura. Art. 74. Ils requièrent aussi la liberté indéfinie de la presse et la suppression absolue de la censure, à la charge par l’imprimeur d’apposer son nom à tous les ouvrages et de déclarer les auteurs, pour, par ceux-ci, répondre de tout ce qui pourrait s’y trouver contraire à l’ordre social. Art. 75. La réduction et arrondissement du ressort des cours souveraines , en sorte que les justiciables soient rapprochés. Art. 76. L’établissement d’un président en cette province pour toutes les paroisses qui sont régies et gouvernées par la coutume, dont le siège sera fixé en la ville de Bellême, comme plus commode, et cette ville étant au centre de la province. Art. 77. Que. pour la confection ou réparation des grandes routes, il soit ouvert des carrières dans les places vagues et les endroits qui pourraient occasionner le moins de dommage, et, que [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES . [Province du Perche.] 329 les propriétaires qui en ont souffert en soient exactement dédommagés. Art. 78. Qu’on veille soigneusement à ce que les marnières et autres excavations soient exactement recomblées. Art. 79. Que Le même officier ne puisse réunir en sa personne plusieurs offices, charges ou comm missions. Art. 80. Que les privilèges des maîtres de poste aux chevaux se trouvent dans le cas de la suppression ci-devant mentionnée. Art. 81. Le tiers-état de la province demande aussi qu’on fasse cesser l’abus des coups d’autorité que font porter les seigneurs, en employant leur crédit auprès des ministres et gouverneurs, pour faire enlever des domiciliés et exercer sur eux une justice militaire, sous le prétexte de désarmement, enlèvement de coutres, contravention au règlement pour les plaques, l’échenillage ou pour autre raison, et que la connaissance relative à ces objets soit attribuée aux juges des lieux, qui pourront modérer l’amende suivant la nature de la contravention. Art. 82. Qu’il soit établi dans toutes les paroisses des sages-femmes et des chirurgiens, surveillés par les médecins des villes voisines. Art. 83. Que toutes les routes commencées dans la province du Perche, et notamment celle de l’Orléanais à Cherbourg, interrompue par le défaut de communication de Nogent à Bellême, et celle de Chartres, passant à Longny, soient faites avant le redressement de la route à l’entrée de la ville de Mortagne, ce redressement n’étant que de pur agrément pour cette ville, la communication de Paris en Bretagne étant faite. Que l’adjudication des routes précède toujours la répartition, et que les nouvelles traces ne puisssent s’opérer qu’avec le consentement des deux députés de la province pour éviter les fraudes, et que le compte arriéré des routes soit arrêté et l’ingénieur tenu de se conformer à la délibération du 10 décembre 1787. Art. 84. Que le retrait féodal ne soit plus désormais cessible. Art. 85. La suppression du ban et de l’arrière-ban. La province du Perche prie les Etats généraux de prendre en considération l’inégalité des répartitions des droits royaux et de toute nature supportés par les villes , particulièrement par celles de Bellême, Mortagne et Nogent, et les indemnités et récompenses dues à ces villes. BELLÊME. Cette ville demande qu’il y soit établi une halle aux toiles, attendu qu’il s’y fabrique, ainsi que dans les environs, beaucoup de toiles, et qu’il se fait en cette ville un commerce considérable de fil. MORTAGNE. La ville de Mortagne se plaint de ce qu’il se perçoit encore aujourd’hui sur les habitants, sous le titre de droits municipaux , sur les boissons et toiles, différents droits établis en 1747, pour le remboursement d’une somme de 23,320 livres, prix principal des offices municipaux créés en 1733, quoiqu’il ait été ordonné, lors de l’établissement de ce droit, que la perception n’aurait lieu que jusqu’à concurrence de cette somme ; que cet impôt onéreux a produit des sommes très-considérables; que ces offices ont été supprimés , sans que la restitution des sommes payées se soit opérée. Elle demande, outre la suppression de ce droit, la restitution ou uue indemnité relative à l’excès de cette perception, particulièrement très-onéreuse à la manufacture des toiles. Elle réclame aussi contre l’abus qu’ont fait les administrateurs des finances de l’impôt relatif au don gratuit établi en 1758; il avait été fixé à 6,030 livres par an; la ville de Mortagne y a satisfait annuellement par l’impôt qu’elle a établi sur les boissons et sur les boucheries. Le Roi a prorogé ce droit et en a fait faire la perception à son profit par des régisseurs. Us l’ont étendu sur les entrées des bois et foins, sous prétexte d’un premier tarif de la ville fait lors de l’établissement de ce don gratuit, tarif qui était demeuré sans exécution, d’après les délibérations de la ville, approuvées par le conseil. IL en est résulté que l’on a perçu sur la ville plus de 18,000 livres par an, au lieu de 6,000 livres. Elle prie les Etats généraux de prendre eii considération et de pourvoir à une indemnité que ses besoins rendent nécessaire. NOGENT-LE-ROTROU. Cette ville expose aux Etats généraux qu’outre qu’elle supporte, comme les autres, un fardeau énorme d’impositions de toute espèce, le tiers de ses habitants est réduit à la mendicité et à la plus extrême misère; son commerce autrefois florissant a totalement péri; il n’existe plus aucune de ces tanneries anéanties par les recherches des employés de la finance. Sa manufacture d’étamines vient d’éprouver le même sort. Son marché, assujetti à des droits de havage et de coutume sur toutes les denrées sans exception, mais surtout sur les grains, est privé de l’approvisionnement nécessaire aux habitants. Ces droits sont le sujet continuel du murmure de ses habitants, et dans les temps de cherté, ils occasionnent des voies de fait et des révoltes. Les frais de marque des marchandises nouvellement augmentés, les droits de pesage, étalage, industrie, octrois, etc..., rendent son commerce désormais sans espoir de retour, et réduisent cette communauté à l’impossibilité absolue de faire les réparations les plus urgentes, surtout celles des ponts tant hors son enceinte que dans les faubourgs, et du pavage de sa traversée pour la communication de Paris dans la Bretagne et l’Anjou, réparations qui ne devraient pas même être à sa charge, le gouvernement s’étant emparé de la première partie de ses octrois originairement établis pour l’entretien de ses ponts et pavages. Que le principal du collège jouît de tous les revenus attachés à son bénéfice, sans être tenu des charges et particulièrement des réparations qui grèvent encore cette communauté contre toute justice, puisqu’il est naturel qu’un bénéficier soit tenu aux charges de son bénéfice. Que cette ville, peuplée de malheureux, contenant trois paroisses, paye au moins 225,000 livres d’impositions par année. Elle supplie donc les Etats généraux de venir à son secours pour les réparations urgentes et i le pavage absolument nécessaire de la ville, et la suppression de tous ces droits de havage et autres perçus au profit du seigneur. Elle demande particulièrement un règlement pour le colportage. Arrêté dans l’assemblée du troisième ordre par nous, lieutenant général du bailliage du Perche, présidant le tiers, ce 7 avril 1789.