[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 mars 1791.] 487 Un membre : Personne ne peut paraître sous une qualité que l’Assemblée nationale a refusée par un décret formel ; et je fais la motion expresse qu’ils ne puissent paraître que comme pétitionnaires et non comme membres de l’assemblée de Saint-Marc. M. Robespierre. Pour la dignité de l’Assemblée, je demande que, si l’orateur paraît s’écarter de la règle, M. le Président ait seul le droit de l’v rappeler et qu’aucun membre de l’Assemblée n’introduise ici le désordre par des interruptions partielles. M. le Président ( s’adressant à l'orateur de la députation). L’assemblée nationale a décrété hier que les 80 citoyens composant la ci-devant assemblée de Saint-Marc seraient entendus comme individus pétitionnaires; l’assemblée qu’ils composaient étant dissoute et déchue de tous pouvoirs, ils ne peuvent plus en prendre le titre. M. Linguet, orateur de la députation. Permet-tez-mui encore, Messieurs, de distinguer, dans le compte que j’ai à vous rendre des opérations de l’as-emblée que vous avez cassée, deux époques, l’une où, jouissant de sa prééminence légale, elle a fait, d’après l’esprit et la lettre de vos décrets, des plans, des lois, pour celte belle, cette précieuse, cette infortunée colonie; l’autre où, repoussée par des rivaux furieux armés de tout ce que la violence peut hasarder d’actes arbitraires et la tyrannie se permettre d’excès, elle s’est vue forcée de songer à prendre des mesures pour repousser la force par la force, mesures cependant qu’elle a abandonnées par horreur pour l’effusion du sang, mesures dont elle s’est départie volontairement pour venir ici demander légalement justice aux représentants de la nation, aux destructeurs du même despotisme qui, terrassé en Europe, se relevait dans un autre hémisphère pour y écraser la liberté. Votre décret du 12 octobre dernier nous oppose un silence pénible, mais religieux,, sur cette seconde époque. Les actes que nous serions obligés de vous dénoncer avec des qualifications qui pourraient paraître dures, ont reçu, ce jour-là, i:es dénominations bien différentes. Le jour viendra, et peut-être n’est-il pas éloigné, où vous n’aurez plus d’incertitudes sur 'les vraies qualifications qu’ils méritent. Jusque-là nous nous interdisons même de les rappeler. Je me renferme donc dans la première époque, la seule qui ait pu servir de prétexte à des soupçons, la seule dont il existe des monuments non ê [uivoques, non contestés ; c’est celle où les membres de l’assemblée de Saint-Marc ont agi en vertu des pouvoirs qui les constituaient alors incontestablement les représentants de la colonie, en vertu du choix qui leur avait conféré ce caractère. Cette époque renferme tous les griefs qui ont pu être même supposés contre eux; et vous aliez voir à quoi ils se réduisent. Cette assemblée, Messieurs, n’aurait pu devenir coupable que de deux manières. Elle serait devenue crimiuelle envers ses commettants, si elle avait contrarié ou si elle avait méconnu leur vœu; elle le serait devenu envers la nation, si elle avait violé ou seulement méconnu vos décrets. Or elle n’a jamais exprimé que le vœu de la colonie. Elle n’a jamais prétendu que se conformer à la lettre de vos décrets; et même ici, en qualité d’individus, en qualité de citoyens isolés, mais bien instruits de ce que désire la majorité de leurs compatriotes, chacun de ceux qui la composent en réclame l’exécution. J’ai dit qu’elle n’a jamais exprimé que le vœu de la colonie : la preuve en est facile à établir. La base de toutes les opérations, le fondement ou plutôt le prétexte de toutes les inculpations accumulées contre eux, c’est le plan ou le décret, si l’on veut, du 28 mai 1790. C’est laque se trouvent, dans 10 articles, tous ces prétendus principes d’indépendance, de rébellion, de séparation, dont on a fait un si grand bruit, dont on a tiré parti avec un si grand avantage pour les noircir à vos yeux. Je prouverai tout à l’heure, encore une fois, que c’est l’expression pure et simple de vos décrets; mais il ne s’agit encore ici que du vœu général de la colonie de Saint-Domingue à cette époque. Si depuis la publicité de ce document, réputé si suspect, cette colonie y a formellement adhéré; si, loin de retirer sa confiance aux agents de qui il était émané, elle leur a solennellement, avec mûre délibération et en conformité de vos décrets, confirmé, réitéré les pouvoirs primitifs en vertu desquels ils l’avaient déjà rédigé; si depuis même leur absence, si tandis que ces victimes de leur patriotisme traversaient l’océan pour venir ici demander justice pour eux-mêmes, protection pour elle, leurs opérations ont encore été approuvées, et de nouvelles autorisations à eax données pour suivre auprès de vous les intérêts de la colonie, pour continuer de la représenter, sans doute c’est bien de son vœu dont ils ont été les organes. Quand ce vœu serait repréhensible, les citoyens agents du peuple, en cette partie constitués sa voix, et subordonnés sans doute à sa volonté, seraient encore irréprochables. Or, à cet égard, Messieurs, mes preuves sont les dates. Le decret colonial inculpé est du 28 mai 1790 ; et il a été sur-le-champ envoyé à toutes les paroisses avec une lettre authentique dont on ne vous a pas donné connaissance, mais que je remettrai bientôt sous vos yeux, et qui seule était une réponse décisive aux accusations si légèrement, si opiniâtrement hasardées. Le 31 du même mois est arrivé à Saint-Domingue votre décret du 8 mars, qui prescrivait la manière de former les assemblées coloniales dans les lieux où il n’en existait pas, ou de les confirmer dans les lieux où elles avaient déjà reçu leur mission. Celle qui s’appelait alors de Saint-Marc s’est empressée d’obéir. Par une lettre du 1er juin, c’est-à-dire du lendemain (il était difficile d’obéir avec plus de rapidité) elle a instruit ses commettants de vos intentions. Elle les a invités à s’assembler incessamment pour déclarer s’ils entendaient confirmer l’assemblée de Saint-Marc telle qu’elle existait, ou en former une nouvelle. Dans l’intervalle elle n’a pas discontinué ses travaux, parce que l’article 3 de votre décret du 8 mars l’autorisait à les continuer. Il porte : Dans les colonies où il existe des assemblées coloniales librement élues par les citoyens et avouées par eux, ces assemblées seront admises à exprimer le vœu de la colonie. Dans votre décret subséquent du 28 du même mois, relatif aux formalités qui devaient s’observer pour toutes les élections, vous laissiez une lib rté absolue, aux assemblées col niâtes existantes, de continuer, si elles le jugeaient à propos» Vous les aviez constituées arbitres de leur sort, de leur existence. Si elles jugent, disiez-vous, 488 lAssentMée nationale.] AKÇH1VES PARLEMENTAMES. [31 mars 1791.J leur eoutinuation plus avantageuse que de nou-vaux choix, elles pourront travailler. L’assemblée de Saint-Marc n’a pas voulu user de cette faculté que vous lui aviez conliée de se continuer elle-même; mais elle n’a pas pu, mais elle n’a pas dû se regarder comme destituée, comme démise par une délicatesse qui l’honorait. Elle n’a pas pensé qu’en renvoyant à ses commettants le libre usage de leurs droits pour la confirmer, elle eût anéanti l’effet du libre emploi par lequel ils l’avaient déjà créée; elle n’a pas imaginé qu’elle eût dû livrer la colonie à l’anarchie qui aurait résulté de la cessation subite, de l’anéantissement, même passager, de la seule digue qui aurait pu contenir la tyrannie, toujours trop prête à déborder. C’est d’après ces considérations, c’est pour remplir ce devoir qu’elle a continué, tandis que les paroisses procédaient à la manifestation de leur vœu sur son existence, à méditer, à préparer, à rédiger des plans tous relatifs au projet fondamental du 28 mai. C’était heureusement, patriotiquement. économiser ce temps ; c’était accélérer, autant qu’il était en elle, la régénération de la colonie, soit qu’une assemblée nouvelle vint en recueillir la gloire, soit que cette palme, si tristement flétrie, dût rester à celle qui, la première, s’en était rendue digne. Cette succession de travaux a rempli le mois de juin tout entier. Chaque lendemain, grâce à l’utilité, à l’inappréciable rapidité de la presse, donnant aux opérations de la veille une publicité authentique, il n’était pas un colon qui pût ignorer ce qui s’était passé; et le 6 juillet, apré3 le recensement fait des suffrages à qui il appartenait d’en décider, la continuation légale de l’assemblée de Saint-Marc, et par conséquent l’approbation de ses travaux antérieurs a ôté déterminée par la majorité des voix. La légitimité de cette confirmation était si solennelle, si peu susceptible d’incertitude, que le 13 juillet, 7 jours après, le gouverneur, M. de Pey-nier, l’a reconnue par une proclamation également solennelle. Ces faits nesont pas plus problématiques que les dates; les uns et les autres sont consignés dans Je rapport du 12 octobre deruier; et si le gouverneur, qui proclamait à Saint-Domingue la continuation de l’assemblée de Saint-Marc n’en était pas l’ami, on sait assez que le rapport du 12 octobre n’en a pas été l’apologiste. Ce que l’nn et l’autre ont reconnu est donc certain. D’ailleurs, les actes existent avec leurs dates; et vous voyez si la conséquence que je viens d’en tirer était hasardée. C’est donc constamment le vœu du peuple, le vœu de la colonie, que l’assemblee, dite alors de Saint-Marc, a exprimé au moins jusqu'au 15 juillet; et depuis ce moment il n’y à plus eu de vœu populaire, plus de vœu colonial, puisque, le 19 du même mois, a éclaté la ligue incendiaire qui travaillait à miner depuis longtemps les fondements à peine posés de la liberté, puisque dès ce moment ce gouverneur n’a parlé au peuple que par la bouche de ses canons, puisqu’il n’a plus souffert d’intermédiaire entre le peuple et lui, que les baïonnettes de ses satellites. Maintenant, Messieurs, j’ose le demander, quelque opinion que l’on veuille au fond se former nu vœu de la colonie, ses interprètes sont-ils, peuvent-ils êire coupables ? Mais, a-t-on dit, et dirait-on peut-être encore, la majorité sur laquelle ils s’appuient n’était qu’apparente. Je ne sais pas ce que signitie ce mot appliqué à une majorité. S’il ne signifiait qu’une majorité douteuse, indécise dans le cas dont il sagit, il serait démenti par la proclamation du gouverneur, lequel sans doute ne s’était nas déterminé à publier une reconnaissance réelle sur des apparences. Il avait eu 7 jours de réflexion. Les procès-verbaux lui avaient été communiqués. 11 avait été si surpris, si confondu de leur presque unanimité, qu’il en a laissé en arrière plusieurs dont il n’a pas voulu même prendre connaissance; et, dans la disposition où il était sans doute, il n’aura pas regardé comme décisif ce qui aurait encore été susceptible d’incertitude. Mais on a expliqué ce mot par un autre mol. Ou a dit qu’il signifiait une faible majorité. Messieurs, la colonie est composée de 52 paroisses, espèce de division politique qui a prévalu dans cette contrée. De ces 52, l’assemblée *de Saint-Marc en a eu 44 pour elle. Les procès-verbaux existent, vous pourrez en ordonner la vérification. C’est donc une majorité de 6 contre 1. Si c’est là, Messieurs, une faible, une apparente majorité, à quel signe donc reconnaîtra-t-on les majorités réelles, les majorités nombreuses? Cependant, continuerait-on peut-être, il y a encore partage; une rivale qui a manifesté la plus profonde soumission pour les décrets, une rivale qui s’est ralliée sous les étendards du pouvoir exécutif pour en assurer l’exécution ; l’assemblée provinciale du Nord a, au moins balancé l’estime et les avis dans la colonie. Si elle est légitime, si elle est innocente, il faut bien que celle de Saint-Marc soit usurpatrice, criminelle ; nous acceptons l’alteruative, mais en sens inverse. Si cette assemblée provinciale n’a été instituée, si elle n’existe encore qu’au mépris formel de vos décrets, si, depuis qu’elle s’est elle-même donné la naissance, elle a entretenu une coalition ouverte, soutenue, non interrompue,’ meurtrière, avec les satellites de la tyrannie, si la régénération de la colonie, le rétablissement de la paix, l’introduction d’un meilleur ordre de choses, de celui auquel vous tendez par vos lois, étaient regardés par la plupart de ceux qui composent cette assemblée, comme leur mine, comme la destruction de leur fortune et de leurs espérances, vous paraîtrait-elle encore digne de votre confiance? Croiriez-vous qu’elle est encore digue d’être l’objet de celle de la colonie? Or, ce sont là autant de faits incontestables ; quoique vous en entendiez peut-être parler pour la première fois, ils n’en sont pas moins faciles à prouver. D’abord, à la supposer légitime, l’assemblée provinciale du Nord n’a jamais pu représenter la colonie ; la partie française de Saint-Domingue est divisée eu 3 départements. C’est ainsi que l’on nommait dès lors ce qu’en Europe on appelait alors provinces. Celte anticipation du régime de la liberté est une faveur que la colonie doit au despotisme ; mais c’est ia seule. ( Rires ironiques.) Ces départements sont ceux de V Ouest, du Sud et du Nord . L’assemblée provinciale de celui-ci n’en pouvant représenter qu’un, n’aurait eu, ni une faible, ni mm apparente majorité et n’aurait eu qu’une minorité décidée, celle de 1 contre 2. Ensuite, dans son département même, quelle était sa prépondérance? Elle contient 26 paroisses ; 5 seulement ont concouru à la formation de l’assemblée qui se dit provinciale du Nord; la plupart des autres ont député à l’assemblée de Saint-Marc, le reste a gardé ia ueu- |Asseniblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |31 mars 1791.] 489 tralité, ou plutôt le silence ; et ce qui est autrement décisif, ces paroisses-là n’ont jamais entendu concourir à la formation d’une assemblée coloniale ni provinciale du Nord. La mission de ces délégués, qui se parent aujourd’hui de titres importants, était uniquement, exclusivement de nommer les membres d’un comité provisoire établi au Gap dans les premiers moments de la Révolution. Voilà la base sur laquelle s’est assise la prétendue assemblée qui s’est érigée ici en rivale de la seule assemblée légale formée à la colonie, qui se dit aujourd’hui permanente, sans doute pour mieux constater son respect envers vos décrets et sa dépendance de la colonie, de qui enfin les dernières lettres reçues de ce pays nous révèlent un acte de rébellion ouverte contre vos décrets, et scission décidée avec les satellites de la tyrannie, dont apparemment elle s’est enfin lassée d’être la complice. Dans ses premiers moments, elle était modeste parce qu’elle était faible : elle a solennellement reconau la supériorité, la légitimité de l’assemblée de Saint-Marc; et elle l’a reconnue dans une circonstance décisive. Le comité du Gap avait pris sur lui de réintégrer, de son autorité, dans la ville un tribunal souverain, que le despotisme y avait anéanti quelques années auparavant. C’était un acte utile, mais c’était une usurpation bien sérieuse de pouvoir. Pour le confirmer, pour le légitimer, elle s’adressa à l’assemblée de Saint-Marc, qui y donna son adhésion, depuis confirmée, ratifiée par vous-mêmes. Sans doute ce recours à une autre juridiction était un aveu bien décidé de son impuissance; et ce n’est que par degrés qu’elle a conçu l’idée de cette prétendue rivalité sur laquelle on vous en a si longtemps imposé. Mais quels ont pu être les principes de cette audace, de cette dépravation inconséquente? Ah! Messieurs, pour vous les expliquer, il faut re - monter aux premiers moments de la Révolution, à ce jour à jamais célèbre jusque sur les rivages lointains, où le premier coup de canon fut tiré ici contre la Bastille, à ce jour où ces côtes si longtemps asservies répondirent pour la première fois au cri de la liberté. A ce mot un enthousiasme général exalta toutes les têtes, et parut avoir réuni tous les esprits. Les satellites, les juges immédiats du despotisme, ou étourdis ou confondus, perdirent pour un moment ou dissimulèrent leurs anciennes affections. Français et libres, sont désormais des mots synonymes, criait-on dans toute l’étendue de la colonie. Nous ne cesserons jamais d’être Français; nos concitoyens d’Europe voudront que nous soyons libres comme eux. Alors un seul esprit, un seul intérêt parut régner sur toutes les déterminations; et c’est alors aussi que fut formée primitivement, par un concours unanime, l’assemblée de Saint-Marc. Elle n’essuya de contradiction que dans les ordres ministériels, émanés de Versailles, qui enjoignaient au gouverneur de s’opposer inflexiblement à toute formation d’assemblées coloniales. Get ordre avait été confié àM. du Chilleau. Le prompt rappel de cet homme vertueux, et trop vertueux surtout pour cet emploi, le dispensa de l’embarras où il se serait trouvé entre un devoir que sa place semblait lui imposer, et un devoir encore plus sacré que sa conscience n’aurait pas manqué de lui prescrire. L’assemblée de Saint-Marc, ainsi instituée, s’occupa sérieusement et rapidement, comme je vous l’ai dit, de réformes utiles : elle porta sans délai des yeux vigilants et des mains incorruptibles sur les racines de tous les abus : elle prit la mâle résolution de les extirper. A ce moment s’évanouit le patriotisme de tous ceux dont ces abus formaient le patrimoine; et comme un des points principaux de leurs réunions était au Gap, comme cette ville était vraiment la station des agents de toutes les espèces de tyrannies auxquelles avait été i i npi toyablement livrée la colonie; comme par eux-mêmes et par leurs relations ils dominaient impérieusement sur le comité du Gap, ils n’ont pas eu de peine à le soulever d’abord contre les réformes dont s’occupait l’assemblée de Saint-Marc, ensuite contre cette assemblée elle-même, et enfin leurs vues et leur audace se développèrent à l’aide des circonstances, à l’aide des encouragements intéressés qu’ils ont reçus, je ne dirai pas de quelles mains. Ils ont eu moins de peine encore à lui suggérer de se décorer du titre d’assemblée provinciale du Nord, auquel a bientôt été jointe l’épithète d q permanente , qui encore une fois n’est pas un indice bien respectueux de leur soumission envers vous et de leur déférence envers la colonie. Voilà, Messieurs, ce que vous aurait appris un examen réfléchi, une vérification approfondie de la conduite des trop infortunés colons, au nom de qui j’ai l’honneur de vous parler, et de celle de leurs détracteurs. Combien d’autres renseignements ne seraient pas sortis de cet examen, de cette vérification ! Avec quelle surprise, par exemple, auriez-vous appris que le principal appui de cette assemblée provinciale du Nord, si soumise, si zélée pour vos décrets, corniste, dans une association de volontaires, qui gardent encore ce nom, qui pour signe distinctif, pour marque de reconnaissance entre eux ont et montrent publiquement une aigrette qu’ils appellent le pompon blanc , qui est blanc en effet, toujours blanc, qui n’a changé de nuance que le 29 juillet 1790, jour funeste, mais célèbre par tant de désordres. Et il a été trempé dans le sang de vos concitoyens; et au moment même où ces accusés irréprochables pour qui je parle, où ces braves gens dont le cœur est aussi pur que les mains, n’ont d’espérance que dans votre justice, où ils viennent demander pour toute faveur, quand leur innocence sera reconnue, d’être admis à renouveler le serment irrévocable d’être à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi. Leurs détracteurs, suivant les dernières nouvelles, arrêtent d’interdire les ports de leur département, ceux du moins qu’ils auront séduits ou subjugués, au vaisseau le Serin , porteur de vos ordres, et dont ils n’auraient rien à redouter si leur conduite n’était pas bien horriblement criminelle, puisque, quand le vaisseau a été expédié, vous étiez encore pleinement persuadés de leur innocence. Mais laissons ce triste sujet. Ma mission spéciale, l’engagement que j’ai contracté, c’était d’établir que les membres qui composaient l’assemblée de Saint-Marc n’ont été que les interprètes du vœu delà colonie; qu’aucune autorité rivale n’a balancé dans la colonie l’étendue des pouvoirs qui ont été conférés à cette assemblée, qui lui ontdepuisété confirmés par le vœu de cette colonie; que les opérations, dont on a prétendu lui faire un crime, ont été, je ne dirai pas légitimés, puisque vous avez cru devoir les supprimer, mais garanties par l’adhésion du peuple; que quand même vous croiriez, par des motifs quelconques de politique ou autres, devoir laisser 490 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. subsister la proscription prononcée contre les actes, les personnes qui en ont été les organes, les instruments intermédiaires, sont irréprochables, irrépréhensibles. Maintenant il s’agit de prouver que ces mêmes actes, si conformes au vœu du peuple français de Saint-Domingue, ont la même conformité avec celui des législateurs français d’Europe; qu’ils ne sont que les expressions pures et simples, que l’exécution littérale de vos propres décrets. C’est ce que j’établirai avec autant de facilité et plus encore d’évidence s’il est possible. L’épuisement que j’éprouve en ce moment me fait craindre de rie pouvoir remplir aujourd’hui, dans toute son étendue, la mission dont je suis chargé. Les vengeances du despotisme m’ont laisse bien peu de forces pour la défense de la liberté à laquelle je consacre le reste de ma vie. Aux marques de bonté avec lesquelles vous avez paru m’entendre, joignez, je vous supplie, celle de renvoyer à lundi prochain la suite et la fin de la discussion. {Murmures.) M. Régouen. Il faut faire lire par l’un de ces messieurs. {Murmures.) Comme je crois que l’Assemblée donne son attention aux choses qui lui sont dites, et non pas à la manière dont elles sont récitées ou déclamées, je demande que le papier soit remis à l’un de ces messieurs, qui le lira. M. Robespierre. Il n’est pas question de juger en ce moment le fond de l’affaire, rien ne presse, mais les égards, la bienséance et l’humanité prescrivent que vous acquiesciez à la demande des accusés qui, s’étant rendus à la barre en vertu de votre décret, vous déclarent qu’ils ne sont pas en état de continuer leur défense. {Ap-plaudissemnts.) M. Tiiaut de la Rouverte. Ces messieurs sont accusés. 11 ne faut pas les priver d’un seul moyen de défense. Je demande le renvoi. M. Lecouteulx de Gantclcu. Je crois comme le préopinant qu’il est de la justice et de l’humaniré que les individus qui sont à la barre soient entendus comme ils le demandent lundi prochain ; mais je prie ces messieurs de vouloir bien nous instruire en même temps et nous éclairer sur un imprimé qui vient de m’être remis, qui n’est pas public il est vrai, mais qui cependant mérite attention parce qu’il porte leurs signatures ; il est daté «le Paris du 27 mars et a pour titre : Aux constituants de l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue ci-devant séant à Saint-Marc. J’y lis les phrases que vous allez entendre ; c’est à leurs commettants que ces messieurs adressent la parole : « Nous reconnaissons dune que nous sommes toujours vos représentants, parce qu’aucune puissance constituée ou constituante n’a pu effacer le titre légitime qui nous a été conféré par le peuple en qui réside l’essentielle souveraineté; nous aurions trahi votre conliance si, après en avoir obtenu trois fois des témoignages les plus flatteurs elles plus authentiques, nous nous laissions abattre par les efforts que la calomnie a dirigés contre nous... » Ces messieurs parlent de notre décret qui les a condamnés. M. de Folle ville. Il n’a jamais été d’usage que les accusés soient présents à la délibération à laquelle ils sont intéressés. Je demande que ces messieurs se retirent. [31 mars 1791.] M. Lecouteulx de Cantelen. L’imprimé continue ainsi : « Celte fermeté décontenance beaucoup ceux qui ont intérêt à nous représenter comme des individus isolés, qui n’étaient revêtus que d'une conliance mendiée ou surprise. On attend, pour prononcer définitivement sur notre compte que les paroisses aient énoncé leur vœu sur le décret du 12 octobre, de sorte que, si toutes les paroisses s’empressent d’exprimer les sentiments que doit leur avoir inspirés un jugement aussi extraordinaire, l’Assemblée nationale jugera, par cetle persévérance d’opinion, qu’il existe dans les colonies un esprit public qui les rend dignes de tous les bienfaits de la régénération. » Messieurs, en qualité de représentant de la nation française, je dépose cet écrit sur le bureau et je prie ces messieurs qui sont à la barre de vouloir bien éclairer, lundi prochain, l’Assemblée nationale... Un membre : Tout à l’heure. M. Lieeouteulx de Cantelen... sur cet imprimé et de déclarer s’ils l’avouent ou s’ils le désavouent. M. Barnave. Cet écrit* dont vous venez d’entendre quelques phrases et dont le système, comme ces phrases l’annoncent, consiste à dire, à affirmer à la face de la nation entière, et en s’adressant même à la colonie de Saint-Domingue, que le caractère des dépurés de celle colonie, dont votre décret du 12 octobre les a dépouillés, existe toujours dans les membres de la ci-devant assemblée représentative de la colonie, que i 'Assemblée nationale soit en sa qualité d’Assemblée législative de la nation, soit en qualité de corps constituant, n’a pas pu détruire le caractère qu’une section de l’Empire avait attribué à quelques personnes, en exécution même et par l’émanation des pouvoirs que l’Assemblée nationale lui avait momentanément attribués. Cet écrit, dont le système est semblable à cet égard à tous ceux qui depuis quelque temps se distribuent avec les mêmes signatures, ces écrits, qu’on vous annonce peu répandus, au moins celui qu’on vient de nous lire, sont néanmoins envoyés dans ia colonie avec uoe extrême profusion. Il n’est pas possible à l’Assemblée nationale d’adopter une opinion quelconque sur des imprimés qui ne portent aucun caractère, et dont les signatures, quoique semblables au nom des membres de la ci-devant assemblée générale de Saint-Domingue, pourraient cependant être signés par d’autres. Je demande donc que, pour éclairer l’Assemblée nationale sur l’opinion qu’elle doit avoir et sur le parti qu’elle pourra prendre à l’avenir, vous soyez chargé, Monsieur le Président, de demander aux personnes actuellement à la barre, si elles avouent ou dénient l’écrit dont on vient de lire quelques lignes. Je demande leur réponse avant qu’elles aient quitté la barre. ( Applaudissements .) Plusieurs membres: Oui! ouil M. de llurinais. Dans cet écrit il existe des inculpations graves contre les dépotés de la. colonie. Je demande que les mêmes individus soient obligés de s’expliquer sur ces faits.