70 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 119 septembre 1790. | lins à eau pourraient être grevés, jusqu’au moment où il sera statué, par une loi générale, sur la propriété des rivières et cours d’eau. « Art. 8. Il n’est nullement préjudicié par l’abolition du triage, aux actions en cantonnement de la part des propriétaires contre les usagers de bois, prés, marais et terrains vains ou vagues, lesquelles continueront d’être exercées comme ci-devant dans les cas de droit, et seront portées aux tribunaux de district, sauf à se conformer pour les ci-devant provinces de Lorraine, des Trois-Evêchés et du Clermontois, à l’article 32 du titre II du décret du 15 mars dernier. » « Art. 9. Pourront néanmoins être révisés et réformés, s’il y a lieu, par les tribunaux de district (et à la charge de l’appel ainsi que de droit), les cantonnements prononcés depuis moins de trente ans par arrêts du conseil, sans qu’au préalable le fond des droits de propriété ou d'usage eût été convenu, ou en cas de contestation, jugé par les tribunaux ordinaires, ensemble tous les arrêts du conseil qui, sans prononcer de cantonnements, ont statué en première instance, depuis la même époque, sur des questions de propriété ou de droits fonciers, entre des seigneurs et des communautés d’habitants; auquel effet, les parties intéressées se pourvoiront dans l’espace de temps et de la manière indiqués par l’article 31 du titre II du décret ci-dessus, sans pouvoir prétendre aucun compte des fruits perçus hors du cas déterminé par le même article. » « Art. 10. On ne pourra racheter les droits casuels dus par un héritage, sans racheter en même temps les droits fixes auxquels il est sujet. » M. Itaïiiel-Hogaret. Je propose un amendement qui serait ou une disposition additionnelle à l’article 10, ou bien un article nouveau qui prendrait place dans le décret. Voici en quoi consiste mon amendement: « La nation autorise le redevable envers elle, comme propriétaire de biens nationaux, à se ré-dimer séparément des droits annuels ou fixes, et des droits casuels, à charge par ceux qui profiteront de cette liberté, de remettre entre les mains du receveur de l’extraordinaire une expédition de la quittance qui contiendra la mention du droit non racheté. » M. Merlin, rapporteur . Je demande que l’article 10 reste tel qu’il a été lu et adopté et que l’amendement de M. Ramel-Nogaret soit renvoyé à l’examen du comité féodal. # Cette proposition est adoptée. L’article 11 (ancien article 12) est lu et renvoyé également au comité. M. Goupilleau. J’observe à l'Assemblée qu’il est instant de décider si les présidents des corps administratifs sont ou ne sont pas membres des directoires et s’ils sont ou ne sont pas éligibles aux places de juges et de commissaires du roi. La difficulté réside dans ce fait qu’ils ont séance et voix délibérative aux directoires qu’ils président et qu’un décret de l’Assemblée, en date du 2 septembre, a particulièrement exclu de l’éligibilité les membres du directoire. M. Déuieunicr. Le corn Constitution se trouve divisé sur cette affaire, v0ilà pourquoi il ne vous a pas présenté de décret et pourquoi je vous propose d’ajourner jusqu’à un nouvel examen . M. Regnaud, député de Saint-Jean-d’ Angély, Lorsque le comité est divisé et ne peut conclure il y a l’Assemblée nationale qui tranche la question, surtout lorsqu’elle est aussi pressante que celle qui nous occupe. Voici le projet de décret que je propose : « L’Assemblée nationale, sur les pétitions qui lui ont été présentées en interprétation du décret du 2 septembre, déclare que les présidents des administrations de départements et de districts, n’étant pas membres nécessaires des directoires, sont éligibles aux places de juges, à la charge par eux, s’ils sont élus juges et s’ils acceptent, de ne pouvoir plus exercer, dans le corps administratif, les fonctions des présidents, et de se réduire à celle de simple membre du conseil. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président annonce que l’ordre du jour de demain sera la suite de la discussion des rapports du comité militaire sur la formation des tribunaux militaires et sur l’avancement, ce rapport ayant été envoyé aujourd'hui au domicile de tous les députés. (Voyez ci-dessous le rapport de M. Alexandre de Lameth sur A' admission dans l'armée et l'avancement militaire.) (La séance est levée à trois heures.) PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 19 SEPTEMBRE 1790. Rapport fait au nom du comité militaire sur l'admission dans l'armée et l’avancement militaire, par M. Alexandre deAauieth. Messieurs, votre comité militaire vous présente aujourd’hui ses vues sur le mode le plus avantageux d’admission au service et d’avancement dans les différents grades. Parmi les lois destinées à gouverner l’armée française, à l’approprier, à l’identifier avec la Constitution que vous avez établie, aucunes, Messieurs, ne nous ont paru plus importantes dans leurs effets, plus intimement liées sous leurs divers rapports avec les autres branches de l'organisation sociale, plus dignes par conséquent d’être précédées des considérations graves et approfondies, que les nouveaux principes à établir sur l’admission et sur l’avancement. L’intérêt des militaires à qui nous devons des avantages proportionnés aux sacrifices qu’ils font à leur patrie, et aux services qu’ils lui rendent, à qui nous devons surtout cette justice exacte, qui, pour des hommes libres, est le premier des bienfaits, et l’intérêt de la nation, qui veut une armée citoyenne et bien ordonnée, une armée que l’émulation enflamme et que la discipline contienne, une armée composée d’hommes courageux et commandés par des hommes habiles : ces deux intérêts, Messieurs, nous ont paru les guides que nous avions à suivre; leur combinaison la plus intime nous a paru être le but auquel nous devions tendre; elle a cons tamment dirigé nos spéculations. C’était par une route directement contraire, que l’ancien régime était parvenu au complément de tous les abus. Si nous croyorn aujourd’hui n’avoir à consulter que l’intérêt de la nation, avec le traitement juste et avantageux Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 septembre 1790.J 7t qu'elle doit à ceux qui la défendent, l’ancien régime au contraire avait eu pour principe constant de les sacrifier à des considérations d’une autre nature. Dans un gouvernement libre, tout est pour l’intérêt du peuple; sous l’oppression du despotisme, tout est pour l’intérêt du pouvoir ; tous les grades y sont distribués à des classes privilégiées, qui garantissent aux. dépositaires de l’autorité l’esclavage de la nation et qui partagent leur puissance. Si quelquefois le gouvernement semble oublier ces maximes, c’est rarement pour le bien, c’est presque toujours pour obéir à des faiblesses ou à des caprices. Toutes les volontés générales du despotisme sont pour son intérêt, toutes ses volontés particulières sont pour son plaisir. Cette marche du gouvernement arbitraire était surtout observée dans l’armée qu’il a toujours regardée comme son domaine particulier: victime du despotisme dont elle était l’instrument, aucun corps n’a senti plus cruellement l’effet de ces combinaisons opposées à la justice, au bien des individus, au bien général de la nation, mais habilement ' calculées pour l’intérêt d’un petit nombre d'hommes et pour le maintien de la puissance absolue. L’admission au service en qualité d’officier était interdite à quiconque ne justifiait pas de plusieurs degrés de noblesse: ceux qui y entraient en qualité de soldats étaient condamnés, quels que fussent leurs talents, à ne les exercer jamais que dans des emplois subalternes; à peine admis à devenir officiers, ils se trouvaient arrêtés au premier grade, et quels que fussent leur mérite et leurs services, la loi plaçait devant eux un obstacle insurmontable. Cette séparation rigoureuse entre le� soldats et les officiers se retrouvait presque également entre les deux classes qui distinguaient ceux-ci. Tandis que des nobles peu favorisés consumaient leur vie sans avancement dans les grades inférieurs, ceux de la cour les franchissant rapidement, ne daignant pas même les occuper tous, arrivaient promptement aux premiers honneurs militaires et les possédaient exclusivement : ce que les premiers n’obtenaient presque jamais par l’ancienneté de leur service, les gens de la cour le recevaient comme un droit avant l’âge de raison; ainsi, pour chaque service, il existait une caste particulière ; personne n’avait intérêt de se faire des vertus et de se rendre utile à son pays, car on voyait sa place marquée par sa naissance ; et il y avait aussi peu à craindre de se voir privé, par son ineptie, des grades importants auxquels elle vous avait destinés, qu il y avait peu à espérer de franchir, par sa capacité, les obstacles qu’un préjugé décourageant avait placés devant vous. Sous un tel ordre de choses, les injustices particulières aggravaient encore à tout moment l’injustice des lois et de l’opinion ; dans la carrière limitée qu’il était permis de parcourir, on se voyait sans cesse traversé par des faveurs et des passe-droits. Le gouvernement avait sans cesse à côté de l’armée laborieuse et active, une armée d’officiers sans activité, qui attendaient le moment d’obtenir les grades que les autres avaient mérités. Des changements continuels rendaient encore la situation de l’armée servante plus inquiète et plus incertaine: chaque ministre intéressé à se faire des créatures, bouleversait l’ordre établi pour favoriser les hommes qu’il voulait attacher à sa fortune ; et le gouvernement semblait se plaire à marquer sa puissance en méconnaissant les règles que lui-même avait établies, Enfin, la carrière militaire qui, pour un petit nombre d’hommes, offrait une suite facile et assurée d’avantages et d’bonneurs, était pour le reste de la nation une épreuve continuelle d’oppression, d’humiliation et d’ingratitude. De pareils abus à réformer sont, Messieurs, une des tâches les plus satisfaisantes que vous avez à remplir ; mais il ne suffit pas de les condamner, il faut mettre à leur place des lois justes et sages; et c’est ici qu’une méditation profonde est nécessaire pour saisir le point juste auquel la raison doit s’arrêter pour poser des principes durables, liés à la Constitution, puisés dans la justice, approuvés par l’expérience et propres à concilier le bonheur des individus avec ces institutions militaires, d’où dépendent essentiellement le succès des armées et la tranquillité des empires. Avant de vous soumettre, Messieurs, les résultats que nous avons adoptés sur le mode d’admission et d’avancement, nous devons vous présenter les considérations qui nous ont conduits. L’admission au grade de soldat s’effectue par un engagement. Cette forme nécessaire pour assurer que, dans aucun temps, l’Etat ne sera sans défenseur, doit être soumise à des règles qui garantissent que ce contrat ne sera désormais que l’effet d’une volonté libre, qui proscrivent ces manœuvres odieuses qui longtemps ont fait l’inquiétude des familles et le désespoir de ceux qui en avaient été l’objet, qui même présentent des facilités à ceux qui voudraient revenir sur un engagement imprudent. Ces règles seront le sujet d’un rapport particulier. La progression de l’avancement doit conduire du grade de soldat aux premiers honneurs militaires. Je présenterai bientôt les principes suivant lesquels votre comité a pensé qu’il devait avoir lieu. Cette exposition sera le second objet de mon rapport. Le premier est l’examen des questions relatives à l'admission immédiate au grade d’officier. J’examinerai donc, premièrement, la question de savoir si cette admission immédiate au grade d’officier est nécessaire : secondement les règles auxquelles, en l’admettant, il sera juste de la soumettre. Sur la nécessité d’admettre au grade d’officier sans avoir passé par ceux qui lui sont inférieurs, votre comité, Messieurs, a pensé que cette règle admise chez tous les peuples et sans laquelle il n’a jamais existé d’armée, était prescrite par la loi même de la nature et par la durée de la vie. Il serait impossible, en effet, qu’un nombre suffisant d’officiers arrivassent dans la force de l’âge aux premiers grades du commandement, si chacun avait été obligé de les parcourir tous, à commencer par celui de soldat. L’intérêt du service, d’ailleurs, exigeant que parmi les officiers les uns présentent les qualités qui s’acquièrent par l’expérience dans les grades inférieurs, tandis que d’autres arrivant immédiatement, à la faveur d’examens publics, avec une éducation plus soignée, présenteront des connaissances théoriques et surtout cette aptitude à combiner, à réfléchir la science de leur état, qu’ils n’auraient pu acquérir par le simple exercice des fonctions de soldat. Nous avons donc cru qu’il était utile et même indispensable au service, qu’une partie des sous-lieutenants arrivât à ce grade, sans avoir été forcée de parcourir ceux qui lui sont inférieurs. Mais comment déterminer quels sont les citoyens qui devront jouir de cet avantage ? Vous 72 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [19 septembre 1790.] avez aboli les distinctions de naissance, et il faut faire plus, il faut que les lois que vous porterez soient telles, que ces distinctions ne puissent reparaître sous aucune forme, et que les ministres ne puissent pas un jour faire revivre, par le fait, des privilèges que vos lois ont fait disparaître. Or, c’est sur quoi nous ne pourrions compter, si le pouvoir d’admettre au grade d’oflicier était attribué au roi; mais indépendamment de cet inconvénient, votre comité a pensé qu’aucune raison d’utilité publique ne pouvait porter à lui attribuer cette prérogative, et que les plus puissantes raisons devaient, au contraire, nous en éloigner. Lorqu’un officier a déjà servi, la capacité dont il a fait preuve peut être un motif de peser son avancement, et ce pouvoir doit, dans certains cas et avec des règles prescrites, être déféré au roi. Mais au moment ou de jeunes citoyens se destinent au métier des armes, aucune raison d’inté' rêt public ne peut donner au gouvernement le droit de rejeter les uns et d’admettre les autres. Le choix qu’il ferait parmi eux ne pourrait être dirigé par aucun motif, par aucun service antérieur, et cette prérogative arbitraire augmenterait son pouvoir par les moyens d’influence et de corruption, sans que la société en reçût aucun dédommagement. Mais s’il n’est pas proposable de donner au roi le droit d’admettre au grade d’officier, l’idée de les faire élire par les soldats est également contraire à tout principe militaire, à toute idée saine du gouvernement. Quoique l’opinion de tous les hommes qui ont médité sur les lois sociales; quoique les usages et les maximes des peuples les plus attachés à la liberté ne parussent laisser aucun doute sur. cette question, votre comité ne s’est pas moins fait un devoir, dans ce moment où toutes les idées sont soumises à un nouvel examen, de discuter profondément l’application du principe de l’élection aux grades militaires ; empressé de puiser dans les règles de votre Constitution, dans les maxi-nes générales de la liberté, tout ce qui pouvait compatir avec l’organisation d’une armée, il a fait entrer dans ses dispositions tout ce que les principes militaires peuvent accorder d’influence sur l’avancement, au choix et à l'estime des campagnons d’armes. Mais le système pur de l’élection, mais l’élection surtout par les inférieurs, lui a paru une idée inadmissible, destructive de toute discipline, tendant à faire passer toute l’autorité dans ceux qui doivent obéir, devant presque toujours mettre à la tête des troupes ceux qui flatteraient leurs passions pour capter leur faveur, ou ceux qui, par un excès d’indulgence, se seraient montrés les moins propres à les commander, conduisant entin l’armée à un tel degré d’indépendance, que la tranquillité des citoyens et la liberté publique en seraient bientôt menacés. Le peuple doit nommer ses magistrats pour conserver son pouvoir. Les soldats ne peuvent nommer leurs officiers, sans détruire l’autorité, le premier lien des armées; les citoyens sont égaux, sont indépendants des hommes ; ils n’obéissent qu’aux lois. La subordination est au contraire un élément nécessaire de l’organisation militaire ; seule elle donne cette unité d’efforts et d’action qui fait la force des armées et qui en assure les succès. La liberté de Rome fut perdue quand les légions nommèrent leurs chefs, car elles nommèrent bientôt les empereurs. Ces empereurs élus dans les camps, tirent du peuple leur victime, et furent eux-mêmes le jouet des caprices de leurs soldats. L’indiscipline de l’armée amena l’oppression des citoyens. L’Empire fut sans gouvernement et parvint à se dissoudre. Un peuple qui chérit la liberté et qui veut la conserver, doit donc repousser loin de lui des institutions aussi dangereuses; et les militaires attachés aux droits qui leur appartiennent, comme citoyens, doivent sentir que leur conservation demande que le salut public exige que l’armée, créée pour la nation et entretenue par elle, soit régie par des lois différentes que le reste de la société. Après avoir rejeté, Messieurs, les moyens qui résultaient, pour l’admission au grade d’officier, du choix du roi ou de l'élection des soldats, votre comité a découvert, dans l’application la plus exacte de vos principes, le mode qui lui a paru devoir les remplacer. Il est dit, dans la déclaration des droits, que chacun est admissible à tous les emplois publics, à raison de sa capacité et sans autre distinction que celle des qualités personnelles : c’est à cette distinction seule que nous avons cru que l’avantage d’arriver immédiatement au grade d’officier devait être attribué, et nous l’avons fait dépendre d’un temps d’étude et du résultat d’examens institués par la loi. Cette méthode a*plus d’un avantage : elle introduit l’égalité la plus étendue qui puisse compatir avec l’intérêt du service, elle donne la facilité d’attribuer presque tout à l’ancienneté pour l’avancement des officiers reçus, puisqu’elle offre le gage le plus sûr qu’aucun n’aura été admis sans avoir un certain degré de capacité. Il résulte donc, Messieurs, de nos opinions relativement à l’admission au service, qu’une partie des officiers de l’armée doit arriver par le grade de sous-lieutenant, sans avoir parcouru ceux qui lui sont inférieurs, et que cet avantage doit être attribué à la seule capacité, constatée par un ou plusieurs examens publics : maintenant je dois vous soumettre les vues qui nous ont dirigés relativement à l’avancement. Il est évident que l’avancement progressif aux différents grades, depuis le simple soldat jusqu’au général d’armée, ne saurait s’opérer que par deux moyens, l’ancienneté et le choix. Mais l’un et l’autre sont plus ou moins applicables, suivant l’importance des grades et l’influence de leurs fonctions. Le choix surtout est susceptible d’une multitude de modifications, la proportion entre ces deux moyens est essentielle à déterminer. L’examen de cette question pourrait donner lieu à des considérations infinies; voici celles qui nous ont paru les plus décisives : L’avancement par l’ancienneté a l’avantage de fermer la porte aux préférences injustes, à l’intrigue et à la faveur : il doit donc être adopté toutes les fois que la nécessité absolue du service n’exige pas que l’on s’en écarte. Or, cette nécessité arrive par deux raisons : La première est l’impossibilité de laisser parvenir aux grades, des hommes sur la capacité desquels on ne pourrait avoir aucune garantie. La seconde est la nécessité de faire arriver quelques personnes dans la vigueur de l’âge aux premières places du commandement, et d’ouvrir aux talents supérieurs un moyen de se développer pour le plus grand avantage de leur patrie. 73 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 septembre 1790.J Voici le résultat de ces vues générales. L’avancement depuis le grade de soldat jusqu’à celui de sous-lieutenant, ne peut, à de faibles exceptions près, être donné qu’au choix, puisque au-dessous du grade d’officier, aucune étude, aucun examen ne garantit que tous les individus fussent capables de remplir les fonctions auxquelles l’ancienneté pourrait les appeler. Depuis le grade de sous-lieutenant jusqu’à celui de capitaine, l’ancienneté doit, au contraire, être seule admise, parce que l’examen subi, ou le choix successif qui aurait porté un soldat jusqu’au grade d’officier, sont des titres de capacité suffisants pour que tous ceux qui les ont acquis puissent exercer également et sans préférence toutes les fonctions d’officier jusqu’à celles qui supposent le commandement d’un régiment. Au-dessus du grade de capitaine et jusqu’à celui de général d’armée, l’ancienneté doit continuer à conférer une partie des places ; mais il doit aussi en être attribué au choix, et à mesure qu’on s’élève, il doit avoir plus de part aux promotions, et l’ancienneté doit en avoir moins, parce que plus les fonctions à remplir sont importantes et difficiles, plus il devient nécessaire qu’une partie au moins de ceux qui y sont portés soient des hommes distingués par leurs talents, plus il devient nécessaire que les hommes d'une capacité éprouvée dans la lenteur des premiers grades puissent presser leur marche et arriver au terme du commandement dans un âge où les forces morales et physiques ne soient pas encore épuisées, et où l’énergie de l’âme et les leçons de l’expérience se réunissent pour faire espérer de ces conceptions heureuses qui assurent le succès des combats. Enfin, le commandement des armées, par les rares talents qu’il exige, ne peut être évidemment conféré que par le choix du roi. Quant à la proportion à établir entre le nombre des places attribuées à l’ancienneté et celles dont le choix doit disposer pour la promotion aux grades où ces deux modes doivent concourir, nous avons considéré, Messieurs, que l’intérêt du plus grand nombre et le principe de l’égalité se trouvaient exclusivement dans le mode de l’ancienneté ; que par conséquent ce mode avait pour lui la loi générale, et que l’évidence de l’intérêt public pouvait seule justifier les exceptions qui y seraient apportées. Nous avons donc réglé nos dispositions sur ce principe unique et décisif, et nous avons attribué à l’ancienneté tout ce que la possibilité et le succès du service nous ont paru permettre. Nous avons même fait plus; nous avons pensé qu’indépendamment de la nécessité de parcourir, par l’ancienneté seule, l’espace, depuis le grade de sous-lieutenant jusqu’à celui de capitaine, il était nécessaire d’établir encore deux principes pour régler la marche de ceux qui arriveraient par le choix : l’un est l’impossibilité de franchir aucun grade, l’autre est la nécessité de s’arrêter au moins deux ans dans chacun. De ces vues et des proportions que nous avons établies entre le choix et l’ancienneté, nous avons espéré, Messieurs, deux grands avantages; c’est que tandis que l’espoir de s’avancer par le choix exciterait l’émulation, féconderait le talent et concourrait à la discipline, la certitude d’arriver par l’ancienneté éloignerait de tous le découragement, et exclurait une dépendance excessive, humiliante et dangereuse. Il me reste à vous présenter nos idées sur le mode et la nature du choix que nous avons cru devoir préférer pour la promotion aux diverses places. Une vue générale se présente d’abord, et découle des principes que j’ai annoncés, en parlant de l’impossibilité de l’élection des officiers par les soldats ; c’est que ce choix, en aucun cas, ne peut être accordé aux inférieurs. La première force, le premier besoin des armées, c’est la discipline ; et, comme je l’ai déjà dit, le moyen le plus sûr de l’anéantir serait d’attribuer à ceux qui obéissent le pouvoir de nommer ceux qui devaient les commander. En général, le choix fait par les supérieurs, s’il est dirigé par des lois qui préviennent l’injustice, l’abus de la faveur et l’excès de la dépendance, ce choix est à la fois un des moyens les plus doux d’établir la subordination, un des moyens les plus justes de réaliser et de rendre sévères les divers genres de responsabilités auxquels peuvent être soumis ceux qui commandent et qui gouvernent. En admettant ces vérités, qui ne sauraient être contestées par quiconque a réfléchi sur l’organisation, sur l’utilité, sur les dangers des armées, nous avons cru que l’application exigeait deux modes de choix différents : l’un pour élever aux grades depuis le caporal jusqu’au sous-lieutenant, l’autre du grade de lieutenant-colonel jusqu’au général d’armée. Le choix pour les grades de cette dernière classe ne peut certainement être attribué qu’au roi : tout autre supérieur qui l’exercerait, acquerrait un pouvoir qu’aucun particulier, et surtout qu’aucun chef de troupe ne doit posséder dans un Etat libre et monarchique. Nous n’avons donc pas douté, Messieurs, que dans la nécessité de donner à la volonté, dirigée par des lois sages, la fonction de conférer une partie des places au-dessus du grade de capitaine, le roi devait être le seul dépositaire de ce pouvoir. Mais il nous a paru que d’autres considérations devaient nous diriger sur l’avancement dans les grades inférieurs, depuis le soldat jusqu’au sous-lieutenant. Le mérite des hommes qui remplissent ces places consistant davantage dans l’assiduité à leurs devoirs, dans le zèle pour le service, dans l’intelligence journalière de leurs fonctions, que dans des talents qui aient reçu tout l’éclat d’une éducation soignée, ce mérite ne peut être jugé, ni par le roi, ni même par ceux qui gouvernent en son nom; ces droits ne peuvent être justement reconnus que par ceux sous les yeux desquels ils s’acquièrent; et en leur remettant la présentation des sujets, vous faites tourner au profit de la discipline, de la subordination si difficile à obtenir pour le grade immédiatement supérieur, toute l’influence de bienveillance et de fortune que vous remettez entre leurs mains. C’est ici, Messieurs, que nous avons cru que les sous-officiers à qui, jusqu’à ce jour, les lois militaires n’ont donné aucune influence sur l’avancement de leurs camarades, pouvaient, avec utilité pour le service, partager, avec le chef de leur compagnie et celui du régiment, le droit d’élever jusqu’à eux un soldat, ou un sous-officier de grade inférieur. Non seulement cette forme est propre à attirer aux sous-officiers, de la part de leurs inférieurs immédiats, une obéissanceet unrespectque l’expérience prouve chaque jour qu’il est extrêmement difficile de faire observer ; mais en intéressant les 74 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 septembre 1790.] sous-officiers à faire de bons choix pour l’honneur du grade auquel ils appartiennent , el le exerce , et, pour ainsi dire, elle cultive en eux un sentiment de délicatesse et de fierté qui ne saurait être trop encouragé dans le militaire. Nous avons donc cm que l’élévation aux différents grades de sous-ofliciers devait être opérée par le choix successif du capitaine et du colonel, mais que ce choix ne pouvait s’exercer que parmi les sujets qui auraient été présentés paries sous-officiers du grade auquel le candidat doit être promu. Par là, on fait pour l’égalité tout ce qui est militairement possible, en appelant à concourir au choix ceux des supérieurs qui se rapprochent le plus de l’état de camarade; par là aussi on obtient la plus grande probabilité d’avoir de bons sujets, puisque après s’êtregaranti,par la désignation des sous-officiers, l’honneuretla probilédeceuxqu’ils présentent, on s’assure, par le choix du capitaine et du colonel, la sagesse et la capacité de celui qu’ils croient devoir employer. Enfin, Messieurs, nous avons été déterminés à vous proposer cette méthode, en observant qu’elle était celle qui formait ces compagnies si justement célèbres de grenadiers français, el par les excellents effets qu’elle a produits dans quelques régiments où des chefs, amis du soldat, ont essayé de l’employer; la composition des sous-officiers y a été reconnue, par expérience, meilleure que dans tous les autres; l’ordre et la discipline y ont été entretenus parfaitement par l’influence dece moyen. Ces épreuves, jointes aux raisons que je viens de vous développer, nous ont paru ne devoir laisser aucune incertitude sur l'adoption d’une forme qui d’ailleurs est propre à remplir les vœux de tous les soldats et de tous les sous-officiers de l’armée. Je viens donc de vous indiquer, Messieurs, les vues qui nous ont dirigés dans l’avancement depuis le grade de soldat jusqu’au premier sous-offi-cier, et depuis le dernier officier de l’armée, jusqu’au général qui la commande. Il reste un vide à remplirai reste adiré comment le soldat, parvenu au premier grade de sous-officier, arrivera enfin à celui d’officier et sera fait sous-lieutenant. Quoiqu’en général l’ancienneté nous ait paru un mode d’avancement peu applicable à ceux dont la capacité n’a pas subi l’épreuve d’un examen, nous n’avons pas pensé que ce principe pût s’appliquer justement à ceux que le choix a successivement portés au premier grade de sous-officier. Si, d’une part, il est avantageux pour la discipline et pour la bonne composition des corps, que le choix des officiers confère une partie des places aux sous-officiers qui doivent être admis parmi eux, il est également convenable que le sort d’un sous-officier qui aurait assez bien mérité pour être porté jusqu’au grade immédiatement inférieur à celui de sous-lieutenant, ne dépende pas nécessairement, pour le reste de son avancement, de la volonté de ses chefs. Ici les motifs ne sont plus entièrement les mêmes que pour l’avancement aux différents grades de sous-officier : le candidat a plus de droits acquis à s’avancer, et les officiers à qui seuls le choix peut en être remis, ne sont pas aussi près du rang de camarade, et ne seraient pas guidés dans leur choix par des motifs exactement les mêmes que ceux qui pourraient porter les caporaux à s’associer un soldat : il nous a paru, en un mot, Messieurs, que le passage au grade d’officier ne ressemblait exactement ni à ce qui lui est supérieur, ni à ce qui lui est inférieur -, qu’il devait être régi par une règle mixte ; que la discipline aurait assez d’avantages, si la moitié des places de sous-lieutenants affectées aux sous-officiers était au choix des officiers du corps, et que la justice exigeait que l’autre moitié fût assurée à l’ancienneté. Ainsi le soldat, que sa bonne conduite aura porté par le choix jusqu’au premier grade de sous-officier, sera dès lors assuré d’arriver, par l’ancienneté seule, aux grades supérieurs ; aucun obstacle ne se présentera devant ses pas, et sa carrière militaire n’aura d’autres limites que la durée de ses services. Tels sont, Messieurs, les principes auxquels nous nous sommes arrêtés pour diriger les lois que nous vous proposerons sur l’admission et l’avancement. Nous les avons assez combinées, pour espérer qu’étant adoptées par vous, elles seraient propres à fixer d’une manière solide et durable le sort des militaires français, et que conciliant le bien du service et l’intérêt des individus, elles seraient confirmées par l’expérience, et mettraient l’armée française à l’abri de ces changements continuels, qui, depuis tant d’années, y entretiennent l'inquiétude et y portent le découragement. Mais leur application au moment actuel n’est pas aussi facile, et ne saurait être aussi parfaite qu’elle le sera dans l’avenir. Vous avez aperçu, Messieurs, qu’en vous présentant ces principes, j’ai supposé l’armée active existant isolément, et puisant toujours en elle» même ceux qui doivent remplir les grades qui vaquent successivement; c’est ainsi en effet qu’elle devrait être, et c’est ainsi qu’elle sera, quand toutes les traces des anciens abus auront entièrement disparu. Mais ce moment n’est pas encore arrivé. Par une suite des opérations, des changements, des réformes auxquelles les ministres qui gouvernaient l’armée se sont successivement livrés, il existe hors de l’armée une multitude d’officiers dont l’activité est suspendue, dont un grand nombre demande à être employé, et dont quelques-uns ont droit de l’obtenir. Nous avons pensé. Messieurs, qu’il était d’une grande importance, soit pour l’intérêt du service, soit pour la justice qui est due à ceux qui s’y livrent activement, que l’arrivée aux grades ne fût pas, pour ainsi dire, engorgée; que l’avancement de ceux qui servent ne fût pas considérablement retardé par le partage qui serait fait des emplois entre eux et cette espèce d’armée d’officiers oisive et expectante. Persuadés de la nécessité de prendre des mesures décisives à cet égard, nous avons réduit la faculté d’être employés à ceux qu’un droit évident et une capacité présumable y appellent : tous ceux auxquels les ordonnances ne donnaient pas le droit d’être remplacés; ceux dont l’ancienneté des services réclament des retraites; enfin, ceux qu’une longue inactivité a rendus, pour ainsi dire, étrangers au service, nous ont paru ne devoir point être appelés à concourir aux emplois vacants. Une partie considérable étant ainsi éloignée, nous avons destiné à ceux qui restaient une part d’avancement suffisante, pour attacher au service ceux qui ont un goût décidé pour cette profession, sans porter le découragement parmi ceux à qui des services actifs et non interrompus ont donné les premiers droits. Tels sont, Messieurs, les principes généraux qui nous ont guidés dans notre travail sur l'admission et l’avancement ; après vous les avoir fait connaître, il me reste à mettre sous vos yeux l'analyse [Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 septembre 1790.] 75 rapide des dispositions qui nous ont paru devoir en être la conséquence. • Vous avez vu, Messieurs, la nécessité exigée par la nature des choses et le bien du service, d’admettre immédiatement dans le grade d’officier, des hommes qui, formés par une éducation précé - dente, auraient acquis des connaissances théoriques, constatées par des examens. Le mode de ces examens, les règles qui devront être établies, les institutions qui peuvent eu accroître les avantages, vous seront ultérieurement présentés; les développements que pourra exiger cette partie de notre travail, méritera une discussion particulière de votre part, et n’auraient pu sans inconvénients trouver place dans ce rapport. Il suffit, en ce moment, d’avoir prouvé l’indispensable nécessité de l’admission immédiate au grade d’officier, et que cette admission ne pouvait être que le prix des connaissances et des talents constatés par des examens publics. Quant à l’avancement, voici, Messieurs, les dispositions qui nous ont paru être les conséquences et devoir résulter des principes que nous avons posés. Depuis l’état de soldat, jusqu’au premier grade de sous-officier, les nominations auront lieu par le choix des capitaines et des colonels, qui ne pourra s’exercer que sur les sujets présentés par les individus du grade immédiatement supérieur. Ainsi, pour la nomination des caporaux (et je préviens que pour éviter d’occuper inutilement votre attention, je ne parlerai que des grades d’infanterie, ceux des troupes à cheval sous des dénominations différentes y correspondant entièrement), pour la nomination des caporaux, dis-je, il sera présenté, par chaque caporal à son capitaine, le sujet qu’il j ugera le plus digne par sa conduite, et le plus capable par ses moyens de remplir une place de caporal; le capitaine choisira, parmi les soldats qui lui auront été présentés par les caporaux de sa compagnie celui qu’il croira mériter la préférence. 11 y aura donc ainsi un homme par compagnie désigné pour remplir les places de caporal: on formera une liste de ces hommes, et lorsqu’il vaquera une place, le capitaine, dans la compagnie duquel se trouvera cette vacance, choisira dans cette liste trois sujets qu’il présentera au colonel, qui déterminera celui des trois qui devra l’occuper. Lorsque la liste sera réduite au-dessous de moitié, alors il en sera reformé une nouvelle en suivant les mêmes procédés. Cette mesure, Messieurs, est indispensable pour éviter un inconvénient grave qui se présenterait; c’est que plusieurs des sujets qui y seraient compris, pourraient, avant le moment où ils seraient choisis pour remplir une place vacante, commettre des fautes assez graves pour les en éloigner, mais pas assez cependant pour les rayer de dessus la liste, ce qui serait pour eux un désagrément fâcheux. Il faudrait cependant ou qu’ils en fussent rayés ou que le colonel fût obligé de les choisir, lorsque les sujets plus distingués auraient été épuisés. La suppression de la liste, lorsqu’elle est réduite au-dessous de moitié, détruit cet inconvénient, les moins bons sujets restant dans la moitié supprimée, et pouvant cependant être proposés de nouveau et se retrouver dans la même liste s’ils ont encore le. suffrage des caporaux et des capitaines . Les formes et les procédés employés pour la nomination des caporaux auront lieu pour celles des sergents, en observant que la présentation se fera par les sergents, et que les sujets seront pris parmi les caporaux. Il y aura cependant quelque différence dans le choix des caporaux-fourriers et des sergents-majors : ces hommes étant plus essentiellement ceux du capitaine, et devant lui répondre plus particulièrement des fonds et de la discipline de sa compagnie, il est important qu’il ait plus d’influence dans leur choix. Les places d’adjudants exigeant une iutellî-ence et une activité particulières dans ceux qui evront les remplir, et ces hommes étant, pour ainsi dire, les aides de camp, des officiers supérieurs, ils seront choisis par eux à la majorité des voix parmi tous les sous-officiers du régiment. Les places d’officiers, qui seront dévolues aux sous-officiers, seront données alternativement au choix et à l’ancienneté ; le choix sera fait par tous les officiers à la majorité absolue des suffrages. Les sous-lieutenants deviendront lieutenants, et les lieutenants, capitaines par ancienneté, sans que, sous aucun prétexte pendant la paix du moins, cette loi puisse être enfreinte. Les places de lieutenants-colonels et de colonels seront données deux tiers à l’ancienneté et un tiers au choix du roi. L’ancienneté sera comptée pendant la paix sur toute l’arme, pendant la guerre par régiment : un des principales raisons de cette différence, c’est que pendant la paix il y aurait, par des mutations, des avancements rapides et sans motif dans quelques régiments, tandis qu’ils seraient beaucoup plus lents dans d’autres; à la guerre cet avancement ne provenant que des pertes que les régiments peuvent faire, et par conséquent des dangers qu’ils courent, il parait juste que ceux qui les essuient en retirent quelques avantages. Les places de maréchaux de camp seront données aux colonels, moitié par l’ancienneté, moitié au choix du roi. Les places de lieutenants généraux seront données aux maréchaux de camp, également moitié à l’ancienneté, moitié au choix du roi. Le grade de maréchal de France sera conféré uniquement par le roi. Voilà, Messieurs, tout ce qui regarde l’armée active; et il ne me resterait plus qu’à vous présenter le projet de décret, si je ne devais vous rendre compte auparavant des dispositions que nous avons cru devoir vous proposer relativement au nombre considérable d’officiers de tous les gracies qui se trouvent en dehors de la ligne, et sans activité. Cette partie de notre travail a été une des plus pénibles par la difficulté de trouver des principes qui pussent diriger au milieu du dédale d’abus de tout genre qui résultaient de l’ancien ordre de choses. Les états qui nous ont été remis par le ministre de la guerre, portent le nombre des lieutenants généraux à cent quatre-vingts, celui des maréchaux de camp à sept cent quinze. Ils présentent des brevets ou commissions de colonels de sept espèces différentes, autant, à peu près, de lieutenants-colonels et de majors, et enfin neuf espèces de capitaines. Parmi ce nombre considérable d’officiers, il en est sûrement qui ont des droits à l’activité par les services qu’ils ont rendus, et par ceux qu’ils peuvent rendre encore; mais ce n’est pas le plus grand nombre. Et d’ailleurs, je le répète, Messieurs, vous sentez qu’il n’y aurait plus d’avancement, par conséquent, plus d’espoir, plus d’émulation pour 76 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 septembre 1790.] l’armée active, si vous ne preniez des mesures décisives pour la débarrasser de cette foule d’officiers qui obstruaient entièrement la carrière militaire de ceux qui n’ont pas quitté un moment l’activité. Nous avons donc cru que vous deviez déterminer que le nombre des officiers généraux serait borné aux quatre vingt-quatorze que vous avez décrété devoir être employés, et qui sont portés sur les états de dépense; qu’aucun officier ne devait être promu désormais au grade de lieutenant général ou de maréchal de camp, que lorsqu’une de ces places deviendrait vacante par mort ou par retraite ; mais cependant, pour laisser au roi la possibilité de remettre en activité ceux des officiers généraux dont il croirait les services utiles, nous proposons que sur quatre places de lieutenant général ou de maréchal de camp en activité, qui viendront à vaquer, deux soient données aux deux plus anciens colonels, et que sur les deux qui sont aux choix du roi, il en donne une à un colonel en activité, sans égard à l’ancienneté, et qu’il puisse disposer de l’autre en faveur d’un officier général hors de la ligne. Quant à ce qui regarde les autres officiers sans activité, en convenant qu’il s’en trouve dans ce . nombre plusieurs qui ont des talents distingués, et que tous ont des droits réels, puisque les places qu’ils occupent étaient les seules par lesquelles l’avancement s’effectuait ; cependant nous avonscru devoir moins consulter lesdroitsqueleur donnait l’ancien ordre de choses, que ce qu’exigeait en ce moment le bien du service et l’utilité publique. Après avoir arrêté que ceux qui n’étaient pourvus que de commissions, ou qui avaient plus de dix ans d’inactivité, n’auraient plus de droits au remplacement, et ne seraient susceptibles que d’obtenir un jour la croix, s’ils avaient dans ce moment plus de dix-huit ans de service ; que ceux qui avaient plus de 35 ans de service et 10 ans d’inactivité, n’auraient droit qu’à conserver ou obtenir un traitement, nous proposons d’assurer les deux tiers des emplois de colonels et de lieutenants-colonels dans toutes les armes, et de capitaines dans les troupes à cheval, qui viendront à vaquer, aux officiers servant dans l’armée active, et un tiers seulement à tous ceux qui sont hors de la ligne. Telle est, Messieurs, la mesure qui nous a paru la plus propre à conserveries droits de l’armée, à y entretenir l’émulation, et en même temps à donner aux officiers sans activité, qui aiment le service, un moyen d’y trouver de l’emploi. Ces dispositions, celles qui vous ont été soumises dans la partie relative à l’armée active, feront, avec quelques suppressions d’emplois inutiles, et quelques modificationsfavorables aux officiers, dits ci-devant de fortune, l’objet du décret que je vais avoir l'honneur de vous proposer, après avoir jeté un coup d’œil rapide sur les avantages qu’il présente, comparés à ce qui a existé jusqu’à ce jour. Autrefois un soldat ne pouvait devenir caporal, un caporal sergent, que suivant la volonté absolue du colonel. Maintenant il est présenté par ceux du grade où il doit entrer; l’influence du capitaine et du colonel ne peut s’exercer que sur la présentation de ceux qui sont le plus près de l’état de camarade. Dans l’ancien ordre un sous-officier ne devenait officier que lorsqu’il plaisait au chef du régiment. Maintenant la moitié des places qui leur sont dévolues appartient à l’ancienneté; l’autre moitié est donnée par le choix de tous les officiers. Dans l’ancienne organisation, les sous-officiers obtenaient au plus une place sur dix ou douze, et ne pouvaient franchir le grade de lieutenant. Dans la nouvelle, ils en auront une sur quatre, et la certitude d’arriver à leur tour, si l’âge le leur permet, et plus promptement, si les événements les servent, au grade de lieutenant général. Voilà ce qui regarde les soldats. Les officiers dans l’infanterie, entraient sous-lieutenants, et se retiraient presque tous capitaines; ceux qui, après beaucoup de difficultés, étaient devenus officiers supérieurs, n’obtenaient jamais de régiment, très rarement il en arrivait un ou deux au gracie de maréchal de camp. Dans la cavalerie, ils étaient encore plus sévèrement, je dirai plus injustement traités, puisque l’avancement était borné au grade de lieutenant pour ceux qui n’avaient pas l’argent et la faveur nécessaires pour obtenir une compagnie. Maintenant, une fois officiers, rien qu’une destitution légale ne peut les empêcher de devenir à leur tour lieutenant général; des services distingués, des actions d’éclat les porteront plus promptement à ce grade. Autrefois tous les emplois, toutes les grâces soit pécuniaires, soit honorifiques, étaient la proie de l’intrigue, et des bouleversements continuels faisaient le désespoir de l’armée. Maintenant les emplois et les grâces seront le prix des services, et les lois seront stables comme la justice qui les aura dirigées. Ce parallèle vous prouve, Messieurs, quels sont les avantages que recueillera l’armée d’un nouveau mode d’avancement, où cependant le bien du service et le ressort de la discipline ont été soigneusement ménagés. Les dispositions que j’ai l’honneur de vous présenter ont été profondément méditées; elles sont le résultat de l’opinion unanime de votre comité : il a cru y voir la source d’un bien durable pour l’avenir; et dans le moment actuel, le retour de l’ordre dans l’armée, par la puissance de la justice, la cessation de toutes les inquiétudes, par l’émulation nouvelle qui doit s’emparer des esprits et occuper leur activité. Les nouvelles lois sur l’avancement seront le plus précieux de vos bienfaits en faveur de l’armée, parce qu’elles n’intéressent pas seulement la fortune, mais la dignité, mais la gloire de chaque individu; elles deviendront un nouveau lien qui les attachera à la Constitution. La nation connaîtra, par leur conduite pendant la paix, par leur courage à la guerre, que les hommes que la patrie honore, savent aussi s’honorer eux-mêmes, et que l’estime et la considération sont les liens les plus puissants que l’on puisse imposer à des hommes qui se sont fait une habitude du mépris des dangers et de la vie. Voici, Messieurs, les décrets que votre comité a l’honneur de vous présenter : DÉCRETS SUR L’ADMISSION ET L’AVANCEMENT MILITAIRE. Avancement militaire. L'Assemblée nationale décrète que l’avancement 77 (Assemblée nationalo.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [19 septembre 1790.] aux différents grades militaires aura lieu dans la forme et suivant les règles indiquées ci-après : TITRE Ier. Nomination aux places de sous-officiers. Art. 1er. L’on comprendra à l’avenir dans la dénomination de sous-officiers dans l’infanterie, les sergents-majors, les sergents, les caporaux-fourriers et les caporaux. Dans les troupes à cheval, les maréchaux des logis en chef, les maréchaux des logis, les brigadiers-fourriers et les brigadiers. Nomination des caporaux et des brigadiers. Art. 2. Les caporaux, dans l’infanterie, et les brigadiers, dans les troupes à cheval, présenteront chacun à leur capitaine celui des soldats ou cavaliers de leur compagnie qu’ils jugeront le plus capable d’être élevé au grade de caporal ou de brigadier. Art. 3. Le capitaine choisira un sujet parmi ceux qui lui auront été présentés. Art. 4. Il sera formé une liste de tous les sujets choisis par les capitaines. Art. 5. Lorsqu’il vaquera une place de caporal ou de brigadier dans une compagnie, le capitaine de cette compagnie choisira trois sujets dans la liste. Art. 6. Parmi ces trois sujets, le colonel choisira celui qui devra remplir la place vacante. Art. 7. Lorsque la liste sera réduite au-dessous de moitié, elle .sera supprimée, et il en sera fait une nouvelle, en suivant les mêmes procédés. Nomination des caporaux et des briqadiers-four-riers. Art. 8. Lorsqu’il vaquera une place de caporal ou de brigadier-fourrier dans une compagnie, le capitaine de cette compagnie choisira parmi tous les caporaux ou brigadiers et parmi tous les soldats ou cavaliers du régiment, ayant au moins deux ans de service, le sujet qui devra la remplir. Nomination des sergents et des maréchaux des logis. Art. 9. Les sergents-majors et les sergents dans l’infanterie, les maréchaux des logis en chef et les maréchaux des logis dans les troupes à cheval, présenteront chacun à leur capitaine celui des caporaux ou brigadiers de leur compagnie qu’ils jugeront le plus capable d’être élevé au grade de sergent ou de maréchal des logis. Art. 10. Le capitaine choisira un sujet parmi ceux qui lui auront été présentés. Art. 11. Il sera formé une liste de tous les sujets choisis par les capitaines. Art. 12. Lorsqu’il vaquera une place de sergent ou de maréchal des logis dans une compagnie, le capitaine de cette compagnie choisira trois sujets dans la liste. Art. 13. Parmi ces trois sujets, le colonel choisira celui qui devra occuper la place vacante. Nomination des sergents-majors et des maréchaux des logis en chef. Art. 14. Lorsqu’il vaquera une place de sergent-major ou de maréchal des logis en chef, les sergents-majors et les maréchaux des logis en chef au régiment, présenteront chacun, pour la remplir, un sergent ou maréchal des logis de leur compagnie, et il en sera formé une liste. Art. 15. Le capitaine de la compagnie, où la place de sergent-major ou de maréchal des logis en chef sera vacante, choisira trois sujets sur la liste de ceux qui auront été présentés par les sergents-majors ou maréchaux des logis en chef. Art. 16. Parmi ces trois sujets, le colonel choisira celui qui devra remplir Ja place vacante. Nomination des adjudants. Art. 17. Lorsqu’il vaquera une place d’adjudant, les officiers supérieurs réunis nommeront, à la pluralité des voix, parmi tous tes sergents ou maréchaux des logis du régiment, celui qui devra la remplir, et dans le cas où les voix se porteraient sur trois sujets différents, la voix du colonel sera prépondérante. Art. 18. Les sergents ou maréchaux des logis, nommés aux places d’adjudant, concourront, du moment de leur nomination, avec les sous-lieutenants (sans cependant être brevetés), pour arriver à la lieutenance, et ils pourront rester adjudants jusqu’à ce que leur ancienneté les y porte. Art. 19. Lorsqu’un sergent ou maréchal des logis, moins ancien que les adjudants, sera fait sous-lieutenant, les adjudants jouiront, en gratification et par supplément d’appointements, des appointements du grade de sous-lieutenant. TITRE II. NOMINATION AUX PLACES D’OFFICIERS. Nomination au grade d'officier. Art. 1er. Il sera pourvu de deux manières aux emplois de sous-lieutenants, lesquels seront partagés entre les sujets qui auront passé par les grades de soldats, cavaliers et de sous-officiers, et ceux qui arriveront immédiatement au grade d’officier, après avoir subi les examens dont il sera parlé ci-après. Art. 2. Sur quatre places de sous-lieutenants vacantes par régiment, il en sera donné une aux sous-officiers. Les places de sous-lieutenants, destinées aux sous-officiers, seront données alternativement à l’ancienneté et au choix. Art. 3. L’ancienneté se prendra sur tous les sergents et maréchaux des logis indistinctement, à dater de leur nomination. Art. 5. Le choix aura lieu parmi tous les sergents ou maréchaux des logis, et il sera fait par tous les officiers ayant vingt-cinq ans d’âge et par les officiers supérieurs, à la majorité absolue des suffrages. Art. 6. Quant aux autres places de sous-lieutenants, il y sera pourvu parle concours, d’après des examens publics, dont le mode sera déterminé par un décret particulier. 78 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 septembre 1790. | Nomination aux emplois de lieutenants . Art. 7. Les sous-lieutenants de toutes les armes, sans aucune exception, parviendront, à leur tour d’ancienneté, dans leur régiment aux emplois de lieutenants. Nomination aux emplois de capitaines. Art. 8. Les lieutenants de toutes les armes, sans aucune exception, parviendront, à leur tour d’ancienneté dans leur régiment, aux emplois de capitaines. Nomination aux places de quartiers-maîtres. Art. 9. Les quartiers-maîtres seront choisis par les conseils d’administration, à la pluralité des suffrages. 10. Les quartiers-maîtres, pris parmi les soüs-ofticiers, auront le rang de sous-lieutenant ; ils conserveront leur rang, s’ils sont pris parmi les officiers. Art. 11. Les quartiers-maîtres suivront leur avancement, dans les différents grades, pour le grade seulement, ne pouvant jamais être titulaires, ni avoir de commandement, mais jouissant, en gratification et par supplément d’appointements, de Ceux attribués aux différents grades où les portera leur ancienneté. Nomination aux emplois de lieutenants-colonels. Art. 12. On parviendra du grade de capitaine à celui de lieutenant-colonel par l’ancienneté et par le choix du roi, ainsi qu’il va être expliqué. Art. 13. L’avancement au grade de lieutenant-colonel, soit par ancienneté, soit par le choix du roi, sera, pendant la paix, sur toute l’arme ; à la guerre, le tour d’ancienneté sera sur le régiment. Art. 14. L’infanterie française formera une arme. L’infanterie étrangère et suisse formeront chacune une arme. Les troupes à cheval, indistinctement, formeront une seule arme. L’artillerie et le génie formeront deux armes différentes. Art. 15. Sur trois places de lieutenant-colonel, vacantes dans une arme, deux seront données aux plus anciens capitaines en activité del’arme, et la troisième, par le choix du roi, à un capitaine en activité dans cette arme, depuis deux ans au moins. Nomination aux places de colonels. Art. 16. On parviendra du grade de lieutenant-colonel à celui de colonel par ancienneté et par le choix du roi, ainsi qu’il va être expliqué. Art. 17. L’avancement au grade de colonel, soit par ancienneté, soit par le choix du roi, sera, pendant la paix, sur toute l’arme ; à la guerre, le tour d’ancienneté sera sur le régiment. Art. 18. Sur trois places de colonel vacantes dans une arme, deux seront données aux plus anciens lieutenants-colonels en activité de l’arme, et la troisième, par le choix du roi, à un lieutenant-colonel en activité dans cette arme depuis deux ans au moins. Nomination au grade de maréchal de camp. Art. 19. On parviendra du grade de colonel à celui de maréchal de camp, par ancienneté et par le choix du roi, ainsi qu’il va être expliqué. Art. 20. Sur quatre places vacantes dans le nombre fixé des maréchaux de camp en activité, deux seront données aux plus anciens colonels en activité de l’arme ; et deux, au choix du roi, aux colonels en activité depuis deux ans au moins. Art. 21. Si un colonel, que son tour d’ancienneté porterait au grade de maréchal de camp, [(référait se retirer avec ce grade à y être en activité, il en aurait la liberté, et recevrait la retraite fixée pour les colonels, sans égard à son grade de maréchal de camp. Art. 22. Le colonel qui préférerait se retirer avec le grade de maréchal de camp sans y être employé, ne pourrait néanmoins faire perdre le tour d’ancienneté à celui qui le suivrait, et qui, dans ce cas, serait nommé à la place vacante. Nomination au grade de lieutenant général. Art. 23. On parviendra du grade de maréchal de camp à celui de lieutenant général, par ancienneté et par le choix du roi, ainsi qu'il va être expliqué. Art. 24. Sur quatre places vacantes dans le nombre fixé des lieutenants généraux en activité, deux seront données aux plus anciens maréchaux de camp en activité ; et deux, au choix du roi, à des maréchaux de camp également en activité. Art. 25. Si un maréchal de camp, que son tour d’ancienneté porterait au grade de lieutenant général, préférait se retirer avec ce grade à y être en activité, il en aurait la liberté, et recevrait la retraite fixée pour les maréchaux de camp, sans égard cependant à son grade de lieutenant général. Art. 26. Le maréchal de camp qui préférerait se retirer avec le grade de lieutenant général, sans y être employé, ne pourrait néanmoins faire perdre le tour d’ancienneté à celui qui le suivrait, et qui, dans ce cas, serait nommé à la place vacante. Art. 27. Le grade de maréchal de France sera conféré par le choix du roi. DU REMPLACEMENT DES OFFICIERS RÉFORMÉS PAR LA NOUVELLE ORGANISATION. TITRE PREMIER. Les officiers réformés par la nouvelle organisation seront remplacés suivant les règles établies ci-après : Sous -lieutenants réformés. Art. 1er. Les sous-lieutenants en activité, réformés par la nouvelle organisation, seront remplacés dans leur régiment aux premières places vacantes de leur grade, sans concurrence avec les [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 septembre 1790.) 79 officiers de ce grade qui n’y auraient pas été employés en activité. Porte-drapeaux, porte-étendards et porte-guidons réformés . Art. 2. Les porte-drapeaux, porte-étendards et porte-guidons, réformés par la nouvelle organisation, seront remplacés dans le grade de sous-lieutenant, parmi lesquels ils prendront rang de la date de leur brevet, ou lettre de porte-drapeaux, porte-étendards et porte-guidons, conformément à ce qui va être prescrit. Rang dés porte-drapeaux , etc., parmi les sous-lieutenants. Art 3. Les porte-drapeaux, porte-étendards et porte-guidons, prendront rang parmi les sous-lieutenants* de la date de leur brevet ou lettre de porte-drapeaux, porte-étendards et porte-guidons ; et d’après cette disposition, ils suivront leur avancement au grade de lieutenant; il en sera de même des sous-lieutenants ci-devant dits de fortune. Rang des porte-drapeaux, etc. , parmi les lieutenants. Art. 4. Les porte-drapeaux, porte-étendards, porte -guidons et sous-lieutenants, ci-devant dits de fortune, promus au grade de lieutenants, prendront rang parmi les lieutenants, suivant celui çfu’ils devraient occuper s’il avaient été promus à ce grade à leur tour de sous-lieutenant; et d’après cette disposition, ils suivront leur avancement au grade de capitaine, dans lequel ils prendront rang de la date de leur brevet de ce grade. Cadets gentilshommes et sous-lieutenants de remplacement. Art. 5. Les ci-devant cadets gentilshommes et les sous-lieutenants de remplacement seront remplacés dans leur arme, et sur toute l’arme, aux premières places vacantes de sous-lieute-nants, sans nuire néanmoins au droit, accordé aux sous-officiers, d’obtenir une place sur quatre, immédiatement après le remplacement des sous-lieutenants en activité, réformés par la nouvelle organisation. Art. 6. Les ci-devant cadets gentilshommes ayant eu le brevet d’officier comme sous-lieute-nants de remplacement, et les sous-lieutenants de remplacement, prendront rang parmi lessous-lieutenants en rentrant en activité de la date de leur brevet de sous-lieutenant. Lieutenants réformés et l'émis sous-lieutenants. Art. 7. Les lieutenants en activité réformés ou remis en activité comme sous-lieutenants par la nouvelle organisation, seront remplacés aux premières places vacantes de leur grade dans le régiment, sans concurrence avec les officiers qui auraient droit, par leur ancienneté, à leur avancement dans ce grade, mais qui n’y auraient pas été employés en activité. Capitaines réformés. Art. 8. Les capitaines ayant troupe dans les troupes à cheval, et les capitaines en second dans l'infanterie, réformés par la nouvelle organisation, Seront remplacés, par ancienneté, aux premières places vacantes de leur grade dans leur régiment. Lieutenants avec brevet de capitaine. Art. 9. Les lieutenants pourvus de la commission de capitaine ne pourront prétendre à être remplacés dans ce grade, que lorsque leur tour d’ancienneté dans le grade où ils 6ont les y portera, Ces officiers néanmoins prendront rang dans la colonne des capitaines de leur arme, de la date de leur commission dans ce grade, pour concourir à leur avancement par ancienneté aux emplois supérieurs, sans pouvoir cependant reprendre rang, pour le commandement dans les régiments, sur les officiers du même grade qui y auraient été en activité avant eux, et parvenir aux emplois supérieurs avant d’avoir été en activité pendant deux ans comme capitaines. Majors réformés. Art. 10. Le grade de major étant supprimé dans la nouvelle organisation, les înajors prendront le grade de lieutenant-colonel. Ne pourront cependant les majors titulaires et ceux par brevets, prendre rang qu’après les lieutenants-colonels titulaires pour le commandement dans les régiments; mais ils prendront leur rang d’ancienneté dans la colonne des lieutenants-colonels, pour l’avancement aux places de colonel, en comptant deux années de major pour une de lieutenant-colonel. Capitaines et lieutenants-colonels pourvus de grades supérieurs. Art. 11. Les officiers en activité dans les grades de capitaine et de lieutenant-colonel, et pourvus d’un brevet de grade supérieur, ne pourront prétendre à y être remplacés, que lorsque leur tour d’ancienneté dans le grade où ils sont en activité les y portera, ou que par le choix du roi. Art. 12. Les officiers, pourvus de brevet du grade supérieur à celui dans lequel ils Sont en activité, prendront néanmoins rang dans là colonne des officiers de ce grade, pour leur avancement à un emploi supérieur de la date de leur brevet; mais ils ne pourront en être susceptibles qu’après avoir été deux ans en activité dans le grade dont ils ont le brevet, et ne pourront prendre rang pour le commandement dans les régiments, sur les officiers du même grade qui y auraient été en activité avant eux. Maréchaux de camp à remplacer. Art. 13. Les maréchaux de camp qui ne seront pas compris dans le nombre de ceux conservés en activité, pourront y être remplacés par moitié dans le nombre réservé au choix d« roi par l’article 20 du titre II de l’avancement. 80 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES [19 septembre 1790.} Lieutenants généraux à remplacer, Art. 14. Les lieutenants généraux, qui ne seront pas compris dans le nombre de ceux conservés en activité, pourront y être remplacés par moitié dans le nombre réservé au choix du roi par l'article 24 du titre II de l’avancement. Art. 15. Les officiers de tous les grades et de toutes les armes, actuellement en activité, réformés par la nouvelle organisation, conserveront, jusqu’à leur remplacement dans leur grade, la moitié des appointements dont ils jouissent en ce moment. Si la réforme porte sur des officiers parvenus par les grades de soldats et de sous-officiers, ils conserveront en entier, jusqu’à leur remplacement, ou leurs retraites, les appointements dont ils jouissent en ce moment. TITRE IL DU REMPLACEMENT DES OFFICIERS RÉFORMÉS OU A LA SUITE. Art. 1er. Les officiers réformés ou à la suite, ci-après dénommés, auront seuls droit d’être remplacés, ainsi qu'il va être prescrit; mais il ne pourront l’être qu’après que les officiers réformés par la nouvelle organisation seront rentrés en activité. Art. 2. Les officiers réformés ou à la suite, qui ont 35 ans de service ; ceux qui, depuis plus de 10 ans, n’ont pas occupé d’emplois titulaires dans la ligne, à l’exception des capitaines de remplacement et de ceux dits de réforme dans les troupes à cheval (qui n’auraient pas néanmoins refusé d’être remplacés, ou quitté l’activité comme capitaine) n’auront pas droit au remplacement, et ils recevront des traitements de retraite proportionnés à leurs services, d’après ce qui a été fixé par le décret relatif aux retraites militaires. Remplacement des colonels attachés. Art. 3. Les colonels attachés seront remplacés aux premières places de colonels vacantes dans leur arme, concurremment avec les lieutenants-colonels en activité, de la manière suivante : Sur neuf places vacantes, six seront données à l’ancienneté et trois au choix du roi. Des six d’ancienneté, quatre seront données aux plus anciens lieutenants-colonels en activité, conformément à l’article 18 du titre II de l’avau-cement; les deux autres seront données aux plus anciens colonels attachés. Sur les trois places qui seront au choix du roi, deux seront données à des lieutenants-colonels en activité, sans égard à leur ancienneté, pourvu qu’ils soient en activité depuis deux ans au moins dans ce grade; et la troisième, à un colonel attaché, sans égard à sou ancienneté dans ce grade. Art. 4. Les officiers, avec le brevet de colonel, quiontsubidesréformesdaDS les différents corps de la maison du roi et dans la gendarmerie, et qui, par les ordonnances de réforme de ces corps, ont été conservés à la suite de l’armée et avec droit à y être remplacés, prendront rang après les colonels attachés. Du remplacement des majors en second. Art. 5. Les majors en second, qui n’ont aucun autre brevet supérieur à ce grade, seront remplacés aux places de lieutenants-colonels de la manière suivante : Sur neuf places vacantes, six seront données à l’ancienneté, et trois au choix du roi. Des six d’ancienneté, quatre seront données aux plus anciens capitaines en activité, conformément à l’article 15 du titre II de l’avancement ; les deux autres seront données aux plus anciens majors en second . Sur les trois places qui seront au choix du roi, deux seront donné es à des capitaines en activité, sans égard à l’ancienneté, pourvu qu’ils soient en activité depuis deux ans au moins dans ce grade, et la troisième à un major en second, sans égard à son ancienneté dans ce grade. Art. 6. Les majors en second pourront en outre concourir, pour leur avancement, au grade de lieutenant-colonel, à leur tour d’ancienneté comme capitaines. Majors en second avec le brevet de colonel. Art. 7. Les majors en second, qui jouissent du brevet de colonel, prendront rang parmi les colonels attachés, de la date de leur brevet. Majoi's en second avec le brevet de lieutenant-colonel. Art. 8. Parmi les majors en second, ceux qui jouissent du brevet de lieutenant-colonel, seront les premiers à être remplacés dans ce grade, et ils ne pourront, sans y avoir été en activité, parvenir à celui de colonel. Art. 9. Les officiers, avec le brevet de lieutenant-colonel, qui ont subi des réformes dans les corps de la maison du roi et dans la gendarmerie, et qui, par les ordonnances de réforme de ces corps, ont été conservés à la suite de l’armée et avec droit à y être remplacés, le seront les premiers dans les grades de lieutenant-colonel, concurremment avec les majors en second qui jouissent du même grade. Art. 10. Les colonels des régiments de grenadiers royaux et des régiments provinciaux, susceptibles de remplacement, concourront, pour parvenir aux places de colonel, par moitié avec les colonels attachés dans le nombre de ces places réservé au choix du roi par l’article 18 du titre II de l’avancement; et ceux de ces colonels qui auront été lieutenants-colonels titulaires, concourront en outre, pour rentrer en activité, comme colonels, quelle que soit leur ancienneté de service, avec les lieutenants-colonels titulaires en activité, les années de major leur comptant deux pour une. Art. 11. Les lieutenants-colonels et majors des régiments de grenadiers royaux et des régiments provinciaux, et les commandants de bataillons, susceptibles de remplacement, concourront pour parvenir aux places de lieutenant-colonel, par moitié avecles majors en second, dans le nombre de ces places réservé au choix du roi par l’article 15 du titre II de l’avancement. Art. 12. Les capitaines de remplacement dans l’infanterie n’étant point dans le cas de rentrer [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES* en activité dans ce grade, par l’ordonnance de 1788, et ne pouvant conserver à l’avenir le droit qui leur était accordé par cette même ordonnance, d’arriver à d’autres emplois sans avoir été en activité dans celui de capitaine, pourront monter aux compagnies à leur tour de lieutenant, | dans les régiments où ils ont eu ce grade, pourvu qu’ils n’aient pas perdu leur activité, comme lieutenant, depuis plus de six ans. Gonserverontcependant ceux des capitaines de remplacement qui ne demanderont pas à être remplacés, ainsi que tous autres officiers qui ayant droit au remplacement ne voudront pas y prétendre, et qui auront au moins quinze ans de service, le droit à la croix de Saint-Louis qui leur était réservé par la susdite ordonnance. Art. 13. Les capitaines surnuméraires dans les régiments étrangers suivront, pour leur remplacement en activité, comme capitaines et pour la croix de Saint-Louis et du mérite, ce qui est prescrit pour les capitaines de remplacement de l’infanterie. Art. 14. Les capitaines de remplacement des troupes à cheval seront remplacés, sur toute l’arme, de la manière suivante : Sur trois places vacantes dans un régiment, deux seront données aux plus anciens lieutenants du régiment, et la troisième au plus ancien capitaine de remplacement de l’arme; ce dernier prenant rang parmi les capitaines du régiment, lors de son remplacement en activité, suivant ce qui est prescrit par l’article 9 du titre Ier du remplacement. Art. 15. Les capitaines de remplacement pourront, en outre, concourir avec les lieutenants dans les régiments où ils sont attachés, pour leur remplacement aux places de capitaines en activité qui y viendront à vaquer, à la date de leur brevet de lieutenants, dans quelque arme qu’ils aient eu ce grade. Art. 16. Le remplacement des capitaines, dits de réforme, aura lieu suivant ce qui est prescrit pour les capitaines de remplacement; mais il ne pourra s’effectuer que lorsque les capitaines de remplacement seront entrés en activité. Art. 17. Les capitaines réformés par la nouvelle organisation, les capitaines de remplacement et les capitaines, dits de réforme, qui voudront renoncer à être remplacés en activité, la conserveront cependant pour obtenir la croix de Saint-Louis au terme fixé pour les officiers titulaires, et ils seront remboursés de leur finance sans perle du quart ; ceux de ces capitaines qui voudront profiter de cette disposition auront trois mois, à dater de la publication du présent décret, pour le faire connaître. Art. 18. Les sous-lieutenants à la suite, qui voudront continuer leurs services, seront remplacés dans leur arme, lorsque les sous-lieutenants réformés par la nouvelle organisation, ceux de remplacement et les ci-devant cadets gentilshommes seront rentrés en activité, ne prenant cependant rang dans les régiments que de la date de leur remplacement ; mais leur ancienneté de service antérieur comptant pour la croix de Saint-Louis. Art. 19. Les officiers de différents grades, attachés aux bataillons de garnison, aux régiments de grenadiers royaux et aux régiments provinciaux, qui n’ont pas été rappelés dans les articles précédents, n’auront pas droit au remplacement; mais ceux de ces officiers qui jouissent de traitements, les conserveront : et ceux qui, n’en ayant pas, en seront jugés susceptibles pour leurs services passés, en recevront, conformément à ce 1" Série. T. XIX [19 septembre 1790.] 8i qui est prescrit par le décret relatif aux retraites militaires. Art. 20. Les officiers réformés et à la suite, de tous les grades et de toutes le3 armes, dont le remplacement n‘est pas prévu par les articles précédents, n’auront aucun droit à être employés de quelque manière que ce soit; conserveront cependant, ceux de ces officiers et les lieutenants des maréchaux de France qui ont 15 ans de service et moins de 10 ans d’inactivité, leur droit pour la croix de Saint-Louis. Art. 21. En conséquence de ce qui est prescrit par les articles ci-dessus, il sera formé par arme deux listes, l’une comprenant tous les colonels, lieutenants-colonels et capitaines en activité; l’autre, tous les officiers de tous les grades qui conservent le droit-au remplacement. Il sera éga lement formé une liste de tous les officiers généraux en activité, et une de tous les officiers généraux conservant leur droit au remplacement. Ges listes seront rendues publiques par la voix de l’impression, renouvelées chaque année, et adressées à chaque régiment. Art. 22. D’après les dispositions ci-dessus énoncées, et les règles qui viennent d’être établies pour l’avancement et le remplacement militaire, tout autre emploi que ceux portés sur les états de dépenses décrétés par l’Assemblée nationale, seront et demeureront supprimés. En conséquence, les charges de colonels généraux, de mestres de camp généraux, de commissaires généraux, et tous autres emplois subsistants en vertu desdites charges dans les différentes armes ; celles de maréchaux généraux des logis, des camps et armées, et celles de lieutenants des maréchaux de France, sont et demeureront supprimées. Le sont pareillement les propriétés de régiments de toutes les armes, soit français, allemands, irlandais ou liégeois. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 19 SEPTEMBRE 1790. Motion de M. Rodât, député de Rodez , pour assurer la permanence du Corps législatif (1). La permanence du Corps législatif renouvelé tous les deux ans est la base fondamentale sur laquelle repose tout l’édifice de la Constitution. Les amis de cette Constitution protectrice de la liberté doivent désirer qu’on prenne les mesures les plus efficaces pour mettre hors de toute atteinte ce droit précieux du peuple français, de n’obéir qu’à des lois qui soient l’ouvrage de ses représentants librement élus. On doit prévoir que les ennemis de la liberté, dont les intrigues ténébreuses assiègent sans cesse l’Assemblée nationale, dirigeront de même leurs coupables efforts contre les législatures qui doivent lui succéder : on tâchera de persuader au peuple qu’il est trahi par ceux en qui il a placé sa confiance; on lui rendra suspects ses plus zélés, ses plus intrépides défenseurs ; on parviendra, peut-être, (1) Ce document, dont on ne trouve aucune trace au Moniteur, a été inséré dans le Journal le Point-du-Jour, t. XIV, p. 241. 6