ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |44 [États généraux.] voiraient aux Etats généraux, seront prises à la pluralité des suffrages; mais si les deux tiers des voix, dans l’un des trois ordres, réclamaient contre la délibération de l’Assemblée, l’affaire sera rapportée au Roi pour y être définitivement statué par Sa Majesté. Art. il. Si, dans la vue de faciliter la réunion des trois ordres, ils désiraient que les délibérations qu’ils auront à prendre en commun passassent seulement à la pluralité des deux tiers des voix, Sa Majesté est disposée à autoriser cette forme. Art. 12. Les affaires qui auront été décidées dans les Assemblées des trois ordres réunis seront remises le lendemain en délibération, si cent membres de l’Assemblée se réunissent pour en faire la demande. Art 13. Le Roi désire que, dans cette circonstance, et pour ramener les esprits à la conciliation, les trois Chambres commencent à nommer séparément une commission composée du nombre des députés qu’elles jugeront convenable, pour préparer la forme et la distribution des bureaux de conférences qui devront traiter les différentes affaires. Art. 14. L’Assemblée générale des députés des trois ordres sera présidée par les présidents choisis par chacun des ordres et selon leur rang ordinaire. Art. 15. Le bon ordre, la décence et la liberté même des suffrages exigent que Sa Majesté défende, comme elle le fait expressément, qu’aucune personne, autre que les membres des trois ordres composant les Etats généraux, puisse assister à leurs délibérations, soit qu'ils les prennent en commun ou séparément. Le Roi reprend la parole : « J’ai voulu aussi, Messieurs, vous faire remettre sous les yeux les différents bienfaits que j’accorde à mes peuples. Ce n’est pas pour circonscrire votre zèle dans le cercle que je vais tracer, car j’adopterai avec plaisir toute autre vue de bien public qui sera proposée par les Etats généraux. Je puis dire, sans me faire illusion, que jamais Roi n’en a autant fait pour aucune nation ; mais quelle autre peut l’avoir mieux mérité par ses sentiments que la nation française ! Je ne craindrai pas de l’exprimer ; ceux qui, par des prétentions exagérées ou par des difficultés hors de propos, retarderaient encore l’effet de mes intentions paternelles, se rendraient indignes d’être regardés comme Français. » Ce discours est suivi de la lecture de la déclaration que voici : Déclaration des intentions du Roi. Art. Ier. Aucun nouvel impôt ne sera établi, aucun ancien ne sera prorogé au delà du terme fixé par les lois sans le consentement des représentants de la nation. Art. 2. Les impositions nouvelles qui seront établies, ou les anciennes qui seront prorogées, ne le seront que pour l’intervalle qui devra s'écouler jusqu’à l’époque de la tenue suivante des Etats généraux. Art. 3. Les emprunts pouvant devenir l’occasion nécessaire d’un accroissement d’impôts, aucun n’aura lieu sans Je consentement des Etats généraux, sous la condition toutefois, qu’en cas de guerre, ou d’autre danger national, le souverain aura la faculté d’emprunter sans délai jusqu’à concurrenced’une somme de cent millions; car l’intention formelle du Roi est de ne jamais [23 juin 1789.] mettre le salut de son empire dans la dépendance de personne. Art. 4. Les Etats généraux examineront avec soin la situation des finances, et ils demanderont tous les renseignements propres à les éclairer parfaitement. Art. 5. Le tableau des revenus et des dépenses sera rendu public chaque année, dans une forme proposée par les Etats généraux, et approuvée par Sa Majesté. Art. 6. Les sommes attribuées à chaque départe-mentseront déterminées d’une manière fixe et invariable, etie Roi soumet à cette règle générale les fonds mêmes qui sont destinés à l’entretien de sa maison. Art. 7. Le Roi veut que, pour assurer cette fixité des diverses dépenses de l’Etat, il lui soit indiqué par les Etats généraux les dispositions propres à remplir ce but, et Sa Majesté les adoptera, si elles s’accordent avec la dignité royale et la célérité indispensable au service public. Art. 8. Les représentants d’une nation fidèle aux lois de l’honneur et de la probité ne donneront aucune atteinte à la foi publique, et le Roi attend d’eux que la confiance des créanciers de l’Etat soit assurée et consolidée de la manière la plus authentique. Art. 9. Lorsque les dispositions formelles annoncées par le clergé et la noblesse, de renoncer à leurs privilèges pécuniaires, auront été réalisés par leurs délibérations, l’intention du Roi est de les sanctionner, et qu’il n’existe plus, dans le payement des contributions pécuniaires, aucune espèce de privilèges ou de distinctions. Art. 10. Le Roi veut que, pour consacrer une disposition si importante, le nom de taille soit aboli dans tout le royaume, et qu’on réunisse cet impôt soit aux vingtièmes, soit à toute autre imposition territoriale, ou qu’il soit enfin remplacé de quelque manière, mais toujours d’après des proportions justes, égales, et sans distinction d’état, de rang et de naissance. Art. il. Le Roi veut que le droit de franc-fief soit aboli du moment où les revenus et les dépenses fixes de l’Etat auront été mis dans une exacte balance. Art. 12. Toutes les propriétés sans exception seront constamment respectées, et Sa Majesté comprend expressément sous le nom de propriétés les dîmes, cens, rentes, droits et devoirs féodaux et seigneuriaux, et généralement tous les droits et prérogatives utiles ou honorifiques, attachés aux terres et fiefs, ou appartenant aux personnes. Art. 13. Les deux premiers ordres de l’Etat continueront à jouir de l’exemption des charges personnelles; mais le Roi approuvera que les Etats généraux s’occupent des moyens de convertir ces sortes de charges en contributions pécuniaires, et qu’alors tous les ordres de l’Etat y soient assujettis également. Art. 14. L’intention de Sa Majesté est de déterminer, d’après l’avis des Etats généraux, quels seront les emplois et les charges qui conserveront à l’avenir le privilège de donner et de transmettre la noblesse. Sa Majesté, néanmoins, selon le droit inhérênt à sa couronne, accordera des lettres de noblesse à ceux de ses sujets qui, par des services rendus au Roi et à l’Etat, se seraient montrés dignes de cette récompense. Art. 15. Le Roi, désirant assurer la liberté individuelle de tous les citoyens d’une manière solide et durable, invite les Etats généraux* à chercher et à lui proposer les moyens les plus convenables de concilier l’abolition des ordres [États généraux,] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES, [23 juin 1789.] - 145 connus sous le nom de lettres de cachet, avec le ' maintien de la sûreté publique, et avec les précautions nécessaires, soit pour ménager, dans certains cas, l’honneur des familles, soit pour réprimer avec célérité les commencements de sédition, soit pour garantir l’Etat des effets d’une intelligence criminelle avec les puissances étrangères. Art. 16. Les Etats généraux examineront et feront connaître à Sa Majesté le moyen le plus convenable de concilier la liberté de la presse avec le respect dû à la religion, aux mœurs et à l’honneur des citoyens. Art. 17. 11 sera établi, dans les diverses provinces ou généralités du royaume, des Etats provinciaux composés de deux dixièmes des membres du clergé, dont une partie sera nécessairement choisie dans l’ordre épiscopal; de trois dixièmes de membres de la noblesse, et de cinq dixièmes de membres du tiers-état. Art. 18. Les membres de ces Etats provinciaux seront librement élus par les ordres respectifs, et une mesure quelconque de propriétés sera nécessaire pour être électeur ou éligible. ? Art. 19. Les députés à ces Etats provinciaux délibéreront en commun sur toutes les affaires, èuivant l’usage observé dans les Assemblées provinciales, que ces Etats remplaceront. i Art. 20. Une commission intermédiaire, choisie par ces Etats, administrera les affaires de la province pendant l’intervalle d’une tenue à l’autre, êt ces commissions intermédiaires, devenant seules responsables de leur gestion, auront pour délégués des personnes choisies uniquement par elles ou par les Etats provinciaux. Art. 21. Les Etats généraux proposeront au Roi leurs vues pour toutes les autres parties de l’organisation intérieure des Etats provinciaux, et pour le choix des formes applicables à l’élection des membres de cette Assemblée. 1 Art. 22. Indépendamment des objets d’administration dont les Assemblées provinciales sont Chargées, le Roi conliera aux Etats provinciaux l’administration des hôpitaux, des prisons, des dépôts de mendicité, des Enfants-trouvés ; l’inspection des dépenses des villes, la surveillance sur l’entretien des forêts, sur la garde et la vente es bois, et sur d’autres objets qui pourraient tre administrés plus utilement par les provinces. Art. 23. Les contestations survenues dans les provinces où il existe d’anciens Etats, et les réclamations élevées contre la constitution de ces assemblées, devront fixer l’attention des Etats généraux; ils feront connaître à Sa Majesté les dispositions de justice et de sagesse qn’il est convenable d’adopter pour établir un ordre fixe dans �administration de ces mêmes provinces. Art. 24. Le Roi invite les Etats généraux à s’occuper de la recherche des moyens propres à tirer le parti le plus avantageux des domaines qui Sont dans ses mains, et de lui proposer égale-aent leurs vues sur ce qu’il peut y avoir de lus convenable à faire, relativement aux do-laines engagés. Art. 25. Les Etats généraux s’occuperont du irojet conçu depuis longtemps par Sa Majesté, de porter les douanes aux frontières du royaume, afin que la plus parfaite liberté règne dans la circulation intérieure des marchandises nationales ou étrangères. Art. 26. Sa Majesté désire que les fâcheux effets de l’impôt sur le sel et l’importance de ce revenu goient discutés soigneusement, et que dans toutes f9 Série, T, VIII. les suppositions on propose, au moins, des moyens d’en adoucir la perception. Art. 27. Sa Majesté veut aussi qu’on examine attentivement les avantages et les inconvénients des droits d’aides et autres impôts, mais sans perdre de vue la nécessité absolue d’établir une exacte balance entre les revenus et les dépenses de l’Etat. Art. 28. Selon le vœu que le Roi a manifesté par sa déclaration du 23 septembre dernier, Sa Majesté examinera avec une sérieuse attention les projets qui lui seront présentés relativement à i’ administration de la justice, et aux movens de perfectionner les lois civiles et criminelles. Art. 29. Le Roi veut que les lois qu’il aura fait promulguer pendant la tenue et d’après l’avis ou selon le vœu des Etats généraux, n’éprouvent, pour leur enregistrement et pour leur exécution, aucun retardement ni aucun obstacle dans toute l’étendue de son royaume. Art. 30. Sa Majesté veut que l’usage de la corvée pour la confection et l’entretien des chemins soit entièrement et pour toujours aboli dans son royaume. Art. 31. Le Roi désire que l’abolition du droit de main-morte, dont Sa Majesté a donné l’exemple dans ses domaines, soit étendue à toute la France, et qu’il lui soit proposées moyens de pourvoir à l’indemnité qui pourrait être due aux seigneurs en possession de ce droit. Art, 32. Sa Majesté fera connaître incessamment aux Etats généraux les règlements dont elle s’occupe pour restreindre les capitaineries, et donner encore dans cette partie, qui tient de plus près à ses jouissances personnelles, un nouveau témoignage de son amour pour ses peuples. Art. 33. Le Roi invite les Etats généraux à con* sidérer le tirage de la milice sous tous ses rapports, et à s’occuper des moyens de concilier ce qui est dû à la défense de l’Etat avec les adoucissements que Sa Majesté désire pouvoir procurer à ses sujets. Art. 34. Le Roi veut que toutes les dispositions d’ordre public et de bienfaisance envers ses peuples, que Sa Majesté aura sanctionnées par son autorité pendant la présente tenue des Etats généraux, celles entre autres relatives à la liberté personnelle, à l’égalité des contributions, à l’établissement des Etats provinciaux, ne puissent jamais être changés sans le consentement des trois ordres, pris séparément ; Sa Majesté les place à l’avance au rang des propriétés nationales, qu’elle veut mettre, comme toutes les autres propriétés, sous la garde la plus assurée. Art. 35. Sa Majesté, après avoir appelé les Etats généraux à s’occuper, de concert avec elle, des grands objets d’utilité publique, et de tout ce qui peut contribuer au bonheur de son peuple, déclare de la manière la plus expresse qu’elle veut conserver en son entier, et sans la moindre atteinte, l’institution de l’armée, ainsi que toute autorité, police et pouvoir sur le militaire, tels que les monarques français en ont constamment joui. Le Roi, avant de se retirer, prononce un troisième discours que nous transcrivons. Vous venez, Messieurs, d’entendre le résultat de mes dispositions et de mes vues ; elles sont conformes au vif désir que j’ai d’opérer le bien public; et si, par une fatalité loin de ma pensée, vous m’abandonniez dans une si belle entreprise, seul, je ferai le bien de mes peuples ; seul, je me considérerai comme leur véritable représentant ; 10