328 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 59 Un membre du comité de Salut public fait un rapport sur l’avancement donné à plusieurs militaires par les représentans du peuple : ces nominations dérangent l’ordre établi par la loi du 20 février 1793 (vieux style), et il est utile de rétablir l’ordre. On observe que ces nominations avoient pour base la bonne conduite des militaires avancés en grade ; que ce seroit être injuste que de les priver de ces avancemens. Sur la motion d’un membre, la Convention renvoie au comité de Salut public pour examiner de nouveau les propositions, et en faire son rapport (107). 60 Au nom du comité de Législation, un membre [PERES] propose un projet de décret que la Convention nationale adopte ainsi qu’il suit : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation sur la pétition de Pierre-Théo-dose Prieur, ci-devant administrateur du directoire du district de Poitiers [Vienne], par laquelle il réclame contre le jugement du tribunal criminel du département de la Vienne, qui le condamne à douze années de fers, conformément à la loi du 7 messidor, pour avoir malversé dans l’administration et la vente des biens nationaux, ainsi que Joseph Prieur, son frère, pour fait de complicité; Considérant que le jugement dont il s’agit renferme plusieurs contraventions à la loi, et dans les formes qui l’ont précédées et dans l’application de la peine qu’il prononce : Dans les formes, 1° en ce qu’un adjoint du juré et un juré lui-même, Barbereau et Bemazais, ne sont âgés, le premier que de vingt ans, le second que de vingt-quatre, tandis que la loi du 2 nivôse dernier exige qu’ils aient vingt-cinq ans accomplis ; 2° en ce que le juré n’a déclaré ni que les faits étoient constans, ni que les accusés étoient convaincus, quoique les articles XX et XXIX du titre VII de la loi du 16 septembre 1791 exigent l’un et l’autre; 3° en ce qu’au lieu d’un juré de jugement ordinaire, il fal-loit en former un en la manière prescrite par la loi du 17 ventôse; Dans Inapplication de la peine, en ce qu’il prononce celle de douze années de fers portés par la loi du 7 messidor et ce, pour des faits antérieurs à la promulgation de ladite loi, puisqu’ils remontent au 11 prairial précédent, et même au 21 oc-(107) P.-V., XLVI, 305-306. tobre 1792; ce qui est donner à la loi un effet rétroactif, contre la disposition de l’article XIV de la déclaration des droits, qui qualifie une pareille rétroaction de criminelle et de tyrannique; Déclare nul ledit jugement du 19 thermidor, ainsi que tout ce qui a précédé et suivi, et renvoie lesdits Joseph Prieur père, Pierre-Théodose et Joseph Prieur fils, par-devant le tribunal criminel de l’Indre, pour y être jugés de nouveau. Le présent décret ne sera pas imprimé; il en sera adressé une expédition aux tribunaux criminels de l’Indre et de la Vienne (108). 61 Le même rapporteur [PÈRES] propose, et la Convention nationale décrète ce qui suit : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Législation sur la pétition de Marie-Anne-Geneviève Leduy (109), par laquelle elle réclame contre le jugement du tribunal criminel du département de la Marne, du 18 thermidor, qui la condamne à six années de gêne pour faux témoignage en matière civile, et contre le jugement du tribunal de cassation, du 17 fructidor dernier, qui rejette son mémoire en cassation ; Considérant qu’il ne peut pas exister de crime là où il n’y a point eu intention de le commettre; que le grand bienfait de l’institution des jurés consiste principalement en ce que l’intention des prévenus doit être examinée et appréciée, à la différence de l’ancienne instruction criminelle, qui ne s’arrêtoit qu’aux faits; Considérant que la nécessité de cet examen et la déclaration qui en doit être la suite, résulte évidemment des articles XIX, XXI, XXVI, XXVII, XXX et XXXIII du titre 7 de la deuxième partie de la loi du 16 septembre 1791, et en particulier pour le crime de faux dont il s’agit, de l’article XLI, section II du titre II de la deuxième partie du code pénal; Déclare nuis les susdits jugemens des 18 thermidor et 15 fructidor derniers, et tout ce qui s’en est ensuivi. Renvoie ladite Marie-Anne-Geneviève par-devant le tribunal criminel du département de l’Aube, pour y être jugée de nouveau. Décrète en outre, pour ne laisser aucun doute sur la lettre et l’esprit des susdites lois, qu’à l’avenir, dans toutes les affaires (108) P.-V., XLVI, 306-307. C 321, pl. 1331, p. 37, minute de la main de Pérès, rapporteur. Moniteur, XXII, 163-164 (attribue à tort le rapport à Peyre) ; Débats, n° 745, 249-250 ; J. Fr., n 741; M. U., XLIV, 232-233. (109) Leduc, d’après le Moniteur.