[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 mai 1791.] Département de la Haute-Garonne. A la municipalité de Ga-telsarrasin ........ 12,500 1. 1 s. » d. « Le tout ainsi qu’il est plus au long détaillé daus les décrets de vente et états d’estimation respectifs annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. » (Ce décret est adopté.) M. le Président fait donner lecture par un de MM. les secrétaires d’une nouvelle lettre des commissaires des citoyens de couleur , ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Après être restés, jusqu’à ce jour, sous l’oppression des colons blancs, nousosionsespérerque nous ne réclamerions pas en vain auprès de l’Assemblée nationale des droits qu’elle a déclaré appartenir à tous les hommes. « Si nos justes réclamations, si les malheurs, si les calomnies que nous avons éprouvés jusqu’à ce jour, sous la législation des colons blancs, si enfin les vérités que nous avons eu l’honneur de présenter hier à la barre de l’Assemblée ne peuvent l’emporter sur les prétentions injustes des colons blancs, celles de vouloir être sans notre participation nos législateurs, nous supplions l’Assemblée de ne pas achever de nous dépouiller lu peu de liberté qui nous reste, celle de pouvoir abandonner un sol arrosé du sang de nos frères ( Murmures au centre et à droite ; applaudissements à gauche.)... et de nous permettre de suir le couteau tranchant des lois qu’ils vont préparer contre nous. « Si l’Assemblée se décide à porter une loi qui fasse dépendre notre sort de vingt-neuf blancs, nos ennemis décidés, nous demandons d’ajouter par amendement au décret qui serait rendu dans cette hypothèse, que les hommes libres de couleur pourront émigrer avec leur fortune, sans qu’ils missent être inquiétés ni empêchés par les blancs (Murmures et applaudissements.) « Voilà, Monsieur le Président, le dernier re-ranchernent qui nous restera pour échapper à Ja vengeance des colons blancs dont nous sommes menacés, pour n’avoir cessé de réclamer auprès le l’Assemblée des droits qu’elle avait déclaré appartenir à tous les hommes. ( Applaudissements a gauche et dans les tribunes.) « Nous sommes, avec respect, etc., « Signé : Raymond. » M. I�avie. Je vous prie, M. le Président, de rappeler sévèrement les tribunes à l’ordre. M. Ijucas. Je demande l’impression de la lettre et le renvoi à demain de la suite de la discussion du projet sur les colonies, afin que les opinions aient le temps de s’éclairer. M. de Custine. Une semblable lettre n’est faite que pour porter le trouble dans l’Assemblée. (A gauche : Non! non!) M. Goupil-Préfeln. Je demande la question préa'ablc sur l’impression. Plusieurs membres : L’ordre du jour! A gauche : L’impression! L’ajournement! (L’Assemblée rejette la demande d’impression de la lettre des commissaires des citoyens de 89 couleur et décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret des comités des colonies, de Constitution, de marine et d' agriculture et de commerce, sur l’initiative à accorder aux assemblées coloniales dans la formation des lois qui doivent régir les colonies et sur l'état civil des gens de couleur (1). M. Rewbell (2). L’amendement que je veux proposer tend à augmenter l’initiative libre, préalable et spontanée des colons blancs, à les rendre entièrement maîtres de la délibération prochaine, à leur assurer une prépondérance certaine dans toutes les délibérations futures, et cependant à empêcher toute délibération dans les l'es sur l’état des gens de couleur libres. Permettez-moi de développer cet amendement; je ne serai pas long. Qu’avez-vous fait, Messieurs, en décrétant le premier article du projet? Vous avez rassuré pour toujours les colons bbmes sur leur propriété; vous les avez dispensés de délibérer sur l’état des personnes non libres : car il est évident que, dès qu’ils ne pourront jamais être forcés d’émettre un vœu sur l’état de ces personnes, ils ne délibéreront jamais sur leur état. Il faut achever votre ouvrage, et dispenser aussi à jamais les colons blancs de délibérer sur l’état des gens de couh ur libres, car s’il y a une fois une délibéra-lion dans les îles sur une matière aussi délicate, il vous deviendra impossible d’arrêter la fermentation qu’une délibération pareille y excitera nécessairement, et je croirai dès lors les îles perdues pour nous. (A droite : Allons donc!) Rappelez-vous ce qui est arrivé en France. On a donné une espèce d’initiative aux nobles sur le droit politique du tiers état. Dès lors, le tiers état s’est réveillé; dès lors, il a triomphé des deux antres ordres : et il est évident que si le tiers état n’avait pas été égal en courage et en génie avec les deux autres ordres, s’il ne leur avait pas été supérieur en nombre, s’il ne les avait pas anéantis par la toute-puissance du poids de sa supériorité numérique, vous auriez eu en France la guerre civile la plus cruelle. Craignez donc de réveiller les gens de couleur libres dans les îles; craignez d’exagérer leurs espérances ; redoutez de trop exciter les craintes et la haine des blancs; et, par conséquent, empêchez toute délibération dans les îles sur l’état des personnes. Je le répète, Messieurs, achevez votre ouvrage. Vous le pouvez et vous le devez ; et c’est ici le moment de dire qu’on ne s’est pas encore entendu en parlant sans cesse de liberté politique. En France, vous avez assuré à tout le monde la liberté civile et politique. Je dis politique, car en décrétant des conditions pour être citoyen actif, vous n'avez exclus personne de l’habilité à devenir citoyen actif, vous n’avez fait que suspendre l’excrcice des droits politiques du citoyen non actif, jusqu’à ce qu’il ait les qualités requises par la loi pour cet exercice. Vous avez fait plus pour les îles : vous y avez même suspendu l’exercice de la liberté civile pour une classe d’hommes. Pourquoi ne pourriez-vous donc pas y modifier ou plutôt y graduer l’exercice des droits politiques pour une autre classe d’hommes ? Dès que vous en avez le pouvoir, vous en avez le devoir ; je le répète, sous (1) Voy. ci-dessus, séauce du 14 mai 1791, p. 69, (2) Ce discours est incomplet au Moniteur.