496 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1791.] même que vous ferez peu de difficulté de les appliquer aux baux à rentes foncières et perpétuelles, la différence entre ces actes et les loca-teries perpétuelles se trouvant beaucoup plus dans la dénomination que dans la nature même des contrats. III. Il serait aussi inutile qu’impossible de rechercher quels étaient les usages, les règles observées dans toutes les parties du royaume sur les époques auxquelles f s possesseurs ecclésiastiques pouvaient légitimement renouveler leurs baux pendant la durée de ceux courants. Un règlement émané en 1572 du parlement de Paris, et qui était observé dans la vaste étendue de pays qui étaient soumis à sa juridiction est fort connu. Il n’en est pas moins vrai que les usages variaient d’une province à l’autre. Mais deux vérités sont très constantes. Un cultivateur a nécessairement besoin d’un temps quelconque pour se préparer à l’exploitation du bien qu’il veut prendre à ferme, et il faut que ce temps soit plus étendu dans les pays où la culture se divise en soles de trois années. Ce qui est encore certain, c’est que partout la qualité des possesseurs ecclésiastiques était la même. Partout ils n’étaient que des usufruitiers, de simples administrateurs. Les usages devaient varier suivant la diversité des cultures ; mais que l’application du principe fût plus ou moins sévère, le principe n’en était pas moins partout le même, partout il défendait à des usufruitiers, à de simples administrateurs de disposer de leurs jouissances longtemps avant l’expiration des baux courants. L’important n’est donc pas de rechercher quels étaient tous les usages locaux et particuliers, mais de laisser à votre disposition assez de latitude pour être certains qu’elle n’ajoutera point à la sévérité des règles ou des usages les moins rigoureux. Vous empêcherez sans doute aussi par de sages dispositions que votre loi n’entraîne des injustices particulières. Ce sera l’objet de quelques modifications à la disposition générale que vos comités vous proposeront. IV. Ils pensent, Messieurs, que vous en userez de même relativement aux baux faits pour un terme au delà de neuf années. Ils eussent désiré pouvoir vous proposer de confirmer indistinctement les baux de 18 et de 27 ans; mais quelque plaisir qu’ils eussent trouvé à vous présenter une disposition dictée par la bienfaisance, une discussion approfondie du principe leur a paru ne le leur pas permettre. Ce n’est pas le pur hasard quia renfermé dans le terme de neuf années la durée ordinaire des baux; ce qui a fondé un usage aussi universel, est le vœu certain et connu des lois aux yeux desquelles l’espace de dix années est un long temps qui a trait à la propriété et sort des bornes d’une simple jouissance, d’une simple administration. Vous déterminerez encore, Messieurs, dans votre sagesse, les exceptions dont l’application du principe vous paraîtra susceptible. V. Vous déciderez enfin, Messieurs, si vous croyez devoir ou ne devoir pas aliéner les rentes emphytéotiques ou à vie et les nues propriétés qui y sont attachées. S’il est impossible de vendre ces objets sans une perte considérable, vous ne balancerez pas à vous y refuser. Mais une de vos plus fermes et plus sages résolutions est de faire rentrer dans les mains des citoyens toutes les propriétés nationales. Vous ne ferez donc exception pour celles de cette nature que dans le cas où le seul mode praticable causerait un préjudice à la nation. Vos comités pensent, Messieurs, qu’il en est un d’une exécution simple et facile, et qui ne présente pas cet incon-nient. Quels sont les droits d’un bailleur à emphy-téose?De recevoir annuellement pendant la durée du bail la redevance stipulée, et à son expiration de reprendre la libre et entière jouissance de sa propriété (assez ordinairement et surtout après un certain nombre d’années la rente se trouve inférieure au vrai revenu du bien donné à emphytéose.) Si le bailleur veut aliéner et transmettre ses droits, rien d’aussi simple que les conditions qu’il doit proposer. L’acquéreur jouira à sa place, dès le moment de sonacquisition, delà redevance portée, au bail, et y réunira la libre et entière jouissance de la propriété à 1 expiration du bail. L’acquéreur doit donc payer d’un côté le prix capital de la rente dont la jouissance lui est dès à présent assurée, et de l’autre le capital de l’excédent derevenu dont la jouissance est suspendue, mais dont il est également certain de jouir à l’expiration du bail ; il n’est donc question que de connaître la valeur actuelle de cet excédent de revenu dont la jouissance, pour n’être pas présente, n’en est pas moins certaine. Cette valeur dépend évidemment de la durée plus ou moins longue du temps pendant lequel il faut attendre cette entière jouissance, et il est certain que cette valeur peut être facilement et très exactement calculée; elle le sera dans des tables graduelles et proportionnelles au temps à écouler jusqu’à l’expiration des baux emphytéotiques ou à vie. Il n’est pas plus difficile de déterminer la valeur d’une rente duo par un preneur à vie: c’est absolument la même théorie. La seule différence consiste en ce que le moment où l’adjudicataire d’un bien donne à emphytéose entrera dans l’entière et libre jouissance est certain, fixé par le contrat même, et que, relativement auxbiens donnés à vie, ce moment est incertain. Mais personne n’ignore que d�s calculs également exacts sur la durée probable de la vie humaine font disparaitre cette espèce d’incertitude, et servent tous les jours de base à une grande quantité de transactions sociales. Si le procédé est certain, ce serait affaiblir les ressources de la naiion que de les diviser, de les renvoyer à des temps fort éloignés les uns des autres, et c’est de leur réunion, de leur ensemble qu’elles tiendront leur principale action et leur plus heureux effet. Voici, Messieurs, les articles que vos comités m’ont chargé de vous présenter : Projet de décret. <* L’Assemblée nationale expliquant les dispositions de l’article 9 du titre premier du décret du 14 mai, et celles de l’article 19 du décret des 25, 26 et 29 juin dernier, décrète ce qui suit. « Art.ler.Les baux emphytéotiques légitimement faits sont ceux qui ont été revêtus de lettres patentes dûment enregistrées ou qui ont été homologuées par arrêts ou jugements en dernier ressort sur les conclusions du ministère public. « Art. 2. Seront aussi exécutés, quoique non revêtus des formalités ci-dessus : « 1° Les baux emphytéotiques qui subsistaient depuis 40 ans sans réclamation au 2 novembre 1789. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [19 mars 1791.J 197 « 2° Les baux moins anciens, mais passés à la suite d’un bail de 99 ans, ou de 2 baux de plus de 27 ans chacun à une redevance au moins égale à celle portée aux baux antérieurs et faits du consentement, soit des supérieurs, soit des corps ou communautés avec lesquels la propriété était originairement indivise. « 3° Ceux dont la redevance n’excède pas la somme de 100 livres. « 4° Enfin, lorsqu’il sera prouvé que par des constructions, plantations ou autres améliorations faites aux dépens du preneur, les biens ont acquis une valeur quadruple de celle qu’ils avaient à l’époque du bail. « Art. 3. Quant aux preneurs dont les baux ne se trouvent pas confirmés par les précédentes dispositions, et qui prouveront avoir fait des constructions, plantations ou améliorations notables, ils pourront obtenir une indemnité proportionnelle à la seule augmentation de valeur qui en sera résultée. L’indemnité sera fixée par les administrations de départements ou leurs directoires, sur l’avis de ceux des districts d’après un rapport d’experts nommés par ces derniers, qui sera communiqué à la municipalité du lieu. Il en sera rendu compte dans une séance publique, après laquelle les membres du directoire se retireront pour délibérer sur ladite indemnité. « Art. 4. Les dispositions des articles 1er, et les premières, troisième et quatrième exceptions portées en l’article 2, auront lieu tant pour les contrats appelés locateries perpétuelles, que pour les baux à rentes foncières ou perpétuelles. « Art. 5. Ne sont pas compris dans les dispositions de l’article 9 du titre V du décret du 14 mai, les baux passés pour un terme au delà de 9 années, et jusques à 18; mais lesdits baux seront exécutés pour ce qui reste à écouler des 9 premières années et même pour les années qui excèdent ce terme, si la première desdites années excédantes se trouvait commencée au 2 novembre 1789, et cette seconde partie du bail exécutée à cette époque. « Quant aux baux de 18 à 27 ans, ils seront exécutés aussi pour les années qui resteront à courir, si la dix-neuvième année se trouve commencée lors de la publication du présent décret. « Art. 6. Sont également nuis les baux faits par anticipation, c'est-à-dire: pour les maisons d’habitation un an, et pour les autres biens ruraux trois ans avant l’expiration du bail courant. « Art. 7. Les baux faits par anticipation seront néanmoins maintenus lorsque l’exécution en aura été commencée avant le 2 novembre 1789, ou que le preneur ayant obtenu deux baux successifs sous la condition de faire des constructions, plantations ou autres améliorations notables, prouvera qu’il a rempli la condition. « Art. 8. Tout preneur qui prouvera avoir fait sous l’espoir d’un second bail des constructions, plantations ou améliorations notables, pourra également obtenir une indemnité telle et suivant les formes réglées par l’article 3 ci-dessus. « Art. 9. Les renies emphytéotiques appartenant à la nation, en vertu des actes maintenus par les dispositions précédentes, ensemble la nue propriété des biens qui en sont l’objet, pourront être aliénées aux conditions et suivant les règles qui vont être expliquées. « Art. 10. Les experts estimeront quel doit être le revenu des biens compris au bail emphytéotique ou à vie. Lorsque le revenu fixé par les experts excédera celui de la rente emphytéotique, le soumissionnaire sera tenu d’offrir : 1° 22 fois le revenu de la reule emphitéotique; 2° le capital de l’excédent au même denier, mais eu égard à la non-jouissance que l’acquéreur éprouvera jusqu’à l’expiration du bai), le tout suivant les tables de proportion annexées au présent décret. TABLE DE PROPORTION pour servir à V estimation des biens donnés à emphytéose. Le prix du revenu (excédant la redevance emphytéotique) étant fixé sur le pied de 100 livres pour 4 livres 6/11® de rente ou au denier 22. Valeur actuelle d’un Combien de fois revenu de 1,000 il faudra payer dont la jouissance le revenu excédant Durée. est suspendue la redevance jusqu’à l’expiration portée d’un bail au emphytéotique, bail emphytéotique. TABLE DE PROPORTION pour servir à V estimation des biens donnés par bail à vie. Le prix du revenu (excédant la rente portée au bail) étant fixé sur le pied de 100 livres pour 4 livres 6/11® de rente ou au denier 22. Valear actuelle d’un Combien de fois revenu de 1,000 il faudra payer dont la jouissance le revenu excédant Age de la tête. est suspendue la redevance par portée un bail à vie au bail à vie. sur une seule tête. (1) Le revenu suspendu par le bail. (2) Le revenu suspendu par le bail. i98 {Assemblée naiionale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 119 mars 1191.] TABLE DE PROPORTION pour servir à V estimation des biens donnés par bail à vie sur deux têtes. Le prix du revenu (excédant la rente portée au bail) étant fixé sur le pied de 100 livres pour 4 livres 6/11® de rente ou au denier 22. ■ Valeur actuelle d’un Combien de fois Ages revenu de 1,000 il faudra payer dont la jouissance le revenu excédant « Article additionnel. Sur le rapport fait par les comités ecclésiastique et d’aliénation réunis, dés difficultés qui se sont élevées dans plusieurs départements, par rapport à l’exécution de traités faits entre des ci-devant bénéficiers et des particuliers ou des compagnies de gens d’affaires, par lesquels les personnes qui ont contracté avec les bénéficiers se sont engagées envers eux, moyennant des remises convenues, à leur faire des avances de fonds, et à percevoir le prix des baux qui seraient faits par le bénéficier lai-même en leur présence, et cependant un nombre d’années convenu, quel que fût le bénéfice dont le titulaire qui traitait se trouvât pourvu, et dans le cas même où il acquerrait un nouveau bénéfice au lieu de celui qu’il possédait; « L'Assemblée nationale, considérant que les conventions dont il s’agit caractérisent un traité particulier, propre à la personne beaucoup plus qu’au bénéfice, et qu’il ne saurait être assimilé aux baux généraux des biens d’un bénéfice dont (1) Le revenu suspendu par le bail. elle a ordonné l'exécution dans des circonstances et sous des conditions désignées ; « Déclare que les traités dont il vient de lui être rendu compte ne sont point dan-le cas d'être exécutés par la nation, et néanmoins, attendu que ceux qui avaient consenti lesdits traités les ont exécutés de fait pendant le cours de l’année 1790, décrète que leur exécution ne cessera qu’à compter du 1er janvier dernier. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Boutteville-Dumetz, rapporteur, donne lecture de l’article 1er ou projet de décret : Article 1er. « Les baux emphy tbéotiques légitimement faits sont ceux qui ont été revêtus de lettres patentes dûment enregistrées ou qui ont été homologuées par arrêts ou jugements en dernier ressort, sur les conclusions du ministère public. M. Martineau. Observez qu’il y a une distinction à faire entre les baux e i pbytéotiques et autres passés par des communautés fie chanoines, de religieux et de religieuses, et ceux qui ont été consentis par de simples bénéficiers. La présomption est que les baux co sentis par des capitulaires de communautés, de chanoines, religieux ou religieuses ont é é faits, d’après des informations, aux meil'eures conditions pnssibhs: une communauté ne songe pas seulement au moment prése t, à l inté êi des membres qui la composent actuellement ; elle se regarde comme éternelle, et c’est toujours pour l’éternité qu’elle transige. Il en est tout autrement des baux emphytéotiques et des autres aliénations à temps fixe qui peuvent avoir été faites parde simules bénéficiers. Un bénéficier ne connaît pas son successeur, il ne songe pas à lui, il ne songe qu'à lui-même; et quand il peut tirer un bon parti de l’aliénation, avoir un pot-de-vin considérable, favoriser un de ses amis, il s’embarrasse peu que la redevance soit considérable ou non : la présompdon est donc toujours défavorable aux a ié >atimis faites par de simples bénéficiers; c’est alors qu’il faut exiger l’observation de toutes les formalités. Favorisez tant que vous voudrez les baux faits par des communautés de gens de mainm < rte ; et vous ne vous exposerez pas à être trompés souvent. Je demande donc, Messieurs, que l’article 1er soit conçu autrement qu’il ne l’est et que vous décrétiez q;e les lettres et arrêts d’homologation, dont il est parlé dans Tariicle, seront précédés d’informations de commodo et incommodo et d'une estimation par experts. M. Legrand. Je voudrais qu’on mît par amendement à l’article 1er que les arrêts et jugements en dernier ressort, homolugatifs de lettres patentes, devront avoir été exécutés pendant 40 années. Un membre demande qu’on retranche de l’article les mots : en dernier ressort. M. Defermon. J’observe, à l’occasion des amendements qu’on vient de proposer sur l’article 1er, que l’Assemblée a, par des précédents décrets, renvoyé tous ceux qui réclamaient contre des jugements, à l’exécution de ces jugements. Elle a senti qu’elle ne pouvait pas réparer