ggQ [Assemblée lïalion&le.l pour les assembler et leur apprendre qu’il est des cas pù l’on peut commettre un homicide ; songez que la société qui ne peut être passionnée, qui ne peut éprouver ces mouvements dont la violence semble excuser le meurtre, loin de le légitimer par son autorité, le rend plus odieux cent fois par son appareil et son sang-froid : car je conçois la colère, la vengeance et ses suites dans un premier mouvement, la nature même nous l’indique; mais, s'il estquelqu’un qui ait pu, sans éprouver une violente sensation d’horreur et de pitié, voir infliger la mort à un autre homme, je désire de ne le jamais rencontrer; non seulement il est étranger aux affections douces qui font le bonheur de la vie, mais il a arrêté sa pensée sur un meurtre : la nature cesse de me protéger contre lui, il ne lui faut plus qu’un intérêt pour me massacrer. Faites cesser, Messieurs, l’entreprise parricide de tourmenter la nature et de corrompre ses sentiments. La peine de mort offre encore à vos yeux un caractère de réprobation, puisqu’elle a une origine semblable à celle de tous les abus que vous avez détruits; elle doit comme eux sa naissance à l’esclavage, c’est contre les esclaves qu’elle a été inventée... M. l’abbé Maury. Caïn était-il un esclave? {Murmures.) M. Duport. On objecte l’histoire de Caïn. Certainement la société qui existait alors n’avait fait aucune loi; mais il est bien extraordinaire que l’exemple fqu’on choisit soit entièrement contre mes ad versaires. Dieu ne dit-il pas dans la Bible : que Caïn ne soit pas tué, mais qu’il conserve aux eux des hommes un signe de réprobation. — ’est précisément ce que l’on vous propose aujourd’hui. ( Applaudissements répétés.) Apprenez donc, Messieurs, combien vos lois sont odieuses par l’horreur invincible qu’inspirent ceux qui les font exécuter; honorez au contraire votre Code d’une ioiaralogue à voire Constitution, propre à fortifier les sentiments qu’elle a voulu inspirer aux Français, d’une loi qui a fait la gloire et la sûreté des peuples anciens, d’une loi que le despotisme a bien osé promulguer avant -vous, et maintenir avec succès dans des pays voisins ; d’une loi que les peuples esclaves adopteront, si, comme vous, ils sont appelés un jour à fonder leur Constitution; d’une loi enfin sollicitée par cette opinion saine de tous les hommes éclairés, qui ont su dérober leur raison à l’influence des préjugés anciens et à celle des circonstances du moment. Plusieurs membres demandent l’impression du discours de M. Duport. M. le Président. Je mets aux voix la motiou de l’impression. (L’épreuve a lieu.) M. le Président. L’Assemblée décrète que le discours ne sera pas imprimé. Plusieurs membres représentent que la motion n’a pas été entendue et insistent pour que l’épreuve soit renouvelée. ( L’épreuve est renouvelée et l’Assemblée décrète l’impression du discours de M. Duport.) (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.) M. le Président. Un homme également connu [31 mai 1791.J par son éloquence et sa philosophie, M. l'aibbê Raynal, m’a fait l’honneur de passer chez moi ce matin; il m’a remis, en me priant de la présenter à l’Assemblée nationale, une adresse de lui ; elle est écrite avec toute la liberté qu’on lui connaît. En félicitant l’Assemblée de ses travaux, il ne l’adule point sur les fautes qu’il croit qu’elle a commises. L’Assemblée veut-elle en entendre la lecture. {Oui! oui!) M. Ricard de Séalt, secrétaire , lit cette adresse qui est ainsi conçue : « Messieurs, « En arrivant dans cette capitale, après une longue absence, mon cœur et mes regards se sont tournés vers vous. Vous m’auriez vu aux pieds de cette auguste Assemblée, si mon âge et mes infirmités me permettaient de vous parler, sans une trop vive émotion, des grandes choses que vous avez faites, et de tout ce qu’il faut faire encore pour fixer sur cette terre agitée, la paix, la liberté, le bonheur qu’il est dans votre intention de nous procurer. « Ne croyez pas, Messieurs, que tous ceux qui connaissent le zèle infatigable, les talents, les lumières et le courage que vous avez montrés dans vos immenses travaux, n’eri soient pénétrés de reconnaissance; mais assez d’autres vous en ont entretenus, assez d’autres vous rappellent les titres que vous avez à l’estime de la nation. Pour moi, soit que vous me considériez comme un citoyen usant du droit de pétition, soit que, laissant un libre essor à ma reconnaissance, vous permettiez à un vieil ami de la liberté de vous n ndre ce qu’il vous doit pour la protection dont vous l’avez honoré, je vous supplie de ne point repousser des vérités utiles. J’ose depuis longtemps parler aux rois de leurs devoirs; souffrez qu’aujourd’hui je parle au peuple de ses erreurs, et à ses représentants des dangers qui nous menacent. « Je suis, je vous l’avoue, profondément attristé des crimes qui couvrent de deuil cet Empire. Serait-il donc vrai qu’il fallût me rappeler avec effroi que je suis un de ceux qui, en éprouvant une indignation généreuse contre le pouvoir arbitraire, ont peut-être donné des armes à la licence? La religion, les lois, l’autorité royale, l’ordre public redemandent-ils donc à la philosophie, à la raison, les liens qui les unissaient à cette grande société de la nation française, comme si, en poursuivant les abus, en rappelant les droits des peuples et les devoirs des princes, nos efforts criminels avaient rompu ces liens? Mais qon, jamais les conceptions hardies de la philosophie n’ont été présentées par nous comme la mesure rigoureuse des actes de la législation. « Vous ne pouvez nous attribuer, sans erreur, ce qui n’a pu résulter que d’une fausse interprétation de nos principes. Eh ! cependant prêt à descendre dans la nuit du tombeau, prêt à quitter cette famille immense dont j’ai ardemment désiré le bonheur, que vois-je autour de moi? Des troubles religieux, des dissensions civiles, la consternation des uns, la tyrannie et l’audace des autres, un gouvernement esclave de la tyrannie populaire, le sanctuaire des lois environné d’hommes effrénés qui veulent alternativement ou Jes dicter, ou les braver; des soldats sans discipline, des chefs sans autorité, des ministres sans moyens, un roi, le premier ami de son peu plu, plongé dans l’amertume, outragé, menacé, dépouillé de toute autorité, et la puissance pu-ARCHÏVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [51 mai H9I.J $$$. biique n’existant plus que dans les clubs, où des hommes ignorants et grossiers osent prononcer sur toutes les questions politiques. (La partie gauche éclate en murmures.) M. le Déist de Botidoux. Si l'on est d'avis d’entendre ces insolences-là, je m’en vais... (Bruit prolongé)... Celui qui a provoqué la lecture d’un pareil écrit est indigne... M. le Président. En vous annonçant la lettre de M. l'abbé Raynal, j’ai prévenu qu’elle était écrite avec liberté, et qu’elle ne flattait pas l’Assemblée. J’ai demandé si elle voulait en entendre la lecture. M. lavfe. La lecture I la lecture! Il n’y a que des citoyens sans courage, qui ne souffrent pas qu’on leur dise des vérités. M. Boutteville-Dumetï . L’Assemblée nationale soutiendra toujours son caractère et entendra toujours volontiers... Plusieurs membres ; La lecture ! la lecture ! M. Boutteville-Dumetz... Il faut avoir le courage d’entendre jusqu’au bout. M. Bicard de Séalt, secrétaire , continuant la lecture : «.... Telle est, Messieurs, n’en doutez pas, telle est Ja véritable situation dp la France; un autre que moi n’oserait peut-être vous le dire;,,. » Un membre : Bah! M. Malouet elles siens nous le disent tous les jours. M.BouttevilIe-Dumetz. Laissez dire, M. Malouet 1 M, Bicard de Séalt, secrétaire , lisant : «.,.. mais je l’ose, parce que je le dois, parce que je touche à ma quatre-yingtième année, . . » M. le Déist de Botidoux. On s’en aperçoit! M. Bicard de Séalt, secrétaire, lisant : « . . . . parce qu’on ne saurait m’accuser de regretter l’ancien régime; parce qu’en gémissant sur l’état de désolation où est l’église de France (Rires ironiques), on ne m’accusera pas d’être un prêtre fanatique; parce qu’en regardant comme le seul moyen de salut le rétablissement de l’autorité légitime, on ne m’accusera pas d’en être le partisan et d’en attendre les faveurs; parce qu’en attaquant devant vous les citoyens qui ont incendié le royaume, qui en ont perverti l’esprit public par leurs écrits, on ne m’accusera pas de méconnaître le prix de la liberté de la presse. «Hélas! j’étais plein d’espérance et de joie, lorsque je vous ai vus poser les fondements de la félicité publique, poursuivre les abus, proclamer tous les droits, soumettre aux mômes lois, à un régime uniforme les diverses parties de l’Empire. Mes yeux se sont remplis de larmes, quand j’ai vu les p'us méchants des hommes employer les plus viles intrigues pour souiller la Révolution; quand j’ai vu le saint nom de patriotisme prostitué à la scélératesse, et la licence marcher en triomphe sous les enseignes de la liberté. L’effroi s’est mêlé à une juste douleur quand j’ai vu briser tous les ressorts du gouvernement, et substituer d’impuissantes barrières à la nécessité d’une force active et réprimante. « Partout j’ai cherché les vestiges de cette autorité centrale qu’une grande nation dépose dans les mains du monarque pour sa propre sûreté : je ne les ai plus trouvés nulle part. J�ai cherché les principes conservateurs des propriétés, et je les ai vus attaqués. (Il s'élève de très grands murmures.) J’ai cherché pous quel abri repose la liberté individuelle, et j’ai vu l’audace toujours croissante, invoquant, attendant le signal de la destruction que sont prêts à donner les factieux et les novateurs aussi dangereux que les factieux. J’ai entendu ces voix insidieuses qui vous environnent de fausses terreurs, pour détourner vos regards des véritables dangers; qui yous inspirent de funestes défiances, pour vous faire abattre successivement tous les appuis du gouvernement monarchique. J’ai frémi surtout lors-qu’en observant dans sa nouvelle vie ce peuple qui veut être libre, je l’ai vu, non seulement méconnaître les vertus sociales, l’humanité, la justice, seules bases d’une liberté véritable, mais encore recevoir avec avidité les nouveaux germes de corruption, et se laisser par là entourer d’une nouvelle chaîne d’esclavage. Ah! Messieurs, combien je souffre, lorsqu’au milieu de là capitale et dans le sein des lumières, je vois ce peuple séduit accueillir avec une joie féroce les propositions les plus coupables, sourire au récit des assassinats, chanter ses crimes comme des conquêtes, appeler stupidement des ennemis à la Révolution, la souiller avec complaisance, fermer les yeux à tous les maux dont il s’accable... » Un membre ■: Au comité de santé l’auteur et la lettre! A gauche : On ne peut entendre cela; e’est un rapport de M. Malouet. M. Boutteville-Dumetz. On a rendu un grand service à la nation, en faisant lire cette adresse-là aujourd’hui. 4 gauche : Apparemment que c’est aujourd’fipi le rétablissement du despotisme. M. Bicard de Séalt, secrétaire, continuant la lecture : «....., car il ne sait pas, ce malheureux peuple, qu’un seul crime est la source d’une infinité de calamités. Je le vois rire et danser sur les bords de l’abîme qui peut engloutir même ses espérances. Ce spectacle de joie est ce qui m’a le plus profondément ému. « Votre indifférence sur cette déviation affreuse de l’esprit public est la première et la seule cause du changement qui s’est fait à votre égard, de de ce changement par lequel des adulations corrompues ou des murmures étouffés par la crainte ont remplacé les hommages purs que recevaient vos premiers travaux. Mais quelque courage que m’inspire l’approche de ma dernière heure, quelque devoir que m’inspire même l’amour de la liberté, j’éprouve cependant, en vous parlant, le respect et la sorte de crainte dont aucun homme ne peut se défendre, lorsqu’il se place par la pensée dans un rapport immédiat avec les représentants d’un grand peuple. « Dois-je m’arrêter ici, ou continuer à vous parler comme la postérité? Oui, Messieurs, je vous crois dignes d’entendre ce langage ..... » 652 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 mai 1*791.] M. Rœderer. Monsieur le Président, je demande la parole contre vous après la lecture. M. Ricard de Séalt, secrétaire , lisant : « ..... J’ai médité toute ma vie les idées que vous venez d’appliquer à la régénération du royaume : je les ai méditées dans un temps où, repoussées par toutes les institutions sociales, par tous les intérêts, par tous les préjugés, elles ne présentaient que la séduction d’un vœu consolant. Alors, aucun motif ne m’appelait à en faire l’application, ni à calculer les effets des inconvénients terribles attachés aux factions, lorsqu’on les investit de la force qui commande aux hommes et aux choses, lorsque la résistance des choses et des passions des hommes sont des éléments nécessaires à combiner. Ce que je n’ai pu ni dû prouver dans les circonstances et les temps où j’écrivais, les circonstances et les temps où vous agissez vous ordonnent d’en tenir compte, et je crois devoir vous dire que vous ne l’avez pas assez fait. « Par cette faute unique, mais continue, vous avez vicié votre ouvrage, vous vous êtes mis dans une situation telle que vous ne pouvez le préserver d’une ruine totale qu’en revenant sur vos pas ..... » ( Murmures à gauche.) A gauche : Cela est très bien joué ! Cela veut dire qu’il faut réintégrer le clergé dans ses prétendus droits I M. Ricard dé Séalt, secrétaire , lisant : «.... ou en indiquant cette marche rétrograde à vos successeurs ..... » (Murmures à gauche.) A gauche : C’est le développement du système des messieurs (la droite), qui veulent que la prochaine législature soit constituante I M. Ricard de Séalt, secrétaire , lisant : « ..... Craindrez-vous de supporter seuls toutes les haines qui environnent l’autel de la liberté? Croyez, Messieurs, que ce sacrifice héroïque ne sera pas le moins consolant des souvenirs qu’il vous sera permis de garder. Quels hommes que ceux qui, laissant à leur patrie tous les biens qu’ils ont su lui faire, acceptent et réclament pour eux seuls les reproches qu’ont pu mériter des maux réels, des maux graves; mais dont ils ne pouvaient aussi accuser que les événements ? Je vous crois dignes d’une si haute destinée; et cette idée m’invite à vous retracer sans ménagement ce que vous avez attaché de défectueux à la Constitution française. « Appelés à régénérer la France, vous deviez considérer u’abord ce que vous pouviez conserver de l’ordre ancien , et de plus ce que vous ne pouviez pas en abandonner. La France était une monarchie; son étendue, ses besoins, ses mœurs, l’esprit national, s’opposent invinciblement à ce que jamais des formes républicaines puissent y être admises, sans opérer une dissolution tolale de l’Empire. Le pouvoir monarchique était vicié par deux causes : les bases en étaient entourées de préjugés, et ses limites n’étaient marquées que par des résistances partielles. Epurer les principes en asseyant le trône sur sa véritable base, la souveraineté de la nation. Poser ses limites en les plaçant dans la représentation nationale, était ce que vous aviez à faire. Eh I vous croyez l’avoir fait ! Mais en organisant les deux pouvoirs, la force et le succès de la Constitution dépendent de leur équilibre. Vous n’aviez à vous défendre que contre la pente actuelle des idées. Vous deviez voir que dans l’opinion le pouvoir des rois décline et que les droits des peuples s’accroissent (Murmures.) : ainsi en affaiblissant sans mesure ce qui tend naturellement à s’accroître, vous arrivez forcément à ce triste résultat: un roi sans autorité, un peuple sans frein. (Murmures.) C’est en vous livrant aux écarts des opinions que vous avez favorisé l’influence de la multitude et multiplié à Pinlini les élections populaires. « N’auriez-vous pas oublié que les fréquentes élections, que les élections san3 cesse renouvelées et le peu de durée des pouvoirs sont une source de relâchement dans les ressorts politiques ? N’auriez-vous pas oublié que la forme du gouvernement doit être en raison de ceux qu’il doit soutenir ou qu’il doit protéger? Vous avez conservé le nom de roi; mais dans voire Constitution il n’est plus utile et il est encore dangereux : vous avez réduit son influence à celle que la corruption peut usurper; vous l’avez, pour ainsi dire, invité à combattre une Constitution qui lui montre sans cesse ce qu’il n’est pas et ce qu’il pourrait être. Voilà déjà un vice inhérent à votre Constitution, un vice qui la détruira si vous ou vos successeurs ne vous hâtez de l’extirper. « Je ne vous parlerai point des fautes qui peuvent être attribuées aux circonstances, vous les apercevrez vous-mêmes ; mais le mal que vous pouvez détruire, comment le laisseriez-vous subsister? Gomment, après avoir déclaré le dogme de la liberté des opinions religieuses, souffrez-vous que des prêtres soient accablés de persécutions et d’outrages ? ..... » (A gauche : C’est une infamie et une calomnie I) ..... « Comment, après avoir consacré les principes de la liberté individuelle, souffrez-vous qu’il existe dans votre sein une institution qui serve de modèle et de prétexte à toutes les inquisitions subalternes qu’une inquiétude factieuse a semées dans toutes les parties de l’Empire? Comment n’êtes-vous pas épouvantés de l’audace et du succès des écrivains qui profanent le nom de patriote? Vous avez un gouvernement monarchique, et ils le font détester; vous voulez la liberté du peuple, et ils veulent faire du peuple le tyran le plus féroce; vous voulez régénérer les mœurs, et ils commandent le triomphe du vice et l’impunité des crimes. « Je ne vous parlerai pas de vos opérations de finance. A Dieu ne plaise que je veuille augmenter les inquiétudes ou diminuer les espérances. La fortune publique est encore entière dans vos mains ; mais croyez qu’il n’y a ni impôts, ni crédit, ni recette, ni dépenses assurées là où le gouvernement n’est ni puissant, ni respecté. (Murmures.) « Quelle sorte de gouvernement pourrait résister à cette domination des clubs? Vous avez détruit les corporations, et la plus colossale de toutes les agrégations s’élève sur vos têtes, et menace de dissoudre tous les pouvoirs. La France entière présente deux tribus très prononcées, celle des gens de bien, des esprits modérés, classe d’hommes muets et consternés maintenant, tandis que des hommes violents s’électrisent, se serrent et forment un volcan redoutable qui vomit des torrents de laves capables de tout engloutir... » (A gauche : Ce ne sont que des déclamations vagues!) «... Vous avez fait une déclaration des droits, et cette déclaration est parfaite si vous la dé- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 mai 1791.J 553 gagez des abstractions métaphysiques qui ne tendent qu’à répandre dans l’Empire français des germes de désorganisation et de désordres. . . »> (A gauche': G’est un blasphème!) ... « Sans cesse hésitant entre les principes qu’on vous empêche de modifier, et les circonstances qui vous arrachent des exceptions, vous laites toujours trop peu pour l’utilité publique, et trop pour votre doctrine. Vous êtes souvent inconstants et impolitiques, au moment où vous vouiez n’être ni l’un ni l’autre. . . » A gauche : G’est M. Malouet qui est l’auteur de cette lettre. M. Prieur. G’est une calomnie contre l’abbé Raynal; il est incapable d’une telle production, même à quatre-vingts ans. M. Ricard de Séalt, secrétaire , lisant : « ... Vous voyez qu’aucune de ces observations n’échappe aux amis de la liberté. Ils vous redemandent le dépôt de l’opinion publique, dont vous n’étes que les organes. « L’Europe étonnée tous regarde; l’Europe qui peut être ébranlée jusque dans ses fondements parla propagation de vos principes... » (A gauche: Tant mieux!) «... s’indigne de leur exagération. (Murmures.) Le silence de ses princes est peut-être celui de l’effroi. Eh! n’aspirez pas au funeste honneur de vous rendre redoutables par des innovations immodérées, aussi dangereuses pour vous-mêmes que pour nos voisins ! « Ouvrez encore une fois les annales du monde, appelez à votre aide la sagesse des siècles! Voyez combien d’empires ont péri par l’anarchie. Il est temps de faire cesser celle qui nous désole, d’arrêter les vengeances, les séditions et les émeutes, de nous rendre enfin la paix et la confiance. Pour arriver à ce but salutaire, vous n’avez qu’un moyen, et ce moyen serait, en révisant vos décrets, de réunir et de renforcer des pouvoirs affaiblis par leur dispersion; de confier au roi toute la force nécessaire pour assurer la puissance des lois, de veiller surtout à la liberté des assemblées primaires, dont les factions ont éloigné tous les citoyens vertueux et sages. (On applaudit et Von murmure.) Croyez-vous que le rétablissement du pouvoir exécutif puisse être l’ouvrage de vos successeurs? Non, ils arriveront avec moins de forces que vous n’en avez; ils auront à conquérir cette opinion populaire dont vous avez disposé. Vous pouvez seuls recréer ce que vous avez détruit ou laissé détruire. Vous avez posé les bases de cette Constitution raisonnable, en a-surant au peuple le droit de faire des lois et de statuer sur l’impôt. L’anarchie anéantira ces droits eux-mêmes, si vous ne les mettez sous la garde d’un gouvernement actif et vigoureux, et le despotisme vous attend si vous ne le prévenez par la protection tutélaire de l’autorité royale. « J’ai recueilli mes forces, Messieurs, pour vous parler le langage austère de la vérité; pardonnez à mon zèle et à mon amour pour la patrie ce que mes remontrances peuvent avoir de trop libre, et croyez à mes vœux ardents pour votre gloire, autant qu’à mon profond respect. » « Signé : Guillaume-Thomas Raynal. » A droite: L’impression! l’impression! Plusieurs membres à gauche demandent la parole. M. Rœderer. Monsieur le Président, je demande la parole contre vous. M. Robespierre. J’ignore quelle impression a faite sur vos esprits la lettre dont vous venez d’entendre la lecture; quant à moi, l’Assemblée ne m’a jamais paru autant au-dessus de ses ennemis qu’au moment où je l’ai vu écouter, avec une tranquillité si expressive, la censure la plus véhémente de sa conduite et de la Révolution qu’elle a faite. (La partie gauche et les tribunes applaudissent à plusieurs reprises.) Quelqu’un se serait-il flatté qu’il existe en France ou ailleurs un homme assez grand pour opposer avec succès sa censure aux opérations des représentants de la nation française et au vœu général de cette même nation ? (Nouveaux applaudissements.) Je ne sais, mais cette lettre me paraît instructive dans un sens bien différent de celui où elle a été faite. En effet, une réflexion m’a frappé en entendant cette lecture. Get homme célèbre qui, à côté de tant d’opinions qui furent accusées jadis de pécher par un excès d’exagération, a cependant publié des vérités utiles à la liberté; cet homme, depuis le commencement de la Révolution, n’a point pris la plume pour éclairer ses concitoyens ni vous. Et dans quel moment rompt-il le silence? Dans le moment où les ennemis de la Révolution réunissent leurs efforts pour l’arrêter dans son cours. (Les applaudissements recommencent.) Je suis bien éloigné de vouloir diriger la sévérité, je ne dis pas de l’Assemblée, mais de l’opinion publique sur un homme qui conserve un grand nom. Je trouve pour lui une excuse suffisante dans une circonstance qu’il vous a rappelée, je veux dire son grand âge. (Murmures à droite ; applaudissements à gauche.) Je pardonne même à ceux qui auraient pu, sinon contribuer à sa démarche, du moins à ceux qui sont tentés d’y applaudir; je leur pardonne, parce que je suis persuadé qu’elle produira dans le public un effet tout contraire à celui qu’on en attend. Elle est donc bieo favorable au peuple, dira-t-on; elle est donc bien funeste à la tyrannie cette Constitution, puisqu’on emploie des moyens si extraordinaires pour la décrier, puisque, pour y réussir, on se sert d’un homme qui, jusqu’à ce moment n’était connu dans l’Europe que par son amour passionné pour la liberté, et qui était, jadis, accusé de licence par ceux qui le prennent aujourd’hui pour leur apôtre et pour leur héros. (Nouveaux applaudissements.) Ils ont donc acquis bien des droits à la reconnaissance des nations, ceux qui ont contribué à cette Révolution ; ils sont donc bien dignes d’être imités par tous ceux ui gouvernent ou qui représentent les peuples, ira-t-on, puisque l’on a poussé l’acharnement contre eux au point de se couvrir du nom d’un tel homme pour les calomnier, puisque, sous son nom, on produit les opinions les plus contraires aux siennes, les absurdités mêmes que l’on trouve dans la bouche des ennemis les plus déclarés de la Révolution (. Applaudissements .), non plus simplement ces repi oches imbéciles prodigués contre ce que l’Assemblée nationale a fait pour la liberté, mais contre la nation française tout entière, contre la liberté elle-même ; car n’est-ce pas attaquer la liberté que de dénoncer à l’univers, comme les crimes des Français, ce trouble, ce tiraillement qui accompagne nécessairement toute Révolution, qui est une crise si naturelle de la liberté, que sans cette crise la maladie du