PARIS (INTRA MUROS). CAHIER De doléances et remontrances du clergé de Paris intra muros , remis dans la séance du lundi 18 mai 1789, à monseigneur l'archevêque de Paris et à MM. de MONTESQUIOU, agent général du clergé de France; CHEVREUIL, chanoine et chancelier de l'église de Paris, vicaire général et official diocésain ; GROS, curé de Saint-Ni-colas-du-Chardonnet ; Dom CHEVREUX , général de la congrégation de Saint-Maur ; DüMOUCHEL, recteur de l'Université ; LEGROS, prévôt de Saint-Louis-du-Louvre ; de BONNEVAL, chanoine de l’église de Paris; VAYTARD, curé de Saint-Ger-vais,et de BARMONT, conseiller clerc au parlement, élus députés aux Etats généraux de 1789 (1). Le clergé de Paris, intra muros, pénétré de re-connnaissance envers le Roi, et empressé de concourir autant qu’il peut dépendre de lui aux. vues de justice et de bienfaisance qui ont déterminé Sa Majesté à s’environner de sa nation pour assurer le bonheur de ses peuples et la prospérité de son empire, charge ses députés aux Etats généraux de présenter au Roi ses très-respectueuses doléances. Son amour pour la personne sacrée de son souverain, et sa confiance en ses vertus, ne lui permettent pas de douter que Sa Majesté ne lui accorde le redressement des griefs qufil se fait un devoir d’exposer, et n’accueille favorablement les demandes qu’il adresse à sou cœur paternel et à sa sagesse. C’est dans ces sentiments d’amour et de confiance, qui établissent entre la nation et son Roi les rapports essentiels que la religion commande et que l’intérêt de l’Etat exige, que le clergé de Paris charge ses députés aux Etats généraux de demander : PREMIÈRE PARTIE. Religion et administration ecclésiastique. Art. 1er. Que la religion catholique, apostolique et romaine, la seule vraie, la seule religion de l’Etat, dont les principes sont si intimement liés au maintien de l’autorité et au bonheur du peuple, soit conservée dans toute son intégrité, et qu’à elle seule appartienne l’exercice du culte extérieur et public à l’exclusion de tout autre. Art. 2. Qu’en conséquence, Sa Majesté soit suppliée d’ordonner la révision de l’édit du mois de novembre 1787, concernant les non catholiques ; le clergé ne pouvant dissimuler les vives alarmes que cet édit lui inspire, et se croyant obligé de charger expressément ses députés aux Etats généraux d’employer tous leurs soins pour faire réussir cette demande. Art. 3. Que rien n’étant plus propre à affaiblir, dans l’esprit des peuples, le respect dû à la religion que le mépris public de ses préceptes et de (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. ses plus saintes ordonnances, les lois concernant la sanctification des dimanches et fêtes, et la cessation des travaux, même publics, en ces saints jours, hors le cas d’une absolue nécessité, soient renouvelées et observées ; et que les officiers de police soient obligés, dans les permissions qu’ils donneront, s’il y a lieu, de viser celles accordées par le supérieur ecclésiastique. Art. 4. Qu’il soit pourvu au renouvellement et à l’exécution des ordonnances concernant la police intérieure des églises, et le respect dû aux ministres dans l’exercice de leurs fonctions, soit dans l’église, soit hors l’église. Art. 5. Que Sa Majesté veuille bien accorder aux vœux, si souvent exprimés par l’église de France, la convocation périodique et facile des conciles provinciaux, dont une trop longue désuétude est la cause principale des plaies multipliées faites à la discipline ecclésiastique, et qui sont, avec les synodes diocésains, le moyen le plus efficace de la rétablir et de l’entretenir. Art. 6. Que les lois canoniques et civiles qui prescrivent la résidence, soient exactement observées, et que les privilèges des commensaux soient restreints, comme préjudiciables au service divin dans les cathédrales et les collégiales. Art. 7. Que rien n’étant plus contraire à l’esprit de l’Eglise et à ses véritables intérêts, que de voir accumulés sur une même tête des bénéfices qui, sagement-répartis, serviraient à l’entretien de plusieurs ministres utiles, les anciennes règles, et spécialement celle du concile de Trente, concernant la pluralité des bénéfices, soient mises à exécution. Art. 8. Que les ordres religieux soient conservés et protégés comme utiles, non-seulement à la religion, mais encore à l’Etat ; que pour y maintenir la régularité, ou pour la rappeler dans les maisons qui pourraient s’en être écartées, il ne soit employé que des moyens conformes aux lois canoniques ; et que jamais, sous prétexte de réforme, il ne soit fait usage de ceux qui ne peuvent qu’anéantir l’esprit de subordination, dégoûter de leur état les religieux attachés à la règle, et enhardir les infracteurs en leur montrant la liberté et l’aisance comme le prix assuré de leur défection. Art. 9. Qu’en conséquence, aucun ordre religieux de l’un ou l’autre sexe, aucun corps ecclésiastique, aucune communauté séculière ou régulière légalement instituée, ne puisse être supprimée sans l’observation de toutes les formes canoniques et civiles, et qu’il soit à l’avenir nécessaire de prendre le consentement du concile provincial pour la suppression d’une maison particulière de son district : ou, s’il s’agit d’un ordre entier, que l’extinction n’en puisse avoir lieu sans le consentement de tous les conciles provinciaux dans le district desquels ledit corps ou ordre aurait des établissements. Art. 10. Que les ordres mendiants soient secourus de manière à faire cesser, s’il est possible, 264 [Paris, intra muros.] [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. leur mendicité; ou du moins qu’il leur soit permis de disposer, en se conformant aux lois ecclésiastiques et civiles, de'ceuxde leurs emplacements qui pourraient produire un revenu actuellement nécessaire, pour suppléer aux aumônes infiniment diminuées, et qui ne sont plus en proportion de leurs besoins. Art. 11. Que les lois canoniques au sujet des aliénations des biens ecclésiastiques soient rigoureusement observées, et qu’il ne puisse en être fait aucune sous quelque prétexte que ce soit, sans le consentement de l’évêque et avant l’intervention de son décret. Art. 12. Qu’il soit rendu compte à la chambre du clergé des Etats généraux de tous les biens des ordres supprimés, et de ceux des maisons particulières, qui sont dans le même cas, ou dont les revenus auraient été séquestrés en vertu d’arrêts du conseil. Art. 13. Que l’état où se trouve réduite la partie du clergé de Paris, employée au service pénible des paroisses, à l’administration des sacrements, à l’instruction des peuples, soit pris en considération, et que l’on s’en occupe promptement, essentiellement, efficacement. Que ces ministres si laborieux et si utiles ne soient plus exposés à manquer souvent des moyens de subsistance les plus nécessaires, d’encouragement dans leurs travaux, de ressources dans les maladies et la vieillesse. Que les premiers principes de la justice, la destination sacrée des biens du clergé, et l’honneur même du sacerdoce, réclamant hautement en leur faveur des secours indispensables, il y soit pourvu par l’union et application de telles menses abbatiales ou prieuriales opulentes qu’il appartiendra. Art. 14. Et notamment le clergé de Paris sollicite avec instance, comme le plus prompt et le plus sûr moyen de subvenir à ses besoins extrêmes, l’union de la mense abbatiale des Saint-Germain-des-Prés à la mense conventuelle (les revenus de ladite mense abbatiale préalablement estimés en grains), pour, par les religieux, fournir les prestations annuelles, aussi estimées en grains, qui auront été attribuées à chaque paroisse par M. l’archevêque, assisté d’un conseil, suivant le tableau des besoins de chaque paroisse qui aura été précédemment fourni par MM. les curés ; de sorte que chaque prêtre appliqué aux fonctions du saint ministère dans la ville de Paris ait au moins 1200 livres de revenu. Art. 15. Qu’il y ait dans les cathédrales et collégiales des prébendes affectées aux prêtres qui auront travaillé un certain nombre d’années dans le saint ministère, sans préjudice toutefois du droit des gradués. Art. 16. L’éducation publique ayant une influence si marquée sur le sort des empires par les sentiments qu’elle fait germer dans le coeur des citoyens, et les moeurs auxquelles elle les forme, le clergé a toujours mis au nombre de ses principaux devoirs l’obligation de s’en occuper essentiellement et de la surveiller. Les ressources qu’offre en ce genre à la capitale le corps si justement célèbre de l’Université, laisse à cet égard peu de voeux à former. Cependant le clergé de Paris ne peut voir sans la plus amère douleur les sources de la première éducation, pour ainsi dire taries, et la plupart des collèges des provinces, autrefois si florissants, manquer souvent de maîtres, dont les vertus, les talents et la stabilité puissent mériter la confiance. Art. 17. G’est pourquoi le clergé de Paris demande que l’éducation soit confiée dans toutes les provinces à différents ordres religieux, qu! s’empresseront, et dont plusieurs même ont généreusement offert de se consacrer a cet objet d’utilité publique ; ou qu’on y appelle des congrégations et communautés d’ecclésiastiques séculiers ou réguliers ; que dans l’un et l’autre cas, les collèges de province soient mis sous l’inspection et supériorité majeure de l’ordinaire; et que pour la réformation des abus qui auraient pu s’introduire dans les études publiques de Paris, et les améliorations dont elles seraient susceptibles, l’Université soit consultée et en tendue. Art. 18. Que toutes les maisons d’éducation dans Paris et les environs, qui ne sont sous l’inspection d’aucun supérieur ecclésiastique ou de l’université , soient supprimées ; une funeste expérience ayant appris que cette clandestinité ouvre la porte à une foule d’abus, et sert à propager les principes les plus pernicieux. Art. 19. Que, pour faire participer tous les citoyens aux bienfaits de l’éducation publique et gratuite dans cette capitale, quelques collèges de plein exercice soient transférés dans les quartiers les plus éloignés du centre de l’Université. Art. 20. Qu’il soit établi et fondé dans toutes les paroisses, en proportion de leur étendue, des écoles gratuites, mais distinctes et séparées pour l’un et l’autre sexe. Art. 21. Que tous les règlements qui tendent à conserver et fortifier la précieuse influence des curés sur l’éducation, et surtout sous le rapport de l’instruction chétienne, soient remis en vigueur. Art. 22. Qu’il soit pourvu à la conservation des mœurs de la jeunesse et de tous les citoyens, en interdisant tout ce qui tend directement à les corrompre, et spécialement les livres impies et obscènes ; l’exposition si connue aujourd’hui des statues, peintures, gravures indécentes, ces spectacles corrupteurs dont la capitale est remplie, et qui portent la contagion dans la classe même du peuple qui en était autrefois préservée ; en réprimant de la manière la plus sévère la licence effrénée de ces prostituées infâmes, dont le nombre croît tous les jours, et qui ne rougissant pas d’associer l’enfance elle-même à leurs honteuses sollicitations, insultent à toutes les heures et dans toutes les rues à la pudeur publique. Art. 23. Que la licence de la presse soit réprimée, et que, par de bons et sages réglements, on prévienne tous les abus qui peuvent porter atteinte à la religion, au gouvernement et aux mœurs. Art. 24. Que l’on prenne des moyens pour parvenir à la suppression de toutes les loteries, qui sont autant de pièges tendus à la cupidité, et dont l’effet est d’ôter au pauvre jusqu’à sa subsistance, et de bouleverser souvent les fortunes les mieux établies, et d’enhardir à violer la foi du dépôt, celui-là même qui en aurait eu horreur, s’il n’eût été séduit par l’appât trompeur qu’elles présen-. tent, et par la fureur du jeu qu’elles inspirent. Art. 25. Que l’on examine sévèrement cet établissement inconnu à nos pères, qui, sous le nom spécieux de Mont-de-Piété, vend chèrement au malheureux honnête un argent qu’il finit par payer de toute sa substance, et qui présente à l’infidélité un moyen sûr de cacher ses rapines, et d’en recueillir les fruits. Art. 26. Que, dans les Etats généraux, il soit rendu compte de toutes les sommes perçues pour les hôpitaux, et notammeut pour l’Hôtel-Dieu de Paris, afin qu’elles soient appliquées suivant leur [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intramnros.] 265 destination, et que, de concert avec la chambre ecclésiastique desdîts Etats, il soit remédié aux abus qui auraient pu se glisser, soit dans l’administration de l’intérieur, soit dans celle des biens de cet hôpital et des autres. Art. 27. Que dans l’administration des hôpitaux il y ait toujours un nombre suffisant de curés, comme étant liés plus particulièrement par leurs fonctions et leur zèle au sort et à l’intérêt des pauvres. Art. 28. Que l’on prenne en considération la surchage qu’éprouve la maison des enfants trouvés de cette capitale, et que, pour parer à tous les inconvénients qui en résultent, il soit formé dans les différentes provinces des établissements où ces malheureux enfants puissent être reçus et conservés à l’Etat. Art. 29. Que tous les droits, honneurs efprivi-léges autres que l’exemption pécuniaire dont le clergé de Paris a fait le sacrifice volonaire par sa délibération du 27 avril dernier, soient conservés et maintenus, attendu qu’ils appartiennent au clergé comme premier ordre de l’Etat, et qu’ils concourent à faire respecter la religion et ses ministres. Art. 30. Que la juridiction ecclésiastique soit conservée en son entier, conformément aux lois et aux canons reçus dans le royaume ; et que la jurisprudence des cours soit rappelée à des principes clairs et invariables. Art. 31. Que les appels comme d’abus soient contenus dans de justes bornes. Que les juges souverains soient astreints à marquer dans leurs arrêts en quoi consiste l’abus, et les parties obligées à remplir les formalités rappelées par l’édit de 1695. Art. 32. Que l’usage des monitoires soit aboli, si ce n’est dans des cas graves, comme crime d’Etat ou meurtre, et que le juge d’église ne puisse être pris à partie pour cause de refus. Art. 33. Que, vu les abus de l’administration des économats, la chambre du clergé s’occupe dans les Etats généraux de les remplacer en ce qu’ils peuvent avoir d’utile par rapport aux réparations des bénéfices, et que le Roi soit très-humblement supplié de pourvoir au plus tôt à la nomination des bénéfices dont il dispose, à mesure qu’ils vaqueront. Art. 34. Que les collations attribuées au Roi depuis dix ans, en vertu d’unions, soient rendues à l’ordinaire, et qu’il en soit usé de même à l’avenir. Art. 35. Qu’il ne soit plus doté de chapitre noble avec des revenus de fondations, qui n’avaient dans l’origine de destination exclusive en faveur de la noblesse. Art. 36. Que le droit de régale soit restreint dans les bornes prescrites parles ordonnances; qu’il soit enjoint aux juges qui en connaissent de se conformer à la lettre desdites ordonnances, sans aucun égard à la jurisprudence introduite par les arrêts ; et que la régale soit censée légalement fermée trois mois après l’enregistrement du serment de fidélité. Art. 37. Que la prévention en cour de Rome ne puisse être exercée qu’un mois après la mort du titulaire. Art. 38. Que le droit de déport soit supprimé dans toute l’étendue du royaume, en indemnisant ceux que la perte de ce droit priverait d’un revenu nécessaire au soutien de leur dignité. Art. 33. Qu’il soit pris des mesures les plus justes et les plus efficaces, pour qu’il n’y ait plus dans la même église un service paroissial et collégial ; sauf les droits des fondateurs, collateurs, titulaires et chapitres. Art. 40. Qu’il soit procédé à une nouvelle démarcation des [imites des paroisses ; que celles dont la trop vaste étendue nuirait à l’administration des secours spirituels soient démembrées, et que chaque arrondissement soit placé à portée de son église et de son pasteur. Art. 41. Que la déclaration de 1780, concernant les actes de baptême, soit modifiée et interprétée de manière à prévenir les fausses et calomnieuses déclarations de paternité. Art. 42. Que la Sainte-Chapelle de Paris, ce respectable monument de la piété de saint Louis, et si chère à la religion par les précieuses reliques qu’elle renferme, soit conservée ; mais que sa constitution soit réformée dans tous les points qui pourraient donner lieu à des divisions ou à des contestations fâcheuses. Art. 43. Que l’accomplissement des devoirs de religion, et la dignité du culte public, souffrant un préjudice notable de la lenteur avec laquelle sont conduites les constructions ou reconstructions de plusieurs églises paroissiales de celte ville , il soit pris les moyens convenables pour accélérer des travaux si utiles, et suspendus depuis si longtemps. SECONDE PARTIE. Constitution et administration civiles. Le clergé de la ville de Paris vient de mettre sous les yeux du Roi et de la nation assemblée les grands intérêts de la religion, dont le précieux dépôt lui est spécialement confié, et les objets d’administration qu’elle consacre en quelque manière par les rapports qu’ils ont avec le culte divin, les mœurs, le soin des pauvres et la discipline ecclésiastique. Les ministres des autels sont en même temps citoyens, et leur zèle patriotique, animé, perfectionné même par la religion qu’ils professent, ne leur permet pas de se montrer indifférents sur le sort de l’Etat dont ils ont le bonheur de faire partie. Mais avant de reprendre la suite de ses doléances, et d’étendre ses vues sur l’administration politique et civile, le clergé de Paris, inviolable-ment attaché à la doctrine constante de l’Eglise de France, ainsi qu'aux anciens principes de la constitution française, et justement alarmé de l’espèce de révolution que des opinions dangereuses et étrangères ont fait dans les esprits, s’empresse de déclarer : 1° Que le gouvernement français est un gouvernement purement monarchique ; que la puissance souveraine et législative réside en la personne seule du Roi ; mais que, dans l’exercice de son autorité, le monarque est lié par des lois fondamentales et constitutionnelles, et qu’il existe des formes qui doivent nécessairement précéder et préparer l’exécution de ces lois ; 2° Qu’il regarde comme appartenant essentiellement à la constitution : Le droit qu’a la nation française de ne payer d’autres impôts ou subsides que* ceux qu’elle aurait librement consentis et déterminés, quant à la forme, la quotité et la durée; Le droit inviolable qu’ont tous les ordres, tous les corps, tous les particuliers, d’être conservés et maintenus dans toutes leurs propriétés : Le droit qu’a tout individu de ne pouvoir être privé de sa liberté personnelle, hors les cas prévus et en la forme déterminée par la loi ; 266 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intra muros.] L’existence, la distinction et l’indépendance réciproque des trois ordres ; indépendance telle u’aucun des ordres ne peut être privé du droit ’opiner séparément, ni obligé par la délibération des deux autres. Le clergé de la ville de Paris enjoint très-expressément à ses députés aux Etats généraux de ne jamais consentir à l’altération de ses principes, et les charge de demander : Art. 1er. Qu’il plaise à Sa Majestéassurerlaperpé' tuitédu bienfait qu’elle a si libéralement accordé à ses peuples en ordonnant la convocation des Etats généraux après une trop longue interruption ; et qu’elle daigne mettre le comble à ses bontés et à la justice, en consentant qu’ils soient périodiquement convoqués à des époques fixes et rapprochées. Art. 2. Que Sa Majesté daigne ausssi recevoir favorablement les réclamations et protestations du clergé de la ville de Paris, contre la forme de convocation aux Etats généraux dernièrement employée; et que dans lesdits Etats généraux il soit réglé une autre forme telle que les différents corps, classes et ordres, soient représentés dans une proportion relativement suffisante. Art. 3. Que la colonie de Saint-Domingue soit admise, appelée même aux prochains Etats généraux, à l’effet d’y discuter le droit qu’elle réclame d’y avoir des représentants chargés de défendre ses intérêts. Art. 4. Qu’aucun citoyen ne puisse être arrêté en vertu de lettres de cachet, si ce n’est dans le cas et aux conditions qui auront été fixées et déterminées dans les Etats généraux. Art. 5. Que l’acte d’humanité et de justice, dont notre auguste monarque a solennellement donné l’exemple, soit imité dans toute la France, et qu’on en fasse disparaître les derniers vestiges de la servitude personnelle, sauf à indemniser les seigneurs lorsqu’il y aura lieu. Que la traite des nègres soit elle-même totalement supprimée, s’il est possible, ou que du moins on assure, par de bonnes lois, à tous les noirs de nos colonies, un traitement doux et modéré, et tous les secours de la religion et de l’humanité. Art. 6. Qu’il soit accordé à toutes les provinces du royaume des Etats ou assemblées, dont la constitution soit régulière, convenue dans les Etats généraux, et où trois ordres, séparés et distincts, votent et soient représentés de la même manière et en la même proportion qui doivent être observées aux Etats généraux. Qu’à ces Etats provinciaux , ou assemblées, appartienne la vérification des propriétés, l’assiette, répartition et perception des subsides, ainsi que le versement d’iceux dans les caisses à ce destinées, afin que l’impôt soit supporté dans la plus juste proportion par tous les contribuables, et qu’il soit perçu de la manière la moins onéreuse pour tous, et la moins dispendieuse. Art. 7. Que dans la perception de l’impôt, de quelque manière qu’elle soit opérée, le pauvre de la ville et de la campagne soit toujours traité avec ménagement ; et que jamais, sous prétexte de retard, on ne le dépouille des meubles, ustensiles et outils qui lui sont nécessaires pour gagner sa vie et faire subsister sa famille. Art. 8. Que Sa Majesté soit très-humblement suppliée de faire connaître aux prochains Etats généraux la véritable situation des finances, l’état exact de la dette publique et du déficit actuel, à l’effet de constater et consolider la dette publique, de prendre les mesures nécessaires pour combler le déficit , en évitant autant qu’il sera possible de nouveaux impôts, et pour rétablir l’équilibre en tre les dépenses justes et nécessaires, et la recette. Au moyen de quoi, et pour concourir autant qu’il est en lui au rétablissement de l’ordre dans toutes ses parties, le clergé de la ville de Paris a délibéré et arrêté unanimement , en son assemblée du 27 avril dernier , de concourir , dans la juste proportion de ses revenus , a l'acquittement des charges publiques librement consenties par les trois ordres dans les Etats généraux : l'assemblée ne se permettant pas de douter que , le clergé de France n’ayant contracté ses dettes que pour le service de l'Etat , la nation ne les reconnaisse comme faisant partie de la dette publique. Art. 9 . Que tous ministres, ordonnateurs et autres, chacun dans leur département, soient responsables et comptables à la nation de l’emploi des deniers publics; et que le compte des dépenses et des recettes de chaque département soit imprimé et publié tous les ans. Art. 10. Que les acquits de comptant soient réduits à une quantité fixe et déterminée dans les Etats généraux. Art. 11. Que toutes les pensions ou traitements quelconques sur le trésor royal, ou sur les différents départements, caisses publiques, etc., soient soumises à l’examen le plus sévère pour connaître le motif qui les a fait accorder, la quotité de ces différentes pensions, si plusieurs sont accumulées sur une même personne; que la liste de ces pensions soit imprimée et rendue publique, et qu’il y ait dans les différents départements une somme fixée et déterminée, que les-dites pensions ne pourront jamais excéder. Art. 12. Que les droits d1 aides et gabelles, cet impôt véritablement désastreux, soient perçus avec modération jusqu’au moment désiré par la nation et promis par le Roi, où ils seront totalement supprimés. Art. 13. Que les droits de contrôle soient clairement déterminés et publiés, et qu’ils soient modérés en ce qu’ils ont de trop onéreux. Art. 14. Que l’entière connaissance des droits domaniaux soit attribuée aux cours souveraines, afin de soustraire tous les citoyens, et spécialement les ecclésiastiques, aux vexations de toute espèce que l’administration actuelle des domaines leur fait éprouver. Qu’en particulier le Roi soit supplié de retirer l’arrêt du conseil du 5 septembre 1785, qui oblige les ecclésiastiques à passer à l’enchère, et en présence du subdélégué de l’intendant, les premiers baux des constructions ou reconstructions. Qu’enfin, il ne soit plus exigé un nouveau droit d’amortissement pour raison desdites constructions et reconstructions, ou pour cause d’échange de fonds amortis entre gens de mainmorte. Art. 15. Que l’administration actuelle des eaux et forêts étant très-préjudiciable au clergé, il soit affranchi des entraves auxquelles le régime des maîtrises l’assujettit, et des droits excessifs (ju’il lui fait supporter : sauf à prévenir par des règlements sages les abus qui résulteraient peut-être de cette liberté. Art. 16. Que le Roi soit supplié de supprimer les capitaineries ; et que dans celles que Sa Majesté jugerait à propos de conserver pour son usage, la rigueur des règlements soit adoucie en faveur des cultivateurs. Que les ordonnances des chasses soient modifiées en ce qu’elles ont de trop dur et de contraire aux intérêts de l’agriculture. Art. 17. Que les codes civil et criminel soient examinés et discutés dans leurs différents ar- 267 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intra muros.] ticles, et qu’ils soient réformés en plusieurs points : notamment le code criminel, en ce qu’il exige le serment de l'accusé, auquel il sera donné un défenseur juridique dès le commencement du procès criminel ; et que tout accusé soit interrogé en la même forme et de la même manière, quelles que soient les conclusions du ministère public. Art. 18. Qu’on prenne des moyens pour abréger les procédures, et pour faire cesser les abus des directions, saisies réelles et ordres, qui consu-sument en frais les créanciers dont elles auraient dû conserver le gage. Art. 19. Qu’il soit fait une loi précise pour régler l’usage légitime des arrêts de défense, dont tant de plaideurs de mauvaise foi abusent tous les jours, et qu’il soit exactement pourvu à son exécution. Art. 20. Que les prisons, où gémit trop souvent l’innocence à côté du coupable, cessent d’être, contre l’intention de la loi, un séjour d’horreur et d’infection -, que les malheureux qui y sont détenus jouissent au moins, d’un air salubre, d’une nourriture saine et suffisante; que les infirmeries de ces prisons soient aérées et tellement disposées, qu’on y puisse faire le service des malades, et que jamais ils ne réclament inutilement les consolations de la religion, si nécessaires à leur état. Art. 21. Que toujours et dans tous les cas il soit loisible aux curés de visiter leurs paroissiens détenus en prison. Art. 22. Que le sort des galériens malades et alités soit pris en considération. Que cette vie que la loi leur conserve soit respectée, et que leurs chaînes tombent au moment où, n’étant plus nécessaires pour le maintien de l’ordre, elles deviennent un supplice insupportable et meurtrier. Art. 23. Que la matière des évocations, commissions, surséances, soit sérieusement examinée, et que l’on fixe par une loi expresse les cas où ces voies extraordinaires, mais quelquefois utiles, pourront être légitimement employées. Art. 24. Qu’il ne soit plus donné d’arrêts du propre mouvement pour les affaires des particuliers ou des corps, à moins qu’ils ne soient susceptibles d’opposition. Art. 25. Que les Etats généraux s’occupent promptement et utilement des objets de consommation, de manière à prévenir la disette, et empêcher dans tous les temps la trop grande cherté des grains. Art. 26. Que les Etals généraux absent aux moyens d’attacher tellement la classe des pauvres à leur pays natal, que des familles entières et très-nombreuses n’aient aucun intérêt à venir chercher à Paris un sort incertain, et augmenter le nombre infini des malheureux pour lesquels il n’y a pas de secours suffisants. Art. 27. Que la mendicité soit extirpée, comme étant le fléau des villes et plus encore celui des campagnes ; que, pour y parvenir, on établisse des ateliers de charité, qu’on prenne d’autres moyens qu’une administration sage et éclairée est plus à portée de connaître ; mais jamais celui d’enfermer les mendiants dans d’affreuses maisons de dépôt, où les traitements qu’ils éprouvent révoltent l’humanité. Art. 28. Que l’agiotage soit réprimé, et, s’il est possible, entièrement détruit, comme tarissant la source des véritables richesses que la France pourrait tirer de la culture des terres et du commerce. Art. 29. Qu’il soit pourvu par les moyens les plus efficaces à tous les approvisionnements de farine, viande, etc. pour la ville de Paris , afin ue ces denrées de première nécessité n’excè-ent jamais un prix raisonnable et qui soit à la portée du pauvre. Art. 30. Que tous les octrois sur le bois, charbon, etc., qui se sont accrus depuis quelque temps à un point excessif, soient examinés ; qu’on en recherche l’origine, le motif qui les a fait accorder, l’époque où ils devaient ou doivent finir, afin de les supprimer ou modérer s’il y a lieu. Art. 31. Que tout changement relatif aux embellissements de la ville de Paris ne puisse être effectué que lorsqu’il y aura un plan publié, contre lequel les personnes intéressées auront pu réclamer une discussion en présence du ministère public et des magistrats; et que ces changements une fois déterminés, les dédommagements soient arbitrés par les mêmes magistrats, et payés avant qu'on procède à la destruction des maisons, etc. Telles sont les doléances du clergé de Paris, telles sont ses demandes. Il les confie à la fidélité de ses député aux Etats généraux. Elles attesteront à la nation assemblée ses véritables sentiments. Puissent-ils être auprès d’elle le témoignage public de son zèle inaltérable pour la religion, de son dévouement au bien de l’Etat, et de sa respectueuse confiance en son Roi ! Et a, ledit clergé, donné à ses députés tous pouvoirs de proposer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et chacun les sujets de Sa Majesté, s’en rapportant à leur honneur et à leur conscience; n’entendant limiter autrement leurs pouvoirs, lesquels sont expressément énoncés par l’acte même de nomination desdits députés aux Etats généraux, lequel acte fait partie du procès-verbal du clergé de Paris intra muros. Fait et arrêté en l’assemblée générale du clergé de la ville de Paris, le 18 mai 1789. Le présent, certifié en tout conforme à la minute dûment signée de MM. les commissaires , et déposé au secrétariat de l’archevêché, ce 19 mai 1789. Signé f Antoine E.-L., arch. de Paris. Signé Benière, curé de Saint-Pierre de Chaillot, secrétaire de l’assemblée. Signé Dumouchel, recteur de l’Université, secrétaire de l’assemblée. Signé D. Prescheur, bénédictin, procureur général de la congrégation de Saint-Vannes, secrétaire de l’assemblée. CAHIER Du chapitre de P Eglise de Paris , pour servir d’instructions à ses députés aux assemblées des trois Etats qui doivent précéder la tenue des Etats généraux fixés par le Roi , au 27 avril 1789 (1). RELIGION. Conservation du culte public. 1° Nous entendons conserver dans son intégrité le précieux dépôt de la religion, qui nous est spécialement confié en qualité de ses ministres, et (1) Nous publions ce document d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat.