ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {19 juin 1790.] 372 [Assemblée nationale.] nent, au nom d’une fédération nombreuse, qui s’est réunie, le 9 de ce mois, sous les murs de Chartres, capitale du département d’Eure-et-Loir, vous offrir l’hommage solennel de leur respect, de leur admiration, de leur reconnaissance et de leur entier dévouement. «Vous êtes les créateurs de la liberté française, c’est à nous d’en être les défenseurs. Nous l’avons juré sur l’autel sacré de la patrie; nous verserons jusqu’à la dernière goutte de notre sang pour le maintien des lois que nous a données votre sagesse. S'il est encore des téméraires dont la voix impie ose attaquer vos décrets; si des brigands ou leurs alliés naturels, les fauteurs des désordres et des abus, veulent nous replon-er dans la servitude et l’anarchie, ils trouveront ans les milices confédérées des âmes fières, des bras vigoureux, des soldats intrépides et tout ce qu’on peut attendre d’une coalition fondée sur le besoin d’être libre et cimentée par les liens de la fraternité. « La nature avait créé tous les hommes égaux; il était réservé à la Constitution française de les rendre tous frères. Egalité, liberté , fraternité, voilà, Messieurs, l’abrégé de vos travaux et de vos bienfaits. « Nous en sentons le prix. Avec quel enthousiasme nous avons exprimé, en présence de nos concitoyens et de nos frères, les transports de notre zèle et de notre gratitude! « Quel spectacle offrait cette armée citoyenne représentant près de trente-neuf mille hommes, dont la devise était et doit être à jamais : La Liberté ou la Mort! « Le lieu inspirait à chacun de nous des réflexions patriotiques et morales, inconnues aux siècles de la superstition et de l’ignorance. « Dans la même plaine où nous avons érigé des autels à la patrie, à la raison et à la liberté, nos pères s’égorgèrent, il y a deux cents ans et plus, pour des opinions religieuses. — Pénétrés de cet esprit de sagesse, de charité et de tolérance qui fait le caractère distinctif de la vraie religion, nous avons juré, à la face du ciel et de la terre, de ne point souffrir que l’homme fût attaqué dans ses droits ou inquiété dans ses opinions. « Les braves et loyaux dragons du colonel-général, dont un de vos honorables membres est le chef, sont accourus s’unir au même serment. Combien nous aurions été satisfaits de voir à leur tête ce citoyen patriote et guerrier, si digne de l’honneur de les commander! « Des volontaires parisiens, brûlant du saint amour de la patrie, ont voulu participer à cette mémorable journée. Partout où retentit le cri de la liberté, la capitale de l’Empire français doit avoir des réprésentants. « A cette expression simple, mais fidèle de nos sentiments et de nos dispositions, permettez, Messieurs , que nous joignions une demande conforme au vœu de toute la France et digne de votre sollicitude. « Nos commettants nous ont spécialement chargés de proposer à votre sagesse de vous occuper prochainement de l’organisation définitive des gardes nationales. La discipline provisoire sous laquelle nous vivons est sujette à trop d’inconvénients pour ne pas désirer qu’une loi uniforme et précise établisse parmi nous un service plus régulier, plus actif et plus utile. — Apprenez à l’Europe, ou, pour mieux dire, à l’Univers entier, que tout Français peut être à la fois citoyen et soldat. « D’après les sages décrets que vous avez déjà rendus sur l’organisation des différents pouvoirs, quels règlements pleins de justesse et de génie n’avons-nous pas lieu d’attendre? « Prenez, Messieurs, cet objet en considération, et souffrez que nous déposions en yos mains l’acte par lequel nous nous sommes engagés de vivre ou de mourir fidèles à la nation, à la loi et au roi. » Une députation de la garde nationale de Tours est ensuite admise à la barre et présente une adresse ainsi conçue : « Nosseigneurs, « Le spectacle imposant que donne à la France le peuple immense qui l'habite, son union, son caractère décidé, son amour pour la liberté, son enthousiasme parfait pour une jouissance si douce et dans les principes de la nature, la prospérité générale, qui sera incessamment le fruit de vos travaux sublimes, de votre sagesse et de vos lumières; nos droits primitifs recouvrés, toute servitude anéantie, la plus parfaite égalité rétablie, le Français redevenu homme, enfin : voilà, Nosseigneurs , les motifs puissants qui décident l’hommage respectueux des représentants de plus de quarante mille citoyens réunis solennellement dans les murs de Tours, pour consacrer à jamais la plénitude de leur reconnaissance et mettre sous la sauvegarde de leurs bras armés l’exécution de vos décrets sanctionnés ou acceptés par le roi. « La constitution du royaume sera constamment défendue; nous en avons fait le serment le plus authentique. En jurant d’être fidèles à la nation, nous nous sommes engagés de surveiller sans cesse ses ennemis déjà terrassés; en jurant d’être fidèles à la loi, nous avons unanimement promis de donner les premiers; par notre soumission, l’exemple sensible que la loi souscrite par un peuple libre, créée par ses augustes représentants, est le premier fondement de la félicité d’un vaste empire régénéré par vous; en jurant, enfin , d’être fidèles au roi , nous avons rempli le plus sacré de nos devoirs; et l’hommage sincère de notre amour, confondu avec le vôtre, est sans doute pour vous, Nosseigneurs, le témoignage le plus flatteur et le plus digne de vous prouver la pureté des sentiments patriotiques que nous avons voués unanimement aux pères de la patrie. « Nous sommes, avec le plus parfait respect, « Nosseigneurs, « Yos très humbles et très obéissants serviteurs, « Les soldats citoyens de l’armée confédérée à Tours. « Signé ; Esnault, président de l’assemblée fédérative ; Le chevalier de Monhoudou, secrétaire; Veau-Delaunay, secrétaire. » M. le Président répond aux deux députations : « Messieurs, c’est à la réunion de tous les hommes qui savent apprécier la liberté que la France devra sa Constitution. « Partout les vrais citoyens, se transformant en soldats, ont trouvé les moyens d’allier la force à la sagesse pour opérer la Révolution;